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L'Ombre de Palerme: Un thriller sur la mafia italienne
L'Ombre de Palerme: Un thriller sur la mafia italienne
L'Ombre de Palerme: Un thriller sur la mafia italienne
Livre électronique142 pages2 heures

L'Ombre de Palerme: Un thriller sur la mafia italienne

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À propos de ce livre électronique

Naissance et genèse d'un parrain de la mafia sicilienne

Giovanni Sanfilippo vit dans la banlieue industrielle de Liège où son père travaille comme ouvrier mineur. La nostalgie de Palerme et de la Sicile ne cesse de l’habiter, mais il quitte Liège pour Paris où il fréquente les hussards dès les années 60. Il s’installe dans le quartier des Halles qui lui rappelle par son animation et ses bruits le vieux Palerme. Il s’occupe activement de son frère Lorenzo qui s’est fait moine à Clervaux avant de quitter le monastère suite à la réforme liturgique. Il finit par épouser la fille d’un chef en fuite de Cosa nostra et rejoint Palerme en 1971. Giovanni y devient avocat avant de s’abîmer dans « l’ombre des choses qui révèle davantage leur nature que les choses elles-mêmes », profession de foi littéraire et philosophique qui accompagne l’entrée progressive de Julien dans Cosa nostra dont il deviendra un des parrains. 

La prose à la fois sèche et lyrique, ironique et élégante de René Swennen anime ce tourbillon événements et de passions dans un style stendhalien qui n’est pas sans rappeler Le Guépard.

Un thriller trépidant, qui vous plongera dans les secrets de la Cosa nostra

A PROPOS DE L'AUTEUR 

Avocat, René Swennen est également romancier et dramaturge. Il s'intéresse de près à l'histoire dans ses romans.

EXTRAIT 

Giovanni Sanfilippo était arrivé à Liège en août 1948 à l'âge de six ans. Son père était plongeur dans un restaurant à Palerme et avait résolu, comme tant d'autres Siciliens à cette époque, de s'expatrier pour vivre. Il avait choisi la Belgique et plus précisément Liège où un cousin l'avait précédé dans un charbonnage. Deux mois auparavant, Giovanni avait fait une excursion avec sa classe sur le flanc nord de l'Etna. Il en avait retenu une impression de noir intense, il aurait mieux valu dire : de noir absolu, qui l'avait pourchassé dans ses rêves pendant plusieurs jours. Ce fut cette même impression désespérante qu'il éprouva à Jemeppe-sur-Meuse dans la banlieue industrielle de Liège où se trouvait le charbonnage dans lequel son père fut engagé comme mineur de fond. Ses parents, son frère Lorenzo et lui habitaient dans une petite maison ouvrière à cent mètres du charbonnage derrière une "paire", c'est-à-dire un terrain vague sur lequel on déversait la houille. Où il qu'il portât ses regards, de la belle-fleur du charbonnage au terril voisin, en passant par la "paire" et le petit chemin de fer qu'empruntaient les wagonnets remplis de charbon, tout était noir. Leur minuscule appartement de Palerme, où l'on étouffait en été, n'était certes pas confortable, mais il lui apparaissait maintenant comme une émanation du paradis par rapport à cet antre de noirceur et de tristesse. À Palerme du moins, la vie bourdonnait autour de lui. Il était réveillé à cinq heures du matin par les cris du marché. Dès six heures, il était dans la rue. Il lui semblait que toute la beauté du monde et que toute la joie de vivre se déversaient dans ces fruits, ces épices, ces pâtes, ces pains, ces poissons. Il connaissait tout le monde et rentrait chargé de petits cadeaux alimentaires. il pensait ne pas pouvoir vivre ailleurs qu'à Palerme. En quittant son appartement pour la Belgique, il en avait embrassé les murs. Sa mère pleurait à chaudes larmes, mais il fallait bien prévoir l'avenir et bénéficier d'une retraite.
LangueFrançais
ÉditeurWeyrich
Date de sortie18 févr. 2014
ISBN9782874892295
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    Aperçu du livre

    L'Ombre de Palerme - René Swennen

    PREMIÈRE PARTIE

    RETOUR À PALERME

    1

    Giovanni Sanfilippo était arrivé à Liège en août 1948 à l’âge de six ans. Son père était plongeur dans un restaurant à Palerme et avait résolu, comme tant d’autres Siciliens à cette époque, de s’expatrier pour vivre. Il avait choisi la Belgique et plus précisément Liège où un cousin l’avait précédé dans un charbonnage. Deux mois auparavant, Giovanni avait fait une excursion avec sa classe sur le flanc nord de l’Etna. Il en avait retenu une impression de noir intense, il aurait mieux valu dire : de noir absolu, qui l’avait pourchassé dans ses rêves pendant plusieurs jours. Ce fut cette même impression désespérante qu’il éprouva à Jemeppesur-Meuse dans la banlieue industrielle de Liège où se trouvait le charbonnage dans lequel son père fut engagé comme mineur de fond. Ses parents, son frère Lorenzo et lui habitaient dans une petite maison ouvrière à cent mètres du charbonnage derrière une « paire », c’est-à-dire un terrain vague sur lequel on déversait la houille. Où qu’il portât ses regards, de la belle-fleur du charbonnage au terril voisin, en passant par la « paire » et le petit chemin de fer qu’empruntaient les wagonnets remplis de charbon, tout était noir. Leur minuscule appartement de Palerme, où l’on étouffait en été, n’était certes pas confortable, mais il lui apparaissait maintenant comme une émanation du paradis par rapport à cet antre de noirceur et de tristesse. À Palerme du moins, la vie bourdonnait autour de lui. Il était réveillé à cinq heures du matin par les cris du marché. Dès six heures, il était dans la rue. Il lui semblait que toute la beauté du monde et que toute la joie de vivre se déversaient dans ces fruits, ces épices, ces pâtes, ces pains, ces poissons. Il connaissait tout le monde et rentrait chargé de petits cadeaux alimentaires. Il pensait ne pas pouvoir vivre ailleurs qu’à Palerme. En quittant son appartement pour la Belgique, il en avait embrassé les murs. Sa mère pleurait à chaudes larmes, mais il fallait bien prévoir l’avenir et bénéficier d’une retraite.

    Giovanni se rendit le 1er septembre, accompagné de sa mère, à l’école paroissiale pour s’y inscrire en première année primaire. Il ne parlait pas le français, mais ce handicap disparut avant même la fin du trimestre. Giovanni ne disait rien, ni en classe ni dans la cour de récréation, et tout le monde était persuadé que l’Italien ne comprenait rien à ce qui se disait. Aux examens de Noël, l’institutrice se rendit compte non seulement que son élève comprenait tout, mais que ses notes en faisaient le meilleur de la classe. Elle le félicita et apposa sur le bulletin une appréciation flatteuse que Giovanni traduisit à sa mère qui en fut émue jusqu’aux larmes. Quant à son père, il ne rentrait à la maison que pour s’effondrer de fatigue sur le lit. Un jour qu’il revenait de l’école, Giovanni fit un détour afin de voir les chevaux qui attendaient devant le charbonnage le remplissage des charrettes ; il aperçut son père assis sur un seuil, qui mangeait ses tartines enveloppées dans un journal, les mains noires de houille. Il ne put l’embrasser, tant le visage de son père était noir. Il repensa à Palerme, à la rue, aux palmiers, à l’Etna et en conçut une profonde mélancolie qui ne le quitta plus.

    Sa seule consolation était l’église paroissiale. Il devint acolyte dès l’année suivante. Il comprenait le latin sans jamais l’avoir appris et accomplissait de manière exemplaire tous les gestes qu’imposait la sainte liturgie. Sa préférence allait aux messes de requiem. Le prêtre portait une chasuble noire et le cercueil qui contenait le corps du défunt était luimême couvert d’un drap noir. Le corbillard était noir, et noire la parure des chevaux, noirs aussi les vêtements des membres de la famille qui accompagnaient le défunt jusqu’au cimetière. Il refusa cette année-là – en 1949 – de retourner en Sicile durant les vacances d’été, car il était certain, s’il y retournait, qu’il n’en reviendrait plus.

    2

    En février 1950, un samedi, alors qu’il accompagnait son père au charbonnage pour s’y doucher comme chaque semaine, des cris se firent entendre et une agitation soudaine gagna les douches. Son père et d’autres mineurs se rhabillèrent en hâte pour se précipiter dans la fosse. Giovanni comprit aux paroles des uns et des autres que son « oncle » Alfonso avait été blessé dans un accident dû à une benne qui avait dévalé sur lui à mille mètres de profondeur. La cabine revint à la surface avec Alfonso inconscient. Il respirait à peine. Du sang coulait sur son visage et traçait des sillons rougeâtres dans le noir de la houille. On le ramena chez lui sur un brancard où un médecin s’efforça de le ranimer. À cinq heures de l’après-midi, il mourut. Effaré, Giovanni contemplait pour la première fois de sa vie le spectacle de la mort. Un croque-mort, qui habitait à proximité, essuya à l’eau claire la face du défunt qui se révéla d’une blancheur de chaux et contrastait singulièrement avec la noirceur du buste et des jambes enduits de charbon. Sans prendre la peine de le laver complètement, le croque-mort lui enfila son unique costume qu’il n’avait guère porté plus de trois ou quatre fois dans sa vie depuis son mariage. Il le rasa et le coiffa, puis lui passa un chapelet entre les doigts qui commençaient à devenir rigides. Giovanni regardait tout cela avec étonnement. Il refusa de quitter la pièce et s’assit sur une chaise à côté du cercueil. Il contemplait le travail de la mort qui conférait à la nature humaine la noblesse que la vie avait été impuissante à lui donner. En vue des funérailles, des tentures noires furent suspendues aux murs de la petite pièce où reposait son « oncle ». Les visiteurs furent nombreux : tout le charbonnage défila, depuis les chefs porions jusqu’aux mineurs de fond en passant par les ouvriers de surface. Le directeur lui-même rendit visite à la famille, et la colonie italienne tout entière se pressa aux funérailles. Une image pieuse représentant sainte Barbe, patronne des mineurs, fut posée sur le cercueil à côté d’une image de sainte Rosalie, patronne de Palerme. Cette image, à laquelle Giovanni ne s’attendait pas, lui arracha des larmes quand, revêtu de son surplis d’acolyte, il accompagna le vicaire de la paroisse pour l’enlèvement du corps. Ce fut la messe de funérailles la plus belle, la plus émouvante à laquelle il participât jamais. L’église paroissiale était pleine de monde. Les femmes pleuraient et les hommes formaient une haie d’honneur pour l’entrée du corps dans l’église. L’introït Requiem aeternam fut entonné avec une netteté exemplaire par un chœur constitué de paroissiens italiens. Un ami de la famille, qui venait d’ouvrir un café où l’on servait des spaghettis, était doté d’une belle voix. La malchance l’avait empêché de faire carrière à l’opéra. (Pour être plus précis, il faut dire que sa femme ne voulait pas qu’il fréquentât les danseuses.) Il chanta le Dies irae avec un éclat digne de Caruso. La vengeance divine s’abattait sur la tête des croyants qui suppliaient à genoux le Christ et la Vierge d’avoir pitié d’eux. Le paradis se profilait à l’horizon grâce à la voix splendide du ténor marchand de spaghettis. Au moment de l’absoute, un collègue palermitain prit brièvement la parole et, s’adressant au défunt, lui dit ces mots en sicilien : « Tu t’appelles personne, comme moi, comme ton père, comme ton oncle Giuseppe. En homme d’honneur, tu as vécu. En homme d’honneur, tu es entré au paradis. Ta pensée ne nous quittera plus. » L’assistance ne comprit pas le sens de ces paroles, à quelques rares exceptions près, et ceux qui les avaient comprises entonnèrent au moment de la levée du corps l’hymne à sainte Rosalie.

    O Rosa fulgida…

    Fiore freschissimo

    o Rosalia,

    accogli il palpito

    del nostro amor.

    Giovanni éclata en sanglots à un point tel qu’il ne put accompagner le corps au cimetière et dut rentrer chez lui. Il voulait revoir Palerme au plus tôt et se rendre à la grotte de sainte Rosalie pour prier.

    La décision fut prise, sur l’insistance de Giovanni, de retourner à Palerme pendant les vacances de l’année 1950, mais alors que les bagages étaient prêts, une grève générale éclata dans toute la banlieue industrielle. Les tramways, les trains, les usines s’arrêtèrent. Les commerces n’ouvraient plus que quelques heures par jour afin de permettre à la population de se ravitailler. La cause en était le retour du roi Léopold III qui, à la manière du roi d’Italie, avait, disait-on, pactisé avec l’occupant durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’y avait pourtant pas eu de Mussolini à la tête de la Belgique ni non plus de maréchal Pétain, mais les socialistes ne voulaient plus de ce roi qui s’était comporté en monarque. À cela s’ajoutait une obscure histoire de mariage morganatique à laquelle les parents de Giovanni ne comprenaient rien. La seule chose qui leur importait était de revoir Palerme, et cela était devenu impossible. Il fallut passer l’été dans la tristesse de la banlieue industrielle. En automne et en hiver, la noirceur du charbon et les fumées des hauts-fourneaux se perdaient dans la pluie et le brouillard. En été, le contraste était cruel. Giovanni et son frère Lorenzo, de vingt mois son cadet, passaient leur temps à jouer au ballon dans la rue ou à lire Tintin et Spirou dans la cour minuscule de leur petite maison. La poussière se déversait sur les pages du livre et souillait le linge que leur mère mettait à sécher sur des cordes. On apprit que la gendarmerie avait tiré sur des manifestants, et qu’il y avait eu des morts. La tension était palpable dans les rues et certains agitaient le spectre de la guerre civile. Un dimanche, le père de Giovanni osa braver les grévistes en se rendant à la messe accompagné de ses deux fils. Des collègues de travail se tenaient à l’entrée de l’église. Ils laissèrent passer l’Italien tout en poussant des croassements. L’église était vide, la population chrétienne avait préféré rester chez elle. La grève cessa tout à coup, comme elle avait commencé. Le roi avait abdiqué, pour laisser la place à son jeune fils. Le père de Giovanni ricana : en Italie du moins, après l’abdication du roi, la république avait été instaurée. La prestation de serment du nouveau roi s’accompagna d’un incident qui ne fut pas sans conséquence. Le député communiste Julien Lahaut osa crier devant les assemblées : « Vive la République ! » Il habitait la localité voisine de Seraing et avait été un inspirateur actif de la grève générale. Bien que la vie eût repris son cours, il se trouva un patriote pour assassiner ce député. On put croire un moment que le Grand Soir allait arriver, mais plus rien ne bougea.

    Il était trop tard désormais pour se rendre à Palerme. Il allait falloir reprendre l’école sans

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