Pour l’amour d’Enzo

Cela aurait pu ressembler à une fête d’entreprise comme il y en avait eu des centaines au cours de la carrière de Lola Grinaldi chez Telman.

Pourtant, ce fut l’événement déclencheur, même si elle ne le sut pas ce jour-là. Quand elle sortit de la salle, la tête échauffée par le bruit, la bière et l’excitation, elle se retrouva dans les rues de Munich sans prendre encore conscience de ce qui arrivait.

Lors de cette fête de fin d’année, on avait tiré les tickets de la tombola organisée par le comité d’entreprise pour les vacances des enfants. Ingrid Schreiber avait gagné le voyage. Un voyage en Italie pour deux personnes.

Rougissante de plaisir et de confusion, l’assistante du directeur adjoint s’était avancée vers l’estrade où l’orchestre avait interrompu son show durant le tirage de la loterie. Les applaudissements avaient crépité, Ingrid avait prononcé quelques mots émus avant de revenir vers Lola qui lui ouvrait les bras pour la féliciter.

– La seconde place sera pour toi, avait aussitôt dit Ingrid à son amie. Ingrid était veuve depuis trois ans et sans enfants. Elle avait ajouté : – Je ne connais pas l’italien alors que toi…

– Non, non, tu as certainement des neveux qui voudront en profiter, et puis, rassure-toi, c’est un voyage de groupe, le guide parlera forcément allemand.

Ingrid avait insisté. Lola s’était laissé convaincre. Poussée par le destin ? Allez savoir…

Dans le taxi qui la reconduisait chez elle, elle réfléchissait à la situation. Elle approchait des 60 ans et cela faisait quarante ans qu’elle rêvait de retourner à Naples.

Le désir ne s’était jamais apaisé, tapi au plus profond de son cœur, sous son apparente placidité.

Depuis bientôt quarante ans, Frau Lola Grinaldi était l’épouse sans histoires et apparemment mère d’une fille – aujourd’hui opticienne à Hambourg – et d’un fils – biologiste dans les laboratoires de sa grand-mère paternelle.