La Corneille Bonaparte: Roman
Par Christian Vellas
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À propos de ce livre électronique
Cet oiseau est l’un des plus intelligents de la gent ailée, et son QI évalué par les ornithologues est stupéfiant. Certains chercheurs n’hésitent pas à le nommer le « Einstein à plumes de la création » ! Ces étonnantes facultés ont été vérifiées par l’auteur qui a élevé une corneille durant quelques mois. Et a dû servir de mère corneille improvisée : comment apprendre à voler à Bonaparte, comment lui interdire d’attaquer le facteur, comment lui faire comprendre qu’on ne crève pas les parapluies quand il y a une vieille dame dessous… Finalement, il a fallu se résoudre à rendre Bonaparte à la nature. Ce qui a failli lui coûter la vie, les corneilles « sauvages » considérant cette intruse éduquée dans un autre monde comme un danger pour leur clan. Heureusement, Bonaparte, par la force des circonstances, avait encore fait progresser cette intelligence supérieure dont est dotée son espèce. Et a su triompher de toutes les épreuves Mais laissons… la plume à la corneille Bonaparte. Qui mieux que personne nous croasse le récit de sa vie. Seule mise en garde de l’auteur-traducteur : il a fait de son mieux, mais, comme le prétend Bonaparte, le langage des corneilles étant plus riche que le vocabulaire brouillon des humains, il faut lire entre les lignes pour saisir toute la philosophie de ce message.
Un petit roman atypique à ne pas manquer !
EXTRAIT
Je monte, je monte, je ne redescendrai plus. J’ai eu une belle vie. Je monte pour rejoindre dans les nuages un papillon doré et noir. L’air chaud d’un courant ascendant me soulève. Plus haut, toujours plus haut. Je quitte la terre. Après quarante-deux couvées, j’aurais pu, comme les autres corneilles, m’endormir sous un buisson. Mais je ne suis pas une corneille ordinaire… J’ai appris à voler comme un aigle, je suis une exception. Une championne hors normes. Quand on est sur le point de mourir, on peut enfin oser l’orgueil. Ce n’est pas de la suffisance, mais un constat. Pourquoi ne pas être fier de soi quand on fait le bilan de son existence ?
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE
- « Dans ces pages, l'oiseau s'exprime sans retenue. C'est plein de bon sens, de philosophie, de finesse, de tendresse et de sourires. » - Le Journal de Veyrier
- «[C]e petit ouvrage, que n'aurait pas désavoué un Jean de la Fontaine, se dévore aussi bien par les jeunes que par les adultes. Il ressemble à son auteur au regard franc, clair et naturel. » - La vie protestante
- « " Je ne suis pas une corneille ordinaire. "A moins d’aimer les coups de bec, inutile de contredire ce drôle d’oiseau-là, unique narrateur de La corneille Bonaparte, à qui Christian Vellas, le plus genevois des nimois, auteur de plusieurs ouvrages sur la cité de Calvin […], prête sa plume dans ce joli petit conte original et philosophique. » Vigousse
À PROPOS DE L'AUTEUR
Tombé dans la lecture dès l'enfance, Christian Vellas commence à rédiger ses premiers textes à l'âge de dix ans. Après avoir passé tout sa carrière en tant que journaliste à La Tribune de Genève, il a publié son premier roman, Ce jour-là, Monsieur le juge, en 2010. La Corneille Bonaparte constitue son deuxième roman.
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Aperçu du livre
La Corneille Bonaparte - Christian Vellas
blanc.
I
Enfance et adolescence chez les humains
Je monte, je monte, je ne redescendrai plus. J’ai eu une belle vie. Je monte pour rejoindre dans les nuages un papillon doré et noir. L’air chaud d’un courant ascendant me soulève. Plus haut, toujours plus haut. Je quitte la terre. Après quarante-deux couvées, j’aurais pu, comme les autres corneilles, m’endormir sous un buisson. Mais je ne suis pas une corneille ordinaire… J’ai appris à voler comme un aigle, je suis une exception. Une championne hors normes. Quand on est sur le point de mourir, on peut enfin oser l’orgueil. Ce n’est pas de la suffisance, mais un constat. Pourquoi ne pas être fier de soi quand on fait le bilan de son existence ?
Dans la mémoire des corneilles, je resterai comme un guide, un précurseur. J’ai tiré mon peuple vers plus de savoir. Plus de bravoure. Grâce à moi il aura progressé. D’autres corneilles remarquables viendront sans doute et continueront à faire évoluer notre race. Un jour, peut-être, nous dépasserons les humains. En sagesse, tout au moins. Un but qui paraît raisonnable.
Je monte, je monte. Je suis fatiguée. J’écarte mes ailes, je plane, je n’ai plus la force de brasser l’air. Il faut pourtant que je force encore, et encore, jusqu’à ce que mon cœur éclate. Je veux finir dans la haute lumière, je veux exploser au bout de cet ultime vol, je veux exploser au bout de…
Je suis née à onze mètres de hauteur, dans un peuplier d’Italie. C’est beau l’Italie. L’oncle Croina m’en a parlé. Il y a fait son voyage de couple, dans sa troisième année. Il m’a raconté les cyprès, le riz, les grasses grenouilles, les décharges d’ordures : un pays de cocagne.
Onze mètres… D’habitude, nous autres corneilles arrimons notre nid un peu plus bas, huit mètres étant la bonne moyenne. Mais mon père, Croidur, a toujours voulu s’élever au-dessus de sa condition. Les milans noirs nichent dans les grands arbres : pourquoi pas nous ? Nous en sommes capables ! affirmait-il fièrement. Il faut savoir viser haut et ne pas avoir peur de regarder vers le ciel !
Mais je croasse, je croasse et mon esprit vole en zigzag… Quand j’ai cassé ma coquille, il y avait deux braillards à mes côtés. Deux boules couvertes de duvet gris cachant mal une peau rouge et fripée. D’où jaillissaient à intervalles réguliers deux becs, ouverts jusqu’au croupion. Il suffisait que l’on entende l’arrivée d’un ravitaillement, un bruit d’ailes refermées, et on écarquillait le clapet au maximum, les yeux encore fermés. Je m’étais tout de suite appliquée à imiter mes frangins, mais j’étais la seule demoiselle de la couvée et ils ne me faisaient pas de cadeau. En fait, on ne me remplissait le bec qu’une fois sur douze, quand l’abondance de nourriture les laissait hébétés, au bord de l’étouffement. Il faut dire – chez nous on ne « dit » pas, on croasse. Je traduis donc : je sais que les humains ne sont pas assez intelligents pour apprendre notre langage – que nous étions alimentés par toute une parentèle. Par mon père tout d’abord, qui avait aidé à faire notre nid. Se contentant toutefois d’apporter les matériaux. Notre mère, Croinette, avait organisé à sa façon son intérieur. Les mères sont plus douées pour l’arrangement. Elle avait confectionné une couche moelleuse, faite d’herbes sèches, de brins de laine, de plumes, de crins… De papier aussi, et de feuilles de plastique : c’était une corneille moderne. Est-ce que je me souviens de sa chaleur quand elle couvait nos œufs vert-bleu tachés de gris ? Sur la fin peut-être, vers le dix-huitième jour, juste avant de prendre la décision de briser la coquille. Mais je ne jure de rien… Naître est plus flou que mourir.
Notre mère ne nous quittait pas, afin de veiller en permanence et faire front aux brigands des arbres et du ciel : écureuils, pies, geais, rapaces du jour ou de la nuit. Elle était donc, elle aussi, ravitaillée par toute une bande de cornouillards, soit les jeunes de l’année d’avant qui ne quitteraient le cercle familial qu’à leur majorité sexuelle. Chez nous, la famille est sacrée : nous connaissons nos grands-parents, nos oncles et nos tantes. Et nous les respectons ! En cas de rébellion, la sanction de la communauté est prompte : le coupable est jugé dans l’arbre à procès. De façon impitoyable et expéditive. J’aurai l’occasion d’en croasser plus tard.
Mal nourrie, j’étais chétive. Mes deux frères, gros et gras, prenaient toute la place. Je piaillais plaintivement et les longues journées passées dans le vent et le froid (notre « onze mètres » faisait des envieux, mais question chauffage ce n’était pas l’idéal) m’affaiblissaient toujours plus. Qui alors aurait pu prédire le destin exceptionnel qui m’était promis par Dieu – fait à notre image – dans son infinie cornitude ? Ce fut un événement apocalyptique qui précipita les choses. De haut.
La tempête était annoncée. J’entendais les adultes qui en parlaient, inquiets. Ils ressentaient dans leurs corps des vibrations annonciatrices, des ondes messagères. Le ciel devint noir. Tous les bruits de la forêt s’arrêtèrent. Le silence était si angoissant que je me mis à crier à tue-tête. Mes piaillements, peu perceptibles à l’ordinaire, se répercutaient de bosquet en bosquet avec une force incroyable. Il fallut me faire taire : je reçus un coup de bec réprobateur. À cet instant, un formidable coup de tonnerre nous fit nous recroqueviller de terreur. C’était bien