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Une vie en Luberon: Chroniques rurales du sud de la France
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Une vie en Luberon: Chroniques rurales du sud de la France
Livre électronique187 pages2 heures

Une vie en Luberon: Chroniques rurales du sud de la France

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Mémoires d'un paysan au contact des évolutions techniques agricoles

Guy Jussian est fier d’être un paysan. Né en 1934 dans un village au pied du Luberon, il a travaillé la terre toute sa vie, sur les traces de ses ancêtres. Témoin vivant du grand basculement du monde agricole, quand la machine s’est substituée aux chevaux et aux faucilles, il raconte ici son pays et livre les chroniques d’une agriculture paysanne qui donne autant qu’elle prend à la terre, de façon harmonieuse. Il confie les secrets de son métier, fait revivre les travaux d’antan et invite le lecteur à la coupe des lavandes, à la récolte des fourrages, à la cueillette des cerises, à la chasse aux truffes ou au gibier, et à la transhumance du troupeau de moutons. De l’école au conseil municipal, Guy relate son parcours au cœur d’une région magnifique et d’une nature aux richesses méconnues, peu à peu transfigurée par le tourisme. Car ce livre, c’est aussi le combat d’un homme, d’un paysan, d’un maire aux idées fortes : pour la survie de la région et de ses habitants, contre le dépeuplement, contre les ravages d’une société de plus en plus urbanisée, mécanisée et inégalitaire, où l’on fait d’abord les comptes avant de transmettre son histoire.

Guy Jussian livre ici un témoignage richement documenté, sur les traces de sa campagne luberonne

EXTRAIT

Je suis né en 1934 à Auribeau, comme mes ancêtres depuis plus de dix générations, dans ce village qui s’accroche au Luberon comme s’accrochent les paysans à ces terres maigres de nos régions.
C’est en 1835 que mon arrière-grand-mère, Élisabeth Testanière, lors de son mariage avec Frédéric Jussian, quitta le village pour s’installer à Villars, où ils fondèrent une famille. Quatre enfants naquirent : une fille et trois garçons, dont mon grand-père Louis Jussian, que je n’ai pas connu.
En 1904, Louis Jussian et son épouse Marie-Louise Guigou revinrent sur les terres de leurs parents à Auribeau. Un retour aux sources avec quatre enfants aussi : deux filles et deux garçons, dont mon père, Aimé Jussian, qui n’avait alors que trois ans. Il fut scolarisé au village dans l’ancienne mairie, située audessus du four à pain. L’école sera installée plus tard dans le presbytère où habitait à l’époque le vieux curé. Aimé se maria en 1926 avec Marie-Louise Clément, qui vivait dans la commune de Caseneuve. Mes deux frères aînés virent le jour en 1928 et 1929 et ma jeune soeur en 1943. Nous habitions alors la ferme isolée des Plaines, dont le confort était limité.
LangueFrançais
Date de sortie2 juil. 2015
ISBN9782350743509
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    Aperçu du livre

    Une vie en Luberon - Guy Jussian

    Auribeau, au printemps, 1975.

    AVANT-PROPOS

    Je suis né en 1934 à Auribeau, comme mes ancêtres depuis plus de dix générations, dans ce village qui s’accroche au Luberon comme s’accrochent les paysans à ces terres maigres de nos régions.

    C’est en 1835 que mon arrière-grand-mère, Élisabeth Testanière, lors de son mariage avec Frédéric Jussian, quitta le village pour s’installer à Villars, où ils fondèrent une famille. Quatre enfants naquirent : une fille et trois garçons, dont mon grand-père Louis Jussian, que je n’ai pas connu.

    En 1904, Louis Jussian et son épouse Marie-Louise Guigou revinrent sur les terres de leurs parents à Auribeau. Un retour aux sources avec quatre enfants aussi : deux filles et deux garçons, dont mon père, Aimé Jussian, qui n’avait alors que trois ans. Il fut scolarisé au village dans l’ancienne mairie, située au-dessus du four à pain. L’école sera installée plus tard dans le presbytère où habitait à l’époque le vieux curé. Aimé se maria en 1926 avec Marie-Louise Clément, qui vivait dans la commune de Caseneuve. Mes deux frères aînés virent le jour en 1928 et 1929 et ma jeune sœur en 1943. Nous habitions alors la ferme isolée des Plaines, dont le confort était limité.

    Pour nous déplacer, nous n’avions que le cheval et la jardinière, cette petite carriole typique. Le cheval rendait bien des services : travaux des champs toute l’année, transport à Apt pour la vente du bétail (agneaux, poules, lapins et dindes lors des fêtes) qui permettait aux parents d’acheter ce que ne produisait pas la ferme, c’est-à-dire le sucre, l’huile, le savon… Au printemps, mon père ramassait des escargots, qu’il portait au marché avec les productions de l’exploitation. Il pouvait y en avoir jusqu’à cent kilos, dont la vente permettait les achats hebdomadaires d’épicerie et de petit matériel. Plus tard, c’est moi qui allai à la chasse aux escargots. Pour remplir un seau de dix litres, il fallait à peine une heure. Au petit jour après la pluie, les branches de genêt pliaient sous leur poids. On en recueillait une poignée de cinq ou six d’un seul geste. Aujourd’hui, pour en dénicher tout simplement un fricot, il faut s’y reprendre à plusieurs fois. Il est interdit d’en ramasser avant le 1er juin, période de reproduction, mais les produits anti-limaces, fabriqués et vendus librement sous forme de granulés, font beaucoup de dégâts, détruisant petits et gros sans discernement, alors que le ramassage laisse les petits grossir et sauve ceux des gros qui échappent au regard du chercheur.

    La jardinière et le cheval nous servaient donc pour rapporter non seulement l’épicerie mais aussi tout le matériel nécessaire à l’exploitation. Il nous fallait entre une heure et une heure et quart, selon le temps et le chargement, pour parcourir les huit kilomètres qui séparaient le marché de la ferme.

    Je me souviens encore de ces moments de joie, lorsque j’avais entre sept et dix ans et que les parents nous disaient : « Bientôt, nous monterons au sommet du Luberon. » Si cette promenade tardait, nous la réclamions. Le moment venu, nous allions par les chemins communaux et les sentiers, entretenus par le passage des chevaux, des troupeaux et des traîneaux qui servaient au débardage du bois de la montagne. Nous cheminions environ une heure et demie pour arriver au sommet. Là, quelle vue ! On regardait s’étendre la vallée de la Durance, l’étang de la Bonde, le bassin du Réaltor et, beaucoup plus loin, l’étang de Berre que nous n’apercevions que par temps clair. Nous découvrions aussi des arbres qui ne poussent qu’à cette altitude : le fayard, le houx, l’alisier, tous en très grand nombre au sommet. Un peu plus loin, à l’est, se trouvait la forêt des cèdres, qui est un bois communal de Saignon. C’étaient des cèdres énormes, de vingt à vingt-cinq mètres de haut, des troncs d’une très grande circonférence dont on disait qu’il fallait être deux ou trois pour en faire le tour – une mesure de longueur qui n’avait rien de précis, puisque dépendant de la longueur des bras des individus, différente selon les âges.

    Le sommet était couvert de pins d’un vert très foncé. Du village, on les aurait dits noirs, contrairement à ceux que nous avons au pied du massif, des pins branchus et d’un vert clair. Cette impression a peut-être contribué à la dénomination de « Mourre Nègre », pour désigner le point culminant du grand Luberon, à mille deux cents mètres d’altitude.

    Le soir, nous regagnions le village par l’un des quatre chemins descendant du sommet. À l’ouest de la commune, l’un d’eux mène aux prés de Blanc, sur la route de Sivergues. Celui de « Femme morte », passe par l’amourraïa dou (littéralement « mettre du foin dans l’aqueduc », ce terme désigne le lieu où les charretiers allant d’Apt à Marseille donnaient à manger aux chevaux). Enfin, les chemins de la Font Jean de Martin – qui doit son nom à une petite source, asséchée depuis longtemps, qui formait un point d’eau presque toute l’année à mi-chemin du parcours – et du Végié – du nom d’un arbuste de la famille des saules – permettent eux aussi de revenir au village. Quand nous descendions par le premier, nous passions devant plusieurs emplacements de charbonnières datant des années 1915-1920. Sur le secteur, il y avait alors une exploitation de la forêt de grande envergure. Un peu plus bas, le grand rocher du Haut Maubois, en voûte, renvoyait un écho qui ne s’arrêtait plus, se répercutant de vallon en vallon jusqu’au sommet.

    Quand nous redescendions par le Végié, on ne manquait pas de s’arrêter à l’unique arbre de ce nom des alentours, car s’il pousse en quantité dans les endroits humides, en bordure du Calavon ou de la Durance, celui-là était le seul. Mon père pensait qu’il y avait une source en dessous, qui lui permettait de vivre.

    Sur la crête qui sépare ces deux vallons se trouvait la baume de Petier, où le rocher percé de part en part permet de s’abriter des orages.

    Et nous rentrions à la ferme des Plaines. J’étais très fatigué et pourtant heureux d’avoir fait cette grande promenade dans ce massif presque désert, sans trace humaine, mais non dénué de vie pour autant, et d’une exceptionnelle beauté. Les oiseaux chantaient tout au long du chemin, des merles, des geais… Des compagnies de perdrix couraient sur le sentier sur une centaine de mètres et s’élançaient, prenant leur envol en montant tout droit. Puis, arrivées à une certaine hauteur, les ailes aplaties contre le corps, elles planaient en piqué jusqu’au bas du Luberon. De temps à autre, un lapin sortant d’une touffe détalait la queue en l’air. Au sommet, quelques bartavelles, des perdrix très rares, énormes, le double en poids de la perdrix rouge.

    Quel bonheur que ces journées passées en pleine nature, dans cette montagne recélant tant de ressources et riche d’une faune et d’une flore si variées !

    Cela me paraît d’un autre siècle.

    Il a fallu l’intervention de l’administration qui, sans mesure, en 1962, a mutilé ce massif tranquille, a coupé les chemins communaux en traçant des pistes de cinq mètres de plate-forme, l’une courant du nord au sud, l’autre d’est en ouest, qui écrasent tout sur leur passage sans tenir compte des sites, comme par exemple l’emplacement de l’ancien village d’Auribeau, avec ses dallages aux abords de la chapelle Saint-Pierre. Aujourd’hui, à coups d’arrêtés préfectoraux et avec la bénédiction du parc régional, les mêmes services administratifs des Eaux et Forêts, qui dépendent du ministère de l’Agriculture, voudraient nous interdire l’accès à nos terrains par la piste, alors que presque tous les chemins communaux qui les desservaient ont été balayés par les bulldozers.

    Au début du XXe siècle, les habitants participaient tous à l’entretien des chemins communaux. Ils devaient des journées de travail aux communes. Ils leur arrivaient même d’entretenir les routes départementales qui n’étaient pas encore goudronnées. Ils transportaient avec le cheval et le tombereau des cailloux et du gravier qu’ils répandaient, puis nivelaient au râteau. Mon père l’a fait plusieurs années. Il était alors rémunéré par l’État et payé par la perception.

    Ma grand-mère me racontait les divers travaux effectués par son mari pour gagner sa vie et élever leurs enfants. L’été, il faisait le « moissonnier » : il partait de Cavaillon, où la maturité des blés est précoce, et terminait sur le plateau d’Albion, plus tardif.

    À cette époque, le marché des travailleurs se tenait sur la place publique. Les employeurs venaient choisir le travailleur qui leur convenait le mieux pour les tâches qu’ils avaient à proposer. Mon grand-père, lui, fonctionnait autrement. Tous les ans, il était embauché dans les mêmes fermes, celles où il était connu.

    Sur ces marchés, on proposait l’arrachage de la garance, d’autant plus pénible que les racines s’enfonçaient jusqu’à cinquante centimètres sous terre ; il y avait également du travail pour les mines d’ocre, dans le secteur de Rustrel et de Gargas. Cet emploi comprenait le lavage, le transport et la transformation du produit, l’ocre représentant la plus grosse activité du pays d’Apt, car les produits synthétiques n’entraient pas encore dans la préparation des peintures.

    L’hiver, mon père faisait des coupes de bois. Quand j’étais jeune, à une époque où l’on ne gaspillait rien, on faisait des fagots de « rames » (branches) pour le troupeau, lorsqu’elles arrivaient à maturité au mois de septembre, et on les entassait dans une remise. Tous les soirs, on suspendait aux poutres de l’étable, grâce à des crochets en bois et un bout de corde, quatre fagots comme complément de nourriture, et pour économiser un peu de fourrage. Le matin, tout était décortiqué et il ne restait plus que les « bocs » (tiges), que l’on allait porter au boulanger de Saignon avec des fagots de genêt assemblés pendant l’hiver et qui servaient à chauffer le four.

    En gardant les moutons, ma grand-mère portait toujours un sac où glisser les « estelons » (copeaux) qu’elle ramassait pour allumer le feu dans la cheminée ou la cuisinière. L’hiver, nous faisions presque tout à la cheminée : la cuisine, le café… Dans une grosse marmite accrochée à la crémaillère, on mettait à bouillir pommes de terre, courges et betteraves pour nourrir les cochons. Un petit chaudron en cuivre était en permanence sur la braise, ce qui tenait de l’eau chaude toute la journée pour la cuisine et les besoins domestiques.

    Voilà donc mes parents et grands-parents, la ferme et les travaux agricoles, mon pays, ce cher Luberon où j’ai eu la chance de naître, travaillé et façonné au fil des siècles par mes ancêtres et beaucoup d’autres habitants du cru, comme l’on dit. Voilà tout ce qui allait devenir ma vie, et dont je vais vous parler.

    La classe d’Auribeau, en 1948. De gauche à droite, Annie Agnel, Élise Levrino, Annie Donnat, Marguerite Porachia et Jeannot Porachia.

    L’ÉCOLE

    À cinq ans, j’ai commencé à aller à l’école communale de Saignon. Quatre kilomètres à pied matin et soir, que je faisais avec mes frères aînés. En chemin, nous retrouvions les enfants des fermes voisines.

    J’ai débuté dans la classe de Mme Parlange, que j’ai eue comme institutrice pendant quatre ans : une femme très douce, d’une gentillesse extraordinaire et qui savait s’y prendre avec les gamins.

    Le travail ne devait pas être facile dans une classe où les cours préparatoire, élémentaire et moyen étaient mêlés, avec une quarantaine d’élèves. Je ne l’ai jamais vue faire grève ni entendue se plaindre de la surcharge d’effectifs. Après Mme Parlange, ce fut un défilé d’institutrices qui, bien souvent, ne restaient qu’une année scolaire.

    Les quatre kilomètres parcourus matin et soir ne nous empêchaient pas de jouer et courir tels des fous dans la cour de récréation et quelquefois, malgré l’interdiction, jusque dans les ruines du vieux Saignon.

    Nous emportions notre déjeuner, que nous mangions dans la cour de récréation les jours de beau temps et sous le préau lorsqu’il pleuvait. L’hiver, par grand froid, nous étions autorisés à manger dans la classe. Puis une cantine fut créée pour les enfants qui venaient de loin. Mme Pin nous préparait les repas, aidée parfois par sa fille Juliette. Nous déjeunions dans une très grande salle, peu éclairée, dans une ruelle du centre de Saignon. Une longue table y était dressée et, à midi, tous les enfants arrivaient dans le calme après s’être lavés les mains. Alors le repas pouvait commencer. Si des voix s’élevaient du fond de la salle, Mme Pin ne tardait pas à crier : « Les enfants, du

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