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Les enfants de la Guerre
Les enfants de la Guerre
Les enfants de la Guerre
Livre électronique203 pages3 heures

Les enfants de la Guerre

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À propos de ce livre électronique

C'est le récit, sans fioriture du parcours d'un jeune garçon, pris entre la joie de vivre en milieu rural et le conflit de 1939-1945. Séparé avec son frère de ses parents au moment de l'exode, il a vécu l'occupation allemande et les bombardements, de la campagne à la ville, d'école en école... pour revenir après la libération dans son village natal, heureux de retrouver sa joie de vivre !
LangueFrançais
Date de sortie27 déc. 2011
ISBN9782312006123
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    Les enfants de la Guerre - Marcel Mansart

    cover.jpg

    Les enfants

    de la Guerre

    Marcel Mansart

    Les enfants

    de la Guerre

    Autobiographie des années de guerre

    LES ÉDITIONS DU NET

    70, Quai Dion Bouton – 92800 Puteaux

    © Les Editions du Net 2011

    ISBN : 978-2-312-00612-3

    Je dédie ce récit à mon frère Claude, qui,

    j’en suis sûr, aurait aimé le faire à ma place.

    J’ai écrit ce texte sans fioriture,

    aussi simplement que nos âmes d’enfants

    ont ressenti les événements,

    et que des milliers d’enfants ont subi.

    Nous sommes des enfants de la guerre.

    Prologue

    Venette est un petit village de l’Oise, près de Compiègne, dont les habitants sont essentiellement des hommes et des femmes de la terre. Les petites fermes animées nourrissent tout le village et donnent du travail à tous. Ici se tient la ferme Meunier, dont l’important cheptel en fait l’une des plus prospères. Elle est campée au pied de la grande église gothique dont la flèche, droite comme un i, s’élance vers le ciel et domine le village. Un peu plus loin, se tient la ferme Estrat, de moindre importance mais tout aussi active avec ses quinze vaches laitières, dirigée de main de maître par Madame Estrat veuve, supplée par son fils Jean. Puis vient une succession de petites exploitations dont les attelages animent les rues chaque matin en martelant le sol, ils sont menés par les charretiers qui partent dans les champs. Ce sont le blé, l’avoine, l’orge, les betteraves, et autres pommes de terre qui constituent les principales ressources nourricières des hommes. Pour le fourrage des animaux, on cultive le maïs, l’herbe, la luzerne… à chaque saison sa culture. Les travaux des champs occupent une multitude d’hommes et de femmes connaissant parfaitement les tâches à effectuer. Dans les fermes, bouviers et vachers s’activent autour des vaches, chevaux et autres animaux, à cornes ou non. Ils sont chargés de la traite, de l’entretien des écuries et étables, de nourrir les bêtes…

    Dans le village paraît souvent Monsieur le curé. Il sort de la cure, drapé dans une soutane noire qui fait dire à Grand-père « On dirait un corbeau », il traverse la rue, entre dans l’église, s’accroche à la longue corde qui monte vers les cintres du clocher, tire avec un han ! d’effort qui le soulève de deux mètres, puis il redescend alors que là-haut les cloches se mettent à sonner. Pendu au bout de sa corde, il monte et descend, sa soutane virevoltant au rythme imprimé par les lourds carillons de bronze, effort nécessaire pour rappeler les ouailles à leurs devoirs. Monsieur le curé, c’est aussi celui que l’on voit, de temps en temps, traversant le village encadré par les enfants de chœur vêtus de longues toges rouges recouvertes d’un camail blanc brodé sur les bords, l’un porte l’ostensoir, l’autre une croix, le prêtre le seau d’eau bénite. Ces jours-là, tous suivent un corbillard couvert de fleurs disposées en couronnes ou en simples bouquets. Trois chevaux recouverts de draps noirs tirent le convoi mortuaire d’une marche lente, transportant un fidèle vers sa dernière demeure, accompagné par une foule triste et silencieuse. Sur son passage, les gens se signent, la peur sans doute de recevoir un mauvais sort.

    Venette, c’est aussi Martine la voisine qui chaque matin passe devant la maison de mes grands-parents, brouette en mains, faux bien calée entre les brancards pour aller faucher la luzerne de ses lapins. Tandis que la bistrotière, Madame Jean, sert un dernier café bien chaud à ceux qui partent pour une dure journée de labeur dans les champs. Dès le matin, c’est un monde disparate qui anime ainsi le village, qu’importe le temps, qu’il pleuve, vente, neige ou grêle il y a toujours une tâche à accomplir, immuablement.

    La maison de mes grands-parents se situe à l’entrée nord du village, au 17 Rue de Corbeaulieu, juste dans le virage et en bas de la descente de cette très longue route qui mène dans la campagne dont les cultures changeantes au gré des saisons s’étendent à perte de vue. L’habitation est une ancienne ferme dont la cour est ceinte d’un mur de moellons disparates et fermée par une grande porte de bois dans laquelle se trouve un petit portillon. Une fois le portillon franchi nous sommes dans une grande cour avec, à gauche une première bâtisse composée d’une pièce unique au rez-de-chaussée et d’un grenier à l’étage. C’est dans cette pièce principale que se déroule l’essentiel de la vie de la maison : les repas, les discussions, les toilettes en hiver, les veillées. La cheminée n’est plus utilisée, un poêle à bois la remplace, il a un réservoir d’eau incorporé, ce qui donne de l’eau chaude en permanence que l’on tire d’un petit robinet situé sur la partie basse de la cuisinière. Des chaises de bois en cannage sont disposées tout autour de la grande table ; contre le mur se dresse un buffet dans lequel on trouve la vaisselle légère : assiettes, verres, soupière, saladiers, etc. et un grand placard garni d’étagères sur lesquelles est bien rangé l’indispensable pour la préparation des repas : casseroles, fait-tout, cocotte de fonte noire, boîtes de sel, sucre, farine, quelques torchons pour la vaisselle. Un garde-manger, c’est-à-dire une grande caisse en bois grillagée d’une fine toile métallique transparente, est suspendu au plafond. Les ouvertures de la pièce donnent un éclairage suffisant en plein jour : la porte qui est en partie vitrée et deux fenêtres, l’une ouvrant sur la cour, l’autre sur la rue. Pour l’éclairage de nuit, une lampe à pétrole est posée sur le rebord de la cheminée, son réservoir qui sert de socle est surmonté d’un long tube en verre dans lequel sort une large mèche dont une grande partie trempe dans le réservoir. C’est dans cette pièce chauffée que Maman m’a mis au monde avec l’aide d’une sage-femme. C’est ici aussi que mes parents dorment, dans un lit-cage (un lit en fer que l’on déplie à la demande).

    Au-dessus de cette pièce, sous le toit de tuiles rouges, s’étend le grenier, véritable réserve à légumes secs. Sur son sol, bien alignés, les oignons à pelures jaunes gros comme le poing, accrochés aux solives du toit des sacs en jute marron dans lesquels se trouvent tête en bas des pieds de haricots secs. Quelques pommes délicatement posées sur des journaux à même le sol attendent d’être cuites au four.

    Il faut sortir de cette pièce unique et retourner dans la cour pour accéder aux autres bâtiments : à droite de cette première bâtisse, une autre, plus imposante, à laquelle est accolée une grange qui donne accès au grenier. Un peu plus loin, un escalier monumental conduit dans l’habitation composée de trois grandes pièces : les chambres. Dans la première mon lit et celui de Mémère. Dans une autre, le couchage de Pépère avec sa table de nuit et son armoire. La troisième est réservée aux invités, c’est-à-dire essentiellement mes tantes et oncles et mes parents qui y dorment depuis ma naissance.

    Au pied de l’escalier et à l’extérieur, une construction en pierres de taille : le puits, unique point d’eau de la maison.

    De l’autre côté de la cour, sur la gauche, la bergerie qui abrite une chèvre, le bouc et deux cabris. Un peu plus loin, une porte derrière laquelle un escalier permet de descendre, dans l’obscurité totale, dans une cave profonde : c’est la réserve où sont stockées pommes de terre et viandes conservées dans de grandes jarres de grés.

    À une dizaine de mètres de la cave s’élève une barrière suffisamment haute pour empêcher les volatiles de s’échapper et derrière laquelle se trouve le poulailler abritant quelque trente poules et coqs s’alignant la nuit sur des perchoirs juxtaposés. Le jour, ils sont en liberté dans une cour, en retrait de l’habitation, où l’on trouve le clapier. Les lapins bien au sec dans des cages spacieuses s’ébattent et mangent selon leurs envies. Tout près un espace a été creusé pour les déjections des bêtes, en particulier les pailles souillées : cet endroit est le trou à fumier.

    À quelques pas de là, une petite cabane au toit de tuiles rouges : les commodités ou W.-C. à la turque, un lieu simple, sans eau, muni d’une fosse profonde et d’une simple porte de bois qui en ferme l’accès.

    Au-delà vient un grand bâtiment : la grange aux fourrages, dont l’étage est accessible par une échelle, et où attendent, empilées les unes sur les autres, bien ordonnées, les balles de foin dans un coin, les bottes de paille dans un autre.

    Tout à côté une remise : c’est la réserve à bois où les bûches sont entassées jusqu’au toit. Un tas de bois coupé, prêt à être utilisé dans la cuisinière, occupe tout un coin. À cet endroit commence le jardinet protégé par une clôture de grillage, une simple petite porte grillagée en permet l’accès. Dans ce jardin quelques plantations de légumes : carottes, poireaux, oignons. Des arbres fruitiers : un cerisier, des pruniers, des groseilliers, les uns donnant des groseilles rouges, les autres des noires et d’autres encore des groseilles à maquereaux. Le fond du jardin s’arrête au pied du mur de moellons qui délimite la propriété.

    Par un beau matin d’avril, alors que Maman est occupée avec ses parents à planter des pommes de terre dans leur champ du petit village de Venette, elle ressent les premières douleurs d’un accouchement qu’elle attend impatiemment depuis quelques jours. C’est ainsi que ce mercredi 4 avril 1934 je vis le jour.

    Mes parents se sont installés à Compiègne en 1936 après quelques orageuses discussions avec mon grand-père qui souhaitait voir son gendre travailler avec lui dans les champs. Mais, le véritable travail pour mes parents, se trouvait en ville, il n’était donc pas question pour eux de rester à Venette. Ils ont emmené avec eux Claude, mon frère aîné de trois ans tandis que je restais à Venette. C’est ainsi que j’ai été élevé par mes grands-parents maternels, Pépère et Mémère Paillet, jusqu’à l’âge de 4 ans, dans une ambiance campagnarde, douce et pleine d’enseignements.

    I

    Aujourd’hui dimanche, je suis heureux, Mémère vient de me dire qu’elle va me faire une grande toilette, Papa doit venir me chercher pour m’emmener à Compiègne où je vais rester un certain temps. Pour la grande toilette, Mémère prépare la bassine en fer, celle qui lui sert pour la lessive, la charge en eau chaude tirée de la cuisinière. Elle me fait quitter le pyjama, me voici tout nu. Heureusement, la pièce, chauffée au maximum par la cuisinière, répand une douce chaleur. Me prenant à bras-le-corps elle me dépose dans la bassine, tout d’abord je m’assieds, l’eau me monte jusqu’aux épaules, une sensation de bien-être m’envahit : la température du bain est si agréable que l’eau et mon corps ne font qu’un. Mémère, armée d’un gant de toilette dans une main et d’un savon de Marseille dans l’autre, commence à me frotter, me levant dans une gerbe d’eau ruisselante, sa main moussante monte, descend, tourne, puis passe par la tête, je rouspète, le savon me coule partout. Mes yeux commencent à me piquer, avant que je puisse râler ou pleurer, une douche m’arrive dessus, un rinçage en règle, des mains énergiques me soulèvent, l’eau gicle autour de moi. Enfin, je me retrouve debout sur une chaise, emmailloté dans une grande serviette-éponge, je suis frictionné, secoué, jusqu’à être aussi sec qu’un légume et aussi nu qu’un ver. Cette situation inconfortable ne dure qu’une minute, Grand-mère, toujours aussi prompte, m’enfile maillot de corps, pantalon court à bretelles, pull léger, en un rien de temps je suis de nouveau présentable.

    Le temps aujourd’hui est très beau, le ciel bleu laisse paraître des stratus, ces fins nuages qui annoncent une période de journées ensoleillées. À l’instant où les cloches de l’église du village sonnent la messe, mon père pénètre dans la cour, son vélo à la main. Je me précipite vers lui pour me jeter dans ses bras et lui déposer deux gros baisers sur les joues. Pépère, que le travail retenait dans un grenier, sort de la grange. Il est grand, son visage mince et taillé à la serpe est buriné, son pantalon de velours marron, retenu à la taille par un gros ceinturon de cuir, descend sur de grosses chaussures noires à lacets. Il s’approche de nous, serre la main de mon père :

    — Alors Louis, comment va votre travail chez le brasseur ? Vous savez, ici j’ai toujours beaucoup de travail, ça devient dur !

    — Oui ça va ! mais l’on parle de chômage, j’espère que cela ne sera pas comme en 36 à la Nourylande, sinon il me faudrait trouver autre chose. Bon, je vous emmène Marcel, il restera avec nous un certain temps, nous allons avec Fernande le mettre à l’école.

    — Bien Louis, je vous prépare quelques affaires.

    C’est Grand-mère qui vient de parler, la gorge un peu serrée de voir partir son poupon à la bouille bien ronde, aux cheveux blonds comme les blés, dans mon visage on ne remarque, paraît-il, que mes yeux, bleus, intenses, transparents.

    Je fais un baiser à chacun de mes grands-parents, prends le paquet que Mémère me tend, le mets dans le cageot attaché sur le porte-bagages du vélo et déjà nous sommes, mon père et moi, devant le portail sur la route. Après un au revoir moins gai que j’aurais voulu, je comprends que mon voyage vers mes parents ne sera pas aussi amusant que je l’escomptais.

    — Allez, monte sur le cadre, et tiens-toi bien !

    Assis en amazone, je me cramponne au guidon :

    « Allons-y, c’est parti ! ».

    Le vélo roule, l’air me fouette le visage. Nous roulons à bonne allure sur le bitume en assez bon état. Nous croisons, de temps à autre des villageois qui reviennent de la messe, un missel dans une main. Je lance un « Bonjour Madame », avec un petit signe de tête. C’est Mémère qui m’a dit de dire bonjour aux personnes que l’on croise. Les gens nous répondent, quelques fois avec un commentaire :

    « Tiens c’est s’tio Paillet avec son père », c’est ainsi que les gens d’ici m’appellent. Nous n’avons guère le loisir d’en entendre d’avantage, le vélo file à travers les rues, prenant virage sur virage, mon père joue du frein, tourne le guidon, appuie sur les pédales, tandis que j’en ressens vivement les à-coups, mes fesses commencent à souffrir : c’est sûr, je vais avoir des bleus ! Nous voici sur la place du village, nous passons devant le Monument aux Morts, devant la salle des fêtes, enfin nous voici devant la barrière fermée du passage à niveau. Mon père freine doucement, met pied à terre :

    — Tu descends, nous allons traverser en passant par le portillon, mais attention regardons si le train ne vient pas. Tu vois la pancarte là ? elle dit – Attention un train peut en cacher un autre – donc prudence.

    Nous traversons sans encombre les voies du chemin de fer, ce qui représente une trêve, un repos pour mes fesses. La garde-barrière nous salue au passage : « Bonne route ! », mais déjà mon père a repris sa position et m’aide à enfourcher ma monture. Nous traversons maintenant une partie boisée, en contrebas de la route, une prairie avec un alignement de peupliers, immenses, j’ai l’impression qu’ils touchent le ciel. La température est plus douce à cet endroit : en ce mois de septembre nous souffrons encore de la chaleur, aussi ce passage sous les arbres nous apporte un peu de fraîcheur. Une petite montée, un virage à gauche, nous voici au bord de l’Oise, où nous découvrons le barrage de Venette, édifice en fer de cinq à dix mètres de haut. Régulant le flux de la rivière dans sa partie centrale, et construite sur l’amont, une écluse autorise l’accès aux péniches qui montent ou descendent la rivière. Le trafic est intense, plusieurs bateaux attendent leur tour, mais nous n’avons pas le temps de musarder, l’heure avance. Au loin, le ding dong des cloches indique que les fidèles quittent l’église après la dernière messe de la matinée. Au bas de l’escalier qui mène au sommet du barrage, mon père freine puis arrête le vélo, je saute à terre, il glisse son bras droit sous le cadre du vélo et d’un geste énergique le soulève. L’engin calé sur l’épaule il monte tandis que je le suis, nos pas résonnent sur les marches de tôle et dans la charpente métallique. En haut nous voici sur la passerelle, large de soixante centimètres, avec comme garde-fou, l’ossature en acier du barrage. La traversée de l’ouvrage m’impressionne, sous nos pieds : le vide, sur les côtés à travers les poutrelles : le vide, puis le bruit que fait la rivière en passant dans les vannes. Poussée

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