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Déviance
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Livre électronique238 pages3 heures

Déviance

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À propos de ce livre électronique

«Les vrais monstres ne sont pas ceux qui se cachent sous ton lit, mais des gens ordinaires, comme toi et moi.»

Montréal, 2102. Ils sont tous connectés. Connectés à la réalité augmentée. Connectés les uns aux autres. Pris au piège dans cet univers sombre où la déviance est la norme.

Dorothée Boudreau, une jeune trafiquante de Caelum, enquête sur ses origines. Lors d’une livraison de stupéfiants qui vire au cauchemar, elle sauve la vie d’une toxicomane quadragénaire qui lui ressemble étrangement. Celle-ci lui confie un secret lourdement gardé : vingt ans plus tôt, on lui a volé son seul enfant.

Cette mère désespérée serait-elle sa génitrice? Les recherches de la trafiquante sont rapidement interrompues. Un violent conflit éclate au sein de la famille Boudreau; ses cinq frères adoptifs sont enragés et lourdement armés. Personne n’est à l’abri.
LangueFrançais
Date de sortie30 avr. 2019
ISBN9782898031038
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    Aperçu du livre

    Déviance - Stéphanie Sylvain

    1932)

    Chapitre 1

    Explosifs

    30 janvier 2102, 18 h

    Un réseau de distribution tissé serré, cinq trafiquants un peu fêlés, une trentaine de policiers soudoyés à leur service et assez de caelum pour planer une vie entière : voilà tout l’avoir d’une famille bien établie. Les Boudreau, maisonnée jalousée par tous les perfides de ce monde, détiennent une partie importante de cet oligopole qui englobe toute la région du Grand Montréal. La drogue hallucinogène qu’ils vendent sans pudeur fait des ravages, cumulant une liste de victimes sans cesse grandissante. Il faut dire qu’une seule dose suffit pour rendre le consommateur accro. Son pouvoir addictif dépasse celui de toutes les autres drogues vendues sur le marché. Cette substance est une échappatoire éphémère privilégiée par les insouciants qui ne s’inquiètent pas de ses effets délétères. Or, qu’il soit réel ou fictif, tous rêvent d’un ailleurs plus prometteur.

    Évidemment, au début, les criminels proactifs que sont les Boudreau voulaient répondre à la demande croissante. Il y a 10 ans, une rumeur circulait : le Dr Hubert Fortin était sur le point de lancer un médicament révolutionnaire. Suivant cette piste plutôt vague, Miguel, meneur du groupe et expert en informatique, a rapidement découvert que l’une de ses composantes valait bien plus que toutes les autres drogues du marché : c’était une molécule pouvant répondre à ce besoin d’évasion. Flairant la bonne affaire, les Boudreau ont volé la formule de synthèse du caelum avant même que le docteur ne commercialise son produit miracle. Grâce à un piratage minutieux, le tout s’est fait en catimini : les logiciels de protection ne purent même pas détecter l’intrusion.

    Depuis ce temps, la famille s’enrichit sur le dos du Dr Fortin, bien que celui-ci ait découvert le pot aux roses un peu plus tard. Trop tard. Malgré de nombreuses tentatives, il n’est toujours pas parvenu à faire cesser ni la production ni la vente de caelum par les Boudreau. Leur mode de distribution sans point de rendez-vous fixe, leur conception artisanale — pas besoin de plus que quelques exécutants grassement payés — et les pots-de-vin judicieusement distribués empêchent le Dr Fortin de perturber efficacement leurs activités imprévisibles. Malgré tous ses efforts et ceux des policiers, la famille gagne autant d’argent que les revendeurs d’eau potable, une denrée de plus en plus rare en ce début de XXIIe siècle.

    C’est au beau milieu de cette famille atypique qu’a grandi Dorothée Boudreau. Seule fille parmi une fratrie de six, elle ne bénéficie ni du respect qu’on porte généralement à l’aîné ni de la clémence qu’on accorde habituellement au benjamin. Tout comme Zack, le premier-né, elle ne s’est jamais véritablement sentie à sa place. Elle souhaiterait participer davantage aux décisions entrepreneuriales et aimerait qu’on ne la voie pas juste comme la femme de service qui fait ce qu’on lui demande. Après tout, elle vaut autant qu’eux pour ce qui est des livraisons ponctuelles, des règlements de compte ou du chantage auprès des forces de l’ordre.

    Sans oublier qu’elle a accès, comme la grande majorité de la population d’ailleurs, à un dispositif qui optimise ses capacités : le Circuit intégré numérique (CIN). Implanté dans son cerveau, il décuple son potentiel. Inséré dans son corps calleux, le point central d’échange d’informations, et connecté à une pléthore de sources de données extérieures, il permet non seulement de prendre des décisions éclairées, mais aussi d’effectuer des tâches complexes avec une précision étonnante à l’aide de divers logiciels. Qu’ils soient en libre accès ou proviennent du marché noir, qu’ils soient financés par le gouvernement, programmés par sa famille ou achetés à prix fort auprès d’entreprises privées, elle peut compter sur chacun d’eux.

    Or, malgré cette assistance technologique, sa vie n’est pas simple. Ses nombreux tourments l’empêchent de s’affirmer, et son estime de soi bat de l’aile. Il faut admettre que passer son enfance à jouer parmi les coups de feu n’est sans doute pas la façon idéale de grandir. Non sans raison, elle imagine son existence fragile comme un pendule qui se balance au bout d’un fil sur lequel on a trop tiré, chaque oscillation du pendule lui apportant un nouveau lot de doutes et de remords. La jeune femme se demande parfois ce qu’aurait pu être son existence en d’autres circonstances.

    À tout instant, Dorothée doit se battre pour faire ses preuves. Que ce soit lors d’une transaction très risquée ou pour des tâches quotidiennes, elle donne toujours le meilleur d’elle-même en espérant un jour se faire remarquer par ses frères. Elle le sait bien : ceux-ci ne voient que son visage au teint de pêche encadré de boucles volumineuses, mais elle est bien plus qu’un joli minois : elle a l’esprit vif et une détermination folle.

    Aujourd’hui, par exemple, comme une jeune adulte responsable, elle s’affaire en cuisine. Sur l’immense comptoir de granit, son couteau tranche des juliennes de nourriture synthétisée en suivant le guide de découpe numérique. Grâce à son CIN, elle n’a plus à se soucier des imperfections de sa mémoire ni de son manque de coordination. Plus qu’à suivre les indications d’un programme qui l’assiste, étape par étape, dans son quotidien. « Après avoir coupé les protéines, faites bouillir de l’eau. »

    — Où est passé Zack ? Il devrait être là à l’heure qu’il est !

    Ce ton geignard provient de son frère Yan. Un bandana en permanence sur la tête et la barbe mal rasée, il entretient toujours son image de gangster. Assis avec Coziste en face d’un îlot métallique sur lequel traîne une dizaine de pièces hétéroclites, il s’occupe avec zèle à démonter son arme à feu. Il minute son exploit à l’aide d’un chronomètre panoramique virtuel. Des chiffres rouges défilent, illuminant le plafond de la cuisine et gonflant ainsi son ego et son sentiment de virilité. Agacée, Dorothée décide de supprimer cet exécrable affichage public. Elle efface les chiffres de sa réalité augmentée, et le plafond retrouve pour elle son blanc coquille d’œuf. L’attitude de son frère ne l’impressionne pas plus que son apparence négligée. Seul Coziste semble obnubilé par sa rapidité d’exécution. Malgré ses quatre doigts cybernétiques, il n’arrive pas à atteindre la même efficacité. Son regard alterne entre l’arme presque entièrement démontée et le chronomètre, toujours visible pour lui. Dorothée exprime son exaspération à voix haute :

    — Yan ! Veux-tu arrêter de jouer avec ton arme ? On mange bientôt !

    Après un bref moment d’hésitation, Yan tend son arme à son frère. Coziste considère cette offrande avec ferveur et poursuit le travail de démontage. Dorothée soupire, mais s’efforce de passer outre. Pendant qu’elle fouille dans le réfrigérateur pour saisir le prochain ingrédient, elle aperçoit un objet insolite dans le tiroir de droite. Elle se met à crier et s’éloigne d’un bond. Des frissons lui parcourent l’échine. Une main ! Une main humaine ! Son teint blême est évident, mais Dorothée jurerait l’avoir vue bouger.

    — Quelqu’un peut m’expliquer pourquoi il y a une main dans le frigo ?

    Yan se met à rire.

    — Oh ! C’est Rick qui l’a apportée. Il a dû l’oublier là.

    — L’oublier !

    Dorothée peine à reprendre son sang-froid. La surprise a fait place au dégoût. Un haut-le-cœur la saisit. Sans même qu’elle ait à en faire la requête, son CIN analyse à distance l’état des cellules de la main et les empreintes de la paume et des doigts. Un agrandissement ciblé permet de définir le moment approximatif de l’amputation et l’identité du mutilé.

    — Qu’est-ce que vous avez fait à ce monsieur Tremblay ?

    — Ne t’en fais pas ! lance Coziste, toujours en train d’analyser la raison d’être de la pièce suivante à dévisser. Rick l’a laissé partir.

    Dorothée prend quelques secondes pour assimiler l’information.

    — Vous êtes devenus fous ou quoi ? Il faut absolument que je parle à Rick.

    Ce dernier fait justement son entrée par la porte de côté qui donne sur le garage. Le veston blanc et la cravate qu’il porte lui donnent un air sophistiqué, même s’il n’y a rien de mondain en lui. Dorothée pointe le membre inanimé avec effroi.

    — Rick, c’est quoi ça ?

    — Ah, ça ? C’est vrai que je laisse traîner mes choses. Je vais m’en occuper. Yan, Coziste, « monsieur » Zack est-il de retour avec le nouveau cadenas ? J’ai fini de remplir le VUS.

    Avant même que quelqu’un réponde, une petite enveloppe jaune clignote dans le champ de vision de tous les membres de la famille : un message instantané. Les Boudreau s’immobilisent simultanément. Qu’ils soient à la maison ou occupés à l’extérieur, les cinq frères et sœur ont reçu le même fichier. Une angoisse palpable s’installe. Leur connexion au serveur familial enclenche le démarrage automatique d’une vidéo préenregistrée. Zack, y apparaît les traits carrés, le regard sombre, l’air renfrogné. Fidèle à lui-même, pas un cheveu ne se dresse de travers et son menton est rasé de près. L’arrière-plan consiste en un environnement neutre, non identifiable. L’aîné de la famille, en veston-cravate, paraît quelque peu tendu. L’air sévère, il s’éclaircit la voix.

    « Bonsoir, chers frères et sœur. Nos trop nombreux différends m’ont progressivement poussé à me retirer de vos activités… entrepreneuriales. Le temps est venu pour moi de passer à autre chose. Par cette vidéo, j’aimerais simplement vous faire mes adieux. J’ai tenté à maintes reprises de vous faire voir tout le mal que vous commettez pour vous enrichir. »

    La voix de Zack ne trahit aucune émotion et son attitude est plus froide que la main de monsieur Tremblay au fond du réfrigérateur.

    « C’est pour la sécurité de Gisèle et l’avenir de mes filles que j’ai décidé de rompre tout contact avec vous. Bref, nos chemins se séparent. Ma campagne est déjà bien entamée, et j’ai la ferme intention de gagner mes élections. J’aspire à un monde meilleur, sans caelum. À votre place, j’arrêterais tout de suite la production, car j’ai bien l’intention de respecter mes promesses électorales. Gardez à l’esprit que je n’agis pas contre vous, mais pour le bien commun. Coziste : ne te laisse pas trop influencer. Tu vaux mieux que ça. Rick : tu peux vivre ta passion pour le tir sans faire de mal aux autres. J’ai confiance en toi. Miguel : merci de prendre soin de maman comme tu le fais si bien. Dorothée : je te souhaite d’aboutir dans tes démarches. Tu le mérites grandement. Yan : … ton cadenas sera livré par drone d’ici demain. »

    Autant le message en lui-même est déroutant, autant le manque flagrant d’intérêt de l’expéditeur pour ses destinataires a l’effet d’un coup de poignard. Dorothée tente de rationaliser : « Après tout, détruire des familles est une tâche banale dans la vie d’un politicien ». Même si elle tente de dissimuler sa tristesse, le poison de la trahison se répand dans sa poitrine.

    • • •

    Dorothée et Yan circulent à vitesse réduite sur une route pavée de mauvaises intentions, d’amertume et de béton. Il est plus de 1 h 30 du matin et il fait une nuit d’encre. Pas besoin de s’accoutrer de vêtements qui protègent des rayons UV, car le soleil est couché depuis longtemps. Le chemin de la Côte-des-Neiges est désert et la chaussée, visqueuse. L’essence et les déchets toxiques s’écoulent entre les roues de leur VUS, délavant lentement la tôle et le plastique ; il y a longtemps déjà que les usines ne se préoccupent plus de préserver l’environnement des effets néfastes de la pollution. C’est sans doute pour cette raison qu’un dépotoir se trouve sur cette avenue sombre, à l’endroit où se trouvaient, 50 ans plus tôt, le parc Kent et ses balançoires rouillées. Le coffre du VUS des Boudreau déborde de caelum. D’un geste las, Yan jette sa canette de Cauke-eau par la fenêtre.

    Aussi silencieuse que son frère, Dorothée a tout le loisir de se perdre dans ses réflexions en regardant le paysage désolant : du béton à perte de vue. C’est que les sols sont érodés au point d’empêcher les plantes de pousser. Une pluie acide se met à tomber sur Montréal, picorant la peau des quelques passants qui ont daigné sortir à cette heure tardive. Une odeur de soufre envahit l’habitacle du véhicule, malgré son système de filtration d’air perfectionné.

    L’averse s’intensifie. Autrefois, on aurait affirmé par un tel temps qu’il « pleuvait à boire debout ». Cette expression a maintenant perdu tout son sens, car quiconque ose boire les gouttes tombant du ciel met en danger son intégrité physique. Dorothée a l’impression qu’à l’eau s’ajoute graduellement de la neige, mais il n’en est rien : ce sont des cendres qui se mêlent aux précipitations. Même si l’on est en janvier, les chaleurs intenses multiplient les incendies et empêchent toute précipitation solide de tomber. Le ciel orangé est envahi par une fumée dense et âcre. C’est seulement lorsque des brasiers font rage dans la ville que les Montréalais ont droit à ce spectacle. Une vision apocalyptique à la fois belle et terrifiante. De véritables mares noires de substances graisseuses et d’eau acide se forment dans les rues. La réaction chimique causée par le contact de l’acidité de la pluie et du caoutchouc détache progressivement des microparticules des pneus, tandis que l’essence se répand sur les bâtiments situés à proximité, colorant la ville d’une teinte sombre.

    Yan fait gémir les roues du VUS en tournant dans une petite rue mal éclairée. Dorothée jette un dernier coup d’œil au fil d’actualité projeté au centre de son nerf optique. Les résultats partiels des sondages concernant l’élection nationale lui apparaissent sur commande : 22 % ; c’est risible. Cet infime pourcentage en dit long sur l’appréciation générale de la population envers Zack Boudreau. Dorothée transfère l’information sur le serveur familial. Yan est alors avisé de ce résultat. Son sourire en coin indique qu’il a consulté le fichier. Peut-être les électeurs lui régleront-ils son compte avant que sa famille s’en mêle. Il faut dire que Yan n’a aucun scrupule à ce que du sang soit versé, même celui d’un membre de sa famille.

    Yan fronce les sourcils, l’air méfiant. Hésitant, le regard braqué sur un point éloigné, il enfonce lentement la pédale de frein.

    — C’est bizarre : on dirait qu’il y a une voiture par là, affirme-t-il en tournant la tête vers celle-ci.

    Dorothée imite son geste. Leur VUS, qui roule maintenant au ralenti, passe devant une ruelle sombre. Impossible de voir clairement ce qui s’y cache et pourtant… Dorothée croit apercevoir le reflet d’une carrosserie noire scintillante. Elle scrute la ruelle à l’aide du mode vision nocturne de son CIN, tentant d’y distinguer quelque chose.

    Soudain, des phares s’allument sous leurs yeux. La lumière aveuglante force Dorothée à détourner le regard. Yan enfonce la pédale d’accélération, faisant crisser les pneus du vieux VUS. La voiture cachée, un véritable bolide de course, se met aussitôt à les filer. Yan accélère. Dorothée se rend vite compte qu’une fourgonnette blanche leur barre le passage, plus loin. Son frère l’a-t-il vue ? Le VUS des Boudreau s’approche dangereusement.

    — Attention, Yan ! Fais quelque chose ! On va les frapper !

    Le regard de Yan passe du pare-brise au rétroviseur : « On est coincés ! » À peine a-t-il le temps d’effectuer ce constat que, devant lui, les portières coulissantes du mastodonte blanc s’ouvrent. Deux hommes armés commencent à faire feu en leur direction. Dorothée a tout juste le temps de se pencher et de couvrir son visage. Les balles atteignent le capot et fissurent le pare-brise, dont les morceaux pleuvent sur Dorothée et Yan.

    Tout en hurlant une panoplie de jurons, tous plus vulgaires les uns que les autres, Yan s’engage brusquement dans une rue perpendiculaire. La manœuvre est si rapide que la cargaison arrière glisse d’un bord à l’autre du VUS. Ce virage prend par surprise la voiture sport noire qui les poursuit. Celle-ci manque l’intersection, mais réussit à effectuer un demi-tour serré et repart à leurs trousses, suivi de près par la fourgonnette. Dorothée et Yan se retrouvent alors avec deux voitures à leur poursuite.

    La pluie acide et l’essence rendent la chaussée gluante. Une sorte de viscosité dangereuse accroît l’adhérence des pneus qui tendent à coller au sol. Maintenant plus frustrée qu’apeurée, Dorothée jette un coup d’œil au coffre à gants et plonge les mains dans sa gueule profonde pour saisir deux armes à feu légères.

    — J’en veux une ! crie Yan. Vite !

    Dorothée s’exécute sans poser de question et tend à Yan une arme, que celui-ci attrape d’une main ensanglantée, zébrée de coupures où sont encore fichés de petits morceaux de verre. Yan ne peut pas réellement tirer tout en conduisant, mais il se sent probablement plus en sécurité une arme à la main. Trois nouveaux coups de feu retentissent, véritables déflagrations dans la nuit. Le dernier tir crée d’inquiétantes flammèches sur la carrosserie tachée de produits dangereux. Les yeux écarquillés, Dorothée hurle :

    — Yan, tourne au coin !

    Dans un même mouvement, elle abaisse complètement son dossier, s’allonge à plat ventre et enclenche l’ouverture du coffre arrière. Tandis que des balles sifflent vers elle, son CIN analyse la situation en une fraction de seconde : le logiciel illégal développé par Miguel s’active automatiquement. L’intelligence artificielle regroupe un nombre considérable de données collectées sur le terrain. Dorothée se sent en confiance. Elle peut repérer précisément l’endroit où elle doit tirer pour provoquer le maximum de dégâts, compte tenu du type de cible, de l’arme utilisée et même des facteurs météorologiques.

    Elle presse la détente de son arme et vide son chargeur sur le véhicule sport. Elle atteint le point critique et perce le pneu avant, dont les morceaux brûlants virevoltent partout. La fourgonnette blanche est, quant à elle, hors d’atteinte. Yan change une nouvelle fois de trajectoire en prenant un autre tournant. La décomposition de la roue de la voiture sport s’accélère. L’essieu percute alors la chaussée et une réaction en chaîne se déclenche. La friction du métal contre le bitume provoque des étincelles qui ne tardent pas à toucher une épaisse flaque de résidus chimiques, qui s’enflamme aussitôt. Très vite, la voiture sport prend feu et explose, créant un spectacle grandiose dans la nuit. La fourgonnette de derrière ne parvient pas à freiner à temps et s’engouffre dans le brasier.

    Dorothée entend Yan hurler d’extase et rire aux éclats. Mais elle

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