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Être père avec saint Joseph: Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes
Être père avec saint Joseph: Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes
Être père avec saint Joseph: Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes
Livre électronique228 pages3 heures

Être père avec saint Joseph: Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes

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À propos de ce livre électronique

Une méditation brillante et profonde sur saint Joseph, sa paternité extraordinaire et la Sainte famille par Fabrice Hadjadj.

À travers les Écritures et son expérience personnelle, Fabrice Hadjadj donne à la vie de saint Joseph une prise directe sur notre vie quotidienne et le monde contemporain.

En 12 chapitres, à la fois profonds et légers, Fabrice Hadjadj pose – à travers l'exemple de saint Joseph – un regard neuf et plein de finesse sur des vertus parfois oubliées : la prière, l'amour, le mariage, l'éducation, la paternité et la masculinité, la chasteté, la confiance en Dieu, la beauté du travail et la dignité de la mort.
LangueFrançais
ÉditeurBookBaby
Date de sortie21 juin 2021
ISBN9782917146965
Être père avec saint Joseph: Petit guide de l’aventurier des temps postmodernes

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    Aperçu du livre

    Être père avec saint Joseph - Fabrice Hadjadj

    INTRODUCTION

    PUR PÈRE,

    EN PURE PERTE

    Ainsi parle Ézéchias : ce jour est un jour de détresse, de châtiment et de honte ; les enfants sont à terme, et la force manque pour les enfanter.

    2 Rois 19, 3.

    Il y a des tueurs en série. Certains procèdent en couple, la complémentarité des sexes jouant aussi très bien dans le crime (elle attire, il égorge). Je suis un géniteur en série. Avec ma femme, bien entendu. Nous avons de nombreuses fois récidivé ensemble. À ce jour, nous avons commis neuf naissances : neuf victimes ou neuf bourreaux futurs, je ne sais pas trop, tout cela se mélange et dépend du point de vue.

    On peut croire que les géniteurs en série sont plus dangereux que les tueurs en série. Cela s’affirme couramment parmi les adeptes du childfree ou les membres plus modérés de One child, one planet. À les entendre, notre vision est à trop court terme. Sous couvert d’« accueil de la vie », nous sommes ses destructeurs. Notre ribambelle de gamins semble être une ode incarnée à l’exubérance de la nature ; en vérité, c’est une horde qui saccage la Terre. Leurs espiègleries finiront par contraindre l’humanité à déménager sur Mars. Nous aurions mieux fait de les empêcher de naître, afin de préserver les générations futures…

    Saint Joseph, priez pour nous (vous n’aviez qu’un enfant, mais je suppose, comme c’était une personne divine, qu’il était à lui seul plus turbulent que les douze fils de Jacob et leur pauvre sœur Dinah).

    Notre pire

    1. Il est vrai que les tueurs en série, loin de contribuer à la surpopulation, y remédient plutôt. Ils prodiguent même un riche engrais pour la multiplication des insectes et des plantes, base de la biodiversité. En outre, bien qu’ils vous exterminent un soir, près du fleuve, ils vous ont d’abord laissé faire votre promenade. Ils ne vous l’ont pas interdite comme le font couramment les géniteurs. Ils ne s’en prennent pas à vous avant que vous ne soyez conçu, en rêvant l’héritier de leurs frustrations. Leur seul problème, à ces tueurs, c’est leur dépendance : sans les géniteurs, ils seraient réduits à rien. Si plus personne ne naît, comment être un assassin digne de ce nom ? Qui pourra être encore victime ? Qui pourra être tueur (car les tueurs aussi ont eu des parents) ? Surtout, qui sera là pour admirer la luxuriance des espèces, défendre le grizzly à l’ONU et se souvenir avec émotion du tyrannosaure et de l’anomalocaris ? Il faut bien l’admettre : pour ce qui concerne l’anomalocaris, le tyrannosaure ou la belle ammonite en spirale, la Mère Nature s’en est débarrassée d’elle-même, bien avant l’apparition de l’homme, et sans aucun état d’âme. Il n’y a que nos enfants qui puissent s’en rappeler.

    2. Quand je serai parvenu à repousser l’accusation de traiter la « planète » à la légère, je prêterai encore le flanc à d’autres critiques plus anciennes et plus graves. Pourquoi engendrer de nouveaux petits mortels, spécialement aujourd’hui, à l’ère postmoderne, où nous sommes assurés de l’extinction de l’homme et du soleil, et où il est bien plus confortable d’avoir un androïde ou un cochon d’Inde ? Pour rallonger la file d’attente du Pôle emploi ? Pour augmenter les ventes de masques FFP2 ?

    Jadis, les soucis antiques de la postérité, naguère, les calculs modernes du progrès nous piquaient encore de leurs éperons. Ce n’est plus le cas : plus personne ne s’inquiète de perpétuer une patrie, et rares sont ceux qui croient à la bienheureuse dictature du prolétariat. Que reste-t-il donc pour motiver un acte aussi grave ?

    En philosophe, et plus encore en juif, à la question : « Pourquoi avoir des enfants ? », j’ai tendance à répondre : « Afin qu’il y ait encore en ce bas monde, autant que possible, des êtres capables de demander : Pourquoi ? » En effet, sans enfants, ou sans le désir d’en accueillir, comment se désoler vraiment de l’avenir jusqu’à interpeller le ciel ? Et que deviendraient les balançoires et les tape-culs ? Ou les avions de papier ? Ni la gravité ni la légèreté ne seraient plus possibles.

    Quand on est Job, père de sept garçons et de trois filles, c’est avec une authentique intensité que l’on peut s’écrier : Périsse le jour qui me vit naître (Jb 3, 3). Et quand on a un petit de trois ans avec soi, c’est avec une indéniable légitimité que l’on peut jouer à cache-cache derrière les stèles d’un cimetière. Seuls les enfants nous appellent profondément à la simple joie de vivre comme à la grande angoisse de mourir.

    3. Toutefois le questionnement ne s’arrête pas là. Ce que je viens d’observer concerne aussi bien la mère que le père. S’agissant de ce dernier – et donc de moi –, les chefs d’inculpation sont plus nombreux. Le tueur en série ne peut être accusé de prolonger le patriarcat, ni de faire porter à une même femme les embarras de neuf grossesses, ni de ne pas être assez mûr pour assumer la responsabilité d’une bonne éducation ou d’un cheminement garanti vers le bonheur.

    Il y a sans doute une grande arrogance à prendre la vie de quelqu’un ; mais l’arrogance est-elle moindre de la donner et de s’en instaurer l’intendant alors qu’on n’en est pas capable et qu’on n’y comprend rien ? Quelle présomption, je dois l’avouer, quand je vois ce qui reste en moi d’adolescent attardé qui s’obstine dans le refus de transporter un utérus artificiel dans un sac à dos Westpack !

    Un artiste à la mode, fils d’un artiste démodé, expliquait récemment qu’il ne voulait pas avoir d’enfants « afin de leur épargner un père distrait et névrosé, comme l’était le [s]ien ». Manifestement, si distrait et névrosé qu’il fût, son père ne l’a pas empêché de se pavaner dans le magazine féminin où j’ai trouvé son interview. Au reste, si tous les distraits et névrosés avaient pris comme lui la sage résolution de ne pas avoir d’enfants, lui-même ne serait pas là pour nous dire pourquoi il refuse d’en avoir, et l’humanité aurait disparu tout de suite après Adam, lequel était assez distrait pour prendre le fruit défendu, et assez névrosé pour se cacher dans un buisson en accusant sa femme.

    La question n’en est pas moins valable. Est-ce que je réalise pleinement ce qu’est la paternité ? Puis-je prétendre, étant pécheur et perdu comme les autres, que je ne tombe ni dans les brutalités du père fouettard, ni dans les mièvreries du papa-poule, et que je suis fin prêt à jeter un enfant dans ce monde avec toutes les garanties du succès, en maîtrisant parfaitement la situation ? Non, je ne le peux pas. Nous ne sommes jamais prêts à être pères. Cela nous tombe dessus – par faiblesse pour les dessous.

    4. Peut-être, cependant, ne s’agit-il pas d’être prêt, comme pour une compétition. Peut-être s’agit-il de reconnaître que c’est au-dessus de nos forces, comme pour une louange. Peut-être que la paternité est comme la naissance : elle nous échoit avec et malgré nous, envers et contre tout – l’injustifiable par excellence, parce qu’elle justifie tout le reste. Peut-être qu’elle n’est pas le résultat d’un calcul mais la source d’une liberté, bref, qu’elle est la vie même.

    Qui a dit que la vie devait être un programme ? Le père n’est pas un expert. C’est un pauvre type qui poursuit bon an mal an l’aventure de ses pères. Il participe de ce qu’il y a de plus incompréhensible et de plus vivant.

    Et c’est ici qu’entre en scène Joseph de Nazareth – père parce que fils, père parce que tout lui échappe, père parce qu’il s’y perd, sans pour autant se décourager. Au seuil de ce petit livre, je ne peux que le prier de prier pour nous le Père éternel, qui sait « rendre possibles les choses impossibles ». Lui seul nous révèle une paternité nue, toujours déconcertante, toujours déconcertée, et pour cela divinement féconde.

    Le plus radicalement père

    5. D’emblée une objection se présente. Comment Joseph de Nazareth serait-il pour nous l’exemple du père, alors qu’il n’est père que très imparfaitement ? Afin de rappeler la filiation divine de Jésus et la conception virginale de Marie, on a coutume de lui flanquer des épithètes. Elles ont pour but de diminuer sa paternité humaine et d’augmenter celle du Père des cieux. Le voilà réduit à un accessoire ou à une fonction : garde du corps, collaborateur dévoué ou cocu complaisant…

    On le dira ainsi père putatif, père nourricier, père adoptif, père légal, c’est-à-dire demi-père ou père-à-peu-près, parce qu’il faut bien quelqu’un pour tenir ce rôle au milieu des hommes. Quand on considère Jésus comme le fils de Joseph, c’est dans la synagogue du village ou après l’avoir ouï déclarer qu’il était le pain de vie. On s’étonne de l’entendre parler avec autant d’autorité (Lc 4, 22), on cherche à disqualifier son discours (Jn 6, 42). Joseph ne serait que l’idiot utile de l’histoire. Il n’aurait de valeur que fonctionnelle : éviter le scandale, ne pas tout de suite démanteler la « famille naturelle ».

    Mais il est déjà trop tard. On est déjà dans le spiritualisme et l’utilitarisme. Dans la Sainte Famille, il y aurait incarnation du côté de la mère et désincarnation du côté du père, lequel ne serait plus qu’un moyen social. On pourrait aussi bien le remplacer par un autre, plus efficace : un éducateur spécialisé, une femme à la puissante carrure, enfin le dépositaire d’une compétence et non le canal de la vie. La dévotion à « saint Joseph » comme père fantoche devient le plus sûr gage de l’efféminement et de la technicisation de la paternité.

    6. Ma thèse est au contraire que nul n’est plus radicalement père que Joseph. En cela, je suis fidèle à la Vierge. C’est elle qui, lors du recouvrement au Temple, parle de Joseph à Jésus en disant : « Ton père » (Lc 2, 48). Je suis aussi fidèle au nom de Joseph. Il signifie en hébreu : « Il ajoutera », « il fera croître », renvoie à la fécondité et à l’autorité paternelles. Enfin je suis fidèle à une séquence typique de la Bible, où la paternité promise advient après un temps de stérilité, par le truchement d’une intervention divine : Le Seigneur visita Sarah, comme il l’avait dit, il fit pour elle comme il l’avait promis. Sarah conçut et enfanta un fils à Abraham (Gn 21, 2).

    Je ne veux pas diminuer la portée de l’adoption. Chez les Romains, elle manifeste la puissance de l’homme libre dans l’exercice de sa volonté. Le Romain adopte généralement un adulte, sachant à qui il a affaire (on ne sait jamais quel polichinelle va sortir d’un enfant), et le fils adopté de la sorte, désigné, discerné, a plus de droits que le fils naturel. La paternité biologique n’ayant rien de spécifiquement humain, puisque nous l’avons en partage avec les autres animaux mâles, c’est cette paternité par adoption qui est la plus haute. Elle relève d’un choix personnel et d’une validation juridique.

    Il n’en va toutefois pas ainsi dans la pensée biblique. Voir Joseph comme un père adoptif, selon la mode romaine, est aussi absurde que de voir Marie comme une mère porteuse, selon la mode contemporaine – si généreuses que soient les intentions prêtées à l’une ou à l’autre. L’adoption suppose que l’enfant soit le rejeton d’un autre homme. Or, dans le cas de Jésus, il n’y a pas d’autre homme. Joseph n’est pas plus père adoptif que celui à qui l’on accorde un don n’est un voleur.

    Peut-on dans ce cas ne parler que de paternité légale – celle qui vient de la reconnaissance de l’enfant devant l’état civil ? Ce ne sont pourtant ni la simple volonté de Joseph, ni les tribunaux humains qui la constituent en son fond, mais la volonté divine.

    7. L’ange du Seigneur lui déclare : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie, ta femme, car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu l’appelleras du nom de Jésus » (Mt 1, 20-21). Le Messie vient entièrement de l’Esprit Saint, et s’il est enfanté par Marie, il ne vient pas plus d’elle que de Joseph, car venir à l’humanité suppose un père et une mère, relève à la fois de la chair et de la parole.

    Pour satisfaire ceux qui accordent tout crédit à la génétique, on peut poser la question : d’où vient le chromosome Y de Jésus ? L’Esprit Saint n’a pas d’ADN. Dans cette conception miraculeuse, Dieu peut très bien avoir formé Jésus en ajoutant aux gamètes de Marie celles de son époux, sans qu’il y ait eu union sexuelle. Mais cette réduction de la paternité à un simple fait génétique nous ferait manquer l’essentiel. Si Jésus prend chair de Marie, il prend nom de Joseph. L’incarnation du Verbe est aussi sa nomination dans une généalogie, et cette généalogie, sur laquelle s’ouvre le Nouveau Testament, et qui est celle de ce charpentier, descendant de David, de Juda et d’Abraham, n’est pas un mensonge. L’un et l’autre, incarnation et nomination, forment l’entrée du petit d’homme dans la réalité humaine.

    Nous sommes ici face à un événement unique, miraculeux, qui n’a pas d’équivalent ailleurs. C’est pourquoi nos concepts tendent à réduire cette conception à quelque chose de repérable. Mais l’erreur vient aussi de ce que nous nous représentons Dieu comme une super-créature. Il agirait sur le même plan que nous, et nous aurions avec lui un rapport concurrentiel : plus Dieu est Père, moins l’homme l’est ; plus il y a de divin, moins il y a d’humain. Rien n’est plus faux. Tout miracle venant de celui qui a créé le cours ordinaire des choses, il n’est pas là pour nous tourner vers de l’extraordinaire, mais pour nous ramener vers l’ordinaire avec émerveillement. Quand l’aveugle-né se remet à voir, c’est la vue, commune à tous les hommes, qui apparaît soudain comme un don prodigieux. De même, quand la Vierge enfante et qu’un charpentier devient père sur un mode non-biologique, c’est la maternité et la paternité communes qui révèlent leur merveille.

    8. Pour le dire de manière concise, nous sommes pères par les forces de la nature, tandis que Joseph est père par le créateur des forces de la nature. La lumière n’est pas moins forte de venir directement du soleil que d’être reflétée par la lune. Le fleuve n’est pas moins pur de procéder de la source plutôt que des ruisseaux. La paternité de Joseph est en cela plus radicale que la nôtre. Elle s’embranche directement à celle du Père de qui toute paternité tire son nom aux cieux et sur la terre (Ep 3, 14-15).

    Le recoupement des premiers engendrements de la Genèse avec ce Livre des genèses (Mt 1, 1) qui introduit le Nouveau Testament est assez révélateur. Il suffit de comparer, dans leurs formulations respectives, les naissances débutant l’humanité et la Nativité du Fils de l’homme : Adam connut sa femme ; elle conçut et enfanta Caïn et elle dit : J’ai acquis un homme avec le Seigneur (Gn 4, 1). Voilà pour la première naissance. Mais la race de Caïn est tout entière engloutie après le Déluge. La multitude humaine trouve sa filiation en Noé, qui est le descendant d’un autre fils d’Ève – second départ : Adam connut encore sa femme ; elle enfanta un fils, et elle l’appela du nom de Seth, car Dieu m’a donné un autre fils à la place d’Abel que Caïn a tué (Gn 4, 25). Que lit-on en Matthieu pour la naissance du Christ ? Une formule à la fois parallèle et renversante : Joseph ne connut pas sa femme jusqu’à ce qu’elle enfantât un fils, et il l’appela du nom de Jésus (Mt 1, 25). Le moins (il ne connut pas) donne le plus (il – et non pas elle – l’appela). Ève donne le nom de son fils. La nouvelle Ève ne le donne pas, mais son mari.

    Le verbe employé, ekalesen – de kaleïn, « appeler » – est celui qui constitue le mot « église ». Il se retrouve juste après dans le texte avec le même complément d’objet, mais avec Dieu pour sujet : D’Égypte, j’appelai [ekalesa] mon fils (Mt 2, 15). Joseph appelle comme le Père. Il y aurait là une paternité virginale, se réalisant dans l’appel

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