Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Simone
Simone
Simone
Livre électronique174 pages2 heures

Simone

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Pour Simone, le changement d’école secondaire n’est pas facile. Est-ce la faute de ses nouvelles amies? Avec Raphaëlle, tout pourrait être super: elles ont plein de points en commun, rient des mêmes blagues, se comprennent en un seul regard. C’est quoi le problème alors? Peut-être Angie, qui était amie avec Raphaëlle bien avant Simone, et qui n’apprécie pas qu’elle débarque ainsi dans sa vie?
Malgré les conseils de sa mère et de sa tante préférée, Simone est entraînée dans une rivalité malsaine qui mettra peut-être en péril son amour naissant avec Gabriel...

«J’observe subtilement Angie et m’aperçois qu’elle pleure, à l’instar de plusieurs autres filles de son équipe. J’aurais envie de m’expliquer avec elle, de m’excuser de mes paroles de la veille, mais je suis consciente que ça ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu. La dernière chose dont elle doit avoir envie en ce moment, c’est bien de se tenir face à moi. Les cartes de tarot de grand-mère Madeleine reviennent me hanter. J’ai soudain le mauvais pressentiment que la situation va s’envenimer.»
LangueFrançais
Date de sortie23 oct. 2019
ISBN9782897588267
Simone
Auteur

Mélanie L'Hérault

Mélanie L’Hérault est enseignante de français au secondaire. Elle vit dans la région de Québec, d’où elle est originaire. Le jardin de cendres est son premier roman, mais certainement pas le dernier!

Auteurs associés

Lié à Simone

Livres électroniques liés

Thèmes sociaux pour enfants pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Simone

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Simone - Mélanie L'Hérault

    bourreau.

    Vendredi 22 juin

    Cachée dans les loges, j’entends en sourdine l’harmonie de troisième secondaire qui offre au public un medley de chansons tirées de différents films : je sais que je suis la suivante. Qu’est-ce qui m’a pris d’accepter de jouer en solo une pièce de piano ? J’aurais pu me contenter d’interpréter au ukulélé Over the Rainbow avec mon groupe et conclure sans fausses notes mon passage à la polyvalente Marie-Rollet.

    — Simone, approche-toi, ce sera ton tour, me rappelle Claudine avant de s’éloigner aussitôt pour donner des consignes à la troupe d’animation.

    Elle a évité mon regard et s’est contentée de me pincer gentiment l’épaule, comme si elle devinait que j’allais tenter de me défiler. Depuis que je lui ai appris que mon père m’obligeait à poursuivre mes études au collège Charlemagne l’an prochain, mon enseignante de musique a du mal à me regarder dans les yeux. Notre passion commune pour la musique nous a liées dès les premiers cours et je déduis par son comportement qu’elle regrette de me voir partir, mais qu’elle n’ose pas l’exprimer pour ne pas ajouter à ma propre peine.

    Je me retiens de la rappeler auprès de moi et de lui expliquer que je ne pourrai pas, que je sens mes doigts se crisper, qu’il devient évident qu’il me sera impossible de jouer, que ma mère m’en voudra de gâcher sa pièce fétiche, que je serai la risée de toute l’école, mais je réussis à me taire et à sortir de ma cachette.

    Accompagnées de deux élèves finissants, mes meilleures amies Emma et Megan se préparent à entrer en scène pour le prochain sketch qui permettra la transition des numéros. La première a revêtu un habit brun, s’est dessiné une barbe, et la deuxième a bourré la robe empruntée à sa mère, ce qui forme une énorme poitrine. Les deux autres membres de l’équipe d’animation ont placé leurs genoux dans leurs souliers pour ainsi personnifier les enfants de la famille. Dès leur arrivée sous les projecteurs, j’entends le public s’esclaffer.

    Claudine pose la main dans mon dos et prend une grande respiration, la garde quelques secondes puis expire bruyamment par la bouche ; elle m’invite à faire de même. Je répète trois fois cette technique avant de quitter les coulisses et me retrouver derrière le piano. Tandis que j’ajuste le banc et installe ma partition sur le lutrin, je vois du coin de l’œil ma mère lever les bras en l’air, geste aussitôt imité par ma tante Frédérique. Le sketch achève et je les devine impatientes de me signifier de vive voix leur présence. Elles se trouvent à ma gauche alors que mon père, Martin, est seul au premier rang, complètement à l’opposé. Il m’envoie un discret signe de la main auquel je reste de glace. Se contentant habituellement d’être présent à mes récitals de piano, il assiste pour la première fois à mon concert d’harmonie. Je remarque que je ne l’ai jamais autant vu que depuis la séparation. La foule accueille d’un éclat de rire la dernière réplique d’Emma. Les quatre animateurs saluent leur public et la voix haut perchée de Claudine retentit dans le haut-parleur :

    — Accueillons maintenant Simone Bélisle dans son interprétation au piano de La valse d’Amélie.

    Un murmure d’approbation parcourt la salle à l’annonce de cette pièce connue et généralement appréciée.

    — Vas-y, Sissi ! s’exclame ma mère juste avant que je plaque le premier accord.

    Je lui décoche un regard furibond pour qu’elle se taise et je la vois aussitôt rigoler avec sa jumelle, qui paraît visiblement fière d’elle. Son cri donne la permission à mes collègues de classe, dissimulés derrière les rideaux, de hurler à leur tour et je dois attendre que le silence revienne pour me lancer. Lorsque je termine la pièce, mes mains s’éloignent doucement de l’instrument ; je vois papa se lever le premier et la foule applaudir et je comprends ainsi que j’ai relevé le défi. Je cherche dans les méandres de mon cerveau ce qui vient de se passer, mais c’est comme si ce moment ne m’appartenait plus. À voir la réaction des gens qui se tiennent devant moi, je devine avoir bien performé. Je me lève d’un bond, soulagée et fière. Tante Frédérique siffle avec l’index et le majeur de chacune de ses mains. Après un bref salut, je me précipite côté jardin où m’accueillent Emma et Megan, avant de réapparaître sur scène pour leur numéro final. Derrière elles, monsieur Dagenais, notre technicien en loisir, s’affaire rapidement à ajouter quelques chaises tandis que Claudine distribue les ukulélés.

    Emma et Megan reviennent en coulisses et quittent prestement leur costume d’animatrice pour venir nous rejoindre sur scène. Installée au deuxième rang, derrière mes amies, je souhaite qu’aucune ne se retourne pour souligner notre séparation prochaine. Emma flanche la première et me lance un regard désespéré comme si j’allais disparaître à tout moment. Megan suit le mouvement et c’est en larmes que nous attaquons la dernière pièce que nous interpréterons ensemble.

    Après notre prestation, je prends le temps d’offrir un dernier câlin à Claudine avant de me faufiler jusqu’au hall d’entrée où devraient m’attendre mes parents. Je ne tente pas de leur dissimuler mes larmes, je veux qu’ils sachent à quel point leur décision me blesse.

    — T’as vu ? Je suis rentrée sans billet ! fanfaronne celle que j’appelle tante Fredo, avant même de me féliciter et de s’apercevoir de mon état. Il restait plein de places libres en plus. Deux billets par élève, c’est pas assez !

    — Ça l’était pour nous quand Martin ne daignait pas se pointer, commente amèrement ma mère.

    — S’ils avaient insisté pour que je présente un ticket, on aurait pu essayer le truc des jumelles, continue Fredo. J’aurais laissé entrer Manu, puis j’aurais suivi quelques minutes après elle, comme si elle revenait des toilettes. Y’aurait fallu que je m’attache les cheveux parce qu’elle a encore coupé les siens… Tu pleures, Simone ? C’est vrai que cette pièce est touchante.

    — Tu sais qu’on a trente-huit ans, Fredo ? Tu veux qu’on s’habille de la même façon demain ? se moque son double gentiment en ramenant un ton plus léger.

    Elles sont identiques en tout point. Elles ont toutes les deux les cheveux d’un brun très foncé à la seule différence que ma mère aime les porter au niveau des épaules alors que sa sœur les préfère très longs. Leurs yeux bleu-gris en amande traduisent souvent la même expression et leurs voix se ressemblent étrangement, ce qui rend leur différenciation très difficile pour ceux qui ne les fréquentent pas assidûment. Il y a pourtant longtemps que les deux complices ne me trompent plus. Ma grand-mère Madeleine m’avait donné une bonne astuce. Je ne sais plus combien de fois depuis j’ai vérifié que le grain de beauté sous l’oreille gauche de ma mère se trouve bien là où il doit être.

    — Tu as été merveilleuse, Simone ! intervient subitement mon père qui s’est approché sans qu’on le remarque.

    — Magnifique, renchérit ma mère, soudain remise à l’ordre par l’arrivée inopinée de son ex-conjoint.

    Je me rapproche de ma tante, ma seule véritable alliée.

    — Grandiose, Simone la moutonne ! approuve-t-elle en tentant de froisser ma tignasse blonde frisée dont elles sont toutes les deux envieuses et que je leur céderais volontiers. On va aller fêter ça quelque part !

    — C’est que… je pensais l’amener pour une crème glacée et peut-être souper, je ne reprends que dans quelques heures. Je pourrais la ramener vers 19 heures. Ça t’irait, Emmanuelle ?

    — Sans problème, Martin ! siffle ma mère entre ses dents.

    Je ne les avais jamais entendus s’interpeller ainsi par leur prénom. Tout le monde appelle ma mère par le diminutif Manu, et il y a à peine quelques mois, qui me semblent en ce moment si lointains, elle l’affublait de multiples surnoms amoureux qu’elle s’efforçait de choisir selon leur caractère plus ridicule l’un que l’autre. Bambi, en référence aux grands yeux doux de mon père et à ses taches de rousseur, est sûrement celui qui revenait le plus souvent et qui le gênait le plus.

    — Je ne voudrais pas interrompre votre belle entente, mais ça ne m’intéresse pas, je n’ai pas faim. À moins que vous m’y obligiez et que vous n’écoutez pas mes besoins… Ce ne serait pas la première fois !

    Ma réplique a glacé l’atmosphère. Fredo me regarde, perplexe. Je comprends alors que ma mère n’a pas eu le courage de lui annoncer qu’elle a abdiqué devant la volonté de mon père, celle de m’obliger à poursuivre mes études dans une école privée parce que je n’ai pas respecté ses exigences de maintenir ma moyenne au-dessus de 85 %.

    Sentant le malaise, elle vient à mon secours :

    — Nous ramènerons donc la vedette, s’empresse-t-elle de dire.

    Ma mère et ma tante ont le réflexe de m’encadrer avant de m’entraîner vers la sortie.

    Leur tendance à agir en symbiose a toujours contrarié mon père ; je devine qu’il sourit pour cacher son agacement. Je l’ai souvent entendu dire à la blague : « Simone a deux mamans. Moi, j’ai une conjointe et son chien de garde. » C’est d’autant plus vrai maintenant qu’il a quitté le foyer familial après être tombé amoureux de l’agente d’immeubles qui avait pour mandat de nous trouver une maison plus récente.

    Avant d’atteindre le stationnement, je me retourne une dernière fois vers le long bâtiment de briques pâles. Je repense à mille moments auxquels sont toujours liés les visages d’Emma et de Megan. Une boule se forme dans ma gorge à l’idée que jamais je ne retrouverai une telle complicité à ma nouvelle école.

    Lundi 16 juillet

    À 22 h 15, j’ouvre la porte de la maison doucement, en tentant d’étouffer tout bruit ; j’espère pouvoir descendre au sous-sol et remonter quelques minutes plus tard en laissant croire à ma mère que je suis rentrée depuis un temps et masquer ainsi mon quart d’heure de retard. Dès que je pose les pieds sur la première marche menant au sous-sol, une voix me semonce :

    — Tiens, tiens, tiens, une revenante.

    — Où est maman ?

    — Je me tiens devant toi !

    — Essaie pas, Fredo, tu es la boulotte des deux et je le sais.

    — Ça c’est chien, Simone ! C’est pas moi qui suis boulotte, c’est ta mère qui soigne sa peine dans le jogging et qui devient Miss Fitness ! Si elle avait choisi la voie plus facile de la crème glacée, comme je lui proposais, j’en serais pas là à essuyer les insultes d’une enfant de quatorze ans, répond-elle faussement outrée. Tu me trouves grosse, sérieusement ?

    — J’ai pas dit grosse, j’ai dit boulotte ! réponds-je, aussitôt fière de ma réplique.

    — Tu vas perdre à ce jeu-là, ma belle, je vais dénoncer à Manu ton gros quinze minutes de retard ! me menace-t-elle, l’œil malicieux, tout en se retenant de pouffer.

    — Et moi, je vais me venger en lui apprenant que t’avais pris trois gin-tonics alors que j’étais sous ta responsabilité…

    — Espèce de sorcière, disparais dans ton antre, ajoute-t-elle en me poussant vers le sous-sol où j’ai établi mes quartiers depuis le début de l’été.

    J’ai demandé une nouvelle chambre, demande acceptée ; du mobilier neuf, requête approuvée ; un iPhone 10 pour remplacer le 6 que j’avais égaré, on m’a dit que j’exagérais. Je n’ai pas encore évalué la pleine mesure de cette nouvelle réalité de parents séparés. Je dois déterminer jusqu’où va leur culpabilité. Étrangement, ce changement familial m’a très peu affectée. Maman m’a même emmenée consulter une psychologue parce qu’elle s’inquiétait de ma faible réaction. En discutant avec la thérapeute, je me suis rendu compte que pour moi, mes parents représentaient déjà des entités distinctes. D’un côté, Martin, un chirurgien très rationnel, et de l’autre Emmanuelle, une traductrice aimant la poésie et les arts. Je partage l’amour des sports avec mon père et l’amour de la musique avec ma mère. Je vais avec l’un à mes entraînements et matchs de soccer, et avec l’autre à mes cours de musique et auditions. En y repensant, nous passions très peu de temps en famille : mes grands-parents paternels, les Bélisle, acceptaient bien la personnalité excentrique de leur belle-fille, mais mon père a toujours juré dans le décor plus simple des Arsenault. Le choc de la séparation a donc été moins brutal. Les seules ombres au tableau : la peine d’amour de maman et cette fameuse Claudia que mon père voudra tôt ou tard me présenter.

    À peine quelques minutes après mon arrivée en catimini, j’entends la porte coulissante donnant sur le patio glisser bruyamment. Des éclats de voix me parviennent aussitôt.

    — Simone ! Viens voir ça ! me supplie une voix.

    — Tu m’emmerdes ! J’ai pris ça chez Lululemon, tout fitte ensemble, se défend mollement ma mère, comme prise d’un doute.

    — Ben c’est ça le problème, Manu, t’as

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1