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L' Existence de Mélodie
L' Existence de Mélodie
L' Existence de Mélodie
Livre électronique252 pages6 heures

L' Existence de Mélodie

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À propos de ce livre électronique

Depuis un certain temps, Mélodie n’est plus la même. Ses parents sont sur le point de se séparer, sa relation amoureuse avec Jonathan bat de l’aile et l’absence Sarah-Jeanne sont insupportables. Et voilà que sa mère choisit ce moment pour tomber malade… Au secours!
Sa rencontre avec Kevin, un gars plus âgé qu’elle qui l’attire comme un aimant lui fait découvrir un nouvel univers dans lequel elle plonge spontanément. Un piège?
Sarah-Jeanne, Frédérick, Julianne et le reste de la bande sont impuissants devant les choix de Mélo. Il n’en tient qu’à elle, pourtant, de tendre la main…

Mélodie, ça pourrait être toi. Si tu étais dans sa situation, que ferais-tu à sa place?
Un roman sans tabous qui parle des vraies choses. Même de ça.

Bien connue pour ses ouvrages destinés aux adultes (Histoires à faire rougir, Baiser, Sois belle et tais-toi) qui ont connu un énorme succès, Marie Gray s’adresse aux ados (qu’elle adore!) de façon réaliste, explicite et respectueuse dans des romans qui ne laissent personne indifférent.

«Marie Gray dépeint de façon très réaliste les relations d’amitié et les rivalités entre ados, décrit sans vulgarité des scènes assez crues dans lesquelles elle n’a pas peur des mots!»
Le Libraire
LangueFrançais
Date de sortie2 oct. 2019
ISBN9782897587864
L' Existence de Mélodie
Auteur

Marie Gray

Marie Gray writes erotic fiction and song lyrics, has been lead singer for several rock bands and works for a family publishing company. She has appeared on major television and radio shows, and hosts a monthly erotic fiction segment on Canadian television. She lives in Montreal, Quebec.

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    Aperçu du livre

    L' Existence de Mélodie - Marie Gray

    vie…

    PROLOGUE

    La solitude. Je ne l’avais même pas vue me tomber dessus, je ne savais même pas qu’il était possible de se sentir aussi seule tout en ayant autant de monde autour de soi, même des amis aussi extraordinaires que les miens. Bizarre. C’est probablement ça qui a tout déclenché même si ce n’était qu’un élément parmi d’autres. Ensuite, tout a déboulé : une succession d’événements inattendus auxquels je n’ai pas su réagir a fait en sorte que j’ai dégringolé subitement, rapidement, sans pouvoir m’arrêter, comme si je dévalais une montagne abrupte sans rien pour m’accrocher.

    Autrefois, j’aurais pensé que ce qui est survenu, et la façon dont tout s’est produit presque en même temps, n’aurait pu arriver qu’à des personnes vraiment malchanceuses, d’abord, mais aussi faibles, molles, pas très intelligentes, trop démunies pour savoir quand se retrousser les manches. Ce n’est vraiment pas mon cas. Je ne suis pas faible ni molle ; je suis quand même relativement intelligente, aussi. Démunie ? Ah, peut-être, mais c’est relatif, tout ça.

    J’aurais évidemment pu demander – et trouver – de l’aide, car beaucoup d’occasions se sont présentées. Sauf qu’il aurait fallu que j’admette qu’il y avait un problème. Eh non ! J’étais après tout Mélo, celle qui fait toujours des blagues, celle qui fonce, qui n’a peur de rien. Alors, comme j’avais presque toujours mon faux sourire sur le visage, celui qui disait : « Tout va bien ! », je me suis convaincue moi-même. Quand je repense à tout ce que j’ai fait, aux décisions que j’ai prises ou que je me suis laissé entraîner à prendre parce que je tenais absolument à me débrouiller seule, j’arrive à peine à y croire. Pourtant, c’est bien arrivé comme ça, et je ne peux blâmer personne d’autre que moi-même. Oui, il y a bien quelques méchants dans cette histoire, mais ça, malheureusement, il y en a partout dans la vraie vie, pas juste dans la mienne. Mes méchants à moi, je les ai trouvés toute seule comme une grande. En toute honnêteté, je n’ai pas toujours eu le beau rôle moi-même… Moi ? La cute, la douce, la drôle, la fine Mélo ? Ben oui ! OK, plusieurs choses sont arrivées parce que je n’étais pas dans mon état normal. Comme si à un moment donné, il y a des neurones qui ont fait un genre de court-circuit dans ma tête. J’étais perdue, je ne savais plus qui j’étais, vraiment. Il y en a qui appellent ça la crise d’adolescence, d’autre un état dépressif, moi, je pense que c’est un peu des deux. Bof. De toute manière, c’est une explication, pas une excuse. Et les excuses, ça suffit.

    CHAPITRE 1

    Sarah-Jeanne

    Sarah-Jeanne est la meilleure amie que j’ai jamais eue. Avant elle, ceux que j’appelais mes amis n’étaient, en fait, que des connaissances, des gars et des filles avec qui je m’amusais et passais le temps. Avec Sarah-Jeanne, c’est autre chose, complètement. De son côté, elle croit fermement que je lui ai sauvé la vie puisque je me suis occupée d’elle quand elle est arrivée dans notre banlieue, dans notre école, au début de notre quatrième secondaire.

    Quand je l’ai connue, j’étais une fille tout ce qu’il y a de plus ordinaire. Mes amies disaient de moi que j’étais toujours de bonne humeur, pétillante ; c’est vrai, j’aime bien ricaner et faire des folies. J’étais heureuse, il me semble. Saja adorait mes cheveux, mes mèches roses, surtout. Elle disait que j’avais l’allure d’une fée clochette grandeur nature. J’allais dans une école ordinaire, enfin, je crois bien. Une grande école avec toutes sortes de personnes, des cools et des pas cools, des épais et des gentils, des chipies – dans notre cas, c’était les AAA, Alissia, Alex et Annie-Jade – et des rejets. La vie normale, ordinaire, quoi. Mes parents aussi étaient bien normaux. Un peu fatigants mais pas trop, gentils sans être trop envahissants, un peu dépassés mais pas totalement gênants, bref, de bons parents qui avaient vécu une séparation et une réconciliation, des hauts et des bas ; la plupart du temps, ils étaient ensemble et solidaires. Jusqu’à ce que mon père fasse tout éclater. J’y reviendrai.

    J’ai un petit frère, Charles, qui est un peu énervant même s’il est souvent correct, c’est-à-dire assez tranquille et avec des amis qui ne sont pas trop attardés. J’aimais bien notre maison, dans une petite ville assez tranquille en banlieue de la métropole ; j’avais mes rêves de devenir designer de mode et j’adorais aider Saja à se trouver un look de chanteuse pas trop chic, juste cute. Tout allait bien, tout était facile.

    Quand Sarah-Jeanne est entrée dans ma vie, elle disait que notre rencontre faisait partie de notre destinée ; comme elle est passionnée de musique, elle affirmait que c’était à cause de mon prénom que nous étions faites pour être amies. Peu importe, vraiment.

    Au début de cette année scolaire là, Sarah-Jeanne venait de s’établir dans notre région. Elle arrivait d’une petite ville assez éloignée et semblait vraiment impressionnée par sa nouvelle école. Elle avait l’air perdue, triste, malgré le courage qu’elle essayait d’afficher sur son visage. On pouvait facilement y croire, à ce courage, mais moi, j’ai deviné sa fragilité, sa solitude, et je lui ai tendu la main. Je ne me doutais pas que nous deviendrions aussi proches. Je me suis simplement mise à sa place un instant et me suis demandé comment je me sentirais, moi, et ce qui m’aiderait. Alors, je l’ai fait. Et là, BAM !

    Aussi simple que ça. Dès ce premier jour, j’ai eu l’impression d’être vraiment proche d’elle, connectée en quelque sorte. À peine une semaine plus tard, nous avions envie de passer toutes nos soirées et nos fins de semaine ensemble, sans compter les interminables conversations au téléphone. Je lui ai « expliqué » notre école, fait une liste des élèves qui valaient la peine d’être connus et ceux qu’il valait mieux éviter. Nous étions dans plusieurs cours ensemble et partagions nos repas chaque midi ; tout à coup, j’ai aimé l’école comme je ne l’avais jamais aimée avant. Je comprenais enfin le sens de la fameuse expression « être sur la même longueur d’onde » et savais ce que devait être une véritable « bff » comme tout le monde semblait en avoir. Une meilleure-amie-pour-la-vie avec qui je voulais tout partager, tout essayer, tout découvrir. Sans qui, je le découvrirais plus tard, j’aurais du mal à savoir comment exister. Une complicité presque exagérée nous unissait : j’avais l’impression de toujours savoir ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle s’apprêtait à dire avant qu’elle le sache elle-même, et j’étais certaine que c’était la même chose pour elle. Je n’avais jamais rien vécu de tel.

    Cependant, j’ai vite compris qu’une amitié aussi exaltante avait forcément un côté moins agréable. Quand Saja était trop occupée pour me voir, j’étais déçue. Quand je ne la voyais pas pendant plus d’une journée, elle me manquait et je me demandais ce qu’elle faisait, avec qui. Je pensais constamment à elle, à son sourire, à ce qu’elle aimait ou pas, à ce qui lui ferait plaisir ou lui déplairait. C’était presque comme si j’étais amoureuse d’elle, des fois… et ça m’inquiétait. Je me suis bien sûr demandé si je n’étais pas lesbienne ; je n’aurais jamais dit ça à personne, même pas à elle, et je ne m’étais jamais posé ce genre de question. J’ai même fouillé dans des tonnes de sites Internet, et j’ai fini par comprendre que, comme je ne ressentais pas d’attirance physique pour elle – oui, elle était très jolie, mais je n’avais pas envie de l’embrasser ou rien du genre, même que l’idée en soi me répugnait –, je n’étais pas homosexuelle, du moins, je ne le pensais pas.

    Je faisais vraiment attention à ne rien laisser paraître devant Saja, j’avais peur qu’elle me trouve trop intense et moi-même je combattais la force de ce que je ressentais pour elle, mais sans obtenir beaucoup de succès. J’avais juste… du mal à partager mon amie. Sans doute parce qu’elle était la première fille, de toute ma vie, à m’accepter telle que j’étais, sans conditions, à ne jamais essayer de m’influencer, mais plutôt à respecter mes opinions, mes choix. C’est probablement pour ça que j’ai aussi mal réagi quand je l’ai vue avec les AAA au centre commercial – oui, oui ! celles-là mêmes que nous trouvions ridicules avec leurs talons trop hauts et leurs jupes trop courtes ! –, alors qu’elle était supposément trop occupée à pratiquer les chansons qu’elle devait chanter avec son nouveau groupe pour avoir le temps de me voir. J’ai été blessée, surtout, mais aussi dans une colère incroyable. Il n’était pas question qu’elle voie combien j’étais triste, alors j’ai affiché devant elle un air plus méprisant que blessé. Pourtant, je l’étais, blessée. Je sais, c’est un peu ridicule, mais je me sentais comme si elle m’avait trompée… et avec les pires greluches de l’école, en plus !

    J’avais tenté de la mettre en garde contre ces filles ; apparemment, sa nouvelle popularité lui faisait perdre son bon jugement. C’était elle, la nouvelle chanteuse du groupe hot de l’heure, après tout, alors peut-être était-il normal qu’elle oublie ses vraies amies, me disais-je avec sarcasme. J’avais pourtant été la première à la féliciter et à me réjouir pour elle. Ça faisait donc encore plus mal de voir qu’elle me flushait pour ces trois idiotes. Quant à Sébastien Beaudry, le fameux, l’extraordinaire guitariste devant qui toutes les filles s’extasiaient, je voyais bien que malgré ce qu’elle disait de lui, Sarah-Jeanne était aussi pâmée devant lui que toutes les autres. Aussi pâmée que moi. Oui, même moi. Je dois avouer que j’étais un peu jalouse même si je n’en étais pas très fière. Depuis le temps que j’admirais ce gars presque mythique, elle, qui ne le connaissait même pas quelques semaines plus tôt, l’avait déjà approché plus que je pourrais même en rêver, juste parce qu’elle était chanteuse. Malgré tout, je me méfiais de lui, et même s’il devenait de plus en plus clair au fil des semaines que Saja lui plaisait, une foule d’émotions contradictoires se bousculaient en moi. J’étais contente pour elle, évidemment. Mais j’avais peur qu’elle en sorte meurtrie. Elle est si naïve, parfois, mon amie ! Et puis, j’avais surtout peur qu’elle m’abandonne complètement. Je n’avais jamais eu d’amies aussi importantes qu’elle, je l’ai donc laissée prendre toute la place dans ma vie. Je ne me doutais pas que de dépendre d’elle de cette façon me rendait vraiment fragile. J’avais peur. Peur de ne pas cadrer avec les nouveaux amis qu’elle choisirait. Peur de ne pas être à la hauteur, à sa hauteur. Au point où ma bonne humeur a commencé à diminuer, mon sourire permanent à cacher un certain désarroi, un petit malaise.

    C’est pour toutes ces raisons qu’après l’incident du centre commercial, je me suis sentie trahie. J’ai soigneusement évité Sarah-Jeanne par la suite et j’ai souffert le martyre, tant à l’école qu’ailleurs, jusqu’à un certain party d’Halloween. Heureusement, c’est à cette période que Jonathan et moi avons commencé à sortir ensemble et ça m’a quand même changé un peu les idées.

    Plus le temps passait, plus j’avais du mal à me passer de Saja ; c’était probablement pire parce que j’avais un chum… J’avais besoin d’elle, de lui parler, je voulais qu’elle m’aide à mettre de l’ordre dans mes idées. C’était bien beau, sortir avec quelqu’un, mais ça faisait naître plein d’interrogations et d’incertitudes que seule une amie pouvait calmer. Elle me manquait terriblement et j’étais trop orgueilleuse pour faire le premier pas et briser la glace. Une rancune stupide et tenace m’empêchait d’aller vers elle même si je savais qu’elle m’accueillerait à bras ouverts.

    Je voyais bien dans son regard, à l’école, qu’elle regrettait ce qui s’était passé, mais elle semblait incapable de faire le premier pas en personne. Elle avait essayé de me joindre plusieurs fois au téléphone, mais je ne l’avais pas rappelée.

    Puis, un miracle s’est produit le soir même d’un party d’Halloween qui s’annonçait comme l’événement de l’année. Il était organisé par un des membres du groupe de Sarah-Jeanne, des gars du cégep pour la plupart, et on disait que ce party annuel était toujours mémorable à plusieurs points de vue. On en entendait parler depuis des semaines ; ce n’était pas le genre de fête à laquelle j’aurais normalement été invitée, mais Jonathan l’avait été, lui, par son cousin. Je savais que Sarah-Jeanne y serait puisque le groupe devait jouer quelques pièces, et je me demandais si j’arriverais, ce soir-là, à lui parler. Je rêvais d’une réconciliation, mais plus le temps passait, moins j’y croyais. Ce soir-là, donc, j’ai reçu un appel d’un numéro « inconnu ». Comme il arrivait que Jonathan me téléphone de son travail, j’ai présumé que c’était lui. Quand j’ai entendu la voix de Sarah-Jeanne, je me suis presque étouffée avec la grosse boule qui s’était instantanément logée dans ma gorge. Mon amie m’avait tant manqué ! Il était évident au son de sa voix que c’était la même chose pour elle et une fois la surprise passée, nous nous sommes excusées mutuellement, ce qui n’était en fait qu’une formalité. L’amitié était revenue instantanément, aussi forte qu’avant.

    Nous avons parlé de longues minutes, essayant de rattraper le temps perdu. Sarah-Jeanne était aussi excitée que moi de ma relation avec Jonathan. Je lui ai raconté combien je l’aimais, comment il était romantique, et elle trouvait que c’était fantastique, assurant qu’elle entendait mon bonheur dans ma voix. Quand je lui ai demandé où elle en était, elle, avec le beau Sébastien, sa réponse m’a troublée : elle avait l’intention de profiter de ce fameux party pour passer la nuit avec lui. Elle disait que c’était son idée à lui, que les choses avaient pas mal évolué depuis les dernières nouvelles que j’avais eues d’elle… mais je ne me serais jamais doutée qu’elles se soient rendues aussi loin et aussi vite ! Je ressentais un tout petit pincement de jalousie, mais même en l’écartant totalement, je n’étais pas du tout convaincue d’être d’accord avec son choix et les raisons pour lesquelles elle voulait se lancer. Même si elle essayait d’avoir l’air bien sûre d’elle, je la sentais incertaine. Je savais aussi qu’elle n’en ferait qu’à sa tête. Même si elle affiche tout le contraire, Sarah-Jeanne manque parfois d’assurance ; je ne sais pas pourquoi, d’ailleurs, mais elle a la tête dure et quand elle veut quelque chose, en règle générale elle ne s’arrête que lorsqu’elle l’a obtenu. Il était donc clair qu’une fois encore, elle foncerait tête baissée. C’était typique !

    Je lui ai donc fait promettre d’être prudente et lui ai dit qu’elle pouvait compter sur moi, au besoin.

    La revoir au party, quelques heures plus tard, a été fantastique. Elle était mignonne comme tout déguisée en femme-chat ; ça lui allait tout à fait. Elle disait la même chose de moi et de mon costume de petit chaperon rouge « version écourtée ». Il y avait tant de monde, c’était complètement fou. Beaucoup de personnes que je ne connaissais pas, plein d’autres de notre école dont les redoutables AAA qui, pour l’occasion, s’étaient surpassées. Elles portaient de ridicules petits costumes de boniche avec des souliers aux talons ridiculement hauts. Égales à elles-mêmes, elles attiraient beaucoup trop l’attention, mais heureusement pas celle de Jonathan.

    Le groupe a joué, Sarah-Jeanne a chanté merveilleusement bien et moi, après avoir dansé et bu quelques verres, j’avais hâte de partir. Il était clair que mon amie passerait la nuit ici, rien ne pourrait la faire changer d’idée. Je suis allée la voir une dernière fois avant de la quitter et lui ai même offert de passer la nuit chez moi, insistant sur le fait qu’elle avait le droit de changer d’idée… mais elle n’a fait que promettre de tout me raconter en me serrant dans ses bras. Je suis donc partie, en souhaitant que tout se passe pour le mieux.

    Malheureusement, mes souhaits n’ont pas été exaucés. Ce soir-là, Sarah-Jeanne a compris que Sébastien Beaudry était un salaud de la pire espèce. Elle avait vraiment cru qu’il l’aimait, mais elle s’était rendu compte que pour lui, les filles étaient interchangeables, que seul son plaisir à lui comptait.

    Fâchée, bouleversée, mélangée, Saja s’était enfuie de la fête en pleine nuit. Sans trop savoir où elle allait, elle s’était retrouvée au restaurant où travaillait Julianne, une fille très étrange de notre école qu’elle connaissait à peine et que moi, j’avais du mal à cerner. Autrefois membre à part entière des AAA, elle s’était retrouvée avec le statut de pire rejet de l’école du jour au lendemain. Elle était devenue complètement antisociale, renfermée, bête, vraiment bizarre. Pourtant, ce soir-là, devant l’état de Sarah-Jeanne, Julianne était inexplicablement devenue gentille et amicale. Puis, de fil en aiguille, Saja avait passé la nuit chez elle. Un lien inattendu s’était tissé entre les deux filles quand Julianne avait raconté pour la première fois ce qui lui était arrivé à elle, une aventure pénible et douloureuse qui semblait expliquer son changement radical. Et ça avait apparemment un lien avec Sébastien. Encore lui…

    Par respect pour Julianne, Saja ne m’avait pas raconté tout ce qu’elle avait appris, mais suffisamment pour que je comprenne, au fil du temps, qu’il s’agissait de quelque chose de grave. J’imaginais un geste méchant, une forme d’agression, peut-être, et je comprenais sa discrétion. Par contre, la nouvelle connexion qui s’était formée entre ces deux filles me blessait malgré moi, surtout que nous venions à peine de nous retrouver, mon amie et moi. Elles partageaient un épisode semblable et douloureux, se comprenaient d’une façon qu’il ne me serait jamais possible de partager, et ça m’a fait mal. Je me sentais exclue et lorsque je les voyais ensemble, malgré toute la gentillesse de Julianne et la douceur amicale de Sarah-Jeanne, j’étais jalouse, encore.

    Après le party d’Halloween, Saja a quitté le groupe de musique ZigZog et envoyé promener les AAA, Sébastien et toute cette bande avec laquelle elle ne voulait plus avoir affaire. C’est là qu’elle a formé le groupe Existence avec Julianne, qui composait des chansons incroyables, et Frédérick, l’ancien batteur de ZigZog qui détestait Sébastien et n’aspirait qu’à se trouver un nouveau band. Fred a recruté un bassiste et un guitariste au cégep qu’il fréquentait et il n’a fallu que peu de temps pour que Saja et Fred tombent amoureux. C’était vraiment parfait, car je l’aimais bien, ce gars. Il était différent, je croyais voir en lui une profondeur et une sensibilité peu communes. Mais surtout, il avait l’air totalement amoureux de Sarah-Jeanne – pour vrai, cette fois – et elle de lui. Ils le méritaient, leur bonheur, sauf que… c’est justement ce bonheur qui éloignait encore plus Sarah-Jeanne de moi.

    Oh ! Il nous arrivait souvent de sortir tous les quatre, Frédérick, elle, Jonathan et moi, mais je ne l’avais certainement plus à moi toute seule, prise qu’elle était entre son chum, son band, ses cours de chant, l’école et tout le reste. Bref, ça a été le début de la fin. Je me suis donc rabattue sur Jonathan, mon copain dont je me croyais si amoureuse. Or, je commençais à me demander si c’était vraiment ça, l’amour, si je tenais réellement à lui ou si c’était le simple fait d’avoir un chum et la façon dont il me regardait qui me plaisaient. Ce qui n’arrangeait rien était qu’entre la mère de Jonathan et moi, ce n’était pas l’amour fou ; en sa présence, à cause de ses remarques et de son air hautain, je me sentais nulle, pas assez bonne pour son fils, nerveuse, maladroite. Je détestais ça et ne savais plus où me mettre. Je haïssais ce sentiment de ne pas être à la hauteur, encore une fois…

    Saja, quant à elle, pouvait enfin exploiter son incroyable talent, entourée de musiciens extraordinaires. J’y ai un peu contribué, c’est vrai. À l’époque, mon père travaillait pour la Ville. Un de ses mandats était d’organiser le Festival des arts, un événement annuel visant à faire connaître les artistes de la région et à amasser des dons pour différents organismes de charité. Le festival se terminait toujours par une soirée-spectacle d’assez grande envergure. Cette année-là, j’ai manigancé un peu et réussi à faire en sorte qu’Existence, le groupe de Sarah-Jeanne, son amoureux et notre amie Julianne, soit choisi pour y jouer. Ça leur a permis de franchir une étape importante et de vraiment faire décoller leur belle aventure. Ce n’était qu’un premier pas ; le reste, Sarah-Jeanne et Julianne l’ont accompli de façon si brillante qu’aujourd’hui, on peut entendre Existence à la radio. Et je sens que ça ne fait que commencer. Mon amie sera une vedette, j’en suis plus convaincue que jamais.

    En gros, j’étais super heureuse pour mon amie de voir son rêve se concrétiser. Je trouvais qu’elle le méritait. Sarah-Jeanne est incapable de la moindre méchanceté et, je le répète, elle a un talent vraiment exceptionnel. Comme si ce n’était pas suffisant, elle était amoureuse d’un gars parfait, elle avait une famille tout aussi parfaite et elle réussissait bien à l’école et dans tout ce qu’elle entreprenait. Et moi ? Eh bien moi, soudainement, je ne savais plus où j’en étais.

    Depuis le spectacle au Festival, je pense

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