Ruses de Guerre: (Version Intégrale - Huit Livres)
Par Polyen
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À propos de ce livre électronique
Orateur et écrivain militaire, Polyen, dont l'histoire n'a gardé que peu de traces, fut en premier lieu avocat à Rome sous le règne de Marc Aurèle. Le recueil qui suit fut adressé à Lucius Verus avant qu'il ne parte en campagne contre les Parthes en 162. Oeuvre constituée de huit livres, les "Stratagèmes" de Polyen présentent les ruses et les tactiques militaires employées par les chefs de guerre les plus importants, mais aussi par des héros mythologiques, des dieux et des femmes. Ces récits, brefs pour la plupart, constituent aujourd'hui un témoignage essentiel quant à la connaissance de l'histoire grecque et romaine.
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Aperçu du livre
Ruses de Guerre - Polyen
Ruses de guerre
In César, « Commentaires », publ. par MM. Ch. Liskenne et Sauvan, Bibliothèque historique et militaire, 1840.
Polyen
Traduction par
Don Gui-Alexis Lobineau
Table des matières
POLYEN
LIVRE I
1. BACCHUS.
2. PAN.
3. HERCULE.
4. THÉSÉE.
5. DÉMOPHON.
6. CRESPHONTE.
7. CYPSÈLE.
8. HELNÈS.
9. TÈMÈNE.
10. PROCLÈS.
11. ACOUÈS
12. THESSALE.
13. MÉNÉLAÜS.
14. CLEOMÈNE.
15. POLYDORE.
16. LYCURGUE.
17. TYRTÉE.
18. CIDRUS.
19. MELANTHE.
20. SOLON.
21. PISISTRATE.
22. ARISTOGITON.
23. POLYCRATE.
24. ISTHIÉE.
25. PITTAC.
26. BIAS.
27. GÉLON.
28. THÉRON.
29. HIÉRON.
30. THÉMISTOCLE.
31. ARISTIDE.
32. LÉONIDAS.
33. LÉOTYCHIDE.
34. CIMON.
35. MYRONIDE.
36. PÉRICLÈS.
37. CLÉON.
38. BRASIDAS.
39. NICIAS.
40. ALCIBIADE.
41. ARCHIDAME.
42. GYLIPPE.
43. HERMOCRATE.
44. ETÉONIQUE.
45. LYSANDRE.
46. AGIS.
47. TRASYLLE.
48. CONON.
49. XÉNOPHON.
LIVRE II
1. AGÉSILAS.
2. CLÉARQUE.
3. ÉPAMINONDAS.
4. PÉLOPIDAS.
5. GORGIAS ou GORGIDAS.
6. DERCYLLIDAS.
7. ALCÉTAS.
8. ARXILAIDAS.
9. ISADAS.
10. CLÉANDRIDAS.
11. PHARICIDAS.
12. DÉIPHONTE.
13. EURYTION.
14. LES ÉPHORES.
15. HIPPODAMAS.
16. GASTRON.
17. MÉGACLIDAS.
18. HARMOSTÈS.
19. THIBRON.
20. DEMARAT.
21. ERIPPIDAS.
22. ISCHOLAÜS.
23. MNASSIPPIDAS.
24. ANTALCIDAS.
25. AGÉSIPOLIS.
26. STHÉNIPPE.
27. CALLICRATIDAS.
28. MAGAS.
29. CLÉONYME.
30. CLÉARQUE.
31. ARISTOMÈNE.
32. CINÉAS.
33. HÉGÉTORIDE
34. DINIAS
35. NICON
36. DIÉTAS.
37. TISAMÈNE.
38. ONOMARQUE.
LIVRE III
1. DÉMOSTHÈNE.
2. PAQUÉS.
3. TOLMIDÈS.
4. PHORMION.
5. CLISTHÈNE.
6. PHRYNIQUE.
7. LACHARÈS.
8. ARQUINE.
9. IPHICRATE.
10. TIMOTHÉE
11. CHABRIAS.
12. PHOCION.
13. CHARÈS.
14. CHARIDÈME.
15. DÉMÉTRIUS DE PHALÈRE.
16. PHILOCLÈS
LIVRE IV
1. ARGEE.
2. PHILIPPE.
3. ALEXANDRE.
4. ANTIPATER.
5. PARMÉNION.
6. ANTIGONE.
7. DÉMÉTRIUS.
8. EUMENE.
9. SELEUCUS.
10. PERDICAS.
11. CASSANDRE.
12. LYSIMACHUS.
13. CRATERE.
14. POLYSPERCHON.
15. ANTIOCHUS, FILS DE SÉLEUCUS.
16. ANTIOCHUS, FILS D'ANTIOCHUS.
17. ANTIOCHUS HIÉRAX OU L'ÉPERVIER.
18. PHILIPPE, FILS DE DÉMÉTRIUS.
19. PTOLÉMÉE.
20. ATTALE.
21. PERSEE.
LIVRE V
1. PHALARIS.
2. DENIS.
3. AGATHOCLE.
4. HIPPARIN.
5. THÉOCLE.
6. HIPPOCRATE.
7. DAPHNÉE.
8. LEPTINE.
9. HANNON.
10. HIMILCON.
11. GESCON.
12. TIMOLÉON.
13. ARISTON.
14. THRASIMEDE.
15. MEGACLES.
16. PAMMENES.
17. HÉRACLIDE.
18. AGATHOSTRATE.
19. LYCUS.
20. MENECRATE.
21. ATHÉNODORE.
22. DIOTIME.
23. TYNNIQUE.
24. CLITARQUE.
25. TYMARQUE.
26. EUDOCIME.
27. PAUSISTRATE.
28. THÉOGNIS.
29. DIOCLÈS.
30. CHILIUS.
31. CYPSÈLE.
32. TÉLÉSINIQUE.
33. POMPISQUE.
34. NICON.
35. NÉARQUE.
36. DOROTHÉE.
37. SOSISTRATE.
38. MOGNETE.
39. ARCHEBIUS.
40. ARISTOCRATE.
41. ARISTOMAQUE.
42. CHARIMÈNE.
43. CALLIADE.
44. MEMNON.
45. PHILOMÈLE.
46. DÉMOCLÈS.
47. PANNETIUS.
48. PYRÉCHMÈS.
LIVRE VI
1. JASON.
2. ALEXANDRE DE PHÉRÈS.
3. ATHENOCLE.
4. PHILOPOEMEN.
5. ARATUS.
6. PYRRHUS.
7. APOLLODORE.
8. EGYPTE.
9. LEUCON.
10. ALEXANDRE, GOUVERNEUR D'ÉOLIE.
11. ARISTIDE.
12. ALEXANDRE, FILS DE LYSIMACHUS.
13. LES AMPHICTHYONS.
14. LES SAMNITES.
15. LES CAMPANIENS.
16. LES CARTHAGINOIS.
17. LES AMBRACIENS.
18. LES PHOCÉENS.
19. LES PLATÉENS.
20. LES CORCYRÉENS.
21. LES EGESTIENS.
22. LES LOCRIENS.
23. LES CORINTHIENS.
24. LES LAMPSACIENS.
25. LES CHALCÉDONIENS.
26. SYLOSON.
27. ALEXANDRE LE THESSALIEN.
28. THRASYBULE, TYRAN DE MILET.
29. MENTOR.
30. ANAXAGORE.
31. PINDARE.
32. THERON.
33. SISYPHE.
34. AGNON.
35. AMPHIRETE.
LIVRE VII
1. DEJOCÈS.
2. ALYATTE.
3. PSAMMETIC.
4. AMASIS.
5. MIDAS.
6. CYRUS
7. HARPACE.
8. CRÉSUS.
9. CAMBYSE.
10. ÉBARÈS.
11. DARIUS.
12. SYRACÈS.
13. ZOPYRE.
14. ORONTE.
15. XERXÈS.
16. ARTAXERXÈS.
17. OCHUS.
18. TISSAPHERNE.
19. PHARNABAZE.
20. GLOS.
21. DATAMÈS.
22. COSINGAS.
23. MAUSOLE.
24. BORGÈS.
25. DROMICHETÈS .
26. ARIOBARZANE.
27. AUTOPHRADATE.
28. ARSAMÈS.
29. MITHRIDATE.
30. MEMPSIS.
31. KERSOBLEPTE..
32. SEUTHÈS.
33. ARTABAZE.
34. ARYANDE
35. BRENNUS.
36. MYGDONIUS.
37. PARISADE.
38. SEUTHE.
39. SEILÈS.
40. BORZUS.
41. SURENAS.
42. LES CELTES.
43. LES THRACES.
44. LES SCYTHES.
45. LES PERSES.
46. LES TAURIENS.
47. LES PALLÉNIENS.
48. HANNIBAL.
49. LES THYRRÉNIENS.
50. LES GAULOISES.
LIVRE VIII
1. AMULIUS
2. NUMITOR
3. ROMULUS
4. NUMA
5. TULLUS
6. TARQUIN
7. CAMILLE
8. MUCIUS
9. SYLLA
10. MARIUS
11. MARCELLUS
12. ATILIUS
13. CAIUS
14. FABIUS
15. QUINTUS
16. SCIPION
17. PORCIUS CATON
18. FAUNE
19. TITUS
20. CAIUS
21. PINARIUS
22. SERTORIUS
23. CÉSAR
24. AUGUSTE
25. LES ROMAINS
26. SÉMIRAMIS.
27. RODOGUNE
28. TOMYRIS
29. NlTÉTIS
30. PHILOTIS
31. CLÉLIE
32. PORCIE
33. TÉLÉSILLE
34. CHILONIS
35. PIÉRIE
36. POLYCRITE
37. LES PHOCÉENS
38. ARÉTAPHILE
39. CAMMA
40. TIMOCLÉE
41. ERYXO
42. PYTHOPOLIS
43. CHRYSAME
44. POLYCLÉE
45. LÉÈNE
46. THÉMISTO
47. PHÉRÉTIME
48. AXIOTHÉE
49. ARCHIDAMIS
50. LAODICE
51. THÉANO
52. DÉIDAMIE
53. ARTÉMISE
54. TANIE
55. TIRGATAO
56. AMAGE
57. ARSINOÉ
58. CRATÉSIPOLIS
59. LA PRÊTRESSE
60. CYNNANE
61. PYSTE
62. ÉPICHARIS
63. LES MILÉSIENNES
64. LES MÉLIENNES
65. LES PHOCÉENNES
66. LES FEMMES DE CHIO
67. LES THASIENNES
68. LES ARGIENNES
69. LES ACARNANIENNES
70. LES CYRÉNÉENNES
71. LES LACÉDÉMONIENNES
POLYEN
IIe siècle ap. J-C
Orateur et écrivain militaire, Polyen, dont l'histoire n'a gardé que peu de traces, fut en premier lieu avocat à Rome sous le règne de Marc Aurèle. Le recueil qui suit fut adressé à Lucius Verus avant qu'il ne parte en campagne contre les Parthes en 162. Oeuvre constituée de huit livres, les Stratagèmes
de Polyen présentent les ruses et les tactiques militaires employées par les chefs de guerre les plus importants, mais aussi par des héros mythologiques, des dieux et des femmes. Ces quelques 900 récits, brefs pour la plupart, constituent aujourd'hui un témoignage essentiel quant à la connaissance de l'histoire grecque et romaine.
LIVRE I
BACCHUS.
Bacchus, dans son expédition des Indes, afin d'être reçu plus aisément dans les villes, ne marchait pas armé à découvert. Ses troupes étaient vêtues de robes légères et de peaux de cerfs. Les javelots étaient ombragés de lierre, et l'on ne voyait pas la pointe dont les thyrses étaient garnis. Les sonnettes et les tambours tenaient lieu de trompettes, et les ennemis domptés par le vin, ne s'occupaient que de la danse. En un mot tous les mystères auxquels on a donné le nom d'orgies, ne sont qu'une représentation des ruses dont Bacchus s'était servi pour assujettir les Indiens et les autres peuples de l'Asie.
II. Dans la même expédition des Indes, Bacchus voyant que son armée ne pouvait supporter l'air enflammé de ces climats, se saisit d'une montagne du pays, remarquable par trois hauteurs, dont l'une s'appelait Corasibie, l'autre Condasque, et la troisième il la nomma Méros, ou la Cuisse, en mémoire de sa naissance. Ce lieu était agréable par la quantité et l'abondance de ses sources, la fraîcheur de ses neiges, la multitude des bêtes fauves qu'on y pouvait chasser, et toutes sortes de fruits délicieux. Son armée, après s'être reposée dans ces lieux agréables, paraissait tout d'un coup contre les Barbares, et lançant ses traits d'en haut avec avantage, les mettait facilement en fuite.
III. Bacchus, après avoir subjugué les Indiens, en tira des troupes auxiliaires, et les joignant aux Amazones, il entreprit la conquête de la Bactriane. Ce pays est terminé par le fleuve Satangués, et les Bactriens s'étaient postés sur les hauteurs voisines de ses bords, d'où ils prétendaient fondre sur Bacchus quand ils le verraient tenter le passage du fleuve. Bacchus ayant posé son camp de l'autre côté, ordonna aux Amazones et aux Bacchantes de passer la rivière, afin d'attirer les Bactriens, qui ne manqueraient pas d'abandonner leurs hauteurs, pour accourir à une défaite qu'ils jugeraient facile. Les femmes commencèrent à traverser le fleuve, et les Barbares descendirent pour les attaquer dans le passage. Elles lâchèrent pied, et se retirèrent à l'autre bord, où les Bactriens les poursuivirent. Alors Bacchus voyant les Barbares dans le fleuve, accourut au secours des Amazones et des Bacchantes avec les hommes, tua les Bactriens, et passa le fleuve sans danger.
PAN.
Pan était général de l'armée de Bacchus. Ce fut le premier qui imagina l'ordre de bataille, et qui lui donna le nom de phalange ; et comme il y établit une corne droite et une corne gauche, c'est ce qui a donné lieu à représenter Pan cornu. Pan fut aussi le premier qui s'avisa d'inspirer de la terreur aux ennemis par artifice. Bacchus était campé dans un lieu reculé et ombrageux, et ses batteurs d'estrade lui avaient annoncé que l'ennemi était campé au-delà, avec des forces supérieures aux siennes. Bacchus eut peur : mais Pan ne se laissa point étonner par ces nouvelles. Il ordonna à l'armée de Bacchus de pousser de grands cris la nuit. Il fut obéi par les troupes, et le bruit qu'elles firent retentissant dans les hauteurs et des gorges voisines, par des échos redoublés, fit juger aux ennemis que les troupes de Bacchus étaient beaucoup plus nombreuses qu'ils ne s’étaient imaginé. La frayeur les saisit, ils prirent la fuite. C'est pour faire honneur à cette ruse de Pan, qu'on a imaginé ses amours avec la nymphe Echo ; et d'ailleurs cette rencontre a été cause qu'on a nommé Paniques les terreurs nocturnes et sans sujet connu, qui surviennent dans les armées.
HERCULE.
Hercule ayant dessein d'exterminer de Pelion la race des Centaures, ne voulut pas commencer le premier à les attaquer : mais il fit en sorte de leur donner le tort. À cet effet, il s'arrêta auprès de Phole, où ayant débouché un tonneau de vin délicieux, lui et les siens en tirèrent quelque quantité. Les Centaures voisins, attirés par l'odeur, vinrent à la caverne de Phole, et enlevèrent le vin. Alors Hercule, sous prétexte de les punir dé cette violence injuste, fondit sur les Centaures et les tua.
II. Hercule appréhendant les forces et la fureur du sanglier d'Érymanthe, employa l'adresse pour s'en défaire. Cette hôte terrible avait sa bauge dans un vallon, couvert d'une épaisse neige. Hercule posté sur une hauteur, jetait des pierres en bas. Le sanglier irrité se lève, et sautant de tous côtés, s'embarrasse dans la neige, où il fut aisé de le prendre.
III. Hercule étant abordé devant Troie avec sa flotte, fit descente dans le pays, à dessein de combattre à pied. En même temps il ordonna aux pilotes de s'éloigner avec les vaisseaux. Les gens de pied des Troyens furent vaincus par Hercule, pendant que leur cavalerie courut du côté des vaisseaux, qu'elle ne put surprendre. Hercule, vainqueur des gens de pied, surprit la cavalerie entre la mer et ses troupes victorieuses, et la défit entièrement.
IV. Hercule eut une fille dans l'Inde, et la nomma Pandée. Il lui assigna une partie du pays au midi, borné par la mer, et divisé en trois cent soixante-cinq cantons, chacun desquels, dans son jour, devait apporter, à la Pandée le tribut royal. Par ce moyen la reine savait précisément ce qui lui était dû, et ceux qui payaient étaient toujours prêts à la servir contre ceux qui refusaient d'accomplir leurs devoirs.
V. Hercule faisant la guerre au Minyens, qui étaient forts en cavalerie, et n'osant en venir aux mains avec eux dans la plaine, se servit d'une rivière pour les vaincre. Le fleuve Céphise, qui sépare les deux montagnes de Parnasse et d'Hedylion, coule à travers la Béotie, et avant que de se rendre à la mer, fond tout d'un coup dans un grand gouffre, où il devient invisible. Hercule boucha ce gouffre avec de grandes pierres, et inonda par ce moyen la plaine où était postée la cavalerie des Minyens. Ils ne purent se servir de leurs chevaux, et Hercule se rendit ainsi maître des lieux. Après cela il déboucha le gouffre et le fortifia, et le fleuve Céphise reprit son cours ordinaire.
THÉSÉE.
Thésée, pour éviter d'être saisi par les cheveux dans les combats, s'avisa de se faire tondre le devant de la tête. Après lui les Grecs ont mis en pratique cette espèce de tonsure qu'on appelait Théséide. Les Abantes, surtout, conservèrent cette manière de se couper les cheveux, comme le témoigne Homère, lorsqu'il leur donne l'épithète de chevelus par le derrière de la tête.
DÉMOPHON.
Démophon avait reçu le palladium en dépôt de Diomède, et le gardait soigneusement. Importuné par Agamemnon, qui le lui demandait, il donna le véritable à un Athénien, nommé Bouzyguès, afin qu'il le portât à Athènes ; et en ayant fait faire un tout semblable, il le gardait dans sa tente. Agamemnon, vint pour l'enlever e main forte, et Démophon combattit avec autant de courage et d'obstination pour conserver le faux palladium, que si c'eut été le véritable. Enfin cédant à la force, et blessé en plusieurs endroits, le lui livra, et Agamemnon trompé s'en alla avec le prétendu palladium.
CRESPHONTE.
Cresphonte, Témène, et les fils d'Anistodème partagèrent entre eux le Péloponnèse. On fit trois parts, Sparte, Argos, et Messène. Cresphonte, dans le dessein de s'approprier Messène, qui était le meilleur lot, proposa de tirer au sort, que le premier et le second qu'on tirerait, donneraient Sparte et Argos, et que Messène demeurerait à celui qui aurait le dernier sort. Son avis fut suivi, et l'on mit les sorts dans une urne pleine d'eau. Deux étaient de pierre blanche, et le troisième, préparé par Cresphonte, n'était que de terre de la même couleur et de la même forme, qui fut dissoute en peu de temps. Il ne resta que les deux pierres, dont la première, tirée par Témène, lui donna Argos ; et l'autre, par les fils d'Aristodème, les rendit maîtres de Sparte. Cresphonte n'eut pas besoin de tirer, il emporta Messène par artifice, pendant qu'on s'imaginait que c'était un présent de la fortune seule.
CYPSÈLE.
Dans le temps que Cypsèle était maître de l'Arcadie, les Héraclides faisaient la guerre aux Arcadiens. Un oracle donné aux Héraclides portait : « Ne recevez point de présents de ceux d'Arcadie, ou si vous en recevez faites alliance avec eux. » Cypsèle, instruit de cet oracle, ordonna aux laboureurs, dans le temps de la récolte, de garnir les chemins de toutes sortes de fruits, et de se retirer. Les troupes des Héraclides trouvant ces fruits abandonnés, les prirent avec joie. Après cela Cypsèle se présentant devant les Héraclides, leur offrit l'hospitalité. Ceux-ci par déférence pour l'oracle, refusaient d'accepter les offres de Cypsèle. « Vous avez tort, leur dit-il, vos troupes ont déjà reçu nos présents.» Ce fut ainsi que par l'artifice de Cypsèle les Arcadiens firent alliance avec les Héraclides.
HELNÈS.
Du temps qu'Helnès était roi d'Arcadie, les Lacédémoniens ravagèrent les environs de Tégée. Helnès détacha les plus vigoureux des siens, et leur ordonna de s'aller poster la nuit sur les hauteurs. A la même heure, c'est-à-dire vers minuit, il plaça entre la ville et les ennemis les vieillards et les enfants, à qui il donna ordre d'allumer un grand feu. Les Lacédémoniens, étonnés de ce spectacle, le regardaient avec beaucoup d'attention. Pendant ce temps-là, ceux qui étaient sur les hauteurs fondirent sur les ennemis, en tuèrent la plupart, et firent le reste prisonniers. Ainsi fut accompli l'oracle autrefois donné aux Lacédémoniens et mal entendu par eux : « Je te ferai danser dans la plaine de Tégée, et ce beau canton sera mesuré au cordeau. »
TÈMÈNE.
Témène, avec les autres Héraclides, ayant dessein de passer à Rhion, envoya des transfuges de Locres dire à ceux du Péloponnèse, que les Héraclides étaient à Naupacte avec leur flotte et qu'ils feignaient d'en vouloir à Rhion, mais qu'en effet ils avaient dessein de faire descente à l'Isthme. Ceux du Péloponnèse, trompés par cette fausse nouvelle, coururent à l'Isthme, et Témène se rendit facilement maître de Rhion.
PROCLÈS.
Proclès et Témène, Héraclides, faisaient la guerre aux Eurystides, maîtres de Sparte. Pendant que les Héraclides sacrifiaient à Pallas pour l'heureux passage des montagnes, les Eurystides les attaquèrent tout-a-coup. Les Héraclides, sans s'étonner, ordonnèrent aux fifres qui étaient en fonction pour le sacrifice, de continuer à jouer, et de marcher ainsi devant les troupes, qui réglant leur marche sur la mesure de l'harmonie, se trouvèrent arrangées de manière qu'il fut impossible de les rompre, et la victoire se déclara pour eux. Cette expérience apprit aux Lacédémoniens de quelle utilité étaient les fifres dans une marche et dans le combat. Aussi depuis ce temps-là ne marchèrent-ils point sans fifres ; et je sais que les oracles des dieux leur avaient promis la victoire toutes les fois qu'ils combattraient au son des fifres ; pourvu que ce ne fût pas contre gens qui en usassent aussi. La vérité de cet oracle fut confirmée par ce qui arriva à l'affaire de Leuctres. Alors les Lacédémoniens se mirent en bataille contre les Thébains, sans avoir avec eux de fifres. Au lieu que les Thébains en avaient selon l'usage de la nation. Ainsi fut accompli l'oracle qui avait prédit que les Thébains vaincraient les Lacédémoniens, quand ceux-ci ne se serviraient point de fifres.
ACOUÈS
La ville de Tégée fut livrée la nuit, par trahison, aux Lacédémoniens. Pour remédier à ce malheur, Acouès ordonna à ses soldats de tuer tous ceux qui demanderaient le mot. Les Arcadiens, ainsi prévenus, ne le demandèrent point ; mais les Spartiates ayant de la peine à reconnaître les leurs dans l'obscurité, demandaient le mot, et se faisant connaître par là ; étaient aussitôt égorgés par les Arcadiens.
THESSALE.
Dans le temps que les Béotiens d'Arne faisaient la guerre aux Thessaliens, Thessale trouva moyen de s'en rendre maître sans combat, par cette ruse : ayant attendu une nuit obscure et sans lune, il commanda à ses troupes de se diviser par pelotons, de se poster sur différentes hauteurs çà et là, d'allumer des flambeaux, et de les hausser et baisser souvent. Les Béotiens voyant tous ces feux en mouvement autour d'eux, les prirent pour des éclairs, et saisis de frayeur, ils demandèrent la paix aux Thessaliens.
MÉNÉLAÜS.
Ménélaüs, revenant d'Égypte avec Hélène se trouva devant Rhodes. Philixo, veuve de Tlépolème, mort au siège de Troie, et encore affligée de cette perte, fut informée de l'arrivée de Ménélaüs et d'Hélène. Aussitôt, pour venger la mort de Tlépolème, elle rassemble tous les Rhodiens, hommes et femmes, et s'armant de feu et de pierres elle fait irruption sur la flotte de Menelaüs, que le vent contraire empêchait de mettre à la voile et de prendre la fuite. Il prit le parti de faire cacher Hélène sous le tillac ; et en fit prendre les habits, les ornements et le diadème à la plus belle de ses esclaves. Philixo et les Rhodiens employèrent le feu et les pierres contre cette malheureuse esclave, et assouvirent leur vengeance sur elle. Ils se retirèrent, contents d'avoir donné la mort à la prétendue Hélène, et Ménélaüs eut la satisfaction de sauver et d'emmener avec lui la véritable.
CLEOMÈNE.
Pendant que Cléomène était campé devant ceux d'Argos, il remarqua que les Argiens l'observaient avec une attention singulière, et faisaient tous les mêmes mouvements et toutes les mêmes fonctions dont il donnait les ordres par ses hérauts ; s'il s'armaient, les ennemis s'armaient, s'il marchait, ils marchaient contre lui, s'il se reposait, ils se reposaient. Cléomène les voyant dans cette disposition, donna ordre secrètement que l'on s'arma quand il ferait crier le dîner. Le cri fut fait et les Argiens se mirent à dîner. Cléomène profitant de leur erreur, fondit sur eux, et les trouvant sans armes, les défit entièrement.
POLYDORE.
Il y avait vingt ans que les Lacédémoniens faisaient la guerre à ceux de Messène. Polydore feignit d'être brouillé avec le roi Théopompe, qui était d'une autre maison que lui, et fit dire aux Messéniens par un transfuge simulé que les deux rois ne pouvaient plus vivre ensemble, et étaient sur le point de se séparer. Les Messéniens observèrent ce qui arriverait de cette brouillerie, et furent informés que Théopompe avait effectivement emmené ses troupes. Mais il n'était pas allé loin, et s'était caché à l'écart. Les Messéniens croyant alors n'avoir affaire qu'à Polydore seul, le méprisèrent, et sortirent de la ville fort en désordre pour le combattre. Théopompe, averti par te espions, sortit du lieu où il s'était caché, trouva la ville abandonnée, s'en rendit le maître, et puis tourna contre les Messéniens qui avaient Polydore en face. Ainsi ceux de Messène, enfermé de tous côtés, furent vaincus par les Lacédémoniens.
LYCURGUE.
Lycurgue, dans le dessein de donner plus d'autorité à ses lois, employa la religion, pour y soumettre plus efficacement les esprits des Lacédémoniens. Aussitôt qu'il avait formé une loi, il en envoyait le décret à Delphes, pour demander au dieu si elle serait utile. La prophétesse gagnée par les présents, ne manquait jamais de répondre que la loi était utile ; et de cette manière la crainte religieuse faisait regarder les lois de Lycurgue comme autant d'oracles.
II. Un des préceptes de Lycurgue était celui-ci : « Lacédémoniens, ne faites pas souvent la guerre aux mêmes ennemis, de peur de les rendre trop habiles à vos dépens. »
III. Il disait encore : « Ne tuez pas les ennemis qui fuient, de peur qu'ils n'apprennent qu'il est plus avantageux de demeurer que de prendre la fuite. »
TYRTÉE.
Les Lacédémoniens étant près de combattre les Messéniens, se proposèrent de vaincre ou de mourir ; et afin qu'on pût reconnaître plus facilement les morts, quand il faudrait les enlever après le combat, chacun écrivit son nom sur une bande de cuir qu'il s'attacha à la main gauche. Tyrtée se persuada que cette résolution désespérée donnerait de la terreur aux Messéniens, et pour la leur faire savoir, sans qu'il parût que cela vînt de lui, il fit publier dans le camp qu'on ne fît pas de cas des Ilotes qui voudraient déserter. Ceux-ci, voyant qu'on ne les observait point, passèrent en foule du côté des Messéniens, et leur apprirent la résolution que les Lacédémoniens avaient prise. Ceux de Messène en combattirent avec moins d'ardeur contre des gens animés de désespoir, et furent aisément vaincus par les Lacédémoniens.
CIDRUS.
Les Athéniens faisaient la guerre à ceux du Péloponnèse. Un oracle avait assuré la victoire aux Athéniens si leur roi était tué par un Péloponnésien. Cet oracle était connu, et les Péloponnésiens avaient donné un ordre très exprès d'épargner dans les combats la personne de Codrus, roi d'Athènes. Mais Codrus, déguisé en bûcheron, sortit un soir hors des retranchements, et se mit à couper du bois. Des Péloponnésiens, sortis dans le dessein de couper aussi du bois, rencontrèrent Codrus, qui les attaqua et en blessa quelques-uns à coups de serpe. Ils se vengèrent sur lui et l'assommèrent avec leurs serpes. Ils se retirèrent à leur camp, bien contents de cet exploit. Les Athéniens, de leur côté, voyant l'avantage que l'oracle leur faisait espérer de cette perte, poussèrent de grands cris de joie ; et se présentant courageusement pour combattre les Péloponnésiens, ils commencèrent par leur envoyer un héraut, pour demander la permission d'enlever le corps du roi. Les Péloponnésiens voyant ce qui était arrivé, prirent la fuite, et les Athéniens, après la victoire, décernèrent à Codrus les honneurs dus aux héros, en reconnaissance de ce qu'il avait sacrifié sa vie pour l'avantage de sa patrie.
MELANTHE.
Les Athéniens et les Béotiens se faisaient la guerre au sujet de Mélaines. Mélanthe commandait les Athéniens, et Xanthus était à la tête de ceux de Béotie ; et Mélaines était un canton limitrophe de l'Attique et de la Béotie. Un oracle avait prédit à Xanthus qu'il serait vaincu par ruse ; et voici comme l'oracle fut accompli. Les deux chefs voulurent terminer le différend par un combat singulier entre eux seuls. Comme ils en étaient aux mains, Mélanthe s'écria « Tu n'en uses pas bien, tu amènes un second, c'est une supercherie. » Xanthus se détourna pour voir qui était ce second ; et dans le moment Mélanthe le perça d'un javelot. Les Athéniens ayant remporté la victoire par cette tromperie, établirent une fête annuelle en mémoire de cette rencontre ; on l'appelle encore aujourd'hui la fête des Apaturies, comme qui dirait, de la tromperie.
SOLON.
Ceux d'Athènes et de Mégare se faisaient la guerre depuis long temps pour la possession de Salamine. Les Athéniens ayant eu du désavantage, firent une loi par laquelle il était défendu, sur peine de la vie, de parler de faire la guerre pour la conquête de Salamine. Solon méprisa la menace de la mort, et résolut de faire révoquer la loi. À ce dessein il feignit un transport de fureur, et se présentant sur la place, il se mit à chanter des élégies qui ne parlaient que d'armes et de guerre. Le peuple, animé par ce chant martial, prit les armes et sortit en chantant les élégies militaires de Solon. Les Mégariens furent vaincus, et Salamine demeura au pouvoir des Athéniens. Ainsi Solon fut admiré pour avoir, par sa feinte manie, aboli une mauvaise loi, et procuré la victoire aux Athéniens par les charmes de la musique.
II. Dans la même guerre des Athéniens et ceux de Mégare, au sujet de Salamine, Solon fit avancer sa flotte du côté de Collas, où les femmes célèbrent une fête à l'honneur de Cérès. En même temps il envoya un transfuge simulé, qui dit à ceux de Mégare : « Si vous voulez aller par mer à Colias, vous y trouverez les femmes des Athéniens qui dansent : mais hâtez-vous. » Les Mégariens trop crédules, s'embarquèrent pour cette expédition pendant que Solon fit retirer les femmes et leur substitua des jeunes gens sans barbe, qui prirent les habits des femmes, et s'armèrent secrètement de poignards. Dans cette disposition, ils se mirent à danser sur le bord de la mer. Leurs visages sans barbe, et leurs habits, trompèrent les Mégariens, qui firent incursion sur eux pour les enlever. Mais ils trouvèrent que ces femmes prétendues étaient des hommes vigoureux qui les poignardèrent, montèrent sur leurs propres vaisseaux, et se rendirent maîtres de Salamine.
PISISTRATE.
Pisistrate sortit de l'Eubée, s'avança en armes dans l'Attique, du côté de Pallènes. Il tua d'abord tous ceux qui se présentèrent. Ils furent suivis d'un plus grand nombre. Pisistrate les voyant, donna ordre qu'on prît des couronnes, et défendit le carnage. Il fit courir le bruit qu'il avait traité avec les premiers ; et ceux-ci persuadés que la chose était ainsi, transigèrent avec Pisistrate, et le laissèrent maître de la ville. Il monta sur un chariot, et s'y fit accompagner par une femme fort belle et d'une taille avantageuse, nommée Phyé, qu'il habilla comme on représente Pallas, voulant leur donner à entendre que c'était la déesse même qui le ramenait dans Athènes. De cette sorte il se présenta hardiment, et se rendit maître absolu de la ville.
II. Pisistrate ayant dessein de désarmer les Athéniens, convoqua l'assemblée générale, et donna ordre que tout le monde se trouvât en armes au temple Anacée. Quand tous furent assemblés, il se mit à haranguer, mais il parlait si bas qu'on avait peine à l'entendre. On le pria de s'avancer sous le portique, afin qu'il pût être plus facilement entendu de tous. Pisistrate continua là de parler d'une voix faible, et les auditeurs s'approchaient le plus qu'ils pouvaient, en prêtant l'oreille avec attention. Pendant ce temps-là ceux qui favorisaient Pisistrate, enlevèrent les armes et les portèrent dans le temple de Diane. Alors les Athéniens reconnurent que la faiblesse de la voix était une ruse dont s'était servi Pisistrate pour leur ôter leurs armes.
III. Dans Athènes, Mégaclès avait le commandement sur les riches, et Pisistrate avait l'autorité sur les pauvres. L'un et l'autre avaient ensemble des différents continuels. Un jour, dans l'assemblée, Pisistrate fit de grands reproches à Mégaclès et usa contre lui de menaces. Au sortir de l'assemblée Pisistrate se fit quelques plaies qui n'étaient pas dangereuses, et se montrant le lendemain en public, il donna lieu de croire qu'il avait été maltraité de la sorte, pour avoir pris le parti du peuple et soutenu ses intérêts. Le peuple animé par cette injure prétendue, donna trois cents gardes à Pisistrate, qui les ayant armés de massues, s'en servit à s'assurer l'empire souverain de la ville, et il le transmit à ses enfants.
ARISTOGITON.
Aristogiton, tourmenté par les gardes d'Hippias, qui le voulait forcer à déclarer les noms des complices de la conspiration, ne nomma aucun des véritables conjurés ; mais il accusa tous les amis d'Hippias d'avoir eu part au soulèvement. Quand Hippias les eut fait mourir, alors Aristogiton lui déclara qu'il ne les avait nommés que pour les faire périr, et qu'il se savait bon gré d'avoir détruit les amis du tyran par la cruauté du tyran même.
POLYCRATE.
Polycrate de Samos courant les mers de Grèce, regarda