Apicius, le roi de l’orgie romaine
An 37 après J.-C. Marcus Gavius Apicius, soixante ans environ, compte avec mélancolie ce qu’il reste de sa fortune : 10 millions de sesterces, à peine. N’importe qui à Rome se trouverait riche avec une telle somme, mais Apicius n’est pas le premier venu. C’est une star, le gourmet le plus raffiné de la ville la plus sophistiquée du monde, Rome. Au fil de sa vie, il a dépensé plus de 100 millions de sesterces tonne l’écrivain Pline l’Ancien. Né aux alentours de - 25 avant J.-C., Apicius vit sous le règne de l’empereur Tibère. Il possède une fortune considérable, issue de dons impériaux, selon Sénèque. L’aristocrate partage son temps entre Rome et le bord de la mer, dans sa splendide villa de Campanie, au nord de Naples, où il ne se refuse rien. Il sert à ses convives de la langue de flamant rose, du sabot de chameau rôti, de la crête de coq grillée (prélevée sur les volatiles encore vivants) et de la tétine de truie farcie aux oursins! Ses invités, qui se comptent par dizaines, se régalent de paons cuisinés puis reconstitués, qui arrivent sur la table avec leur plumage, avant d’être servis. Apicius n’est pas seulement généreux, il est inventif. Il nourrit des oies nous narre Pline l’Ancien. Les spécialistes auront reconnu la technique d’engraissage qui permet d’obtenir du foie gras et du confit. Raffolant des poissons, il a repris une idée géniale de son compatriote Lucullus, qui vivait un siècle plus tôt : les parcs à huîtres et les viviers, où il peut conserver des poissons vivants jusqu’au dernier moment. Le poisson, en effet, est l’aliment de luxe par excellence pour les Romains, et Apicius en raffole. Les pêcheurs du coin ne lui suffisent pas. Il envoie des navires jusqu’en Afrique, pour y trouver des homards. Les repas qu’il donne dans sa villa se prennent allongé, entouré de danseuses et de musiciens. Le vin est servi à volonté, et pas n’importe lequel : comme tous les aristocrates, Apicius attache de l’importance à la provenance et au millésime. Les amphores de cette époque, que les archéologues ont retrouvées, portent souvent la date et la région de production, parfois fort lointaine. Le vin de ce qui sera plus tard la France est déjà réputé. Ce n’est pas tout. Dans des entrepôts de Pompéi, non loin de l’endroit où Apicius vivait en Campanie, précise l’historien Dimitri Tilloi-d’Ambrosi, spécialiste de la gastronomie dans l’antiquité romaine. Soit un voyage par la mer de plus de 8 000 km ! Ces épices étaient-elles destinées à Apicius? C’est probable. Lui et ses amis ont largement participé à développer le commerce du luxe entre les continents au cours du I siècle.
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits