Dans la typologie des actions militaires, le terme « d’opération amphibie » désigne l’embarquement d’une armée sur des navires, son transport à travers des masses d’eau – mers, océans, mais aussi, on l’oublie trop souvent, les eaux intérieures que sont mers fermées, grands lacs et fleuves navigables les plus larges – et son débarquement sur une rive hostile. L’action inverse de rembarquement depuis des rives ennemies pour mettre l’armée en sécurité ou la redéployer est également une opération amphibie. Les doctrines contemporaines distinguent en outre le débarquement « définitif », débouchant sur une campagne terrestre classique, du raid où la force rembarque immédiatement sa mission accomplie. Elles étendent de surcroît la notion à des opérations de déception: des menaces ou des feintes de débarquements ostensibles destinés à détourner l’attention et immobiliser les réserves ennemies loin de l’effort principal – autre opération amphibie ou offensive terrestre.
Dans le langage de la stratégie, le mot déception est à comprendre dans son sens premier de « tromperie », utilisé encore en France au XVIIe siècle mais emprunté aujourd’hui à l’anglais.
Opérations romaines en Germanie
Débarquement, raid, rembarquement, déception: si cette codification est récente, ces opérations se retrouvent depuis la plus lointaine Antiquité. Si la mythique guerre de Troie dure si longtemps et si ses conséquences sont si tragiques sur la destinée des héros, n’est-ce pas d’abord en raison de l’échec initial du débarquement achéen, qui se heurte dès la plage à l’armée troyenne? Par-delà la légende, la guerre antique est déjà parsemée d’épisodes du même type, et pas seulement en Méditerranée. Les Romains ne débarquent pas que sur l’île de Bretagne: par la Baltique, leurs navires s’enfoncent au plus profond de la Germanie via les grands fleuves de l’Elbe, de l’Oder, voire de la Vistule, chargés de légions qui vont frapper à revers leurs adversaires.
L’importance des opérations amphibies dans les campagnes militaires ne s’est pas amoindrie depuis l’Antiquité, bien au contraire. Cruciales dans l’issue de bien des conflits, elles figurent cependant parmi les plus complexes – et les plus risquées - du répertoire militaire. Complexes, car elles sont à la fois navales et terrestres. Or, la phase de transition entre l’eau et la terre exige des marins et des soldats, puis des) et, surtout, à la présence d’une marine hostile. Ce n’est pas par hasard si nombre des batailles navales les plus importantes de l’histoire ont une opération amphibie pour toile de fond. Ainsi, le choc gréco-perse de Salamine ( G&H