1 Comment les Allemands ont-ils défini leurs buts?
Mal, ce qui n’est guère surprenant. Au moment d’entrer en guerre, l’Allemagne ne dispose d’aucun recul sur l’arme sous-marine. Son premier vrai submersible, le U-2, est entré en service en 1908, et l’inspection des U-Boote, chargée d’évaluer la performance des flottilles mais aussi d’en élaborer la doctrine, n’est créée qu’en décembre 1913, et opérationnelle 4 mois plus tard – à la veille de la guerre. La Kaiserliche Marine positionne mines et sous-marins à la sortie des ports du Reich, là où elle attend la Royal Navy. Mais loin d’installer un blocus rapproché, les Britanniques, bien conscients du danger, se contentent de boucler les issues de la mer du Nord et de la Manche.
C’est donc bien parce que la mission défensive qui était leur raison d’être s’évanouit que les U-Boote sont retournés offensivement contre le commerce. Cette idée n’est pas nouvelle. Cet emploi est en effet inscrit dans les théories françaises de la Jeune École (voir p. 25) et dans des ouvrages d’anticipation d’avant-guerre, comme l’étonnante nouvelle publiée en juillet 1914 (voir encadré p. 24) dans laquelle Arthur Conan Doyle décrit une Angleterre vaincue en un mois et demi par… huit sous-marins! C’est totalement irréaliste, mais les amiraux du Kaiser veulent y croire – et c’est bien le problème.
En fait, les Allemands ne savent pas évaluer l’effort nécessaire pour ruiner le commerce britannique, comme le prouvent les calculs chimériques de l’amiral Holtzendorff qui fondent l’offensive « sans restriction » de 1917 (voir encadré p. 16). La guerre au tonnage est ainsi menée sans idée précise du nombre et du type de navires à couler pour asphyxier la Grande-Bretagne. Chaque capitaine agit en corsaire, frappant sans discernement les navires qu’il croise. En fait, l’ambition de Berlin est moins de couler un maximum de navires que de décourager le trafic marchand autour de la Grande-Bretagne, notamment celui des neutres. Il s’agit bien d’un contre-blocus et non pas, au moins au début, d’une guerre d’usure matérielle.