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Aimititau! Parlons-nous! (format poche)
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Aimititau! Parlons-nous! (format poche)
Livre électronique335 pages4 heures

Aimititau! Parlons-nous! (format poche)

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À propos de ce livre électronique

Aimititau ! Parlons nous ! réunit pour la première fois des auteurs du Québec et des Premières Nations, à travers des correspondances inédites qui prennent la forme de lettres, de récits, de courriels, de poèmes et de contes. Vingt-neuf auteurs, confirmés et jeunes, sont rassemblés ici par le désir de mieux se connaître. Ils initient le dialogue et rompent les solitudes.

Les écrivains jumelés s’écrivent des mois durant jusqu’à faire surgir une œuvre faite de tendresse et d’inquiétude, de révolte et d’espoir. Les grandes et incontournables questions humaines reviennent d’une correspondance une autre.

Aimititau! Parlons-nous! donne à lire une multitude de voix et de points de vue, qui expriment la manière d’être ensemble, d’habiter la même terre et de vivre dans le respect de l’autre. Véritable action de solidarité. Résonances d’une lettre à une autre, d’un tourment à un autre, d’une joie à une autre, pour se rejoindre dans la fraternité des mots.
LangueFrançais
Date de sortie19 sept. 2017
ISBN9782897124878
Aimititau! Parlons-nous! (format poche)
Auteur

José Acquelin

Né à Montréal en 1956, José Acquelin est poète. De Tout va rien (L’Hexagone, 1987) à L’absolu est un dé rond (Les Herbes rouges, 2006), sa trajectoire ne cesse d’étonner par son alliage d’urbanité et d’onirisme, d’Orient et d’Occident, laissant libre cours à des associations verbales qui n’excluent pas la conscience tragique du monde. Il a publié avec Joséphine Bacon, chez Mémoire d’encrier, le recueil Nous sommes tous des sauvages en 2011.

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    Aperçu du livre

    Aimititau! Parlons-nous! (format poche) - José Acquelin

    Aimititau!

    Parlons-nous!

    Textes rassemblés et présentés

    par Laure Morali

    Violaine Forest, Robert Seven-Crows, Denise Brassard, Rita Mestokosho, Domingo Cisneros, Louis Hamelin, Jean Duval, Louis-Karl Picard-Sioui, Anne-Marie Saint-Onge André, Jean Pierre Girard, Alain Connolly, Yves Sioui Durand, Isabelle Miron, Jean Sioui, Nahka Bertrand, Jean Désy, N. Scott Momaday, Laure Morali, Andrée A. Michaud, Joan Pawnee Parent, Yves Boisvert, Guy Sioui Durand, Lison Mestokosho, Annie Perrault, Jean-Charles Piétacho, Laure Morali, Jean Morisset, Roméo Saganash, José Acquelin, Joséphine Bacon

    MÉMOIRE D’ENCRIER

    Mémoire d’encrier reconnaît l’aide financière

    du Gouvernement du Canada,

    du Conseil des Arts du Canada

    et du Gouvernement du Québec

    par le Programme de crédit d’impôt pour l’édition

    de livres, Gestion Sodec.

    Dépôt légal : 3e trimestre 2017

    © 2017 Éditions Mémoire d’encrier inc.

    Tous droits réservés

    ISBN : 978-2-89712-486-1 (Legba édition de poche 2017)

    ISBN : 978-2-89712-488-5 (PDF)

    ISBN : 978-2-89712-487-8 (ePub)

    ISBN: 978-2-923153-78-0 (édition grand format 2008)

    PS8255.Q8A45 2017      C840.8’09714      C2017-941697-9

    PS9255.Q8A45 2017

    Mise en page : Pauline Gilbert

    Couverture : Laure Schaufelberger

    MÉMOIRE D’ENCRIER

    1260, rue Bélanger, bur. 201, • Montréal • Québec • H2S 1H9

    Tél. : 514 989 1491

    info@memoiredencrier.com • www.memoiredencrier.com

    Fabrication du ePub : Stéphane Cormier

    Collection Legba

    Dans la mythologie vaudou,

    Legba symbolise le passage du visible

    à l’invisible, de l’humain aux mystères.

    Legba est le dieu des écrivains.

    MISE EN ROUTE

    Il y a une manière du « nous » qui, à l’échelle du monde, prend désormais forme – et de manière privilégiée – dans l’acte par lequel l’on parvient à partager les différences […]

    Le Monde à venir sera fondé non seulement sur une éthique de la rencontre, mais également sur le partage des singularités […]

    C’est à la faveur de ce partage et de cette communicabilité que nous produisons l’humanité. Cette dernière n’existe pas déjà toute faite.

    Achille Mbembe

    Il est des routes où l’on trempe pour changer de vêtements au bout.

    Un hiver où j’avais fui les bibliothèques pour partir à la recherche de poèmes dans les yeux des gens, là où la route 138 se termine, là où commence la terre, j’ai rencontré les Innus. J’ai trouvé la poésie en chair et en os dans les gestes des aînés, des nomades. Je suis partie avec l’un deux dans le Nutshimit, leur maison à l’intérieur des terres, pendant presque trois mois. Ce séjour m’a marquée à jamais. D’an­née en année, je suis revenue dans les communautés innues. J’y ai rencontré des écrivains héritiers de la tradition orale : Jean-Charles Piétacho, Rita Mestokosho, Anne-Marie Saint-Onge André, Lison Mestokosho, Joséphine Bacon (dans un autobus sur la 138, nous allions toutes les deux rendre visite à Rita). C’est aussi à Ekuanitshit que j’ai fait la connaissance d’une famille kaliña, et je me suis retrouvée chez eux, en Guyane, à m’interroger sur les droits autochtones dans ce Far West de la France.

    Plus tard, j’ai étendu mes désirs de lectures au sud-ouest de l’Amérique du Nord. J’ai trempé comme bien d’autres dans la route 66 au Nouveau-Mexique. J’y ai fait la connaissance d’écrivains navajos, pueblos et de l’auteur de La maison de l’aube, N. Scott Momaday. Nous avons entretenu une correspondance qui a débouché sur une route d’Alaska, où je l’ai accompagné alors qu’il remontait à la source de la migration de ses ancêtres. Je réalisais le film L’ours et moi pour mesurer le pouvoir des mots (ceux de la tradition orale comme ceux des livres) sur la vie d’un homme.

    Lorsque je me suis posée à Montréal en 2003, le contraste a été brutal. Je n’entendais plus la parole des femmes et des hommes des Premières Nations. Où étaient-ils? Qui parlait d’eux? Je n’entendais presque rien à leur sujet, à part les phrases désincarnées des bulletins de nouvelles. Ce silence me pesait.

    Je me suis réveillée un matin avec l’image de textes qui se croisent sur une page, les uns écrits par des auteurs autochtones, les autres par des auteurs québécois. J’ai aussitôt cru en ce rêve. Nous pourrions déposer quelques mots choisis à la porte l’un de l’autre pour nous signifier mutuellement notre respect, et faire taire ce silence qui sollicite les côtés sombres de l’imagination. Nous pourrions alors nous rendre compte de nos ressemblances et de la richesse de nos différences. L’urgence de la parole a imposé au rêve son nom : Aimititau! Parlons-nous! Puis je l’ai laissé faire son chemin. Il a mûri avec tous ceux qui ont accepté d’y croire.

    Vingt-neuf auteurs ont été invités à entrer en correspondance avec un écrivain de l’autre culture, sur une période de neuf mois environ, pendant l’année 2007¹. À part un duo composé de deux auteurs amérindiens de nation différente, les jumelages ont mis en relation des écrivains québécois avec des écrivains de nation innue, wendate, crie, mi’kmaq, métisse, nippissing, dénée, tépéhuane ou kiowa. Leurs réponses ont été unanimement enthousiastes. En voici quelques extraits :

    Partager les mots de façon authentique nous donne une force, celle de continuer à faire évoluer notre relation avec l’autre culture.

    Rita Mestokosho

    Deux solitudes partagent la même terre. Il est temps de créer des liens, et cet outil qu’est l’écriture est un pont idéal.

    Annie Perrault

    Cette occasion de dialogue avec les premiers occupants du territoire m’apparaît importante pour plusieurs raisons, qui tiennent à la politique et à la littérature, mais aussi aux exigences de l’amitié. Comme l’a écrit Carlos Fuentes, nous sommes nés de rencontres de civilisations, et les cultures me semblent être par essence des lieux d’échange et d’aventure.

    Louis Hamelin

    Je trouve cette initiative très pertinente compte tenu du grand malaise historique qui existe entre Québécois et Amérindiens…

    Joan Pawnee Parent

    Nous avons besoin d’un dialogue franc et les artistes, guerriers et gardiens de l’imaginaire, sont sûrement des acteurs-clés pour y arriver.

    Louis-Karl Picard-Sioui

    Ce projet est essentiel dans un monde qui nous débranche de nos racines et nous rend inconséquents par rapport à notre avenir.

    José Acquelin

    Kashikat ishinakuan tshetshi mamu aimiaku tshetshi nishtuapetamaku tan mamu e ishinikashiaku.

    Aujourd’hui, il est important de se parler pour que nous sachions comment, tous ensemble, nous nous appelons.

    Joséphine Bacon

    Les auteurs ont en commun l’usage de la langue française, à part N. Scott Momaday. Cependant, une partie ou la totalité de certains textes ont été rédigés dans une autre langue. Les textes de Domingo Cisneros ont été traduits de l’espagnol (Mexique) et ceux de N. Scott Momaday de l’anglais (États-Unis). Les écrivains innus ont écrit plusieurs passages de leurs lettres en innu-aimun et les ont accompagnés de leur version française. L’innu-aimun étant la langue autochtone la plus représentée, nous l’avons choisie pour former le titre du livre.

    Les écrivains ne se connaissaient pas, à part quelques-uns d’entre eux. Ils ont accepté de se laisser transformer par une rencontre. Ils savaient que le travail amoureux des mots exercerait une force d’attraction capable de soutenir tous les échanges.

    Aucun thème n’était imposé dans ces correspondances. Je faisais plutôt le pari du croisement de deux univers, tout en gardant à l’esprit que de deux terres paisibles peuvent naître des volcans. En jumelant Domingo Cisneros et Louis Hamelin, je savais que la forêt et les bêtes qui la peuplent, avec le Mexique en toile de fond, auraient de quoi alimenter leurs discussions. Mais ce que je ne savais pas, c’est que le premier roman de Domingo Cisneros s’appelle La rabia (La rage), comme celui de Louis Hamelin. Je ne savais pas non plus que leur dialogue tournerait autour de la question de l’identité.

    La plupart du temps, les écrivains ont été associés par genre littéraire, mais pas toujours. Violaine Forest est poète, Robert Seven-Crows est conteur. Les histoires de leurs ancêtres se croisent autour de la baie des Chaleurs. Déjà par leur nom, la forêt et sept corneilles, leur rencontre était chargée de promesses. Le Nord, en aimantant l’écriture de Jean Désy et de Nahka Bertrand, a permis un véritable débat entre un écrivain au long cours et une jeune auteure, qui voit ses textes publiés ici pour la première fois, tout comme d’ailleurs Lison Mestokosho et Alain Connolly. Celui-ci est entré avec Yves Soui Durand dans le vif de sujets sensibles, portés par leur identité autochtone partagée.

    Dans d’autres cas, le dialogue proposé n’était inspiré ni d’un territoire ni d’un thème, mais davantage d’une affinité de souffle, comme celle que je reconnaissais entre les poèmes d’Isabelle Miron et ceux de Jean Sioui. D’une lettre à l’autre, les images s’écoulent, les couleurs se mélangent, les ancêtres se réveillent.

    La rencontre de deux mondes fait surgir une nouvelle langue appartenant aux territoires de l’amitié et de la création. Les mots de Louis-Karl Picard-Sioui et ceux de Jean Duval se cherchent, se heurtent et s’éloignent, comme s’ils émanaient de deux pôles identiques, avant de s’abandonner au « champ » de l’autre. Une troisième voix, celle de la rencontre, se met alors à vibrer. Les contes de Joan Pawnee Parent entraînent les Histoires d’arbres d’Andrée A. Michaud. Le monde végétal, qui les relie, fait l’effet d’un baume venant calmer toutes les déchirures – celles du corps, du cœur, comme celles qui séparent les peuples.

    Cette langue commune trouve son rythme propre à mesure que les mois passent, avec ses retenues, ses lâcher prise, ses assonances, ses confluences. Dans les lettres de Denise Brassard et de Rita Mestokosho, les esprits ne sont jamais loin de l’eau qui rappelle l’enfance, matrice des émotions. La lettre E s’est répétée comme un écho descendant de la rivière jusqu’à Ekuanitshit, le village de Rita.

    L’ordre des correspondances a été trouvé à l’écoute de ces résonances. Elles ont été classées dans un abécédaire ludique où chaque lettre ouvre un tiroir de mots-clés. Ainsi à la lettre R, où se rencontrent Guy Sioui Durand et Yves Boisvert, on trouve : « Rêves, rituels, rapides, réserve, révolte, réveil, réjouissance ». À la lettre U du verbe « unir », Jean Morisset relie les terres et les combats des nations premières de la Panamérique à travers un échange affectueux avec Roméo Saganash.

    La pluralité des origines et des territoires de mémoire comme de création a permis que de nombreux sujets soient touchés. Il a souvent été question d’identité, de généalogie, d’appellation des peuples, de métissage. Des questions de fond ont été soulevées. Des moments d’humanité ont été partagés. Anne-Marie Saint-Onge André et Jean Pierre Girard se parlent aussi bien de l’expérience des pensionnats et de celle du deuil que de recettes de confiture et de rires d’enfants. Lison Mestokosho et Annie Perrault partagent leurs sentiments amoureux, au-delà de toute frontière. José Acquelin et Joséphine Bacon se dévoilent l’un à l’autre sans crainte d’évoquer des forces qui les dépassent. Le livre, porté par le rythme d’une parole longtemps contenue, avance vers « l’identité qui est devant nous », pour reprendre une expression de Jean-Marie Tjibau.

    Le silence a fondu comme neige au soleil. Les rencontres ont eu lieu. Elles donnent de l’espoir, elles font naître un souhait que formule Jean-Charles Piétacho dans ce livre :

    Tshi ma shaputuepan etiaku,

    tshetshi eka nita patshitinitiaku tshinanu,

    tshetshi eka nita patshitinikan aimun…

    Puisse ce rassemblement se poursuivre,

    afin qu’on ne s’abandonne pas les uns les autres,

    et que la parole perdure…

    Laure Morali

    Janvier 2008


    1. Mis à part la correspondance que j’ai entretenue avec N. Scott Momaday en 2001 et qui figure dans ce livre en tant qu’une de ses sources.

    ABÉCÉDAIRE

    Aimititau! Parlons-nous de/pour…

    Connaître, créole, chiak, Chaleurs (baie des), confitures, colonisation, canot, calumet

    Violaine Forest et Robert Seven-Crows

    Eau, enfance, écriture, esprits, émotions, Ekuanitshit

    Denise Brassard et Rita Mestokosho

    Frères, fourrure, forêt, faune, ferveur, fibres, filiation

    Domingo Cisneros et Louis Hamelin

    Guerre, guetteurs, gravité, gestes, graines, genèse

    Jean Duval et Louis-Karl Picard-Sioui

    Histoires, hasards, homme (qu’elle aime), habitudes, humilité

    Jean Pierre Girard et Anne-Marie Saint-Onge André

    Lignée, lieu, langage, lâcheté, lutte, liberté

    Alain Connolly et Yves Sioui Durand

    Mère Terre, montagne, mémoire, miroir, métissage, martre, mélopée

    Isabelle Miron et Jean Sioui

    Nous, nommer, naître, nations, Nord, nomade, neige, nahka (aurore boréale en déné)

    Nahka Bertrand et Jean Désy

    Onirisme, os, ours, ondulations, offrande

    N. Scott Momaday et Laure Morali

    Pères, parole, plantes, planète, pins, pieds nus

    Joan Pawnee Parent et Andrée A. Michaud

    Rêves, rituels, rapides, réserve, révolte, réveil, réjouissance

    Yves Boisvert et Guy Sioui Durand

    Solitude, soif, sentiments, stupéfiants, savoir, secrets, sœurs

    Lison Mestokosho et Annie Perrault

    Transmettre, territoire, tente, traces, temps, thé

    Jean-Charles PiAétacho et Laure Morali

    Unis, ultime, utopie, université (de la Terre boisée)

    Jean Morisset et Roméo Saganash

    Vous, voir, voler, vers, vraie, vie

    José Acquelin et Joséphine Bacon

    C

    Violaine FOREST

    &

    Robert SEVEN-CROWS

    Connaître, créole, chiak, Chaleurs (baie des), confitures, colonisation, canot, calumet

    À Robert Seven-Crows

    C’est petit un poème

    ça prend bien peu de place

    une page blanche

    résonne à l’infini

    c’est si petit

    la peur

    pourquoi en parler?

    Je ne connais pas le nom des nuages

    pourtant

    j’ai vu mon premier vol d’oiseaux

    partant du nord au sud

    Je ne connais pas grand-chose

    aux migrations des oiseaux

    Je suis dans cet autobus

    qui roule vers la rivière aux faucons

    qui me voient passer

    se disent qu’ils ne connaissent

    pas non plus grand-chose

    aux femmes qui voyagent

    sans connaître le sens du vent

    je tiendrai l’or à bout de bras

    jusqu’au lac

    jusqu’au repli des jours

    de réserve

    tu porteras la rage

    dans de petits paniers

    tressés de gestes lents

    nous resterons

    dehors

    au calme couchant

    la paix cristallisée

    s’abattra

    sur nous

    libres d’automne

    les premiers vols d’oiseaux

    la lumière dans les vinaigriers

    des trois côtés

    les champs

    les marais,

    l’angélique

    et le foin fou

    Je ne connais pas le nom de l’étoile

    qui hurle à la lune

    qui assombrit mon ciel

    et m’attire au profond

    d’une marche sans joie

    de par son règne unique

    je sais celle qui éclate

    et attire les sages

    pour en faire des fous

    et s’éteint sans crier gare

    et tombe des nues

    quand on creuse le trou

    Je ne connais pas le sens des étoiles

    mais je sais celle qui calme

    et chavire les sens

    Je ne connais pas l’étoile qui chante mélopée

    et qui perce l’hymen des filles au printemps

    Je ne connais pas les berceuses qu’on chante aux étoiles

    Je connais l’enfant do, la clé de fa, le sol

    qui dégèle et libère les fleurs

    la poulette grise qu’on a pendue dans l’église

    et la poulette blanche empalée dans la grange

    Je ne connais pas les rimes enfantines

    mais depuis toujours je rêve

    que cesse la guerre du ciel et du vent

    Je ne connais pas le nom des nuages

    qui passent et s’allument de rouge

    appellent l’ouragan

    et transvident les heures

    dans le néant du jour

    J’ai besoin pour entrer

    d’une vague de plomb

    d’un pavillon de soie

    et d’une charge énorme

    pour la déflagration

    Je ne connais pas le nom des oiseaux

    mauves qui plongent

    à bout portant dans la crête du froid

    se posent, argile, sur les murailles enfouies

    Je sais le grain fuyant dans ma main

    à l’aurore aux joies ensevelies

    J’arpente l’ouvrage

    des ressacs et des vents

    Je ne connais pas le nom des oiseaux

    qui portent des épines et s’abreuvent aux ruisseaux

    Je sais qu’une barge d’argent glisse à côté des terres

    qu’elle emporte, avec elle, le fruit de cent labeurs

    que les corbeaux auront à manger et des pleurs

    qu’avant l’heure, rien, ici-bas ne connaîtra

    Douceur

    Je ne connais pas le nom des fleurs

    qui percent la neige aux jours de printemps

    pour la marche des roses

    j’ai des amis vaillants

    si doux et qui savent

    et qui m’ouvrent leur cœur

    et me tendent les mains

    pour épeler leurs noms

    J’ai apporté de l’eau

    et dix acres de terre

    pour faire un jardin

    il y a le soleil

    Je ne connais pas

    sa caresse profonde

    ni qui de lui de moi

    brûlera le premier

    mais je sais qu’il est là

    qu’il me faut patienter

    Je ne connais pas le décompte des jours

    mais je sais la beauté et la douceur des hommes

    Je ne connais ni l’amour ni la joie

    mais je sais qu’ils existent

    aux étoiles craintives

    dans le vol des oiseaux

    libres d’automne

    s’annonce l’été

    Je ne connais pas le sens des rivières qui chantent à l’est du fleuve

    mais je sais que mon grand-père y pêchait le saumon

    qu’il rapportait de la coulée d’argent

    petites truites multicolores qu’il préparait pour moi

    en papillotes métalliques – ses yeux vifs de vent

    les paroles aux oiseaux nommés

    chaque jour, les gestes de prendre et de poser

    de ranger chaque chose dans l’ordre du vent

    le bois blanc sec poli au soleil

    le feu, les clous, la rhubarbe épluchée patiemment

    les agates polies sur la meule tranchante

    la douceur de ses mains aux bois d’orignaux

    la sieste chaque jour avec la 303 chargée

    en direction du ciel

    le nord-est, l’oiseau noir, l’oiseau blanc

    et les hirondelles qui caressent la terre

    où il plante ses arbres

    Je ne connais pas le nom des guides

    qu’il suivit là-bas rapportant le gibier

    Je sais les confitures de groseilles et de fraises des bois

    mangées à la pelle, les gadelles et l’amer de l’oseille

    la perdrix, le lièvre et la pâte brisée

    les lessives tordues à la main et claquant au soleil

    les draps rêches, restés secs par la douceur des mots

    les caresses, thé des bois, reçues dans la cuisine

    l’oranger au salon, juste devant la mer, la croisée de chemins

    le missel et les peignes d’argent

    dans son chignon de soie

    Je ne connais pas de jours

    plus doux que ceux où ils posaient l’ivoire sur ma tête

    pour que je prenne envol

    au bout de la falaise

    quand la terre s’effondrait dans la mer

    sans le soutien des arbres

    Je ne sais toujours pas si l’on monte ou l’on descend le fleuve

    mais je sais son rire à chaque fois

    quand on posait bagages

    l’envie de coques, de sucre à la crème, de galettes à l’anis

    l’odeur du moulin à scie, de la cour à bois, les grands entrepôts

    le bruit des clés qu’on taille et le chien de courage

    qu’on jette dans des vagues deux fois grandes comme lui

    les longues promenades à l’aube espiègle

    aussi loin que l’œil voit

    où ma grand-mère, bâton à la main

    perçait les premiers filets

    du soleil, récoltait

    avec moi roches d’eau

    cœurs de pierre et verroteries

    et les agates blanches et les petites rouges

    comme des petits fruits

    pour surprendre les envieux

    au petit déjeuner

    Je ne connais pas le nom des vents qui couchent les blés

    et chatouillent la vie

    celui qui dore la peau

    quand on le prend de face

    et qui souffle des mots si doux

    qu’ils font trembler

    mais je sais le nord-est qui apporte la pluie

    et les trois jours de froid

    je sais les oiseaux abattus

    ne pouvant plus quitter

    sans tomber à leur tour

    Je sais quand il me parle

    et m’appelle sa fouine

    et qu’il dit qu’un siffleux

    n’est pas une marmotte

    qu’il déplace pour moi

    les lignes d’horizon

    que le ciel est plus large

    le fleuve – la mer et que jusqu’au bout du cap

    où il plante ses arbres

    tout cela

    et le violet, le jaune

    et la longueur des heures

    et le retour des vagues

    et des tristesses d’automne

    Je sais que tout cela

    est la beauté humaine

    et que cent ans de pluie

    ne détruiront jamais

    le tremblement des vents

    le calme qui s’installe

    dès que j’entends leur voix

    au-dessus des nuages

    Je ne connais pas les jours perdus en chemin

    le sifflement des oiseaux

    sur la terre de repos

    Je les sais tous les deux

    allongés en plein vent

    à l’ombre centenaire

    d’une église de mer

    Je ne connais pas le nom des gens qui passent

    sans se retourner

    mais je suis où je vais

    et j’accueille leurs corps

    pour les porter en moi

    Je ne connais ni les mots

    ni le mal qui sourd

    ni sa provenance

    Mais je sais qu’il gagne

    du terrain jour en jour

    Je ne connais pas le nom de ce péril

    noir qui s’empare du ciel

    mais je sais les matins frais

    les caresses du soleil

    et le corps des étoiles

    qui s’allument à tout vent

    pour chuchoter la vie

    d’un corps parfait

    Je ne connais pas le silence

    de mon frère

    ni sa peur ni sa peine

    Mais je sais la douceur de ses yeux

    quand tourne son regard

    fuyant la beauté

    Je ne connais pas le nom des nuages qui fuient

    mais je marche sur cette terre

    ensoleillée

    l’embrassant à mon tour

    Je cours dans la réconciliation

    libre de vent

    bras tendus

    au matin vivifiant

    mes premiers vols d’oiseaux

    Sauvage

    Violaine Forest

    Le 24 mai 2007

    LETTRE À VIOLAINE

    Saint-Malo, juillet 2007

    Je ne connais pas cette place. La seule chose que je connaisse d’elle, c’est qu’ils sont partis d’ici.

    L’eau est chaude et salée. La baie est grande, la marée basse et les algues viennent se coucher à mes pieds. Je ferme les yeux et je sens, la baie des Chaleurs n’est pas loin. Chez nous, c’est juste de l’autre côté des îles, pourtant… ce n’est pas pareil. Les nuages s’en vont vers chez nous comme des voiles. Le vent les amène lentement mais sûrement vers Gespeg. Ce vent me fait penser à leur voyage. Un voyage de peur, d’incertitude, d’exploration, d’espoir, de conquête, de folie, de prestige, de

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