LA TRAITE DES FOUS 2: FILS DE PUTE
Par Bruno Jetté
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À propos de ce livre électronique
Bruno Jetté
Bruno Jetté pratique le métier de psychosociologue depuis maintenant plus de trente ans. Ce travail, il l’a toujours pris très à cœur. Ceci ne l’empêche pas d’embrasser plusieurs hobbies, tels la peinture et bien sûr, l’écriture. Un véritable artiste ! Rédigé en 2004, à l’heure même de la désinstitutionnalisation, La traite des fous constitue son tout premier roman en carrière… et le premier d’une longue saga.
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Avis sur LA TRAITE DES FOUS 2
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Aperçu du livre
LA TRAITE DES FOUS 2 - Bruno Jetté
Table Of Contents
Chapitre I 6
Chapitre II 11
Chapitre III 22
Chapitre IV 30
Chapitre V 39
Chapitre VI 48
Chapitre VII 53
Chapitre VIII 58
Chapitre IX 63
Chapitre X 71
Chapitre XI 79
La Traite des Fous:
Fils de pute
Bruno Jetté
Conception graphique de la couverture: M.L. Lego
Photo de la couverture: Bruno Jetté
L’auteur tient à préciser que tous les événements relatés dans ce roman relèvent de la fiction. Tous les personnages, morts ou vivants, sont purement imaginaires. Ce roman étant une œuvre fictive, certains faits réels peuvent cependant s’y glisser par coïncidence, mais ils s’inscrivent eux aussi dans un cadre fictif et les personnages qui les incarnent sont tout aussi fictifs. Patronymes, caractères, lieux, dates et descriptions géographiques sont soit le produit de l’imagination de l’auteur, soit insérés dans cette fiction. Malgré les efforts entrepris pour rendre le langage psychanalytique, psychiatrique et psychologique avec le maximum d’exactitude, certaines erreurs ou faux sens sont inévitables. L’auteur s’en excuse sincèrement.
Mot de l’éditeur:
L’auteur ayant certifié que tous les personnages et situations relatés dans le présent roman relèvent de la pure fiction, l’éditeur se dégage de toute responsabilité en cas de poursuite judiciaire.
© Bruno Jetté, 2013
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales
du Québec, 2013
ISBN: 978-2-9242-2409-0
Éditeur :
Les Éditions La Plume D’Or
4604 Papineau
Montréal, Québec, Canada
H2H 1V3
514-528-7219
http://editionslpd.wordpress.com
Ma mère était une putain. Elle fut internée le dix août mille neuf cent cinquante deux. Cinq mois, jour pour jour, après ma naissance. Je n’ai jamais su qui était mon père.
Un jour, j’ai décidé de me rendre à l’asile pour parler avec Sœur Irène. Elle savait des choses sur ma mère et je voulais qu’elle m’en parle
Chapitre I
Sœur Irène haussa les épaules et dilata ses narines comme un animal flairant la distance qui le sépare de sa proie.
-Carmen Beauséjour, commença-t-elle par raconter, fut internée le dix août mille neuf cent cinquante-deux par une journée d’orage. Ce jour-là, il avait tellement plu sur Montréal, que par endroits, les trottoirs disparaissaient sous l’eau. Sur la rue Sainte-Catherine, entre les rues Clark et Saint-Laurent, c’était l’inondation. Ça tombait comme des clous. La pluie avait duré plus de six heures, entremêlée de coups de foudre causant des pannes d’électricité et de téléphone. En raison de cette vilaine température, le tramway dut s’arrêter un long moment, alors qu’il se trouvait sur la rue Sainte-Catherine. Quand j’y suis montée, je remarquai une femme qui pleurait silencieusement. Le chauffeur ajusta son casque et vint se planter devant elle. « Mais arrêtez de pleurer, ma p’tite dame, lui dit-il, au moins vous n’irez pas en prison ». Assise à côté du patrouilleur qui avait pour mandat de la surveiller pour ne pas qu’elle prenne la fuite, la jeune femme gardait le silence. Puis le chauffeur dit au patrouilleur : « Avec un temps comme celui-là, le tramway ne pourra pas avancer avant des heures ». « Pour moi, répondit le patrouilleur, c’est du bon temps payé à rien faire! ». À cela il ajouta : « S’ils enferment toutes les putains à l’asile, l’économie va tomber plus fort que cette pluie ». Les deux hommes se mirent à rire de bon cœur. « Pourquoi l’asile? » demanda le chauffeur. « C’est facile à comprendre, répondit le patrouilleur, à l’asile, pas de procès comme pour la prison, pas de témoin pour prouver que c’est une putain, pas de mari qui doit s’expliquer avec sa femme… sans compter les politiciens, et même les policiers, qui fréquentent aussi les bordels. À l’asile… ni vu, ni connu… et on finit par oublier! ».
-C’est à ce moment, poursuivit Sœur Irène, que j’ai compris que ta mère et moi allions au même endroit. Elle, pour y être internée et moi, en tant que religieuse soignante.
Elle marqua une pause et dit encore :
-Si on remet les choses dans leur contexte, il fallait fermer tous les bordels. L’enquête sur la moralité durait depuis plusieurs mois. Le directeur adjoint de la police de Montréal avait dû démissionner de ses fonctions. Il avait dénoncé l’ampleur de la prostitution et surtout, la trop grande tolérance des policiers. Tout le monde savait depuis un bon moment qu’on allait fermer les bordels et punir les putains. Elles auraient dû quitter ces lieux malsains bien avant que commencent les arrestations. Cela dit, même à l’asile, il arrivait que certaines patientes reçoivent « d’importants visiteurs »… et celles qui refusaient de recevoir ces… importants « donateurs » avaient moins de chance de sortir rapidement de l’asile.
-Personne ne dénonçait ce genre de pratique? demandai-je.
-J’étais religieuse et je lui suis toujours, de répondre à cela sœur Irène. J’ai prié pour le salut de ces filles et j’en suis venue à la conclusion que c’était le seul moyen d’en sauver quelques-unes.
Elle se tut brièvement avant d’ajouter :
-Ces femmes étaient des prostituées, ne l’oublions pas. Elles avaient à peine de quoi vivre…
-Est-ce qu’elles étaient toutes des prostituées?
-Non. Certaines étaient des vagabondes, d’autres des alcooliques ou des femmes en dépression que leurs familles avaient placées à l’asile. Moi, je priais en attendant que la grâce divine agisse pour le mieux. Les « donateurs » étaient très riches et leurs dons en aidaient plus d’une à s’en sortir, si je peux m’exprimer ainsi…
-Est-ce qu’il arrivait que des non-prostituées s’en sortent?
-Bien sûr! Plusieurs, même, se sont retrouvées sur le trottoir lorsque les choses se sont calmées. Les unes entraînaient les autres et elles tentaient de s’entraider tant bien que mal. Les « donateurs » étaient non seulement très riches, mais ils étaient aussi très puissants. Ils arrivaient même à convaincre certains maris de signer le formulaire pour qu’on puisse sortir leurs femmes de l’asile. C’est que certains messieurs avaient fait interner leur femme simplement parce qu’elle ne voulait plus s’occuper du ménage et de l’ordinaire. Ces femmes-là ont vite appris ce qu’il fallait dire et faire pour s’en sortir. Pour celles-là, les donateurs devenaient des sauveurs qu’il fallait remercier. Une fois en liberté, plusieurs quittèrent définitivement leur mari pour travailler sur la rue.
Sœur Irène marqua une pause durant laquelle elle essuya quelques larmes, puis enchaîna :
-La nuit précédant l’internement de votre mère, la chaleur était insupportable. Je me suis levée et je suis allée me promener dans la cour arrière. Là, j’ai prié Dieu pour qu’il me dise quoi faire. Il y avait des étoiles filantes plein le ciel. Devant la beauté de la création, j’ai compris que le temps était venu, pour moi, d’agir. Je suis retournée me coucher en pleurant et je me suis dit qu’enfin, le bon Dieu me donnait un signe. Comme les étoiles, je devais traverser la noirceur du ciel pour déboucher sur un jour nouveau. J’ai décidé, cette nuit-là, d’aller tout raconter à l’évêque dès le lendemain. Mais le lendemain, la pluie m’a conduite dans le même tramway que votre mère et c’est ensemble que nous sommes entrées à l’asile.
-Dites-moi, Sœur Irène, qu’est-ce qui vous a décidée à entrer en religion?
-À vrai dire, répondit-elle en soupirant, je ne l’ai jamais vraiment su. Lorsque que j’ai parlé d’entrer en religion, mon père a failli me tuer, tellement il était furieux. Peut-être était-ce simplement pour le contrarier… J’ai appris de ta mère que mon père et le sien travaillaient tous les deux à la caserne de pompiers numéro vingt-six sur l’avenue Mont-Royal. Ton grand-père travaillait aussi à temps partiel pour les autobus provinciales. Vers la fin des années quarante, les syndicats avaient déjà obtenu la reconnaissance du droit d’association et de grève. La loi sur les relations de travail venait de