Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La famille Giordano 01
La famille Giordano 01
La famille Giordano 01
Livre électronique261 pages3 heures

La famille Giordano 01

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

La famille Giordanoannées 1914 – 1943À Sant’Elpidio a Mare, un petit village d’Italie, grandissent les quatre enfants de Roberto et Seraphina Giordano. En 1921, la situation politique du pays engendre de graves dissensions au sein de la famille. L’arrivée au pouvoir de Mussolini deviendra l’élément déclencheur de ces discordes familiales.Alliances, secrets, trahisons, amours et rebondissements se succéderont tout au long de la vie quotidienne des Giordano. Seront-ils capables de garder leur famille unie malgré toutes les embûches ?« Seraphina prit le bras de son fils, et comme un petit garçon, il se laissa conduire. Ils ne restèrent pas pour la mise en terre, le spectre de la mort s’en allait enfin. »« Tous les matins, il errait dans les rues du village tenant par la main les souvenirs de son grand amour. »
LangueFrançais
ÉditeurClermont
Date de sortie24 sept. 2014
ISBN9782923899466
La famille Giordano 01

Lié à La famille Giordano 01

Livres électroniques liés

Vie familiale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La famille Giordano 01

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La famille Giordano 01 - Marinelli-Drouin Diane

    moi.

    Seraphina Camponelli et Roberto Giordano se marièrent le 5 janvier 1914 dans la Basilique Maria Santissima della Misericordia du village de Sant’Elpidio a Mare dans le nord de l’Italie. Âgés respectivement de 16 et 20 ans, les deux jeunes se connaissaient depuis leur tendre enfance. Dès ses 12 ans, Seraphina affirmait qu’un jour elle épouserait Roberto. Quand elle entra dans l’église au bras de son père, elle affichait un sourire triomphant. Elle vivait le plus beau jour de sa vie… Idem pour ses frères qui poussèrent un soupir de soulagement, ils ne consacreraient plus la majorité de leur temps à la chaperonner.

    Les deux tourtereaux demeuraient chez la famille Giordano. Roberto le benjamin demanda à ses parents la permission d’utiliser la chambre de sa sœur ainée, fauchée quelques mois auparavant par une terrible fièvre comme une jambette du destin.

    Dix mois plus tard, Seraphina accoucha avec facilité d’un beau gros garçon qu’ils prénommèrent Roberto comme son père. Roberto et Seraphina formaient un couple uni, la fierté se lisait dans leurs yeux. Ils vivaient de l’air du temps tellement leur amour se consolidait jour après jour.

    La vie suivait son cours, les femmes s’occupaient de la terre pendant que les hommes essayaient tant bien que mal de pêcher et vendre leurs poissons au marché du Port de Sant’Elpidio.

    En 1915, Seraphina attendait son deuxième enfant, elle s’en réjouissait. Il lui importait peu que la chambre soit passablement étroite pour accueillir un autre membre dans leur famille. Pour un certain temps, les deux bébés partageraient la même couchette.

    Elle travaillait dur. Enceinte, elle s’acquittait de toutes ses tâches domestiques habituelles en plus du potager. Les terres d’Italie se labouraient difficilement, l’élément essentiel à un bon résultat se résumait à un seul mot : l’effort !

    Roberto surveillait son épouse et de temps en temps, la semonçait afin qu’elle ralentisse la cadence.

    — Tu exagères Seraphina, ton état doit te dicter ton rythme et celui-ci bat tous les records !

    — À ce que je sache, une grossesse n’est pas une maladie ! Laisse-moi travailler tranquille !

    Il n’argumentait plus avec elle, il se doutait bien qu’il ne gagnerait pas. Son attitude fonceuse s’exprimait par des paroles redoutables. Son air farouche rendait Roberto heureux. Une femme comme elle, il n’en existait pas deux.

    À la naissance de Guiseppe, leur 2e garçon, Roberto et son frère Filippo transformèrent une partie de la grange en une petite chaumière pour sa famille. Il jurait qu’un jour sa vie s’améliorerait, et qu’en attendant, il se contenterait de ce que le ciel lui envoyait. Le bonheur que sa famille vivait suffisait pour l’instant, les bons moments supplantaient les mauvais. Leur vie amoureuse s’épanouissait, rien ni personne n’affaiblirait leur couple. Dans leurs esprits, ils bâtissaient un lien solide pour les quarante prochaines années.

    Malgré son jeune âge, Seraphina prenait son rôle de maitresse de maison très au sérieux. Son expérience acquise avant son mariage à servir cinq hommes lui rendait la tâche plus facile. Elle se dévouait entièrement, elle devenait tranquillement une vraie Mamma, ce dont elle rêvait depuis sa rencontre avec l’homme de sa vie.

    Après la naissance de Guiseppe, déjà Seraphina souhaitait un autre enfant. Elle désirait une grosse famille.

    — Roberto, je crois que j’attends un enfant…

    — Encore ! Je pensais qu’en nourrissant le bébé tu serais immunisée pour quelques temps !

    — Je le croyais moi aussi, mais… je suis tellement heureuse !

    — Si cette grossesse te rend heureuse ma chérie, je suis également heureux ! Glorifions le ciel pour ce beau cadeau !

    Quelques semaines plus tard, lors d’une fausse manœuvre, Seraphina tomba au bas de l’escalier qui menait au caveau. Elle se foula la cheville mais surtout elle sentit une grande douleur lui traverser le ventre. Tout près de l’évanouissement, elle demeura sur place pour reprendre son souffle. Les crampes s’intensifiaient et sa cheville enflait à vue d’œil. Dans un ultime effort pour s’extirper de sa mauvaise position, elle réussit un pas à la fois à se rendre jusqu’à sa chambre.

    Quand Roberto rentra pour le dîner, les enfants pleuraient à en fendre l’âme. En voyant Seraphina étendue sur son lit avec des draps souillés de sang entre les jambes, il comprit aussitôt qu’un malheur s’était produit.

    — Seraphina ! Ne bouge pas mon amour, je suis là !

    Rapidement, il courut mouiller un chiffon pour la rafraichir mais elle se préoccupait surtout de Roberto et Guiseppe.

    — Les enfants réclament leur repas Roberto. Commence par me donner Guiseppe afin que je le nourrisse… Ensuite tu serviras de la purée à Roberto.

    — Je ne peux pas te laisser dans cet état Seraphina.

    — Il est trop tard, j’ai perdu le bébé… Le plus important pour le moment, ce sont nos enfants.

    Maladroitement, Roberto obtempéra. Il accomplit pour la première fois de sa vie une tâche aucunement familière pour un cultivateur. Il pensa immédiatement que les piliers de la maison s’effondreraient sans Seraphina.

    — Je conduis les enfants chez mon frère Filippo.

    — Demande à Luigia de venir… elle saura comment arrêter l’hémorragie.

    Habituée en tant que sage-femme à prêter assistance en cas de fausse couche, Luigia s’empressa de terminer le travail déjà très avancé.

    — Était-ce une petite fille ?

    — Je ne sais pas… Je crois qu’il y en avait deux…

    Seraphina pleura doucement en pensant qu’elle perdait non pas un mais deux enfants.

    — Tu garderas le lit pendant au moins trois jours… Et ce n’est pas une suggestion ! Je prendrai soin de tes petits, ne t’inquiète pas.

    Roberto lui fabriqua une béquille pour se déplacer et courageusement, Seraphina reprit en main la maisonnée. Cependant, jamais elle n’oublierait ses deux petits chérubins.

    Il lui fallut attendre encore quelque temps avant que la providence ne cède à ses supplications.

    — Enfin le Seigneur m’accorde la joie de porter un autre enfant !

    — Sois prudente Seraphina, ne t’aventure plus à tenter le diable ! Demande-moi avant de te compromettre dans des tâches trop difficiles.

    — C’était un accident Roberto… Et ne prononce plus ce nom devant moi ! Le malin pourrait en profiter pour se faufiler dans ma vie !

    Elle porta son enfant comme un précieux cadeau du ciel. Par bonheur, sa grossesse se déroula facilement et sans heurt. Sa belle-sœur Luigia l’aida à accoucher d’un autre beau petit garçon.

    — Il te ressemble Seraphina !, s’exclama Luigia, qui lui présenta son bébé en l’exhibant au bout de ses bras.

    — J’espère qu’il n’héritera pas du caractère des Camponelli !

    Heureux que la délivrance ait eu lieu sans difficulté, Roberto partageait la joie de son inébranlable et brave épouse.

    — Crois-moi Roberto, il vaudrait mieux qu’il n’hérite pas du tien ! Tu verras, cet enfant nous comblera et ce ne sera pas grâce à toi !

    Trois jours plus tard, elle reprit son travail de mère comme une chatte auprès de ses petits.

    Dès la venue d’Eduardo, le petit dernier, Seraphina se doutait bien que ce petit ange si désiré se différencierait des autres. Les sourires se donnaient rendez-vous chaque matin que Dieu bénissait.

    La maman à peine âgée de 19 ans s’amusait avec des bébés bien vivants ! Elle ne s’en plaignait pas, au contraire, son troisième garçon semblait plutôt docile. Aussitôt capable de marcher, il talonnait l’ainé comme un chien de poche.

    — Regarde Roberto comme ils sont charmants !

    — Réjouis-toi Seraphina ! Pour le moment ils ne causent aucun problème. Patience, tu verras que les gros soucis grandiront en même temps qu’eux.

    * * *

    Le 9 juin 1920, la venue d’une petite fille dans la maison réconforta Seraphina, elle attendait ce moment depuis fort longtemps.

    — Enfin une princesse qui entre dans ma vie ! Ma belle Antonella, toi et moi, nous accomplirons des merveilles !

    — Celle-là je me la réserve ! Elle sera la petite fille à papa !

    Roberto lui enleva le bébé des mains et lui accorda sa première danse. Il prit l’habitude en rentrant de son travail de l’étourdir avec une tarentelle des plus énergiques.

    — Roberto ! Continue comme ça et elle te vomira dans la figure ! Ce sera bien fait pour toi !

    — Regarde Seraphina, elle me sourit pour me remercier !

    — Comme tu peux être naïf mon pauvre Roberto ! Elle te sourit parce que dans quelques secondes elle te rendra son dîner… pour te remercier !

    — Deviendrais-tu jalouse ma chère épouse ?

    — Oh non ! Je constate tout simplement !

    Le bébé à papa vieillissait à une vitesse vertigineuse, et ce, au grand désarroi de ses frères. La fillette d’un an se faufilait entre leurs jambes et se pendait littéralement à leurs pantalons. Pour Roberto et Guiseppe, âgés respectivement de sept et six ans, une fille ne servait strictement à rien sauf déranger. À leurs yeux, l’enfant chérie jouissait d’une trop permissive liberté. Tout ce qu’Antonella désirait, elle l’obtenait sur-le-champ. Seul Eduardo se pliait volontiers à toutes ses exigences, il ne trouvait rien de mal à partager ses jouets avec sa petite sœur. D’ailleurs, il préférait s’amuser avec elle plutôt qu’avec ses frères, considérant les jeux de ceux-ci trop rudes pour lui.

    — Roberto ! Donne-lui ce qu’elle veut, elle arrêtera peut-être de pleurer !

    — Je l’avais en premier papa !

    — Tu es plus vieux, remets-lui le jouet !

    Roberto aimait le calme après ses innombrables heures de travail. Les journées éreintantes qu’il accomplissait relevaient d’un tour de force. Il ne se permettait que quelques heures de congé par semaine, il méritait bien un peu de repos.

    Souvent, les multiples exigences de mademoiselle Antonella obligeaient ses frères à obtempérer pour acquérir une certaine paix mais ce jour-là, le petit Roberto n’appréciait pas du tout.

    Elle utilisait son charme pour soutirer des câlins et des baisers à ses parents. Elle choisissait toujours le bon moment pour attendrir son auditoire avec sa ritournelle sur les brebis qui chantaient de l’opéra. Son père la déposait sur la table et elle faisait son numéro devant oncles et tantes, qui y succombaient tous sans exception.

    — Quelle adorable petite ! L’envie de la croquer nous pend à la bouche !

    — Oui la croquer ! Mais pas dans le sens où vous pensez !

    Le jeune Roberto ne retenait plus sa langue, Antonella lui tapait littéralement sur les nerfs.

    — Roberto ! Tu dépasses les bornes ! Une autre intervention de la sorte et tu gagneras ta chambre aussitôt !

    Encore une fois, Roberto n’obtiendrait pas le dernier mot, ce qui renforça sa thèse sur l’inutilité des filles.

    * * *

    En 1919, Benito Mussolini créa un mouvement extrémiste, les « Faisceaux italiens de combat ». Malgré un échec aux élections de 1919, il n’abandonna pas son idéologie et choisit de réaliser des opérations spectaculaires.

    En 1921, Mussolini fonda le parti national fasciste et dota enfin son mouvement d’un programme. Cet homme, ancien journaliste, glorifiait la terre et le travail qu’elle requérait. Il promettait des améliorations significatives aux conditions de vie des paysans. Il qualifiait ceux-ci de « population robuste et saine » et de « source d’équilibre pour l’état ».

    Toutes ces affirmations rejoignaient les principes de Roberto Giordano. Il y adhéra immédiatement, croyant fermement que l’arrivée de Mussolini changerait à tout jamais la face de l’Italie.

    — Avec ce régime, nous serons tous sur un pied d’égalité, les riches donneront aux pauvres et ainsi, nous jouirons d’une belle vie.

    Cette doctrine totalitaire contre le capitalisme était appuyée par des groupes-chocs, les chemises noires, aussi appelées la OVRA : Organisation de Vigilance et de Répression de l’Antifascisme. Le groupe était principalement constitué d’anciens soldats démobilisés, de chômeurs, et de jeunes bourgeois. En 1919, ils étaient 17 000, et à la fin de 1921, 700 000 militants.

    — Seraphina, je pars pour Rome avec un groupe du parti. Je serai de retour dans trois jours. Nous devons prouver au monde entier que nous sommes solidaires de Mussolini. Après cette marche, tous croiront aux capacités de Benito !

    — Sois prudent Roberto, dans ces manifestations, le danger guette toujours… Tu ne t’emballerais pas trop par hasard ?

    — Tu verras Seraphina ! Tu verras !

    Malgré ce regroupement impressionnant, les résultats aux élections demeurèrent médiocres. C’est donc par la force que Mussolini prit les rênes. Les actes terroristes se multiplièrent sans que l’armée ou la police ne tentent d’intervenir. L’État italien ne cessait de vaciller. Les partisans criaient à qui voulait bien les entendre leur slogan :

    « credere, obbedire, combattere ! » ¹

    En octobre 1922, Mussolini lança un ultimatum au roi en lui ordonnant de lui donner le pouvoir. Victor-Emmanuel III céda et fit de Mussolini le chef du gouvernement.

    À la fin de 1922, grâce à son rigoureux militantisme auprès du parti, Roberto obtint la permission d’acheter un coin de terre face au port de Sant’ Elpidio a Mare. Dorénavant, il pourrait à la fois pêcher et cultiver, ce qui augmenterait substantiellement ses revenus.

    Avec la collaboration de toute sa famille, il bâtit une belle maison pour accueillir sa marmaille. Seraphina s’en réjouissait, enfin ses enfants bénéficieraient d’un plus grand terrain de jeu.

    Il va sans dire, que le nouveau gouvernement ne donnait rien sans attendre en retour une allégeance absolue. Roberto se rendait régulièrement à des rassemblements et acceptait à l’occasion de convaincre des antifascistes d’abandonner leurs idéaux et de rejoindre celui de son parti. Il participait à des marches avec pancarte à la main qui annonçaient les « bonnes œuvres » de Mussolini.

    Ses engagements ponctuels augmentaient le nombre de jours d’absences à la maison.

    — Roberto, les enfants voudraient bien voir leur père de temps à autre ! À ce rythme, ils t’appelleront Monsieur ! Tu te lèves à l’aube et tu termines ta journée à minuit !

    — Je sais Seraphina, bientôt tout rentrera dans l’ordre. Nous devons continuer à manifester jusqu’à ce que tous comprennent notre cause.

    Des commandos d’élite se formèrent, ils se déplaçaient dans les villes et les campagnes pour punir les « rouges », c’est-à-dire les socialistes et les communistes. Dans ce climat anarchique et révolutionnaire, le mouvement connaissait une progression foudroyante.

    L’OVRA maintenait ses méthodes expéditives : perquisitions, enlèvements, incendies et souvent même, les membres assénaient des coups de bâtons qui paralysèrent certains hommes jusqu’à la fin de leurs jours. Ces moyens peu orthodoxes pour persuader les citoyens de suivre les pensées radicales fascistes modérèrent l’enthousiasme de plusieurs personnes qui au départ embrassaient la cause.

    — Ce dimanche en sortant de l’église, Madame Massino m’a affirmé que la semaine dernière, l’OVRA avait brûlé la grange de son cousin parce qu’il refusait de prendre sa carte fasciste ! J’espère que tu ne trempes pas avec ces hommes sans cœur sinon je te ferme la porte de notre maison !

    — Seraphina ! Ne prononce jamais de telles calomnies devant quiconque tu entends ? Tu compromettrais notre statut auprès du parti !

    — Est-ce donc dire que tu approuves leurs actes ?

    — N’oublie pas que si nous possédons notre propre maison, nous le devons justement au parti fasciste ! Ce qui ne veut pas dire que je cautionne ce genre de pratiques. Ce sont, j’en suis certain, des épisodes isolés opérés par de jeunes zélés qui cherchent à démontrer leur suprématie.

    — Que Dieu t’entende Roberto !

    * * *

    À quatre ans, Eduardo connaissait tous les cantiques du dimanche. À l’église, les paroissiens riaient de le voir se lever comme un homme et chanter en s’époumonant, deux cordes vocales sorties au maximum. Oui, pour son âge, il promettait énormément.

    À cinq ans, dès son entrée à l’école du village, le professeur prit Eduardo sous son aile. Enfant docile et modèle, le cadet des Giordano était cité en exemple ; de là commencèrent ses problèmes avec certains élèves jaloux de sa popularité. Ne voulant déplaire à personne, il essayait de jouer sur deux tableaux afin d’éviter les confrontations. Sous son air taquin, il cachait un grand sentiment d’insécurité. Il recherchait plutôt la présence des adultes car son charisme les enjôlait.

    Quelques années plus tard, après une cérémonie dominicale, il suivit le prêtre jusqu’à la sacristie.

    — Monsieur le curé ?

    — Que fais-tu ici Eduardo ? Tu dois rejoindre tes parents.

    — Ils savent que je suis avec vous. J’aimerais servir la messe Monsieur.

    — Hum… J’estime que tu es un peu trop jeune mon petit !

    — Je le ferai gratuitement, pendant un mois tous les matins avant l’école. Si vous me trouvez mauvais, vous n’aurez rien dépensé. D’accord ?

    Le curé accéda à sa demande, il avait remarqué depuis quelque temps sa vive sollicitude aux cérémonies et même pour les discours. Le curé se dit alors que le recrutement de jeunes garçons pour une éventuelle prêtrise se préparait le plus tôt possible et qu’Eduardo deviendrait un prospect de très bonne qualité.

    Eduardo considérait son travail comme un privilège. Il ressentait un plaisir fou à courir vêtu de sa soutane dans les allées de la chapelle du village. Les froissements de sa robe noire et celle de son copain attiraient les regards de l’assistance et celui du curé qui les réprimandait semaine après semaine, sans succès.

    — La prochaine fois que je vous prendrai à agir comme des marioles, je vous flanquerai une fessée que vous ne serez pas près d’oublier !

    — Octavio, moi je n’ai jamais reçu de fessée, est-ce douloureux ?

    — Mais non Eduardo, moi je pense toujours à autre chose pendant qu’on me frappe ! De toute façon, tu sais bien qu’il veut seulement nous faire peur ! Allez ! Essaie de me rattraper !

    — Nooooon ! C’est assez pour aujourd’hui, moi je ne joue plus !

    Durant le mois de Marie, les jeunes servants de messe espéraient toujours arriver les premiers pour circuler entre les bancs avec le panier de quête… sur le côté des demoiselles. Ils admiraient alors leurs beaux yeux ou leurs belles jambes. L’idée venait d’Octavio, légèrement plus vieux qu’Eduardo. Ce dernier y adhéra même si son objectif différait de celui de son ami. Il adorait surtout s’amuser et plaire à Octavio, il lui laissait croire qu’il méritait la victoire.

    — À mon tour Octavio ! J’aimerais bien gagner de temps en temps, tu arrives toujours le premier !,dit-il en simulant l’exaspération. De toute façon, il ne possédait pas non plus de talent pour la course… Tant pis !

    — Mais à quoi suis-je bon ? Tu peux me le dire ?

    — À servir la messe mon cher Eduardo… À servir la messe !

    Les mariages et les baptêmes plaisaient à Eduardo. Après les cérémonies, il attendait avec un grand sourire le père de la mariée ou du bambino.

    La coutume voulait que le servant de messe reçoive un pourboire et habituellement, la générosité du papa se définissait selon le nombre d’invités. Il terminait son travail en effectuant ce qu’il aimait le plus : sonner les cloches ! Quel plaisir il éprouvait ! Il se pendait littéralement au câble qui le transportait de haut en bas du clocher et cela même si, après, pendant deux heures durant ses oreilles se bouchaient.

    Lors des funérailles, monsieur le curé l’envoyait chercher dans sa classe.

    — Eduardo Giordano, on vous demande au bureau du directeur.

    Il savait alors que le prêtre l’attendait, il se sentait très important. Ces moments, ils les chérissaient. Avec allégresse, il se rendait auprès de celui

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1