Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L'épervier
L'épervier
L'épervier
Livre électronique624 pages17 heures

L'épervier

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

New-York, février 2010. Alexandre a repris sa vie de stagiaire financier au sein d’une grande banque d’affaires, en proie à une profonde tristesse suite à la catastrophe qui l’a frappé à Paris. Conséquence inattendue de son malheur, il devient millionnaire et s’initie en vraie grandeur, parallèlement à son stage, à l’activité de la spéculation financière. Le travail et son entrée dans une originale confrérie consacrée aux arts martiaux le sauvent de la dépression puis lui font redécouvrir le plaisir d’être jeune et apprécié. De retour en France, sa dernière année d’études est marquée par des évènements qui développent en parallèle ses qualités humaines et ses compétences financières, ainsi que certaines libertés par rapport à l’éthique. Son diplôme en poche il retourne à New York, embauché par sa banque.
Pendant les deux années suivantes Alexandre devient un financier de haute volée, une des superstars choyées par son employeur, et il fait connaissance avec les bonus multimillionnaires, les promotions foudroyantes et la vie des privilégiés. Le succès professionnel se double, après diverses relations de courte durée, d’un retour au bonheur grâce à une liaison amoureuse peu orthodoxe. Pendant un temps il peut se croire le roi du monde. Mais la vie est riche en surprises et Alexandre va découvrir à la fois les pièges de l’ambition et l’inconstance du sort.
Deuxième volet de la trilogie « Pygmalions », « L’épervier » raconte la transformation de l’étudiant brillant et assoiffé d’amour en homme capable du pire comme du meilleur, entre travail acharné, argent et érotisme débridé.

LangueFrançais
ÉditeurJosé Hodar
Date de sortie24 mai 2012
ISBN9781476064772
L'épervier

En savoir plus sur José Hodar

Auteurs associés

Lié à L'épervier

Livres électroniques liés

Fiction gay pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L'épervier

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L'épervier - José Hodar

    TABLE DES MATIERES

    CHAPITRE I

    CHAPITRE II

    CHAPITRE III

    CHAPITRE IV

    CHAPITRE V

    CHAPITRE VI

    CHAPITRE VII

    CHAPITRE VIII

    CHAPITRE IX

    A propos de l’auteur

    CHAPITRE I

    Avec un soupir, Alexandre entreprit de se déshabiller, à peine refermée la porte de son studio. La journée de travail était malheureusement finie. Maintenant plus rien ne s’interposait entre lui et son chagrin. La journée de travail était malheureusement finie. Il avait cru que son état d’esprit s’améliorerait après son retour à New York. Il s’était lourdement trompé. Karim lui manquait affreusement et les circonstances de sa disparition rendaient cette douleur encore plus difficile à supporter. Le travail à la banque et le sport lui rendaient la vie un peu plus tolérable pendant la journée. Mais, dès qu’il les quittait, son moral s’effondrait.

    Qu’allait-il faire maintenant ? A cause d’un imprévu au bureau, il était trop tard pour son entraînement de karaté ; trop tôt cependant pour aller dormir. Il n’avait pas envie d’aller courir et pas davantage de sortir prendre un pot quelque part. De toute façon il n’aurait pas su où aller…Trop tard pour le karaté ? Peut-être pourrait-il se limiter à une séance d’assouplissements. N’importe quoi plutôt que de rester ici à se morfondre ! Sans plus hésiter, il prit ses affaires et partit. Arrivé au gymnase, il se mit en tenue puis en quête d’une salle vide. Pour ses exercices il n’avait besoin de personne. Echauffements, travail des abdominaux, des lombaires, des fessiers, étirements, assouplissement des articulations des épaules et des jambes…grands écarts latéraux…grand écart facial…

    – Bonsoir, on peut s’entraîner ensemble ?

    Alexandre leva la tête. Devant lui se tenait un grand type, un mètre quatre-vingt-cinq au moins, athlétique, au crâne rasé et à la peau d’ébène. Il n’était pas beau avec son nez manifestement cassé et les cicatrices qui coupaient ses sourcils, mais ses lèvres pulpeuses et son sourire adoucissaient un visage peu engageant au premier abord. Alexandre acquiesça de la tête. Ils se serrèrent la main.

    – Je m’appelle Chase, dit-il. Je t’ai vu aux entraînements du groupe avancé.

    – Alexandre. Oui, je me souviens de toi.

    – Tu as raté ta séance ?

    – Oui, je suis sorti tard du travail et je n’ai pas voulu déranger les autres.

    – Il m’est arrivé la même chose. J’ai fait mes assouplissements tout seul à côté, mais c’est mieux de pouvoir travailler avec quelqu’un. On s’y met ?

    Alexandre désigna le tatami devant lui. Chase s’assit, jambes tendues et écartées, plaça la plante des pieds contre celles de son vis-à-vis. Ils s’agrippèrent par les poignets, se mirent d’accord sur le sens des mouvements et commencèrent. Chase inclina le torse en avant, dos droit. Alexandre se rejeta en arrière et tira vers lui les bras de son vis-à-vis. Au bout de quelques secondes ils inversèrent les mouvements : Chase se coucha lentement pendant qu’Alexandre s’inclinait en avant, toujours dos droit. Les deux hommes continuèrent l’exercice avec les jambes de plus en plus écartées. Ils étaient tous deux très souples et ne mirent pas longtemps à atteindre un angle de près de cent quatre-vingts degrés. Leurs torses se frôlaient sans cesse. Alexandre, totalement concentré sur les mouvements, ne prêta pas attention au fait que son camarade d’entraînement ne le quittait pas des yeux. Au bout de dix minutes ils changèrent d’exercice. Cette fois ils devaient incliner le torse sur les jambes, qui restaient tendues et écartées au maximum. Encore dix minutes et ils se mirent debout, s’ébrouèrent et passèrent aux mouvements de combat proprement dits. Face à une glace, ils travaillèrent rapidement les positions puis abordèrent quelques katas. Enfin Chase proposa un combat. Ils se tournèrent autour quelques instants, et Alexandre lança une attaque que son adversaire, malgré sa rapidité, eut du mal à contrer. Attaques et contre-attaques s’enchaînèrent, au cours desquelles chacun prit l’avantage. Petit à petit, le combat d’entraînement se transforma en combat réel, avec des frappes de plus en plus violentes, des esquives de plus en plus rapides et des adversaires qui avaient perdu la notion du temps. L’arrivée du responsable du club, qui leur cria qu’il était l’heure, les ramena au présent. Ils acquiescèrent et se dirigèrent vers le vestiaire en bavardant. Chase, âgé de vingt-huit ans, avait toujours vécu à New-York, était adepte de divers arts martiaux et travaillait dans la police.

    – Dis-moi, une question bête : vous n’avez pas de centres d’entraînement ? demanda Alexandre.

    – Si…mais je vis seul, et je m’ennuie souvent hors des heures de travail. Par ailleurs je ne tiens pas à limiter ma vie sociale à mes collègues.

    – Tu viens ici pour avoir une vie sociale ? Mais ce n’est qu’un club sportif !

    – Pas du tout, on discute aussi ; la preuve, c’est ce qu’on est en train de faire !

    Interloqué, Alexandre se mit à rire. Chase le regarda et ses yeux semblèrent flamboyer. C’était la première fois depuis longtemps qu’il voyait rire le jeune rouquin, qui semblait soudain revenir à la vie. Qu’est-ce qu’il était beau ! Malheureusement, son rire disparut aussi vite qu’il était venu. Ils entrèrent dans le vestiaire. Alexandre se débarrassa rapidement de son kimono, de sa coquille de protection et de son jock-strap. Chase le dévora des yeux ; il n’enleva ses propres vêtements qu’une fois le jeune homme disparu dans les douches. Des images salaces lui traversaient obstinément l’esprit. Il les chassa comme il entrait à son tour dans la salle de douche, cacha tant bien que mal son sexe derrière sa serviette. Il déglutit avec difficulté : le jeune homme lui tournait le dos. Il était aussi blanc que lui-même était noir. Les muscles de son dos se dessinaient nettement sous la peau, et la vallée de la colonne vertébrale réclamait la caresse à corps et à cri. Sa taille, si mince, si flexible, avec le creux et les fossettes des lombaires, lui mettait l’eau à la bouche. Quant aux fesses…Il détourna les yeux : il devait se calmer s’il ne voulait pas être pris pour un pervers. Il se mit face au mur et commença à se laver, se forçant à penser à la dernière intervention à laquelle il avait pris part : une bande qui, après avoir attaqué plusieurs bijouteries, avait voulu grandir et s’était intéressée à un plus gros morceau : un fourgon de transport de fonds. Elle manquait toutefois de savoir-faire et avait fini encerclée et neutralisée. L’affaire aurait pu être risible sans les deux personnes qui avaient payé cette action de leur vie…Ouf ! Son érection avait disparu. Avec un soupir de soulagement, il se retourna et eut l’impression qu’on lui barattait le plexus : Alexandre aussi s’était retourné. Il finissait de se rincer. Sans perdre de temps il s’égoutta et entreprit de se sécher. Chase passa inconsciemment la langue sur les lèvres : les mouvements des bras, qui passaient la serviette à toute vitesse sur ses cheveux, faisaient ressortir les biceps, les pectoraux et les dentelés. Il eût donné n’importe quoi pour passer les doigts et la langue dessus. Les abdominaux, bien dessinés, et le ventre plat conduisaient le regard vers le buisson ardent du pubis et le sexe. La virilité de son compagnon d’entraînement était aussi indiscutable que le charme de son corps. Chase termina son inspection avec les jambes, droites, longues et musclées. Ce n’est alors qu’il se rendit compte qu’Alexandre le regardait.

    – Tu es très mince, mais puissant, dit-il pour se donner une contenance. Tu ne fais pas que du karaté, n’est-ce pas ?

    – Je cours régulièrement, et je fais un peu de musculation ; juste assez pour me donner plus de puissance au karaté. Toi, tu ne travailles pas dans les bureaux, n’est-ce pas ?

    – Non, je fais partie d’un groupe d’intervention spécial : prises d’otages, forcenés, etc., des cas dans lesquels le mental est aussi important que le physique.

    – Eh bien… – Alexandre siffla d’admiration. – Et tu fais ça depuis longtemps ?

    – Deux ans. Je travaillais dans la police criminelle, avant, mais j’en avais assez d’enquêter sur des meurtres, je préférais tenter de les éviter et sauver des vies. Voilà, tu sais tout, ou presque.

    Les deux hommes poursuivirent leur conversation dans le vestiaire. Chase s’habilla sans cesser de regarder à la dérobée. Il préférait Alexandre nu, mais en tenue de ville il n’était pas mal non plus.

    – Tu habites loin d’ici ? s’enquit-il.

    – Greenwich Village. Et toi ?

    – Juste à côté de Chinatown. Tu vois, je ne suis pas très loin non plus. Une question très indiscrète : tu vis seul ?

    – Oui, je suis ici seulement pour quelques mois.

    – Je veux dire, à Paris.

    – J’avais quelqu’un. – Alexandre eut une moue amère. – Un chauffard me l’a enlevé il y a dix-neuf jours. Et je n’arrive toujours pas à y croire. Même après être allé reconnaître le corps à la morgue, puis liquider nos affaires là-bas. Je suis revenu il y a un peu moins de dix jours.

    – Tu retourneras à Paris, après ton séjour ici ?

    – Oui, pour ma dernière année d’études.

    – Qu’est-ce que tu fais comme études ?

    – Finance.

    – Et…Excuse-moi, je suis vraiment indiscret…et elle ?

    – Lui. Il peignait et collaborait aussi pour une boîte d’effets spéciaux. Il était très bon avec les images de synthèse. Il venait de décrocher un contrat avec une société californienne, et préparait son départ pour Los Angeles.

    Alexandre s’interrompit. Pourquoi racontait-il sa vie à un parfait inconnu ? Le responsable du club, revenu les relancer, lui évita un moment d’embarras. Une fois dehors, le jeune homme tendit la main pour prendre congé.

    – Je suis désolé de ce qui t’est arrivé, dit doucement le grand Noir. Il y a quelques années j’ai eu la même expérience. Si tu as besoin de parler, je suis là. Voici mes coordonnées.

    – Merci.

    – Je peux t’offrir un verre ?

    – C’est gentil, mais je préfère pas. Il faut que j’aille me coucher, je veux être au travail de bonne heure demain.

    – Comme tu voudras. Bonne nuit.

    – Bonne nuit.

    Chase regarda le beau rouquin s’éloigner rapidement. Après l’avoir vu disparaître au coin de la rue, il prit à son tour le chemin de son domicile. Il était à la fois triste du malheur qui l’avait frappé et satisfait de ce qu’il avait appris. Ainsi, le jeune homme était pédé, et son attitude réservée n’était pas due à de l’indifférence vis-à-vis des hommes. Bien : il était très jeune, il surmonterait sa peine. Si lui-même s’y prenait bien, il finirait par l’amener dans son lit, il en était convaincu. Cette pensée fit remonter son excitation. Il arriva chez lui absorbé par des pensées de plus en plus débridées. Il adorait les jeunes gens, et s’ils étaient blancs, encore plus ; il n’avait jamais encore eu de roux, et celui-ci était particulièrement somptueux. Ses organes sexuels l’intéressaient moyennement, encore que fort respectables. Mais le reste de son corps, quelle merveille ! Peut-être était-il celui qu’il attendait depuis la mort de son compagnon ? Il se jura de l’avoir. Il dîna rapidement et se mit au lit. Le sommeil fut long à venir. Les images d’Alexandre en train de se donner à lui refusaient de quitter son esprit. Un orgasme salvateur le soulagea suffisamment pour lui permettre de s’endormir.

    Alexandre ne s’attarda pas en route. Il pensa un moment au type avec qui il venait de s’entraîner : quasiment aussi grand que Karim, mais plus baraqué. Il paraissait sympathique et bienveillant malgré son aspect rude, et il savait se battre. Ce serait bien s’ils remettaient ça, il n’avait pas autant apprécié un combat depuis belle lurette. Il lui en parlerait lorsqu’il le reverrait. Les bons moments de cette soirée lui rappelèrent, sans transition, le bonheur vécu en compagnie de Karim. Pourquoi donc le conte de fées avait-il dû prendre fin, et surtout de cette façon ?...Sa gorge se noua, les larmes troublèrent sa vue et roulèrent le long de ses joues. Arrivé chez lui, il pleura encore pendant qu’il préparait son dîner. Comme un automate il alluma son ordinateur, consulta sa messagerie. Quelques emails de ses camarades de promotion…Un coucou de sa sœur…Ah, c’est quoi, ça…Un email très court, qui lui demandait de prendre contact avec un type de Californie, quelqu’un qui avait rencontré Karim. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Oui, là-bas c’était le début de la soirée, il n’était pas encore trop tard.

    La conversation fut courte mais lorsqu’elle prit fin Alexandre resta songeur un moment. La société pour laquelle son ami devait travailler était très intéressée par ses programmes destinés à créer ces personnages virtuels qu’on ne pouvait pas distinguer de personnes réelles. Il était revenu à New York avec quelques clés USB de grande capacité remplies des programmes et de certaines des réalisations de Karim. Il ne savait pas pourquoi il avait pris ces copies, il ne les avait pas regardées une seule fois. Une crise de sanglots l’avait systématiquement empêché d’y jeter un coup d’œil. Cette fois, animé d’une âpre détermination, il se jura d’aller jusqu’au bout. Il retourna dans le coin cuisine pour vérifier que les pâtes étaient prêtes, et s’attabla devant l’écran. A mesure qu’il chargeait les programmes il consulta les modes d’emploi rédigés par Karim à son intention, un jour qu’il avait voulu lui montrer comment, concrètement, il générait ses créations. Il suivit les instructions et parvint, au bout d’une demi-heure, à dessiner et faire bouger Chase. Le résultat était loin de la perfection, mais pour quelqu’un qui comme Alexandre n’avait jamais su dessiner, c’était exceptionnel. En un éclair il fut conscient du trésor qu’il avait en sa possession. Si un néophyte comme lui parvenait à faire ce qu’il avait fait, des professionnels réaliseraient des prouesses. Ces programmes valaient des millions.

    Il sentit la tête lui tourner. Il n’avait pas les compétences techniques ni managériales pour les exploiter lui-même, mais il pouvait tirer parti de leur vente. Comment faire ?...Il réalisa à quel point il était inexpérimenté : il avait appris énormément de choses à l’école, mais beaucoup de notions n’étaient dans son esprit que purement théoriques ; il ne savait pas les mobiliser pour traiter le sujet qui se présentait à lui. Il décida de s’accorder un jour ou deux pour réfléchir à la question et consulter son père. Pour la première fois depuis deux semaines, il s’endormit sans pleurer.

    * * * * *

    – Alexandre, tu as une minute ?

    Dix secondes plus tard, le jeune homme entra dans le bureau de son supérieur. Ce dernier lui fit signe de fermer la porte.

    – Assieds-toi, lui dit-il. Ce dont nous allons parler doit rester entre nous.

    Alexandre acquiesça. Son interlocuteur le scruta un instant, puis reprit la parole.

    – Est-ce que tu crois que la monnaie européenne a un avenir ?

    – Oui, bien sûr. Pourquoi cette question ?

    – On discute pas mal de ce sujet, dans les hautes sphères, et les avis sont partagés. Très partagés. Les pays de la zone euro ont mis sur pied une politique monétaire commune, avec même une banque centrale, mais ils ne sont pas allés plus loin : chaque pays gère son économie comme il lui en prend l’envie et ils n’arrivent à se mettre d’accord pratiquement sur rien. La crise depuis un an et demi n’a pas arrangé les choses. Aussi des doutes commencent à apparaître sur la viabilité de l’euro. Qu’est-ce que tu en penses ?

    – Je ne vois pas où est le problème. Les Européens trouvent toujours un accord au dernier moment ; ça fait plus de cinquante ans qu’ils se battent comme des chiffonniers sur tout et n’importe quoi, mais les processus d’intégration n’ont cessé d’avancer.

    – Ce n’est pas ce que je te demande. Ce que je te demande, c’est si tu penses que les Européens vont se battre pour sauver l’euro.

    – Je maintiens ma réponse. Ils vont traîner la jambe tant qu’ils croiront qu’ils peuvent continuer sans faire d’effort, mais mis au pied du mur ils trouveront le moyen de défendre leur monnaie.

    – Tu crois qu’ils joueront la solidarité sur l’affaire grecque ? Malgré les conneries que les Grecs ont faites ?

    – Il leur faudra du temps pour avaler la pilule, mais je crois qu’ils soutiendront la Grèce.

    – Et si d’autres Etats ont des problèmes ?

    – Ils suivront aussi, avec des plans d’austérité à la clé.

    – C’est curieux…Presque personne parmi les experts ne pense comme toi.

    – Tu m’as demandé mon avis, je te le donne.

    – Qu’est-ce qui te fait penser ça ?

    – Les pays de la zone euro sont conscients que la monnaie unique les a protégés contre bien des chocs. Ils ne permettront pas que des problèmes comme celui de la Grèce viennent casser tout ça. Ils imposeront des mesures de redressement des comptes publics, mais ils ne laisseront pas qu’un pays de la zone euro se déclare en cessation de paiement.

    – Donc tu ne jouerais pas contre l’euro ?

    Alexandre prit un moment pour réfléchir. Il fallait peser soigneusement les raisons, et les mots correspondants.

    – Je crois qu’on peut tirer parti du problème de la dette des Etats. Certains, comme l’Espagne, sont faiblement endettés mais empruntent massivement pour faire face à la chute des recettes et à la hausse des dépenses sociales, d’autres sont déjà très endettés et ne peuvent vraisemblablement pas respecter leurs engagements sans aide, comme la Grèce et l’Irlande. Moi, je mettrais la dette de ces pays sous pression, en commençant bien sûr par les plus faibles. Ils devront offrir des rentabilités de plus en plus élevées pour se procurer des ressources, ce qui me permettrait de gagner beaucoup d’argent sans risque. En outre, les entreprises de ces pays auraient de plus en plus de mal à se financer, ce qui peut les obliger à vendre des actifs de valeur à bas prix. Mais je ne parierais pas contre l’euro en tant que tel : les pays européens ont pour la plupart une solide tradition étatique, et ils ne permettront pas qu’une prérogative étatique comme la monnaie soit attaquée. Ils trouveront d’abord le moyen de se défendre et ensuite de punir les audacieux.

    – Et les contribuables allemands vont accepter de payer pour les Grecs ou les Espagnols ?

    – La question n’est pas là. Personne ne va demander l’avis des contribuables, de quelque pays qu’ils soient. Les Européens vont, comme d’habitude, essayer de jouer au plus fin avec les marchés, mais en dernier ressort ils joueront la solidarité. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, ni facilement, mais ça se fera, lorsque les principaux pays se rendront compte qu’il est de leur intérêt de ne pas laisser tomber les autres : l’Allemagne ou la France exportent surtout dans la zone euro, et si les autres pays s’effondrent, le contrecoup pour leurs entreprises sera terrible. Ils se feront tirer l’oreille, mais se rendront à l’évidence et feront ce qu’il faudra. Encore une fois, à mon avis il faut essayer de gagner le plus possible d’argent à la faveur de cette crise, mais sans faire la guerre à l’euro, nous nous en mordrions les doigts.

    – Tu crois donc que cette crise sera réglée sans que l’euro se casse ?

    – Oui : ça pourra durer plusieurs années, car les plans d’austérité qui vont être mis sur pied vont saper la reprise, et donc la rendre plus lente et difficile, mais je suis absolument convaincu que l’euro va survivre.

    – Mais on peut tirer parti de cette crise ?

    – Toutes les crises ont leurs gagnants et leurs perdants. Celle-ci ne fait pas exception à la règle.

    – Et tu crois que ça peut être le meilleur business financier ?

    – Non, le meilleur business financier, je ne cesse de le dire, ce sont les matières premières. Ce sont elles qui soutiennent le monde. Les besoins explosent et la production a du mal à suivre : il faut parier sur une hausse importante et très durable sur toutes les matières premières, pas seulement le pétrole et l’or. Sur la durée aucun business ne soutient la comparaison avec celui des produits de base, malgré des exceptions ponctuelles comme internet. On ne se nourrit pas de programmes ni de portables, mais on ne peut pas vivre sans eau, sans nourriture et sans vêtements. C’est là-dessus que nous gagnerons le plus d’argent.

    – Oui, je sais que c’est ton dada…Bien, je te remercie. Garde tout ça pour toi. Sinon, comment ça va ? Tu tiens le coup ?

    – Ça va mieux, merci. Le travail m’aide.

    – Il t’intéresse ?

    – Enormément. J’aimerais simplement avoir une activité plus opérationnelle, bien sûr sous une supervision adéquate. Travailler uniquement sur des systèmes et des procédures finit par être frustrant.

    – Un peu de patience. Il faut que tu maîtrises bien les règles et que tu saches évaluer les risques. La banque de trottoir c’est une chose, la banque d’affaires c’en est une autre. Continue de travailler comme tu le fais et nous pourrons te donner l’occasion de montrer ce que tu as dans le ventre…Ne fais pas cette tête, c’est pour ton bien. Allez, retourne à ton travail. Je suis content de toi.

    – Merci.

    Alexandre regagna sa table. Il sourit intérieurement : il savait beaucoup plus de choses que ces gens ne le pensaient. Avec l’aide de son père, il avait bouclé la vente des programmes de Karim. La société que le jeune artiste avait créée pour gérer ses productions X détenait les droits sur ces applications. Associé et fondé de pouvoir jusqu’au décès de son compagnon, Alexandre en était maintenant le seul propriétaire, et n’avait donc pas eu d’autre difficulté que la maîtrise de la négociation. Les conseils de son père s’étaient avérés précieux et Alexandre, ou plutôt son entreprise, avait cédé ces programmes pour quinze millions de dollars. Parfois il pensait, vu la vitesse avec laquelle cette demande avait été acceptée, qu’il avait visé ridiculement bas ; mais il ne disposait réellement pas de base de comparaison. Surtout, il ne doutait pas qu’il saurait faire fructifier ce pactole. Il mettait à profit son stage pour approfondir sa connaissance du fonctionnement des marchés liés aux matières premières, et ne tarderait pas à tester ses idées. Dès que le réseau de sociétés qu’il avait imaginé serait constitué, il pourrait commencer à opérer. Il consacrerait le week-end à préparer les formalités. Millionnaire avant d’avoir vingt-deux ans, il comptait bien multiplier ce patrimoine dans les mois à venir. Il se secoua et replongea dans ses dossiers. Vers dix-sept heures, son supérieur l’appela. Le jeune homme ne put réprimer sa surprise lorsqu’il arriva dans la grande salle : tous ses collègues s’y trouvaient et crièrent « Joyeux anniversaire, Alexandre » à l’unisson. Il se souvint qu’effectivement aujourd’hui il était censé fêter ses vingt-deux ans. Les autres éclatèrent de rire lorsqu’ils comprirent que ce détail lui était sorti de la tête. Il sourit en retour et s’inclina en remerciement. La salle fut fort animée pendant une demi-heure, puis chacun retourna à ses occupations. Ce soir-là, Alexandre revint chez lui un peu moins triste que d’habitude. Il avait besoin de bouger, mais il faisait trop froid pour courir dehors. Il se rendit donc au karaté. Chase brillait par son absence. Alexandre fit sa séance d’assouplissement avec un homme d’une trentaine d’années dont il ne savait guère que le prénom, Greg, et qu’il était marié et avait une fille d’un an et demi. Il fut vainqueur dans tous les combats qu’il eut à livrer. A la fin de la séance, le moniteur vint le complimenter : depuis qu’il était dans ce club, c’était sa meilleure performance.

    – C’est bien, tu continues de progresser, dit-il. Tu n’envisages pas de te consacrer à plein temps au sport ?

    – Non, pour moi c’est un délassement, indispensable, mais un délassement tout de même.

    – Comment es-tu venu au karaté ?

    – Par besoin : enfant, je n’étais pas costaud et les autres élèves en profitaient pour me harceler sans arrêt ; c’est pour me défendre que je me suis mis au karaté. Ensuite j’y ai pris goût. Ça fait presque huit ans que j’ai commencé.

    – Je ne suis plus surpris. Par contre, tu devrais travailler davantage le mental et la philosophie. Tu es parfaitement capable de te défendre, mais tu peux progresser dans d’autres domaines, ça te sera utile dans ta vie de tous les jours : distinguer l’essentiel de l’accessoire, mieux contrôler tes pulsions, savoir quand les retenir et quand y céder. Tu améliorerais aussi ta capacité de juger les autres, de les comprendre et de mieux les cerner. Tu peux venir un instant ?

    Alexandre le suivit dans son bureau. C’était une pièce relativement petite, meublée de façon spartiate et totalement dépourvue de décoration. Un escalier en colimaçon, dans un coin, permettait de gagner l’étage.

    – Je fais partie d’un petit groupe de combattants…Non, je te rassure, nous ne sommes pas des extrémistes, encore moins des terroristes. Nous sommes des gens experts dans un certain nombre d’arts martiaux, qui cherchons à progresser encore. Nous nous réunissons le week-end, nous discutons, nous combattons aussi. Le haut niveau de tous les participants garantit des entraînements et des combats de qualité. Il n’y a ni spectateurs autres que les membres du groupe, ni paris. Nous recrutons exclusivement par cooptation. Les entrées et les sorties sont totalement libres et la diversité de nos origines et de nos savoirs-faires nous protège contre la mainmise par un gourou, de quelque nature qu’il soit. Je t’ai vite repéré, je ne suis pas le seul, et je crois que tu serais une bonne recrue. Si tu es intéressé, je te présenterai aux autres. Tu n’es bien sûr pas obligé de me répondre tout de suite. Réfléchis-y et avise-moi si tu veux te joindre à nous.

    – Ça a l’air bien…Qui d’autre m’a repéré ?

    – Chase, bien sûr, et deux ou trois autres garçons. Ah, il y a très peu de femmes dans notre groupe. Elles s’inscrivent dans mon club essentiellement parce qu’elles ont peur de quelque chose et qu’elles veulent pouvoir se défendre…Comme toi quand tu étais gamin. Une fois qu’elles s’estiment assez bien armées, presque toutes relâchent leur effort et n’atteignent pas le niveau suffisant. A ce jour, moins de dix pour cent des membres de notre confrérie sont des femmes.

    – Vous êtes combien ?

    – Environ cinq cents sur tout New York. Il est très rare que nous nous retrouvions tous ensemble, il n’est pas facile de trouver des espaces assez grands et discrets pour des groupes de cette taille. Nous nous réunissons par groupes d’une cinquantaine de personnes, et deux fois par an nous célébrons une assemblée où nous nous voyons tous.

    – Et vous ne faites que vous voir et combattre ?

    – Oui. Encore une fois nous ne sommes pas une société secrète animée de buts sombres et inavouables. Nous fuyons toute publicité parce que nous refusons les aspects mercantiles ou plus sales encore qui entachent le monde sportif officiel. Les meilleurs d’entre nous sont bien meilleurs que les champions du monde, dont aucun n’a jamais fait partie de confréries comme la nôtre.

    – Ah bon, il y en a d’autres ?

    – Il y a toujours eu des confréries de ce genre partout. Certaines sont devenues des organisations guerrières ou activement militantes, d’autres ont su éviter les engagements politiques dangereux. Nous sommes l’équivalent d’une association musicale ou d’un club de réflexion. La différence c’est que notre philosophie finit par se refléter dans notre façon de vivre. Ceux d’entre nous qui atteignent des positions de pouvoir dans la société ont l’occasion de tenter d’y mettre un peu de bon sens. Là s’arrête notre ambition.

    – Et vous ne recommandez aucun style de vie, aucune morale en particulier ?

    – A part la sobriété, la maîtrise de soi, l’honnêteté, non. On peut être marié ou non, être riche ou non, coucher avec des hommes, des femmes ou les deux,…La vie privée et la morale individuelle sont des choses justement individuelles. Nous ne militons pour aucune cause et nous ne défendons aucune idéologie.

    – Et il y a des gens de tous âges et de toutes conditions dans votre confrérie ?

    – Oui. L’excellence n’a rien à voir avec la couleur de la peau, l’origine sociale ou l’importance des revenus. Et certains des membres les plus âgés sont toujours capables de rosser n’importe qui. Tu auras peut-être l’occasion de le constater à tes dépens si tu décides de nous rejoindre.

    Alexandre rit à ces mots. Cette dernière phrase acheva de le décider.

    – C’est vraiment très tentant. C’est d’accord, j’aimerais faire partie de ce groupe.

    – OK, viens ici samedi prochain à vingt heures. Tu feras la connaissance d’une partie des autres. Tu as d’autres questions ?

    – Non, pas pour l’instant.

    – Bien, je te propose que nous en restions là. A la douche !

    Les deux hommes regagnèrent le vestiaire. Il ne restait plus qu’eux. Le moniteur alla fermer la porte du club. Lorsqu’il revint Alexandre se savonnait déjà. Il l’imita rapidement, ce qui ne l’empêcha pas de détailler le corps du jeune homme.

    – Tu es bien foutu, dit-il. Bien proportionné, mince mais puissant. Continue de renforcer tes abdominaux et tes lombaires. Ils sont déjà forts, mais il faut que tu les travailles encore, tu t’en rendras compte quand tu seras avec les autres. Fais aussi un petit effort au niveau des épaules et des quadriceps, la course à pied et la musculation que tu fais ne suffisent pas.

    – Tiens, je croyais que j’étais déjà bien, c’est ce que tout le monde me dit !

    – Pour affronter la moyenne des autres membres du club, tu es largement assez fort. Pour faire face à ceux que tu vas rencontrer…Tu te prendras probablement quelques raclées au début. Chase a été gentil avec toi l’autre soir. S’il s’était employé à fond, il t’aurait mis en pièces en quelques instants.

    – Ce n’est pas l’impression que j’ai eue !

    – Je t’assure qu’il t’a ménagé. Je t’ai dit tout à l’heure qu’il t’avait repéré, et il a voulu te tester. Il a senti que tu pouvais devenir un fantastique karatéka, et je suis d’accord avec lui. Mais n’oublie pas qu’il est plus âgé que toi, qu’il s’entraîne davantage et qu’il fait partie d’un groupe d’assaut de la police. Ce n’est pas seulement un tireur d’élite : toute sa vie tourne autour du combat sous toutes ses formes. Tu as affronté un combattant hors pair. Mais il n’avait pas l’intention de te faire mal, il voulait simplement voir ce que tu avais dans le ventre et t’amener à le sortir. Tu l’as absolument convaincu, et j’ai été moi aussi impressionné par ta performance.

    Alexandre resta un moment pensif, les yeux braqués sur son interlocuteur. Kyle, le moniteur, était de la même taille que lui, mais bien plus musclé. Il avait des bras et jambes puissants, avec des muscles volumineux et apparents. Pas un gramme de graisse en trop et un torse rendu encore plus impressionnant par les poils sombres qui le recouvraient. Sa pomme d’Adam proéminente se détachait bien sur son cou épais. Son visage n’était ni beau ni laid, mais d’une virilité indiscutable avec sa mâchoire nettement dessinée, ses sourcils fournis et ses cheveux coupés court. Au total il était très attirant. Si Alexandre n’avait pas été aussi plein de Karim, il s’en serait aperçu. Mais il ne vit que la puissance musculaire et non l’aspect sexy du moniteur.

    – Merci de tes remarques, dit-il. J’en tiendrai compte. Mais je ne m’étais jamais vu comme un combattant. Je ne sais d’ailleurs pas si je parviendrai à avoir une musculature comme la tienne.

    – Ce n’est pas nécessaire. Tu as un corps gracile, avec des attaches fines, je ne suis pas sûr qu’une musculature très volumineuse te servirait, tu risquerais de mettre en danger tes tendons si tes muscles deviennent trop puissants pour eux. Non, il faut respecter les caractéristiques de ton corps, mais à l’intérieur de ces caractéristiques tu peux devenir beaucoup plus fort que tu n’es aujourd’hui.

    – Et je devrai m’entraîner beaucoup plus ?

    – Un peu plus, mais bien plus dur. C’est sur l’intensité qu’il faut travailler, pas sur la durée ou la fréquence. Et il faudrait que, au moins de temps en temps, tu te fasses masser. Tu le fais ?

    – Non, jamais.

    – Je peux t’en faire un, de massage, si tu veux. Tu verras, à la fin on se sent beaucoup mieux.

    – Il n’est pas trop tard pour toi ?

    – Non, sois tranquille, l’autre soir j’avais un engagement et il fallait que je file, mais aujourd’hui je n’ai rien de particulier à faire, et comme j’habite seul personne ne m’attend à la maison. Viens, on monte, j’habite juste au-dessus de mon club.

    Sans attendre de réponse Kyle s’essuya et s’habilla. Alexandre suivit son exemple. Ils retournèrent au bureau et s’engouffrèrent dans l’escalier.

    – Tu habites ici depuis longtemps ? s’enquit Alexandre.

    – Toute ma vie. Mon père était propriétaire de ce club, c’est lui qui m’a tout appris, la technique et la philosophie. Je pensais l’aider à l’agrandir quand j’ai dû en prendre la direction plus vite que je ne le pensais.

    – Ah bon, qu’est-ce qui s’est passé ?

    – Mon père se trouvait à la pointe de Manhattan quand la première tour du World Trade Center s’est effondrée. Le nuage de poussière l’a empêché de voir venir le morceau de poutre qui l’a tué.

    – Oh ! Je suis désolé…Et ta mère ?

    – Elle ne vivait pas avec nous, mes parents ont divorcé quand j’avais onze ans. Je ne m’entendais pas bien avec elle, et quand elle a voulu partir à Chicago je me suis enfui chez mon père. J’ai réussi à convaincre le juge qu’il valait mieux pour moi rester avec lui, et voilà. Je ne l’ai pas vue depuis mes dix-huit ans.

    – Et tu as quel âge ?

    – Trente-deux ans. Toi, tu en as vingt-deux aujourd’hui, n’est-ce pas ? Pour fêter ça, je vais te faire un massage dont tu me diras des nouvelles ! J’ai suivi une formation de kiné et de masseur, en plus des arts martiaux : kung-fu, judo, boxe thaï, taekwondo, un peu d’aïkido…Je suis fanatique des arts martiaux. Allez, déshabille-toi. Ne garde rien, ça m’énerve, et installe-toi là, sur le ventre.

    – Ça t’énerve ?

    – Oui, j’ai horreur des types qui se la jouent pudique. On sait tous comment c’est fait, un homme et je ne vais ni être traumatisé par ce que je vois ni me moquer.

    Alexandre, nu comme il lui avait été signifié, s’étendit sur la table de massage. Kyle, lui, se contenta d’enlever son t-shirt et alla prendre un flacon d’huile. Il en versa un peu le long du dos du jeune homme et se mit à lui explorer les muscles, de la nuque aux reins. Il ne fut pas long à repérer les nombreux points de tension qui diminuaient son efficacité musculaire, ainsi que les points non moins nombreux qui provoquaient des frémissements de plaisir. Il sourit.

    – Ton ami est décédé il y a peu, n’est-ce pas ? demanda-t-il à voix basse.

    – Comment…comment le sais-tu ? demanda Alexandre qui leva soudain la tête.

    – Je me suis permis de poser la question à Chase. J’avais remarqué ta soudaine tristesse le mois dernier, ton mutisme, et je l’ai sondé pour savoir si éventuellement tu lui avais dit quelque chose. Sois tranquille, Chase n’est pas bavard. Nous sommes simplement de très bons amis depuis longtemps et nous n’avons aucun secret l’un pour l’autre. Il n’a parlé de toi à personne.

    – Oui, il est mort il y a un peu plus d’un mois. Renversé par une voiture.

    – Désolé. On a retrouvé le chauffard ?

    – Non, et on n’a toujours aucune piste à ce jour.

    – Quel âge avait-il ?

    – Vingt-cinq ans.

    – Vous êtes restés ensemble longtemps ?

    – Quatorze mois. On s’est connus en décembre 2008, et il est mort en février dernier.

    – C’est triste…

    – Nous avions des tas de projets pour l’avenir…Oh, il me manque tellement ! Tellement !

    Alexandre fondit en larmes. Kyle l’observa en silence sans cesser son massage. Il insista sur les points de tension et sentit comment le jeune homme, qui pleurait toujours, se détendait petit à petit. Il faudrait plusieurs autres séances de massage pour éliminer totalement ce qui lui faisait tant de mal, mais celle-ci ferait une bonne partie du travail. Les sanglots cessèrent progressivement.

    – Ex…excuse-moi, dit le rouquin en reniflant. Je ne peux pas m’en empêcher, je chiale toutes les nuits depuis plus de trois semaines.

    – Ne te retiens pas. Ça complètera l’effet des massages.

    Les mains de Kyle poursuivirent leur lent travail le long du dos, puis s’occupèrent des deltoïdes et des bras. Après quoi elles se centrèrent sur les reins et les obliques. Les sursauts d’Alexandre changèrent de nature et le masseur identifia correctement la cause de cette modification. Il sourit à nouveau.

    – Tu sais, dit-il, la mort fait partie de la vie. Celle-ci est impitoyable et très têtue. Elle ne permet jamais que la mort la gêne longtemps, et reprend imperturbablement son chemin.

    Les mains parcoururent rapidement les fesses puis s’aventurèrent le long des cuisses. Les points de tension s’affaiblirent l’un après l’autre. Les mollets subirent le même sort, puis les chevilles et les plantes des pieds. Sans transition, les mains revinrent aux fesses, qu’elles malaxèrent consciencieusement. De temps en temps Kyle passait un doigt ou la tranche d’une main le long de la raie, et constatait qu’Alexandre soulevait involontairement les fesses. Bien, le garçon avait toute la face arrière sensible. Kyle lui fit écarter les jambes, juste assez pour pouvoir passer les mains le long de la face interne des cuisses. Il en profita pour caresser, comme par inadvertance, les testicules et le périnée, et toucha même, à plusieurs reprises, la zone anale.

    – S’il te plaît, ne fais pas ça, dit soudain Alexandre.

    – Ne t’inquiète pas, je ne cherche pas à profiter de toi. J’essaie simplement de localiser tous les points de tension et les supprimer. Tu en as depuis la nuque jusqu’aux orteils, et la région anale n’est pas une exception. Laisse-toi faire, tu m’en remercieras.

    Kyle plaqua doucement la tête d’Alexandre sur la table et reprit son travail sur ses fesses et son entrejambes. Il revint à plusieurs reprises sur les obliques ce qui détendit totalement son jeune patient. Il refit un passage complet de la nuque aux talons, et remarqua avec plaisir que les tensions avaient sensiblement diminué.

    – Tourne-toi, je vais m’occuper de ta face avant, dit-il.

    Alexandre obéit, non sans gêne. Son sexe était totalement bandé.

    – Il n’y a pas de honte à avoir, dit Kyle avec un sourire rassurant. Ta réaction est parfaitement normale. Détends-toi.

    Il lui passa les mains sur le visage, massa les tempes et s’occupa du cou. Une application d’huile plus tard, ce fut le tour des aisselles, ce qui fit rire le jeune homme nerveusement, et des pectoraux, qui firent l’objet d’un soin particulier. Les biceps et les avant-bras ne furent pas oubliés. Le masseur se centra ensuite sur les abdominaux. Lorsqu’il toucha les obliques, le jeune homme gémit et se cabra. Sa verge durcit encore.

    – Eh bien, tu as un point super-sensible, là ! s’exclama Kyle. Bon, je n’insiste pas, il faut que je m’occupe de ton bas-ventre et de tes jambes…Reste tranquille. Si tu continues à gigoter je n’arriverai pas à te décontracter comme il faut…Voilà, c’est bien. Ne bouge plus.

    Le massage se poursuivit. Le bas-ventre n’était, pour les doigts experts de Kyle, qu’une vaste contracture. Comment parvient-il ne serait-ce qu’à bouger sans hurler de douleur ? se demanda-t-il. Il a de la chance d’être jeune ! Il s’attarda longuement sur cette zone, et ne gagna les jambes que lorsqu’il eut senti la chair s’assouplir. Dix minutes plus tard, il avait fini. Il s’enduisit à nouveau les mains d’huile et les referma alternativement sur la verge. Alexandre leva la tête et ouvrit la bouche pour protester. Kyle lui sourit et fit pression sur son front. Le jeune homme, après une seconde d’hésitation, se détendit.

    – C’est bien, reste calme, dit Kyle. N’aie pas peur, je veux juste t’aider à revenir à la vie. Détends-toi. Laisse-moi m’occuper de toi.

    Alexandre garda le silence. Il avait honte ; en même temps il désirait que ce massage si extraordinaire se poursuivît. Il ferma les yeux pendant que Kyle le masturbait lentement, sans brutalité. Ses mains étaient si douces, si agréables sur sa verge…Sa respiration s’accéléra à mesure que son excitation augmentait. Il ne put s’empêcher de plier les jambes et d’écarter les genoux. Kyle en profita pour glisser une main sous ses testicules. Cette caresse le fit crier de plaisir. Il ne tarda pas à jouir. Il reprit lentement son calme.

    – Ça fait longtemps que tu n’avais pas joui, n’est-ce pas ? demanda Kyle qui s’essuyait les mains.

    – Quelques jours après la mort de Karim…mon ami, j’ai eu une hallucination qui m’a fait jouir. Bien sûr, j’avais rêvé. Je n’ai rien fait depuis.

    – Eh bien, si je peux me permettre un conseil, il faut changer ça. Tes mains t’aideront à t’accrocher.

    – Pourquoi as-tu fait ça ? Tu avais envie de faire l’amour avec moi ?

    – Oui, mais ce n’est pas pour ça que je me suis occupé de toi. Je sens que tu es à un moment délicat de ta vie : tu peux devenir quelqu’un de bien, ou une parfaite ordure. Je sens également chez toi un énorme potentiel : si tu deviens un homme de bien, tu seras source de beaucoup de bienfaits ; mais si tu deviens une ordure, tu causeras bien des malheurs avant qu’on arrive à te mettre hors d’état de nuire.

    – Tu plaisantes ?

    – Pas du tout. Je suis absolument certain que tu as une capacité de nuisance hors du commun. Et je suis convaincu que si tu t’intègres dans notre confrérie, tu apprendras à contrôler tes pulsions et ton ambition. En outre, si tu retrouves une vie sexuelle normale, la frustration n’influera pas sur ton jugement et tes décisions.

    – Qu’est-ce qui te fait penser que je peux être si nuisible ? – Alexandre était perplexe.

    – Tu es ambitieux, tu ne peux pas le cacher deux secondes ; tu es intelligent, perfectionniste et dur ; et je suis convaincu que tu sais mettre tes scrupules dans ta poche et être impitoyable. Mets tout ça bout à bout, et si tu te retrouves dans une position de pouvoir, tu peux faire beaucoup, beaucoup de mal ; jusqu’à présent ça n’a pas été le cas parce que tu n’es guère qu’un gamin. Mais tu cesseras bientôt de l’être, et je veux essayer de t’aider à rester du bon côté.

    – Tu crois que je peux devenir un hors-la-loi ?

    – Il y a bien des choses en ce monde qui sont parfaitement légales, et parfaitement immondes et nuisibles. Tu n’as pas besoin de passer du mauvais côté de la loi pour faire beaucoup de mal. Voilà, je t’ai tout dit.

    Alexandre réfléchit un instant. Ce type avait détecté ce qui avait également fait peur à Karim. Etait-il donc tellement dangereux ? Il décida de réfléchir sur cette question tranquillement, quand il serait seul. Il se mit debout et s’étira.

    – Bien, je te remercie de tout ce que tu viens de me dire, dit-il. Ce n’est pas mon sentiment, mais j’y réfléchirai. En tout cas, je suis content d’être venu et je te confirme que je souhaite faire partie de cette confrérie. Tu as quelque chose pour m’essuyer ? J’ai mis du sperme partout, acheva-t-il avec un petit rire.

    – Viens, prends une douche. Comment te sens-tu ?

    – Très bien, je ne suis même pas fatigué. Ça fait toujours cet effet, un massage ?

    – Quand il est bien fait, oui. Je te montre la salle de bains.

    Après sa douche, Alexandre ne s’attarda pas chez Kyle. Ce dernier le raccompagna jusqu’à la sortie du club. Avant d’ouvrir la porte, il l’attira vers lui et l’embrassa rapidement sur les lèvres.

    – J’ai vraiment très envie de faire l’amour avec toi, dit-il. J’attendrai que su sois prêt et que tu me le proposes. Mais quand tu voudras je serai ici. En attendant, n’oublie pas que tu as besoin d’autres séances de massage.

    – OK, merci. Bonne nuit.

    Alexandre s’éloigna d’un pas léger. Il ne s’était pas aussi bien senti depuis…depuis avant la mort de son compagnon. Ce type avait vraiment des mains incroyables, il était intelligent, fin et bien bâti. En outre il n’avait pas caché qu’il avait envie de lui. Et lui, avait-il envie de cet homme ? Il analysa ce qu’il avait éprouvé lors de cette séance de massage si particulière. Du soulagement, du plaisir…mais pas de désir. Il n’avait eu qu’une réaction mécanique aux attouchements de Kyle. A aucun moment il n’avait eu envie de l’embrasser, de le toucher. Non, sa libido était toujours au trente-sixième dessous. Il rentra, dîna et se mit au lit. Il dormit d’une traite.

    Le vendredi Alexandre se joignit à un groupe de collègues pour prendre un verre après la sortie du travail. Il parla peu, écouta beaucoup et apprit encore plus. Ce que lui avait dit Kyle hantait son esprit. Ces gens qui travaillaient avec lui, qui riaient et parlaient avec légèreté des remous et des incertitudes sur les marchés financiers, étaient-ils des salauds ? Non, ils n’en avaient pas l’air, ils s’efforçaient simplement de tirer parti des opportunités qui se présentaient. Comme tout le monde. Ils ne se réjouissaient pas du malheur des autres. Et ils connaissaient leur sujet, ils ne parlaient pas pour ne rien dire ou pour dire des bêtises. Non, il avait tout intérêt à se rapprocher d’eux et à apprendre tout de qu’il pourrait à leur contact. Il devrait sûrement faire preuve de patience et de doigté, car la conversation versait maintenant sur des sujets moins professionnels. Il apprit ainsi quelques détails sur la vie privée des uns et des autres, leurs soucis et leurs rêves. Il éprouva un certain malaise lorsqu’il constata que s’ils étaient tous avides d’argent et de reconnaissance sociale, ils ne semblaient souhaiter que leur satisfaction personnelle : maisons immenses, des tas de voitures faites exprès pour eux, jets personnels, yachts, clubs exclusifs…Il est vrai qu’ils étaient tous fort jeunes, mais lui-même avait rêvé, rêvait encore, de devenir un grand mécène, de mobiliser son argent et sa puissance en faveur de quelque cause exceptionnelle, et il était encore plus jeune qu’eux…Et s’ils gardaient pour eux leurs véritables rêves, ne révélant que ce à quoi l’on s’attendait de leur part ? Il répondit prudemment par des généralités à quelqu’un qui lui demandait, justement, ce qu’il ferait s’il devenait soudain très riche, et se contenta d’évoquer la possibilité de constituer une collection d’objets d’art. La conversation roula immédiatement sur les prix atteint par certaines œuvres sur le marché, et des coups faits par quelques veinards lorsqu’ils avaient revendu pour de véritables fortunes des choses acquises pour une bouchée de pain.

    Alexandre esquiva, avec la plus grande courtoisie et son plus beau sourire, les avances voilées d’une ravissante brune qui venait de rejoindre le département des fusions et acquisitions, et celles, un peu moins voilées, qui vinrent d’un type de la gestion d’actifs, aux cheveux blonds étaient manifestement teints et aux chairs flasques et gonflées, qui déformaient sa chemise. Il est jeune pourtant, se dit-il, pourquoi ne prend-il pas soin de lui ? Et quel besoin a-t-il de se rendre ridicule avec ce blond artificiel ? Qui pense-t-il tromper ?

    – Tiens, je te connais, toi, dit quelqu’un en lui faisant signe de la main pour attirer son attention. Tu fais du karaté, n’est-ce pas ?

    – Oui, c’est exact, répondit Alexandre. Toi aussi ?

    – Oui, on va au même club, c’est là que je t’ai vu.

    L’attention d’une partie du groupe se dirigea immédiatement vers Alexandre, qui dut faire face à un feu roulant de questions. Il s’était montré très discret sur sa vie hors du bureau ; la révélation de cette facette de lui-même fit l’effet d’un scoop. L’homme qui avait provoqué ce mini-séisme observa avec un sourire la manière dont le jeune homme expliqua sa passion et l’aida à dévier le projecteur sur un autre sujet.

    – Tu soulèves vraiment beaucoup d’intérêt lui dit-il tout en l’attirant à l’écart du groupe. Je m’appelle Yuri. Et toi ?

    – Alexandre.

    Ils se serrèrent la main et s’observèrent un court instant. Yuri était cinq ou six centimètres plus grand qu’Alexandre, et portait avec élégance son complet de bonne coupe. Il avait les cheveux châtains, coupés court, et de grands yeux noisette. Le nez très légèrement retroussé contrastait avec ses pommettes saillantes et son menton carré, et sa bouche aux lèvres pulpeuses lui donnait un sourire gourmand. Agé de vingt-cinq ans, il était originaire d’Ukraine. Quinze ans plus tôt son père, arrivé aux Etats-Unis depuis trois ans, s’était décidé à faire venir sa famille avec lui. Suite à une agression, trois ans plus tôt, il s’était mis au tir et au karaté. Il travaillait à la banque depuis un an et pensait finir de préparer son MBA dans quelque temps pour conquérir la fortune.

    Ils rirent à cette déclaration d’intentions. La jolie brune qui avait commencé à draguer Alexandre quelques minutes plus tôt se joignit à eux. Yuri la détailla des yeux avec un plaisir évident. Le jeune stagiaire voulut en profiter pour s’éclipser mais l’arrivée soudaine d’une autre jeune femme, manifestement amie de la brune, vint compliquer la situation. Les quatre jeunes gens bavardèrent un moment puis Yuri leur proposa d’aller dîner quelque part et de se rendre ensuite dans un club qu’il connaissait passer un moment…et plus, si affinités, ajouta-t-il avec un grand sourire. Les deux filles acceptèrent immédiatement. Alexandre n’osa pas refuser. Le restaurant qu’ils choisirent se trouvait non loin de là, et offrait une vue splendide sur la mer et la statue de la Liberté. Le dîner fut animé et très gai ; Alexandre ne regretta pas d’avoir suivi le mouvement. Il était encore relativement tôt lorsqu’ils se levèrent de table et ils décidèrent de faire une promenade au bord de l’eau. Ils admiraient le panorama lorsqu’Alexandre sentit plus qu’il ne vit des gens les entourer dans le plus grand silence. Sa réaction fut aussi rapide qu’instinctive. Avant que le premier agresseur n’eût sorti son arme il en avait mis deux hors de combat, dans des craquements d’articulations brisées. Yuri fut un peu moins rapide et ne dut la vie sauve qu’au coup de pied dévastateur d’Alexandre qui pulvérisa le poignet qui tenait le pistolet. Un coup de feu partit toutefois. Le jeune Ukrainien fut atteint à un bras. Il avait tout de même pu malmener un quatrième agresseur, que son camarade finit de démolir. Le cinquième larron, terrorisé, fila sans demander son reste. Quant aux deux jeunes femmes, elles restaient figées d’épouvante. Elles ne commencèrent à réagir que lorsqu’Alexandre se tourna vers elles pour leur demander si elles allaient bien. Elles acquiescèrent d’un signe de tête. La blonde sortit son portable pour appeler la police. Pendant ce temps, Alexandre examina son compagnon.

    – Je ne suis pas connaisseur, dit-il, mais ça n’a pas l’air grave. En tout cas le bras n’est pas cassé. Mais il faut qu’on t’emmène à l’hôpital. Tu as très mal ?

    – Non, ça va, ce n’est pas très douloureux, au moins pour l’instant, si je ne bouge pas, répondit Yuri.

    Alexandre allongea un coup de pied au visage de l’un des agresseurs qui tentait de se remettre debout et de sortir une arme. Il lui brisa le nez. L’homme retomba avec un hurlement de douleur. Les autres, devant le danger de subir le même sort, se tinrent cois. La police, alertée également par d’autres personnes qui se dirigeaient déjà vers le petit groupe, ne tarda pas à arriver sur les lieux. Une ambulance prit en charge Yuri et Alexandre et les deux jeunes femmes firent leur déposition. L’officier responsable parcourut le jeune rouquin d’un œil appréciateur.

    – C’est vous qui avez fait tout ce dégât ? demanda-t-il, admiratif.

    – Non, mon camarade a participé activement.

    – Mais c’est lui qui a réagi le premier, déclara la brune. Sans sa rapidité nous aurions passé un moment désagréable, au moins deux d’entre eux étaient armés. Et au fait, je crois qu’un cinquième homme s’est sauvé.

    – Oui, c’est exact, confirma la blonde. Ils étaient cinq.

    – Vous avez déjà été victime d’une agression en janvier, n’est-ce pas ? reprit l’officier.

    – Oui, j’étais avec un ami, et on s’en est sortis parce qu’une voiture de police est arrivée pratiquement en même temps que nos agresseurs. Sans eux je ne sais pas comment on aurait fait.

    – Vous les auriez peut-être démolis comme ceux-ci.

    – Peut-être…mais c’est grâce à la police que nous n’avons pas souffert le moindre dommage.

    Le policier eut un rapide sourire devant le compliment. Les formalités terminées, Alexandre se tourna vers les deux jeunes femmes.

    – Voulez-vous toujours sortir ? Je ne sais pas où Yuri voulait nous emmener et je ne connais guère les clubs de New York.

    – Non, on

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1