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Le U: H.P. Dunord
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Livre électronique208 pages2 heures

Le U: H.P. Dunord

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À propos de ce livre électronique

La profondeur des traits suivait une logique implacable très éloignée du hasard. Il fallait une main de fer pour que l’anarchie des lignes ovales ait l’air d’un chaos si parfait. Le lieutenant Cadorette, de la police d’État de l’île aux âmes tristes, affronte une organisation criminelle dont le but est d’éliminer le langage. Il est le seul à pouvoir les arrêter. UUUUUUUUUUUUUUUUU..
LangueFrançais
ÉditeurEssor-Livres Éditeur
Date de sortie27 août 2025
ISBN9782898651144
Le U: H.P. Dunord

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    Aperçu du livre

    Le U - H.P. Dunord

    H.P. DUNORD

    U

    Conception de la page couverture : © Essor-Livres Éditeur

    Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.

    Distributeur : Distribulivre  

    www.distribulivre.com  

    Tél. : 1-450-887-2182

    Télécopieur : 1-450-915-2224

    © Essor-Livres Éditeur

    Lanoraie (Québec)  J0K 1E0

    Canada

    apotheose@bell.net 

    www.essor-livresediteur.com

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2025

    Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2025

    ISBN EPUB : 978-2-89865-114-4

    Imprimé au Canada

    C’est lorsque je n’ai rien compris,

    que j’ai tout compris.

    Puisque j’habite un pays à vendre…

    — Félix Leclerc

    U

    Charles Cadorette reçut l’appel de Benoît Duval vers dix-sept heures au moment où il pénétrait dans sa voiture pour rentrer chez lui. Les averses se succédaient en cascade sur l’île aux âmes tristes depuis plus d’une semaine.

    Les brumes glacées embrassaient la baie obscurcie par 

    de gros nuages sombres au-dessus des eaux tumultueuses 

    du long fleuve qui encerclait son île. Les gros rochers semblaient valser sous les assauts des vagues poussées par 

    le vent des tempêtes. Les berges, où voltigeaient des outardes et des mouettes affolées, se confondaient avec l’aurore. 

    Le bruissement du vent entre les gros monolithes imperturbables était plus effrayant qu’un spectre des abysses venu hanter les nuits d’épouvante.  

    Les vapeurs toxiques des grandes tours industrielles à l’est enveloppaient sa petite auto rouillée. Les eaux hivernales se coloriaient d’huiles usées, d’hydrocarbures, de colorants jaunes, de détergents verts, d’acide sulfurique de la grande usine de pneus à l’est. Lorsque le vent se levait, les odeurs sulfureuses pénétraient les narines comme une pestilence du diable.  

    La lune en demi-teinte copulait avec les nuages foudroyés de gris et de noir. Elle apparaissait tel un fantôme entre les craques du ciel, puis se fissurait en disparaissant sous les masses grises virevoltant aussi rapidement que la lumière. Le magma semblait se dissoudre en atomisant les coloris du firmament. On aurait dit un feu sans couleur, une fusion solaire sans les scintillements lumineux. Le gris avalait le blanc, puis le blanc avalait le gris. Un poumon monstrueux rejetant l’air de ses organes avant de les aspirer dans ses entrailles.

    L’isolement insulaire était une denrée aussi précieuse 

    que la nourriture dans ce pays damné par sa géographie. L’épais brouillard obstruait les poutres métalliques du grand pont qui reliait les habitants au continent. La charpente de plus de deux siècles semblait tanguer sous les rafales de plus en plus violentes. Une illusion. Il avait résisté à bien pire que ces rafales passagères. Des milliers de héros quotidiens empruntaient le pont au moment où des cargos alourdis passaient sous les ellipses noircies par les cendres de l’usine. L’humain avait la chance d’oublier ce qui avait fait de lui la fourmi des mammifères terrestres.

    Il était né sur cette île et allait en mourir. Ce pont était là bien avant sa naissance et serait encore là lorsque sa cervelle sera mangée par les vers. De loin, il avait l’air d’un assemblage imprécis d’allumettes aux bouts noircis plus noir qu’un cœur de charbon. Il imaginait les fous qui avaient construit les vrilles métalliques tordues comme le cœur de Staline. L’eau avait rouillé le fer comme autant de taches cancéreuses sur la peau d’un malade.

    Les chamans de la météo annonçaient du temps gris pour une autre semaine. Il détestait cette urine divine. Pas la moindre lumière pour éclairer les âmes dans cette bouillie insalubre. Une ode aux mauvais augures, à la malchance ordonnée en système. Rien ne lui paraissait plus dégoûtant que cette pisse froide qui gâchait les plus beaux jours de sa vie. La pluie occupait le paysage de son existence comme un spectre effrayant. L’envoûtement l’emplissait de mélancolie.  

    Il activa les essuie-glaces à puissance maximale, puis appuya sur le bouton de sa télé-écran. L’eau tombait comme un torrent aveugle sur sa minuscule Ford, la faisant valser comme un jouet d’enfants sur la route déserte. Un BIP furtif capta les ondes de l’autre côté du monde pareil à une main invisible, comme si Duval habitait une autre planète ou l’intérieur d’un tunnel volcanique. Sa voix se perdait entre les grincements de la machine. Son visage maigre et antipathique apparut comme peint par un artiste moderne. Un faux Picasso dessiné par un maladroit du pinceau. Son gros nez emplissait la moitié de l’écran. Ses oreilles sous sa chevelure emmêlée et noire comme du charbon, ressemblaient à des antennes paraboliques sous une masse de poils.

    Que dire de Duval, sinon qu’il était laid comme un chameau barbu.

    Son ton nasillard avait toujours agacé Cadorette. Sa laideur cadavérique était proverbiale au poste 34 de la Police d’État. Pourtant, les femmes tombaient sous son charme. C’était à n’y rien comprendre. Les ondes passaient mal. Duval disparaissait puis réapparaissait comme un spectre entre 

    les ondes. Il émit un grognement d’impatience avant d’assommer l’appareil qui sembla soudainement se réanimer. Sa prédiction qu’un malheur s’annonçait était juste.

    — Tu dois te rendre au 3434, rue Widgeway immédiatement. Le boss t’attend.

    L’adresse ne lui disait rien, mais ce coin de l’île était reconnu comme étant très huppé. La classe supérieure avait migré vers ce bout d’île depuis la Grande Guerre. Il ne put s’empêcher de sacrer intérieurement. Un pauvre mort ne dérange personne, mais si un puissant meurt, la meute journalistique bondit comme des cafards sur de la viande morte.

    — Un meurtre ?

    — Il semblerait que oui.

    Il poussa un juron en accélérant jusqu’à la courbe où tant d’insouciants s’étaient précipités vers les eaux en se brisant les os. Une plaque commémorait la longue liste des décédés ayant plongé volontairement ou non dans les craques de la courbe diabolique. La pluie tambourinait sur son pare-brise avec moins de violence. Le vent palpitait avec moins d’appétit. Le ciel était moins sombre. Peut-être que le Dieu des continents allait le laisser tranquille. Duval n’ayant pas entendu les psaumes de son collègue blablatait sur l’écran radar.

    — On parle ici d’un très gros nom.

    Le Dieu des continents n’allait finalement pas lui foutre la paix. Les noms voltigeaient dans sa tête comme une ritournelle passant du premier ministre à ses ministres, d’animateurs vedettes ou d’un artiste reconnu mondialement.

    — Qui ?

    — Je ne peux rien te dire pour le moment. J’attends une confirmation, mais c’est dans le monde médiatique. 

    Duval était perdu entre les ondes du ciel. Ses yeux étaient figés comme si son collègue n’existait pas. Il aurait parlé à Greta Garbo qu’il aurait employé le même ton insipide et eu le même regard sans âme qu’il lui connaissait.

    — C’est qui ? demanda encore Cadorette à bout de nerf. 

    Un nom émergeait dans sa tête. Il priait le ciel que ce ne soit pas lui.

    — On ne le sait pas encore, répéta Duval. 

    Les questions de Cadorette semblaient lui passer par-dessus la tête.

    Les vieux meurent toujours le dimanche. Pas moyen d’avoir la paix le jour du Seigneur. Le Dieu-pisse à toujours besoin d’un vieux pour officier sa messe au paradis.

    — Dupratte ?

    Le silence coupable de Duval laissa entrevoir le gouffre qui s’ouvrait devant ses pieds. Il imaginait le pire. Le pire n’était même pas proche de l’horreur qu’il allait vivre.

    — On t’attend. Tu tournes à gauche après la première lumière, puis à droite après la station-service. Tu longes la nationale le long de la mer. C’est une maison bardée de briques rouges juchée sur un pic en forme de museau canin. Tu devrais la trouver facilement avec ton GPS. 

    Duval coupa la communication aussi sèchement qu’un fil de marionnette. Cadorette frappa la télé-écran avec sa grosse main.

    — Espèce d’imbécile, T’aurais pu répondre, sale merdeux….

    La pluie recommençait sa pulsion dominatrice. Le pare-brise tenait le coup. Les gouttes produisaient un vrombissement guerrier semblable à des millions de mouches assassinées. Les bourrasques faisaient virevolter les arbres comme des jouets d’enfants. La route devint plus étroite quand il pénétra dans un long tunnel sculpté dans la roche. Ses phares égarés perçaient la carapace du soir comme des faisceaux violents. Il connaissait l’endroit que Duval lui avait indiqué. Le bout de l’île était un de ses endroits préférés lorsqu’il passait ses journées à la plage avec sa femme et sa minuscule mousse.

    Il longea la route nationale jusqu’à la voie de contournement aux abords des grands précipices de l’est. Il aimait rouler sur cette route dantesque. Le fleuve, avec ses eaux fugueuses et magnifiques, accueillait les averses comme un libérateur, une pieuvre sur les flancs saignants de l’univers. Cette défécation immonde lui procurait une étrange satisfaction de purification, similitude entre le temps démembré et les lignes sauvages des eaux. Le fleuve était l’écu protecteur d’un univers en perdition. Il passa devant une bicoque de riches croyant apercevoir le visage de sa femme et les empreintes de sa fille sur les carreaux poussiéreux de sa chambre.

    Elles occupaient la mémoire comme un mausolée dont le lourd souvenir efface les beautés du monde. La mort et le temps sont deux choses compatibles. Le temps avale les morts et la mort avale le temps. Le visage des défunts occupe la conscience avant que celle-ci ne la dévore avec ses caprices vulgaires qui se diluent dans la mémoire. Le tribut est bien plus difficile à payer lorsque l’on constate le temps impayé de son existence.

    Cadorette adorait s’y réfugier. Elle était un talisman contre l’enlisement de cette civilisation puérile devant l’inéluctable dénouement. La police lui servait de prétexte pour ne pas en oublier l’essentiel. Il en était à la moitié des quelque 53 milliards de secondes qu’il allait passer sur terre. Chaque respiration entraînait une détérioration de son organisme, chaque fraction d’instant était une unité de moins à calculer.

    Duval n’avait pas voulu le confirmer, mais la victime était sans doute le richissime homme d’affaires Émile Dupratte. Cadorette avait sursauté en se rappelant ce nom. DUPRATTE. S’il ne se trompait pas, les cotes d’écoute et les ventes de journaux allaient exploser. L’homme d’affaires possédait 90 % des médias à travers le monde, contrôlait la plus grande part des compagnies d’assurance sur le continent, avait des actions majoritaires dans les grands holdings pétroliers et gaziers sans compter ses contacts politiques à tous les niveaux de gouvernement du pays et à l’étranger. DUPRATTE. La possibilité de sa mort par meurtre le jeta dans un état de panique irrationnelle. Il pria pour que la victime ne soit qu’un vulgaire domestique ou un voleur minable rien que pour éviter la meute journalistique. Une sale histoire s’annonçant à un bien mauvais moment.  

    Le décor se métamorphosa lorsqu’il traversa la frontière du littoral. L’île était un résidu de banquises émigrées au sud pendant la déglaciation primaire. D’innombrables îlots inondaient les rives côtières. Les scientifiques disaient qu’un jour la moitié de l’île se noierait dans l’estuaire, avalé par la terrible faille centrale des vieux glaciers. Le sol argileux ouvrirait son ventre et tous périraient dans les marées mouvantes. La distinction entre les deux parties de l’île était si importante qu’elle se reflétait dans les différentes strates sociales, économiques et raciales.

    Les castes dominantes habitaient au nord. Les pauvres habitaient au sud. Les individus s’imprègnent d’un pays autant par la possession que par le rêve. L’humain ne fait jamais la terre, c’est elle qui fabrique les idées ou les modes. La frontière n’était pas étanche, mais les citoyens du sud visitaient rarement le nord. Le lieu éveillait la honte de l’échec. Le rejet à l’envers.   

    Les larmes du ciel fusionnaient entre les succions des essuie-glaces. Quelques phoques déambulaient dans les plaies marécageuses. Les charognards survolaient les amas de poissons abandonnés par les pêcheurs. Les sommets montagneux plantaient leurs interminables épées dans les flancs du ciel en disséquant les plaines nourricières de tout un peuple affamé. En amont, les châteaux des possédants éructaient leur violence jusque dans la douleur d’exister pour ne rien posséder. Le nord était son pays, le sud était sa misère.

    Ces élites savent que le sol qu’elles aspirent à dominer est imprégné du sang des ancêtres. Elles connaissent la valeur des larmes et de la souffrance. L’indignation peut un jour les noyer dans la poussière qui les a élevées vers les sommets de papier sur lesquels elles évoluent si aisément. Elles connaissent sans écouter. La réussite rend aussi sourd qu’indigne de respirer le même air que les pauvres. Cadorette haïssait cette caste comme tout honnête homme devrait les haïr. La haine, c’est le devoir de tous au profit du bon sens, une protection contre l’insignifiance. La rage est l’évasion la plus humaine possible.

    Il se cabra sur son siège en enfourchant la transmission avec sa main droite avant que la courbe ne le croque. Sa bagnole faillit plonger dans l’écume, mais évita la catastrophe de justesse. Duval avait parlé d’une maison bardée de briques rouges juchée sur un pic en forme de museau canin. Un épais brouillard envahit la route étroite. Cadorette n’y voyant presque rien fit monter ses phares. La spirale hideuse de la brume envoya une nuée de papillons qui l’encercla. Il roula une dizaine de minutes avant d’apercevoir des gyrophares multicolores qui découpaient la pénombre ainsi que la silhouette d’une cabane identique à la description qu’en avait faite Duval.

    Le glacis humide traversa l’épaisse fourrure de son manteau qu’il referma sur sa poitrine. Des voix et des sirènes traversaient la savane trempée. Il monta en courant les marches de l’immense baraque en enfonçant sa tête sous son manteau. La pluie diminuait, mais les nuages noirs à l’horizon annonçaient un retour du déluge dans la soirée. La baraque avait l’air d’un visage monstrueux dans la brume. Il faillit glisser sur l’une des marches en pierre taillée, mais se cramponna sur la muraille de brique grâce à une pirouette incongrue. Il jura et arriva à bout de souffle sur le seuil de la porte en ayant une pensée pour sa femme et sa fille.

    Il montra sa plaque au policier de garde puis entra à toute vitesse dans la luxueuse demeure, content qu’une muraille de chaleur caresse enfin sa carcasse de cinquante ans. Le rez-de-chaussée était une véritable fourmilière où passaient des enquêteurs, des policiers moustachus, des ambulanciers pressés, des chiens et des chats qui courraient partout. Un petit homme qui ressemblait à un docteur passa devant lui. Entrer sur une scène de meurtre lui procurait l’étrange sensation d’être un étranger dans un nouveau pays. Une enquête était une quête de vérité dont il ne sortait jamais totalement rassuré, ni complètement identique à ce qu’il était auparavant. En réalité, cette quête était celle de l’État et non la sienne. La vérité est un visage multiple, mais celle de l’État est la seule qui compte.  

    — Ce n’est

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