Aux confins de l'aube et du crépuscule
Par John Dorie
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À propos de ce livre électronique
Un vieil homme hanté par son passé, un peintre prisonnier de ses visions, un boxeur trahi, un shérif accusé de meurtre, deux jumeaux jouant dangereusement avec leur identité...
Meurtres, vengeances, secrets inavoués : chaque pas entraîne un peu plus loin dans l'ombre et l'illusion.
Aux confins de l'aube et du crépuscule est un voyage troublant, où l'âme vacille et le mystère règne.
John Dorie
John Dorie, born on October 29, 1966, began his writing career with short stories before publishing novels. Inspired by the realism of 20th-century American literature, his passion for cinema and his literary influences are the driving forces behind his creative process.
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Aperçu du livre
Aux confins de l'aube et du crépuscule - John Dorie
Préface
Depuis toujours, les histoires exercent sur moi une fascination irrésistible. Elles capturent l’esprit, révèlent les peurs enfouies au plus profond de nous et illuminent ces zones d’ombre où réalité et imagination s’entrelacent dangereusement. Mais ce qui me hante davantage encore, ce sont les récits nés à la croisée des chemins : là où l’ordinaire se fissure, laissant surgir une étrangeté troublante, et où le quotidien vacille sous le poids de l’inattendu. Ces instants suspendus, où tout semble basculer, sont la source même de mon inspiration.
Écrire ces nouvelles, c’est plonger dans les méandres de l’âme humaine et explorer les énigmes du monde. À travers ces pages, je vous invite à emprunter des sentiers incertains : des ruelles sombres du roman noir aux portes entrouvertes vers l’inconnu, des territoires où la réalité se nimbe d’illusions et où la frontière entre le réel et l’irréel s’efface. Ces récits interrogent nos certitudes, mettent à nu nos angoisses les plus profondes et révèlent parfois des vérités que nous préférerions ignorer.
Pourquoi partager ces histoires ? Parce que, au fond, nous cherchons tous à affronter l’inexplicable. Nous aspirons à ressentir ce frisson unique qui naît à l’équilibre fragile entre le tangible et l’insaisissable. Mes personnages évoluent dans des mondes troubles, où chaque choix devient une épreuve morale, où l’espoir côtoie le désespoir, et où le fantastique surgit, souvent sans prévenir. Ces nouvelles n’ont pas la prétention d’apporter des réponses ; elles invitent à contempler l’incertitude et à savourer l’étrangeté.
Aux confins de l’aube et du crépuscule : ce titre incarne cette tension énigmatique entre la fin d’un jour et l’espoir fragile d’un nouveau départ. Il évoque cette ligne mouvante entre lumière et ombre, entre l’ordinaire et l’extraordinaire, qui résume à merveille l’univers dans lequel ces récits vous plongeront.
Neuf histoires où la lumière vacille entre mystère, drame et dilemme humain :
Dans un village isolé, les mémoires d’un vieil homme réveillent des fantômes avides de bien plus que des explications : son âme.
Une invention révolutionnaire naît dans un laboratoire, mais des rancunes familiales transforment la logique en arme de vengeance.
Un shérif traque un tueur invisible en Arizona… avant d’être accusé d’un meurtre qu’il ne se rappelle pas avoir commis.
À San Francisco, le meurtre d’une femme plonge son compagnon dans le doute, sous l’œil d’un espion mystérieux et troublant.
L’art devient une obsession pour un peintre hanté par la guerre, où les frontières entre création et folie s’effacent.
Sur le ring, un boxeur trahi dispute son dernier combat, un duel entre blessures du passé et quête de vérité.
Un enseignant respecté fait face à un scandale où trahisons et chantage menacent d’effacer sa vie.
Des jumeaux séparés se retrouvent et jouent avec l’idée d’échanger leurs vies, flirtant avec le danger d’une double existence.
Une journaliste assassinée, un directeur pharmaceutique accusé, mais une vérité bien plus sombre se cache derrière les apparences.
Dans ces récits, j’explore les frontières mouvantes entre roman noir et fantastique. C’est un voyage où l’ordinaire se mue en étrange et où l’imaginaire flirte avec l’inexpliqué. Peut-être y trouverez-vous vos propres ombres, ou, avec un peu de chance, l’éclat fugace d’un mystère insaisissable.
Rendez-vous avec la mort
Le 15 juin 1964, à Las Cruces, Old Mesilla, dans le Nouveau-Mexique, la nuit tombait lourdement. Il était près de vingt-trois heures, et un silence épais pesait sur La Cantina. L’auberge, perchée sur une colline déserte, semblait veiller sur le paysage aride comme un vieux spectre immobile. Ses murs d’adobe aux nuances d’ocre rouge, son toit plat et ses lignes épurées témoignaient de l’architecture pueblo traditionnelle. Vue de loin, elle aurait pu passer pour un refuge chaleureux ; de près, elle évoquait davantage un sanctuaire oublié.
Depuis la fenêtre de sa chambre, Robert Milner distinguait à l’horizon l’église San Albino. Les clochers, illuminés par les éclairs sporadiques qui zébraient le ciel, lui rappelaient avec une nostalgie poignante ceux de son village natal, quelque part en Europe. Ce soir-là, la pluie s’abattait sans relâche, et le vent hurlait comme un animal blessé. Les carreaux vibraient sous les rafales, et l’ombre de l’auberge semblait s’étirer sous la lumière fugace des éclairs.
Milner était assis à son bureau, courbé sur son manuscrit. Une lampe à huile vacillante projetait sur le mur des ombres qui dansaient, torturées. Ses mains maigres et noueuses tremblaient légèrement, victimes d’une arthrite tenace, et pourtant, il continuait d’écrire. Depuis six mois, ses soirées étaient entièrement dédiées à ses mémoires, des pages noircies d’encre noire, hantées par une voix venue d’un autre temps :
« Aussi longtemps que je me souvienne, j’ai pris en charge un pays ruiné et un peuple désespéré. J’avais une mission divine à remplir... Ne disons pas du mal du diable, car c’est peut-être l’homme d’affaires du bon Dieu. Si c’est le cas, alors je veux bien être son envoyé. »
Un claquement soudain le fit sursauter. La fenêtre venait de s’ouvrir brutalement sous l’assaut d’une rafale de vent. Une bouffée d’air chaud et humide envahit la pièce, soulevant les feuilles posées sur le bureau. Milner se leva avec peine, chaque geste semblant alourdi par le poids des années. Une grimace crispait ses traits tandis qu’il saisissait la poignée pour refermer la fenêtre.
Il s’apprêtait à regagner son siège quand un bruit sourd retentit dans le couloir. Il s’arrêta, figé, son souffle suspendu. C’étaient des pas. Lourds, hésitants. Quelqu’un approchait. Mais avant que Milner n’ait le temps d’agir, le silence retomba, oppressant. Puis, presque imperceptiblement, la poignée de la porte se mit à tourner, lentement…
Vingt-cinq ans plus tôt, quelque part en Europe, dans un bureau austère baigné par la lueur jaune d’une lampe, un général aux cheveux grisonnants toisait un jeune officier.
— Repos, lieutenant, lâcha-t-il sèchement, désignant une chaise du menton.
Le lieutenant, grand, blond, impeccablement vêtu d’un uniforme vert kaki, obéit en silence. Le général croisa les mains derrière son dos et fixa les cartes éparpillées sur le bureau.
— Aujourd’hui est un grand jour, reprit-il d’un ton grave. Nos troupes sont prêtes à frapper.
Le lieutenant resta silencieux. Son visage, figé, trahissait un mélange de réserve et de tension.
— Vous avez une objection, lieutenant Kruger ? gronda le général en pivotant brusquement vers lui.
Le jeune homme redressa légèrement le dos, comme pour se donner une contenance.
— Monsieur, ne pensez-vous pas que cette offensive est… prématurée ? Nous manquons d’alliés et…
— Nous n’avons pas besoin d’alliés, Kruger, tonna le général en l’interrompant d’un geste sec. Notre peuple n’a pas oublié l’humiliation subie il y a vingt ans. Il est temps de reconquérir notre honneur.
Kruger, conscient que tout argument serait vain, inclina légèrement la tête. Mais ses yeux trahissaient son inquiétude. Une inquiétude qu’il n’aurait jamais osé exprimer autrement…
Sous un soleil de plomb, Las Cruces s’étirait lentement, paresseuse, au cœur du désert du Chihuahua. Dans le quartier historique d’Old Mesilla, la Plaza bourdonnait d’activité. Les étals des marchands coloraient la place de fruits, d’épices et d’objets artisanaux. L’air, saturé de chaleur, exhalait des parfums de mangue mûre et de terre sèche.
Robert Milner arpentait les stands, un chapeau usé vissé sur la tête pour se protéger du soleil accablant. Devant l’étal de Ramon, un paysan local qu’il connaissait bien, il s’arrêta.
— Tes mangues sont minuscules, lança-t-il avec un sourire narquois.
Ramon, un ancien boxeur à la mâchoire carrée, haussa les épaules, un éclat moqueur dans le regard.
— Señor, chez nous, les mangues poussent partout. Dans les arbres, dans les rues… Elles ne coûtent rien, sauf quand c’est moi qui les vends !
Milner sourit en examinant les fruits.
— À ce prix-là, tu pourrais presque me convaincre d’arrêter de les acheter.
Ramon éclata de rire, mais le son de sa voix semblait moins insouciant qu’il n’y paraissait.
— J’ai vu des affiches du maire partout, lança Milner en feignant l’indifférence.
Ramon, les traits soudain tendus, se frotta l’épaule comme pour apaiser une douleur imaginaire.
— Sí, señor. Il a été réélu. Certains disent que c’était l’élection la plus… démocratique que nous ayons jamais vue.
Milner plissa les yeux, sondant le visage du marchand.
— Il n’avait pas vraiment d’adversaire, murmura-t-il.
Ramon baissa légèrement la tête, évitant le regard perçant de Milner.
— Son rival est encore jeune. Peut-être que, dans un autre temps, il aurait pu réussir. Mais les habitants de cette ville ne rêvent ni d’équité, ni de justice.
Milner esquissa un sourire froid.
— Dans ce cas, le maire n’a même pas besoin de nommer un nouveau shérif.
Le visage de Ramon pâlit. Milner s’attarda un instant, savourant le malaise palpable, avant d’ajouter d’un ton tranchant :
— Le shérif et le maire semblent très… unis, n’est-ce pas ?
Ramon ne répondit pas, mais son silence en disait long.
À cet instant, un souffle chaud traversa la place, soulevant les cheveux de Mia, la jeune serveuse de La Cantina. Son tablier blanc dansait légèrement sous la brise, et elle adressa un salut joyeux :
— Bonjour, monsieur Milner… Ramon !
Ramon, nerveux, répondit par un sourire timide et détourna les yeux. Son malaise n’échappa pas à Milner, qui s’amusa de la scène. Distraitement, Mia heurta un grand homme vêtu d’un costume en lin blanc et coiffé d’un chapeau.
— Oh, pardon, señor ! s’excusa-t-elle en rougissant légèrement.
L’homme, impassible, se contenta de la saluer d’un léger mouvement de tête avant de s’éloigner d’un pas mesuré. Sa silhouette s’effaça dans la foule, mais une aura mystérieuse semblait l’entourer, comme un voile d’ombre glissant sur la chaleur éclatante de midi.
Milner, un sourire en coin, lança un regard complice à Ramon.
— Cette jeune femme semble t’apprécier. Et toi, elle te plaît, non ?
Ramon laissa échapper un rire maladroit, jouant nerveusement avec une pomme qu’il tourna et retourna entre ses doigts calleux.
— Elle est… gentille, señor, finit-il par murmurer.
Milner le fixa avec intensité :
— Si tu attends trop, Ramon, elle te glissera entre les doigts.
Ramon resta silencieux, son regard perdu dans les étals du marché. Il sembla pris dans un tourbillon de pensées, mais se reprit rapidement.
— Vous voulez des pommes, señor ? demanda-t-il en haussant le ton pour masquer son trouble.
— Oui, une demi-livre.
Après avoir réglé son achat, Milner consulta sa montre, fronça légèrement les sourcils et déclara, presque pour lui-même :
— Il faut que j’y aille. Le temps presse.
Le 5 juin 1944, quelque part en Europe, dans un bureau aux murs sombres, où la lumière vacillante d’une lampe de bureau peinait à dissiper les ombres, un général fixait intensément une carte déployée devant lui. La pluie martelait les fenêtres, une cadence oppressante qui semblait s’accorder à la tension étouffante de la pièce.
— Le temps presse, déclara-t-il d’une voix rauque en levant les yeux vers le lieutenant Kruger, figé comme une statue à quelques mètres de là.
Le général passa une main lasse sur son front marqué par la fatigue.
— Le débarquement des troupes ennemies était prévu hier, mais la météo leur a donné un sursis. Ils tenteront leur opération très bientôt, et nous devons être prêts à les intercepter.
Kruger, imperturbable, répondit d’un ton mesuré :
— Garbo affirme que le débarquement aura lieu cette nuit.
Le général fronça les sourcils.
— Garbo est un excellent informateur, je ne le nie pas. Mais il ignore le lieu exact et la date précise.
Kruger insista, ses épaules se raidissant imperceptiblement :
— Ses renseignements se sont révélés fiables à plusieurs reprises, monsieur.
La patience du général sembla se briser. Il frappa violemment le bureau de la paume, faisant sursauter les figurines stratégiques posées sur la carte.
— Le problème, lieutenant, ce n’est pas où et quand ils débarqueront, mais comment nous allons réagir !
Il marqua une pause, son regard s’assombrissant.
— Rommel veut affronter les Alliés directement sur les plages. Von Rundstedt, lui, propose de les écraser par des contre-attaques en arrière. Avec ce maudit mur de l’Atlantique incomplet, nous n’avons plus aucune marge d’erreur.
Kruger hocha la tête en silence. Il savait que chaque mot prononcé dans cette pièce aurait des conséquences irréversibles…
Le soleil pesait lourd sur les rues poussiéreuses de Las Cruces. Milner, accablé par la chaleur suffocante du marché, trouva refuge à une table ombragée de La Cantina. L’auberge était presque vide à cette heure, et l’air intérieur, bien qu’étouffant, offrait un répit relatif.
Peu après, le grand homme en costume blanc fit son entrée, silencieux comme une ombre. Milner, absorbé par le poste de télévision fixé au mur, ne remarqua pas son arrivée. Les actualités diffusaient des images troublantes : des bombardiers américains s’acharnaient sur la piste Hô Chi Minh au Laos, et le président Johnson plaidait devant le Congrès pour obtenir carte blanche contre le communisme.
L’homme en blanc s’installa à une table isolée, à l’écart des regards, et sortit une photographie qu’il observa brièvement avant d’écrire quelques mots au verso. Mia s’approcha avec son sourire habituel.
— Bonjour, señor. Que puis-je vous servir ?
L’homme, presque agacé par son interruption, glissa rapidement la photographie dans une grande enveloppe qu’il scella méticuleusement. Puis, à la surprise de Mia, il lui saisit fermement le poignet.
— Déposez ceci dans la chambre numéro 3, ordonna-t-il d’une voix froide et tranchante.
Mia, déstabilisée, hocha timidement la tête. La chambre numéro 3… c’était celle de Milner. L’homme, après avoir payé sans un mot, quitta l’auberge par une porte dérobée.
Intriguée, Mia monta dans la chambre de Milner. Le bureau, encombré de feuilles et d’objets personnels, semblait l’endroit idéal pour déposer l’enveloppe. Mais alors qu’elle s’apprêtait à partir, son regard fut attiré par un porte-stylo en forme d’aigle. Fascinée, elle tendit la main pour le toucher, mais un bruit sourd derrière elle la fit sursauter.
Dans sa précipitation, elle fit tomber une pile de documents du bureau. En les ramassant, ses doigts effleurèrent des feuilles écrites en allemand. Elle s’arrêta net. Son cœur accéléra. Elle ne parlait pas la langue, mais les symboles qu’elle y distinguait suffisaient à lui glacer le sang.
Une angoisse sourde la saisit. Ses mains tremblaient, et la lumière vive de la pièce lui parut soudain oppressante.
Un pas lourd résonna dans le couloir. Mia réagit instinctivement, sa peur dictant ses gestes. Elle ouvrit la fenêtre et, d’un bond désespéré, saisit la branche d’un arbre voisin. Son souffle était court, son esprit assailli de questions et de terreur. Au moment où ses pieds touchèrent le sol poussiéreux, elle se retourna, juste assez pour apercevoir une silhouette sombre qui ouvrait la porte de la chambre.
Elle n’attendit pas de savoir qui c’était. Elle courut, aussi vite que ses jambes pouvaient la porter, le bruit de son cœur couvrant presque les sons du
