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Le Visage du passé
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Livre électronique252 pages2 heures

Le Visage du passé

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À propos de ce livre électronique

Mandaté par le département de police de Bellingham, John Snow se rend dans une petite ville du Wyoming pour y retrouver un homme lourdement endetté et le ramener auprès de son créancier. Sur place, il découvre que le père du débiteur est l'homme le plus puissant de la région, avec le maire et le shérif sous son influence. Dans ce climat tendu, John retrouve par hasard Susannah, la gérante d'un bar et une ancienne connaissance pour laquelle il sent renaître des sentiments.
LangueFrançais
ÉditeurBoD - Books on Demand
Date de sortie26 nov. 2024
ISBN9782322624546
Le Visage du passé
Auteur

John Dorie

John Dorie, born on October 29, 1966, began his writing career with short stories before publishing novels. Inspired by the realism of 20th-century American literature, his passion for cinema and his literary influences are the driving forces behind his creative process.

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    Aperçu du livre

    Le Visage du passé - John Dorie

    1

    Silver Rock commençait à se refléter progressivement sur les vitres du bus qui ralentissait. D’abord, apparurent des rangées de maisons isolées d’un étage, puis une partie plus avenante de la ville, avec des façades modernes de magasins et des immeubles aux murs de brique rouge.

    Comme c’est fréquent en été, la chaleur, dans ce paysage vallonné au milieu de la campagne, engendrait peu à peu un sentiment de vastitude et de vide. Pour l’instant, cela ne faisait que rendre les journées plus difficiles, mais si la pluie tombait en fin d’après-midi — la météo paraissait incertaine —, la chaussée serait comme de coutume inondée. De toute façon, le chauffeur de bus n’y prêtait pas attention. Au moment où il stationna, il annonça :

    — Silver Rock. Arrêt, dix minutes.

    John Snow, un passager de taille moyenne, la trentaine, vêtu d’un costume gris foncé, se leva de son siège, tira une petite valise du compartiment au-dessus, et se fraya un chemin le long du couloir jusqu’à la porte. Il descendit les marches de fer puis tomba face à un homme grand et mince, vêtu d’une combinaison grise avec son prénom, « Hector », brodé dessus.

    — Bienvenue dans le Wyoming, fit-il. Pas de bagages en soute ?

    — Non, répondit John.

    — Vous avez fait bon voyage ?

    — Ç’aurait été mieux avec des sièges plus confortables.

    Hector émit un sourire et haussa les épaules d’un air désinvolte.

    — Je m’occuperai de ça quand je serai le patron, plaisanta-t-il.

    John remarqua qu’il boitait.

    — Vous savez où habite Steven W. Robinson ? demanda-t-il.

    Soudain, le sourire du porteur s’effaça.

    — Je n’ai jamais entendu parler de ce nom-là.

    — Et où est le meilleur hôtel ?

    Hector se dérida de nouveau.

    — Le Green Diamond, par là.

    Il attendit que John s’éloigne un peu avant de se rendre au bureau du shérif. Il peinait à marcher d’un bon rythme à cause de sa jambe boiteuse.

    Il n’était pas encore midi, mais une dizaine de clients se pressaient déjà au restaurant de l’hôtel. Aux frais de la princesse, pensa John. Comme il traversait le hall, il frôla un client légèrement éméché. Il garda un instant en mémoire le visage blafard de cet homme, puis l’effaça de son esprit.

    — Bonjour. Bienvenue au Green Diamond. Je suis Richard Ramsey, le gérant de l’hôtel.

    Ramsey avait les cheveux grisonnants, et les traits aigus de son beau visage paraissaient presque émaciés.

    — Bonjour. Je souhaite réserver une chambre, dit John.

    — Il ne m’en reste qu’une. La 8, au premier étage. Elle coûte dix dollars de plus.

    John hocha la tête, perplexe :

    — C’est d’accord.

    — J’aurai besoin d’une pièce d’identité et d’une carte de crédit, s’il vous plaît.

    John sortit deux cartes de son portefeuille et les déposa sur le comptoir. Ramsey les examina rapidement et dit :

    — C’est une chambre fumeur avec vue sur la grande rue de Silver Rock, monsieur Snow.

    John signa le registre et jeta un coup d’oeil vers l’escalier. Il y avait une machine à sodas indiquant : « FAIRE L’APPOINT » ; et une machine à confiseries pleine de barres chocolatées et de sachets de chips derrière des ressorts métalliques rappelant des spirales de sommier.

    — Je vais vous montrer la chambre, annonça Ramsey.

    John le laissa passer devant, attrapa la rampe et gravit l’escalier marron. L’étage était aussi accueillant que le rezde-chaussée. Le couloir était en parquet, du même marron que l’escalier. Avec le temps, de la poussière s’était infiltrée dans les fentes du plancher, et ses pas soulevaient quelques particules.

    Arrivé devant la porte numéro 8, Ramsey l’ouvrit et laissa entrer John.

    — Cela vous convient ? demanda-t-il.

    — C’est parfait, merci.

    John fut immédiatement attiré par quelques objets asiatiques curieux posés sur une table dans un coin de la pièce ; il se mit à les examiner sans prêter attention au gérant.

    — Vous restez longtemps ?

    John observa Ramsey un instant, puis répondit :

    — Tout dépendra.

    — Le petit-déjeuner est compris. La salle de restaurant est à gauche au rez-de-chaussée.

    John regarda par la fenêtre et aperçut un homme en train de discuter avec Hector.

    — Qui est cet homme dans la rue ? Celui de droite ?

    Ramsey s’approcha pour regarder et dit :

    — Le shérif, Peter Lawson.

    John hocha la tête.

    — Vous n’êtes pas en cavale ?

    — Non, répondit John.

    — Tant mieux.

    John continua à examiner les divers bibelots asiatiques disposés dans la pièce.

    — Connaissez-vous un certain Robinson… Steven W. Robinson ?

    Ramsey parut étonné et hésita.

    — Vous lui voulez quoi ?

    — Vous le connaissez ?

    — Oui, répondit Ramsey en faisant mine de partir.

    — Où pourrais-je… ?

    — Excusez-moi, je dois m’en aller.

    John déboutonna sa veste et posa sa petite valise au pied du lit. Quand il s’assit, les pans de sa veste s’écartèrent comme une jupe ample. Il alluma une cigarette, prit le téléphone, puis se souvint du mandat d’amener. Il le sortit de sa poche.

    Un cendrier était posé sur la commode en face du lit, où se trouvait aussi la télévision. Il prit le cendrier, posa sa cigarette dans l’encoche et ouvrit le document. Il parcourut les pages recto verso, puis se mit à fouiller dans la poche de sa veste. Il y trouva un ticket de bus, un flacon de paracétamol et, au fond, un stylo à bille bleu, blanc et jaune sur lequel on lisait : Days Inn, Bellingham, Washington.

    Il se pencha sur le document, studieux, si bien que la page se retrouva dans l’ombre. Il hésita à le signer. Il remit le stylo dans la poche de sa veste, se demandant pourquoi il exerçait encore le métier de policier. Il reprit sa cigarette, tira une bouffée, la reposa dans l’encoche du cendrier et continua à feuilleter le document.

    John avait souvent songé à arrêter pour écrire un livre à ce sujet. Juste un livre. Le premier titre qui lui était venu à l’esprit était L’histoire d’un flic, mais il trouvait cela trop commun et banal. Sans compter que ce titre avait déjà été utilisé par une dizaine d’auteurs avant lui. Il s’était finalement convaincu qu’un titre, en plus d’une bonne couverture, revêtait une importance cruciale pour le succès d’un livre. Celui qu’il avait retenu était inspiré d’un graffiti aperçu dans les toilettes d’une station Mobil, près de Laurel Grange, au nord de Bellingham, sur la nationale 539 : La traque des loups voyageurs. Un titre mystérieux, accrocheur, digne d’un western. Mais il ne l’avait jamais écrit. L’idée même de s’y essayer lui semblait présomptueuse. Il n’était qu’un flic, après tout, un flic jouant au justicier.

    De retour au bureau de la réception, Ramsey trouva le shérif Lawson, apparemment en train de l’attendre, accompagné de Clint, son adjoint.

    — Shérif ? Que puis-je pour vous ?

    Lawson était grand et élancé, avec une expression singulièrement impassible, comme sculptée dans du bois. Clint, plus jeune, était petit et trapu.

    — Dans quelle chambre se trouve le nouveau venu ?

    Ramsey se gratta le front et répondit :

    — J’ai accueilli trois nouveaux clients aujourd’hui.

    — Ça va, rétorqua Lawson, agacé.

    Ramsey répondit avec lenteur, puis déclara enfin :

    — La 8. Mais je ne veux pas de problèmes dans mon hôtel.

    Le shérif esquissa un sourire étrange.

    — Qui vous dit qu’il y en aura ? Attends-moi ici, Clint.

    Dans l’escalier, Lawson croisa le client au visage blafard, qui lui sourit aimablement. Une fois à l’étage, il marcha jusqu’à la porte de la chambre 8 et frappa.

    — C’est ouvert, répondit John.

    Le shérif entra.

    — Bonjour, dit John.

    Lawson l’observa avec une certaine hésitation et demanda :

    — Qu’est-ce qui vous amène à Silver Rock ?

    — Vous posez toujours cette question aux nouveaux venus ?

    — Seulement à ceux qui cherchent Steven W. Robinson.

    — Je ne dois pas être le premier, soupçonna John.

    Lawson acquiesça.

    — Cela dépend de ce que vous lui voulez.

    — J’ai de quoi vous renseigner.

    John lui tendit un document.

    — Un mandat d’amener de l’État de Washington. Du comté de Whatcom. Cela ne vaut pas grand-chose ici.

    — Une personne libérée sous caution ne peut pas échapper à son jugement, déclara John.

    Les yeux graves et perçants de Lawson rencontrèrent les siens.

    — Avez-vous l’autorité nécessaire pour dire cela ? demanda-t-il en se glissant rapidement dans un fauteuil.

    — Oui, je l’ai, répondit John, qui s’assit en face de lui en recoiffant d’une main sa tignasse brune soigneusement peignée.

    — Êtes-vous assermenté ou délégué ?

    — Assermenté, fit John en montrant sa plaque d’officier de police.

    Lawson acquiesça.

    — Un chèque sans provision, commenta-t-il. Quel est le montant du préjudice ?

    — Trente-deux mille neuf cent soixante dollars.

    Le shérif souffla.

    — Vous cherchez du sang ou de l’argent ?

    Les grands yeux noisette de John se voilèrent.

    — L’argent me suffira.

    Lawson, pensif, contemplait le document. Ses joues brûlaient.

    — On pourrait s’arranger, dit-il.

    John sourit.

    — Cela fait partie de votre mission d’arranger les choses pour lui ?

    — Si cela peut maintenir la paix, oui.

    — Cet homme m’a l’air bien important.

    — Son père l’est…

    Lawson se leva brusquement du fauteuil et se dirigea vers la porte.

    — Je vous tiens au courant, dit-il.

    — Attendez, shérif. Je garde le document jusqu’à ce que les choses s’arrangent.

    Lawson le salua respectueusement et partit.

    John demeura un instant cloué sur place, puis secoua la tête, l’air interrogateur.

    2

    Une fois sortis de l’hôtel, Lawson et son adjoint traversèrent la grande rue en direction de la mairie, un bâtiment en briques ocres de deux étages.

    — Retourne au bureau, Clint. Je ne serai pas de retour avant trois heures.

    Le maire et juge de la ville, Robert D. Webb, avait un caractère moins emporté que celui du shérif, mais sa patience n’en avait pas moins des limites, assez vite atteintes. Il était assis derrière un grand bureau couvert de paperasses, préoccupé par les problèmes de températures grandissants chaque année.

    Si pratiquement tous les habitants bénéficiaient de la climatisation chez eux, dans leur voiture, dans les magasins ou au travail, ce n’était pas le cas des sans-abri. Webb avait mis en ligne une carte indiquant cinq centres de rafraîchissement, de répit et d’hydratation offrant cinq cents kits pour lutter contre la chaleur : des bouteilles d’eau isothermes, des chapeaux à larges bords, de la crème solaire, des brumisateurs individuels et des serviettes rafraîchissantes. Encore fallait-il que les sans-abri aient un téléphone pour consulter cette carte ou que celui-ci fonctionne encore malgré la chaleur.

    Dora, une employée à la corpulence un peu enrobée, frappa à la porte sur laquelle il était inscrit : « Défense d’entrer ». Elle l’ouvrit, s’effaçant pour laisser passer Lawson.

    — Bonjour, shérif, fit Webb. Une question juridique ardue ? Ou est-ce une visite de courtoisie ?

    Lawson s’assit docilement.

    — Rien de tout ça. Un officier, mandaté par le département de police de Bellingham dans l’État de Washington, recherche Steven Robinson.

    Webb se balança en arrière, les mains derrière la nuque.

    — Et alors ? Je ne suis pas son père.

    — Moi non plus, mais j’en ai assez de jouer la nourrice et de réparer ses bêtises.

    Webb le regarda, étonné.

    — Vous ne pouvez pas protester, shérif. Lui servir de nourrice est votre devoir, comme d’écrouer les ivrognes pour les relâcher le lendemain.

    — Parfois, je me demande si le jeu en vaut la chandelle.

    — Vous êtes amer parce que Steven vous a chipé votre petite amie.

    Toute l’amabilité de Lawson disparut soudainement. Son visage devint rouge de fureur, et de grosses veines saillissaient sur son front. Il se pencha en avant et lança :

    — Vous allez trop loin, Monsieur le Maire.

    Webb, absolument stupéfait, garda néanmoins sa présence d’esprit.

    — Peut-être bien, mais à mon âge, les goûts changent. Je vous conseille de l’oublier.

    — Vous voudriez que je fasse comme vous : me payer les services d’une entraîneuse de bar.

    Les yeux de Webb clignèrent.

    — Vous ne connaissez pas Rosita.

    — Peut-être bien, mais d’après les rumeurs, c’est une arriviste, une dissidente qui défie l’ordre moral. Pour vous, elle incarne un imaginaire revendiquant la liberté sexuelle.

    Webb secoua la tête.

    — N’écoutez pas les rumeurs, clama-t-il. Rosita est une femme au grand coeur, qui se garde pure et digne, sachant aimer jusqu’au sacrifice, voire au péril de sa vie. Elle m’a raconté ses expériences. Elle m’a décrit sa vie misérable au Mexique, son arrivée sans le sou au Texas, son initiation dans une maison close à Seligman, en Arizona.

    Soudain, Lawson se rappela la dernière fois où il avait couvert le maire avant que son épouse Deborah ne trépassât…

    — Allô, shérif Lawson, murmura-t-il en décrochant le téléphone.

    — Bonsoir, shérif. Excusez-moi de vous déranger, dit Deborah.

    Elle était assise dans le salon, buvant un verre de bourbon et occupée à faire quelque chose de tellement ordinaire que cela en était ridicule : elle tricotait un pull en laine.

    — Mais vous ne me dérangez pas, madame Webb. Que puis-je pour vous ?

    — Je voulais seulement savoir si vous saviez où Robert peut bien être. Mon téléphone n’avait plus de batterie. Je crains qu’il n’ait pas pu me joindre. Et je suis très inquiète.

    Embarrassé, Lawson hésita un instant, puis répondit :

    — Non, je l’ignore, madame Webb. C’est étrange qu’il ne soit pas encore rentré.

    Quelque chose cogna contre sa fenêtre. Elle pensa que c’était sans doute un oiseau en levant les yeux. Ses doigts s’arrêtèrent. La chose parut être plus grosse qu’un oiseau avant de disparaître dans la nuit et le vent. La lumière était trop faible pour qu’elle puisse en être sûre.

    — Aurait-il une raison quelconque de travailler aussi tard ?

    — N… non. Je suis passé le voir à son bureau en fin d’après-midi. Quand je l’ai quitté, il semblait prêt à rentrer chez lui.

    — Vous en êtes sûr, shérif ?

    Lawson hésita de nouveau.

    — En fait, quand je l’ai quitté, une femme l’attendait, et je ne l’ai pas revu depuis.

    — Une femme ?

    — Oui. Une femme qui a attendu plus d’une heure avant qu’il ne la reçoive. Elle paraissait très nerveuse, oui, très nerveuse.

    Deborah demeura assise, la tête inclinée, le tricot toujours entre ses doigts immobiles. Un pull bleu marine. Puis elle demanda d’une voix tremblante :

    — Est-ce… est-ce que c’était quelqu’un que mon mari connaissait ? Quelqu’un qui était déjà venu ?

    — N… non. Elle n’était jamais venue. Je ne crois pas. Et Robert semblait ne pas vouloir la recevoir.

    Le vent soufflait fort dehors.

    — Vous vous rappelez son nom, shérif ?

    — C’était Lane. L.A.N.E. Je crois qu’elle se prénommait Rosita.

    — Et alors, qu’ont-ils fait ? demanda Deborah dans le silence de la nuit, qui

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