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Soleil Noir sur Laredo
Soleil Noir sur Laredo
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Livre électronique247 pages3 heures

Soleil Noir sur Laredo

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À propos de ce livre électronique

Un livre avec deux destins croisés, ce sont deux personnages très différents. Pourtant, ils vont se croiser, s'aimer et se détester. La vie n'est jamais une autoroute rectiligne.
Tout débute à Laredo, une ville du Texas. Si nous traversons la rue, nous sommes au Mexique. Le choix de la ville n'est pas anodin, l'étranger, ou le futur migrant est votre voisin. À quelques pas de là, le Mexique a implanté une nouvelle ville, le nouveau Laredo. Le migrant n'a pas parcouru des milliers de kilomètres à pied, il a vécu sur le trottoir en face du tien.


Alejandro est le fils de migrants, ses parents sont mexicains et lui aussi vivaient à une cinquantaine de kilomètres de Laredo. Il est surprenant de parler de migrants aux États-Unis, hormis les Amérindiens, tous les habitants sont des migrants ou des descendants de migrants. Le terme met en avant le mépris. On parle des Italo-Américains, mais jamais des Irlandais-Américains. Les mots que nous utilisons, le choix des termes ont un sens.


Laredo, aux USA, est le pays de la suffisance, vous n'y mourrez pas de faim si vous travaillez, vos enfants vont à l'école, le mode de vie américain leur permettra de devenir riches, et de profiter de tous les plaisirs de la vie.


Priscilla est une Américaine, elle descend d'un migrant anglais arrivé ici, il y a des siècles. Blonde, yeux verts, aucun doute n'est possible. Ses parents font partie de la classe moyenne, ils observent le Mexique avec empathie. Mais les fils de migrants du sud les exaspèrent. Ils ne veulent pas s'intégrer dans la société américaine. Ils vivent en clans, comme le feraient les animaux.


Un jour, elle mange une glace sur une route qui ne mène nulle part, probablement en Californie, Alejandro s'assoit à côté d'elle, il la harcèle pour lui faire un bisou. Il décide qu'elle est sa petite amie. Elle ne répond pas, elle est timide et n'ose pas s'imposer.

Quelques jours plus tard, il la présente à ses parents, ils l'invitent à manger dimanche prochain. Elle n'ose pas dire non.
Un matin, James apparaît, Priscilla l'aime, il est boutonneux, elle le trouve tellement beau. Alejandro devient fou. Elle entre en crise. James a volé sa petite amie, elle lui appartient.


Alejandro, après une grosse bêtise, est condamné à dix ans de prison, au grand soulagement des deux amants.


Il sort de prison. Sur le chemin qui le conduit à Laredo, il s'aperçoit que des changements sont survenus. Il s'inquiète. Deux hommes aussi costauds que s'ils passaient leurs vies dans des salles de musculation le font entrainer de force dans une voiture. Quelques jours plus tard, il se retrouve au pole nord sans comprendre ce qui lui arrivait. Il n'a plus qu'un seul objectif aller à Laredo, a priori ce n'est pas évident.

Pendant ce temps, Priscilla se rend compte qu'à Laredo, la vie s'est arrêtée. Personne ne vit, pas même un chien ou un oiseau, juste le vent et la chaleur sont présents. Quitter cette ville devient une urgence.

LangueFrançais
ÉditeurCarol Young
Date de sortie21 déc. 2023
ISBN9798223136699
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    Aperçu du livre

    Soleil Noir sur Laredo - Carol Young

    Table des matières

    Chapitre 1

    Chapitre 2

    Chapitre 3

    Chapitre 4

    Chapitre 5

    Chapitre 6

    Chapitre 7

    Chapitre 8

    Chapitre 9

    Chapitre 10

    Chapitre 11

    Chapitre 1

    ALEJANDRO SE LÈVE. Devant lui, se dresse un mur beige lézardé. Depuis si longtemps qu’il ne compte même plus les jours, il se demande où conduit cette écorchure. Insolente, elle bâille, sans doute, l’ennui distend ses bords. Il imagine qu’elle ne s’arrête pas là. Elle traverse le plancher, et descend en se moquant des autres étages. Puis, elle s’enfonce au sol. Quelqu’un lui avait dit qu’un homme s’est échappé de prison en creusant un tunnel. Il soupire. Si sa cellule était située au rez-de-chaussée, il aurait creusé le ciment, puis la caillasse, avant de parvenir à la terre, tel un rat, il aurait poursuivi sa tâche jusqu’au soleil libre de tout grillage.   

    Un inconnu, dont il ignore le nom, surement, un ouvrier, a accolé au mur une table en bois de forme carré et une chaise. Ce dernier a accroché à la cloison un rayonnage, celui-ci lui permet d’y entasser ses quelques habits, et menus objets.

    Depuis dix ans, il se traine entre une cour et cette cellule, il copie les hommes fourbus par le travail qui rentrent chez eux sous un soleil accablant. L’État du Texas l’a emprisonné.

    Les souvenirs débarquent sans l’avertir.

    Il s’appelle Alejandro Ramirez. Ses cent-soixante centimètres se conjuguent à son poids de cinquante-deux kilos. Il est typé mexicain au visage hâlé, ses yeux noirs s’accordent à ses cheveux foncés.

    Il a vu le jour à Laredo, une ville du Texas située à la frontière mexicaine. Ses parents avaient passé la ligne de séparation sans en demander la permission, sinon, ils l’auraient attendu des années. Ils avaient quitté Juárez. Cette ville parait si loin, pourtant elle n’est située qu’à cinquante kilomètres de Laredo.

    Quelques kilomètres à parcourir, et l’univers de Disney leur ouvraient ses bras. Sa mère travaille en tant que femme de ménage au sein d’un hôtel trois étoiles et son père ramasse les poubelles.

    Tout le monde les appelle des illégaux en souhaitant leur déguerpissement, mais l’Amérique n’est pas en mesure de se passer d’eux, sinon, les détritus s’entasseraient devant les maisons. Cette image et cette odeur incitent les policiers à fermer les yeux. Au sein de certaines villes, si tu franchis une rue, tu changes de pays, si bien qu’une barrière ou un mur entrave ta route et casse le paysage. Depuis leur fenêtre, certains regardent l’étranger qui n’est que leur voisin.

    Il avait quitté l’école au neuvième grade. C’est la première et unique année en High-school que les Texans et Américains anglophones appellent la freshman Year.

    Il trainait souvent avec Ricardo, Salvatore et Pablo à travers les rues. C’étaient de jeunes Mexicains en quête de la nationalité américaine. Désœuvrés, ils commettaient de nombreuses bêtises. 

    Priscilla, une fille blonde qui possédait l’allure de stars embaumées d’Hollywood, les avait invités chez elle. Son amoureux jaloux avait piqué une crise. Il se nomme James, un roux, dont les boutons donnaient à son visage un aspect de croute lunaire. Pablo prit son skate et un coup lui fracassa la tête. Son sang coulait sur le carrelage, on aurait cru voir un ruisseau qui se perdait au milieu du désert. Il titubait comme s’il avait éclusé une bouteille de téquila. Lui s’occupait des fesses de la belle blonde dont les mains s’agrippaient à l’oreiller en gémissant. Ses parents étaient arrivés en courant. James les avait avertis de l’intrusion de voyous à leur domicile. En s’échappant à grandes enjambées, ils crièrent que leur fille s’avérait aussi bonne qu’une star d’un film pornographique. James jetait des coups de pieds contre le mur.

    Le 10 juillet 2015, la chaleur s’avérait étouffante.

    Voilà deux jours, il s’était arrêté au stand d’un marchand ambulant de hamburgers. Par chance, quelques dollars gisaient au fond d’une de ses poches. Il en acheta un composé d’un biftèque haché, au moins dix centimètres d’épaisseur, des rondelles de tomate et de la salade, le commerçant avait coincé l’ensemble entre deux tranches de pain en forme de lune. Une bouteille de coca à la main, il s’assit par terre, et croqua un morceau. Puis, il ingurgita une gorgée de sa boisson gazeuse. Un jeune homme de couleur d’une vingtaine d’années à la silhouette squelettique vint vers lui, et lui demanda ce qu’il fabriquait.

    — Tu as besoin d’une paire de lunettes, mon pote ! Car à priori, je dévore un burger à la viande saignante.

    — Je recherche quelques billets dans le but de me remplir les poches à Las Vegas, je suis obligé de tracer ma route jusque là-bas.

    — Quelques miles te séparent de ce lieu.

    Quelques voitures passaient sans leur prêter attention. Un couple promenait un bébé dans une poussette, elle était grasse, il était gros, le gosse hurlait. Leur image à la semblance pornographique se dévoilait obscène. Alejandro pensa que si elle se baladait à poil devant lui, il deviendrait homosexuel.

    — Un coup se révèle possible, un commerçant vend un peu de tout, surtout des bricoles, au coin de la rue, le flingue au poing, tu entres, et tu embarques la caisse, glisse Alejandro.

    — Où vois-tu un angle ici ? Tout parait droit et rectiligne, un mec a dressé un trait, et l’on construit des maisons dessus.

    — Tu marches tranquille, puis soudain, il jaillit comme une source en plein désert.

    — À combien de palmiers d’ici, se loge-t-il ton boutiquier ?

    — J’en ai vu au moins une vingtaine, je n’ai pas compté, mais ce nombre-là me semble correct.

    Un rendez-vous se fixa d’ici quarante-huit heures devant ce commerce, Mick assurera le guet, lui, un pistolet entre les mains, il braquera l’épicier.

    — Ma conjugaison des verbes au futur se révèle prétentieuse, j’aurais dû employer le conditionnel, marmotta-t-il en le quittant.

    Le soir, nonchalant, il se promena à travers les rues de cette ville. Un homme d’une quarantaine d’années marchait en zigzaguant devant lui, sa main droite tenait une bouteille de bourbon. La lune illuminait le ciel. Elle se levait de l’autre côté de l’océan sans doute en Floride et mourait au-delà du Mexique chaque matin en plongeant comme le fait une blonde qui habite Los Angeles en se levant à l’apparition du soleil. Alejandro le suivit. Il parvint à un parking éclairé par des néons. En avançant vers un commerce de burgers fermé, il remarqua l’horloge insérée à l’intérieur d’une enseigne lumineuse, elle indiquait deux heures du matin. Alejandro interpela l’individu soul, ce dernier le regarda. D’un direct du bras droit, son poing percuta son menton. Qu’il fût chancelant n’empêcha pas ses coups de tambouriner son visage. Sa victime s’étala inanimée au sol. Il vida ses poches, il s’appropria ses dollars et sa carte bancaire. L’achat de son pistolet ne posera plus de problème. Il se rinça la bouche d’une gorgée de whisky, ensuite, il la cracha sur le visage du presque clochard.

    Deux jours plus tard, sa montre indiquait quinze heures. D’une allure décidée, il pénétra à l’intérieur d’une petite épicerie. Mick restait derrière en appui si la police arrivait, ses cris le préviendraient.

    À l’intérieur de cette boutique, le client y trouvait de tout, des tomates à la quincaillerie le plus élémentaire. Un grand comptoir s’exhibait au fond avec une caisse et un rideau noir en guise de décoration. Au lieu de sortir sa carte bancaire, il braqua son pistolet.

    — Un joli calibre qui creuse de gros trous, lui a affirmé le commerçant en s’esclaffant.

    Ce dernier a atteint les cent kilos, et peut-être plus. Chauve, ses lunettes rondes lui offrent un air sérieux. Son visage ressemble à une pomme à la peau tendue. Une chemise à fleurs et un pantalon rose le travestissent en pâte de guimauve. Son regard fixait Alejandro, il rencontrait du mal à bouger.

    — Hey, le gros, donne-moi ton fric ! Dépêche-toi, ou je te brule ta cervelle !

    Son arme à la main lui conférait une puissance inégalée, son sang battait en ses artères, il sentait une érection qui tendait son pantalon.

    Mick rentra et observa la scène.

    Une vieille et grosse femme tira le rideau derrière le comptoir, et regarda.

    — Que désirez-vous jeune homme ? demande-t-elle.

    — Tu es myope ! Contemple l’objet entre mes doigts !

    Elle prit son balai et lui balança un coup sur la tête. Mick se sauva en courant. Plusieurs véhicules de police arrivèrent. Des représentants de l’ordre, armés de fusils mitrailleurs et revêtus de gilet pare-balle, s’éjectèrent des automobiles à la vitesse d’un éclair. Un de ceux-ci lui demanda en hurlant de sortir les mains posées sur le crâne. Il jeta son colt et obtempéra. Deux agents à l’allure de montagne d’acier le plaquèrent au sol et le fouillèrent. Les autres lui braquèrent leurs armes en sa direction. Il s’apeura qu’un d’entre eux lui tirât une balle dans la nuque. Puis un cogne plaça et maintint son pied sur sa gorge, il étouffa, sa main frappa le sol, l’agent ricana. Quelques minutes plus tard, ils le poussèrent de manière brutale à l’intérieur d’une voiture entre deux cerbères à la musculature monstrueuse.

    À l’intérieur du commissariat, ils le trainèrent comme s’il n’était qu’un sac de pommes de terre. Ils le jetèrent derrière des barreaux sans ménagement. L’attente commençait. Une montagne de chair façonnée au culturisme vint le chercher et le conduisit auprès d’un homme blond aux yeux bleus. Il était mince à en paraitre malade. Assis à son bureau, il mâcha son chewing-gum sans lui prêter attention, en décor de fond, le drapeau américain et une photo du Texas qui sembla lui souhaiter la bienvenue au pays des cowboys. Des clichés de John Wayne et de Marilyn Monroe scotchés sur le mur à droite semblaient lui cligner de l’œil. Le policier lui demanda son identité et son adresse. Par la suite, il exigea sa version de ses aventures dignes de la famille Dalton. Il aimerait connaitre la raison de son comportement. Il a braqué un commerçant, ce fait s’avérait choquant et contrevint à l’ordre établi.

    Il avait chaud. L’enquêteur en face de lui buvait un verre d’eau. De la sueur coulait sur son front, d’un mouchoir en papier, elle disparut, la poubelle se remplit à vue d’œil. Il l’écoutait.

    — Comment s’appelle ton complice ? Le commerçant a vu un jeune noir.

    Alejandro n’en savait rien. Il était juste au courant qu’il se nommait Mick. Son domicile devait se situer selon toute probabilité aux États-Unis. Il émit l’hypothèse qu’il vivait au Texas.

    Le policier insista. Il persista à affirmer qu’il ne le connaissait pas. Il imagina que de grandes foulées l’avaient éloigné de l’épicerie avant l’arrivée des forces de l’ordre. Il se demanda même, s’il ne les avait pas appelées.

    En dépit de la présence de son avocat, un homme de couleur âgé d’une quarantaine d’années, la procédure se déroula en quelques jours. Il plaida coupable. Le jugement se révéla rapide. Son conseil plaisanta avec le district attorney et le magistrat. En les regardant, il eut l’impression que c’était trois copains au zinc d’un bar. Le juge lui sourit et lui susurra dix ans à l’image de certains lorsqu’ils déclarent des mots d’amours.

    Il compta avec ses doigts, ses vingt-huit ans se fêteront à sa sortie, il grimaça.

    Les policiers l’emprisonnèrent au centre pénitentiaire de la ville de Dilley. À son arrivée, un détenu officiant à tire de coiffeur lui rasa les cheveux en n’en laissant qu’un centimètre. Les invités malgré eux s’habillaient tous d’une tenue orange. Une promenade par jour dégourdissait les jambes. D’autres gars du Texas qui avaient trébuché sur le chemin de la légalité sillonnaient aussi ce gazon entouré de fils barbelé. La même histoire se répétait. Ils désiraient dévorer le rêve américain, mais l’oncle Sam avait retiré la gamelle comme s’ils étaient des chiens méchants. Ils avaient voulu y gouter malgré l’interdiction. La fourrière avait jailli sans perdre de temps, les policiers les avaient mis en gage.

    Quand ils descendaient en promenade et au moment où ils remontaient dans les cellules, les gardiens les obligeaient à rester en file indienne. Ils leur défendaient de coller au mur, chacun était tenu de respecter un espace d’un mètre entre lui et la paroi, au cas où il dévierait, les gardes étaient là avec des bâtons.

    Dix ans, enfermé entre quatre murs, il compta les secondes qui passent.

    — Si tu as de l’argent, même incarcéré, tu obtiens tout, si tu es fauché, tu n’aurais plus qu’à frapper les parois de béton et d’acier en essayant de les fracasser !

    Épuisé, il s’arrête, personne ne vint, tout le monde se moque de ses cris. Le dos contre le mur, assis au sol, il réfléchit.

    — On a façonné le rêve américain en faveur des blonds aux yeux verts, les Mexicains à mon image sont en mesure de se rhabiller et de s’en aller ailleurs. Dégage ! L’herbe est plus verte au-delà de la frontière !

    Il s’arrête. Il se remémore l’essai de la police de l’inviter à rester un petit moment supplémentaire en cet hôtel miteux.

    Six mois s’étaient écoulés, quand elle lui offrit un aller et retour vers Laredo. Un inspecteur désirait l’interroger. Avant qu’il fût emprisonné, une bande de jeunes Mexicains a agressé un jeune couple américain, James et Priscilla. Le garçon a affirmé que lui et ses amis en étaient les auteurs.

    Lui, Ricardo, Salvatore et Pablo les avaient aperçus sur un parking. En dépit de ses seize ans, James possédait une voiture sportive. Il enrageait de le voir derrière ce volant. Proches de l’automobile, elle leur sourit et leur fit la bise. James bouda. Pablo lui lança un coup de poing. En sortant du véhicule, chancelant, il se reprit en essayant de le frapper, mais son adversaire se manifesta plus rapide et plus agile, de telle sorte que ses allonges ne l’atteignirent pas. Les crochets et les uppercuts s’abattirent à l’image d’une pluie violente qui martèlerait le sol. Il tomba, alors Pablo lui lança des coups de pied au visage. Pendant ce temps, les trois autres harcelèrent la demoiselle, leurs mains entreprenantes l’irritèrent, elle les supplia de la laisser tranquille, elle implora Alejandro qui n’entendit pas. D’un seul coup, il la saisit par-derrière en la tenant par les aisselles, les autres lui descendirent le pantalon et sa culotte. Deux camions arrivèrent, ils se sauvèrent, elle remet en ordre ses habits.

    Il nia l’avoir frappé. James invoqua des violences sexuelles sur sa copine, elle reconnut juste des jeux consentis entre eux. Les policiers le reconduisirent à la prison. L’histoire s’oublia.

    Il regrette Laredo, cette cité fabriquée sans charme et sans âme. En certains quartiers, on a construit les mêmes maisons à l’exemple de boites d’allumettes entourées d’un petit jardin. Le promoteur les a éparpillés autour de grandes artères qui ne conduisent nulle part. La vie des habitants s’avère monotone, pourtant ceux-ci s’avouent heureux. Cette vaste platitude endormie par la saison qui parait toujours identique qu’importe le mois de l’année possède sans doute un attrait. Il le conçoit et l’imagine. Sinon pourquoi resteraient-ils ici ?  

    Ses parents demeurent encore à Laredo, ils ne lui ont pas rendu visite. Demain constitue une terre inconnue.

    Le voilà dehors, il arpente les rues de Dilley.

    Une berline foncée aux vitres teintées le suit, il n’en prend pas garde. Deux hommes âgés d’une quarantaine d’années à son bord, l’un d’entre eux possède une peau à la couleur du café, il se nomme Joe, et l’autre dispose d’un épiderme aussi rose que celle d’un cochon, il s’appelle Oliver. Cette différence n’interdit pas les points communs : une même mâchoire carrée et un corps athlétique. Aucun mot ne s’échange. Joe conduit et Oliver, un pistolet entre les cuisses, prend des notes. Son mobile vibre. Il s’en saisit. Une série de oui se répète mécaniquement à l’image d’une machine qui exécute sans lassitude un même mouvement. Il repose le téléphone.

    Alejandro s’arrête à un Box-lunch. C’est un restaurant où le client choisit son repas en remplissant de petites gamelles avec les mets proposés. Il opte en faveur d’une enchilada au fromage, d’un taco de bœuf râpé, d’un flauta et d’un chili relleno, qu’il accompagne d’une louche de riz mexicain et haricots frits. L’exhalaison le ravit et l’envoie au temps d’avant. Il se revoit avec ses parents à Laredo. Une cuisine tout au bois, sa mère remplissait les assiettes. L’Amérique du Sud s’étale au pays de Mickey et de Donald. À la maison, ils parlent espagnol et dehors anglais. À Dilley, certains ne s’exprimaient que dans la langue de Cervantès, l’administration pénitentiaire leur assurait des cours de celle de Shakespeare.

    Sa mère parlait de la pluie du beau temps pendant que la télévision diffusait ses programmes. Par moment, elle s’arrêtait et écoutait l’émission en cours, puis elle continuait son monologue. Lui, il pensait qu’à aller pédaler le long d’une route qui conduit au désert. Une course l’opposait aux voitures, il perdait. Ses mollets ne valent pas un péso face aux puissantes automobiles.

    Il va aller voir ses parents.

    Il mange à l’intérieur d’une salle sans façon aux murs ternes. Le restaurateur a éparpillé des tables ici et là. Les gens arrivent, déjeunent et s’en vont sans se préoccuper des autres. Certains commencent à dévorer des mescluns au guacamole, tandis que d’autres terminent un gâteau patato en se léchant les babines. Entre ses doigts, des couverts en acier possèdent la senteur de l’affranchissement de toutes entraves. Ceux en plastique de la prison avaient le gout de l’abêtissement de l’humain.

    Au-delà de la frontière, la situation de ceux qui n’ont rien s’avère pire qu’ici. Ses parents lui ont décrit un scénario catastrophe que même Hollywood n’aurait pas été en mesure d’imaginer, mais Donald et toute la clique ne mettent pas sur grand écran la misère. Cette dernière écrase et aplatit le pauvre à l’image d’une fajita.

    Ils lui avaient raconté que beaucoup de gens avaient rencontré la mort en passant la frontière. Les gardes se montraient implacables envers les candidats à l’exode. Les milices américaines composées de personnes bien propres, blondes aux yeux verts se manifestaient pire que les policiers. Entre eux, ils se lancent des compétitions, celui qui gagne est celui qui a tué le plus de migrants. Ses parents ont traversé le désert du Chihuahua. C’est un long chemin à travers les plantes grasses remplies d’épines à cette époque. Aucune barrière n’entravait la marche. La nuit, ils devaient redoubler d’attention, des pumas rôdaient, car les cactus représentent leurs abris et leur nourriture. Ils dormaient sous une couverture, les corps collés l’un contre l’autre, ils se protégeaient et se réconfortaient.

    Ils avaient quitté la misère sans atteindre l’Eldorado.

    — Au Mexique, l’indigence t’écrase la tête au sol, si bien que la fuite constitue la seule issue, après tu acceptes n’importe quel travail dans le dessein d’obtenir l’ « American way of life ». Là-bas, même si tu te peines à la tâche toute la journée, ton gain se réduit à une assiette de maïs avec un peu de haricots rouges, lui affirmait souvent son père.

    — Les cowboys criaient « go west », eux aussi sont partis en claquant

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