À propos de ce livre électronique
Le moine Pastronio est projeté en enfer malgré une vie au service du bien. Il ne croit pas mériter un tel sort, mais voudrait en connaître la raison.
Les réponses les plus improbables sont celles à l’intérieur de soi.
H.P. Dunord est né au Québec à la fin des années 70.
Après une dernière conversation avec un ami, il disparaît. Personne ne l’a jamais revu.
Un an plus tard, son ami reçoit une boîte de manuscrits avec la note suivante :
« Tu peux publier » - Dunord
L’enfer est le premier récit de l’auteur à être publié.
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Le U: H.P. Dunord Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPestilence Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Aperçu du livre
L'enfer - H.P. Dunord
H.P. Dunord
L’ENFER
Conception de la page couverture : © Essor-Livres Éditeur
Image originale de la couverture : Shutterstock 751012336
Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.
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www.distribulivre.com
Tél. : 1-450-887-2182
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© Essor-Livres Éditeur
Lanoraie (Québec) J0K 1E0
Canada
apotheose@bell.net
www.leseditionsdelapotheose.com
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2021
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2021
ISBN : 978-2-925144-11-3
ISBN EPUB : 978-2-89865-117-5
Imprimé au Canada
À mes deux charmantes demoiselles
dont le départ m’a fait tant pleurer.
Votre souvenir est gravé
dans le cœur battant de ce livre.
Vous avez fait de moi un humain plus humain.
L’enfer, c’est là où il n’y a pas de pourquoi.
— Primo Levi
1
L’ENFER
Ernesto Pastronio connaissait la charge symbolique du mal qui pesait sur les âmes de ses contemporains. Son enfance, jusqu’à son arrivée au monastère des Saints-pères de la croix à l’âge de seize ans, n’avait été qu’un long psaume contre les vilenies de Satan. Les péchés consumaient les chairs mortelles sous le joug des fouets diaboliques jusqu’à ce que les âmes fondent dans les charniers puants où pullulaient les vers et les rats. L’être le plus vil vendait son âme à l’ange déchu afin d’acquérir pouvoir et argent le temps que cette pauvre conscience outrepasse son existence humaine. Le remède contre les manigances du diable était pourtant connu. Pratiquer une vie pieuse, pardonner, éviter les péchés de la chair, faire preuve d’humilité, respecter les commandements divins éloignait les âmes des souffrances éternelles des palais de Satan.
Quiconque connaissait le moine Pastronio le savait très loin de ces tentations. Gentil, affable, généreux, excellent scribe et doué d’une empathie pour ses frères humains, personne ne doutait de sa mansuétude envers les autres. L’unique trait négatif reconnu par ses confrères, qui n’avait rien de bien méchant, était cette habitude qu’il avait de se moquer de ses supérieurs en parodiant leurs traits les plus singuliers. Les supérieurs de l’Ordre connaissaient cette manie chez le jeune frère, mais ils passaient l’éponge sur ces frasques juvéniles sachant que la maturité allait, tôt ou tard, effacer ce travers superficiel. Tous furent stupéfaits d’apprendre que le frère Pastronio allait mourir avant ses quarante ans. Le cancer grugeait ses os comme les dents d’un rat sur un bout de fromage.
Pourtant, le frère grassouillet ne ressemblait pas du tout à l’image pieuse et dévote que l’on se faisait de lui. La relation difficile entretenue avec le père tyrannique et une mère indifférente avaient métamorphosé Pastronio en être silencieux et solitaire. Les pères fondateurs de la congrégation, ses parents, sa famille se trompaient du tout au tout sur le jeune homme au ventre dodu. Son silence provenait d’une timidité maladive. Sa foi, que tous croyaient sincère, s’arrimait à un conformisme social dû à un manque d’amour propre. Personne ne savait quoi faire avec ce tas de graisse aux jambes difformes. Le père en avait honte et la mère se souciait très peu de lui. Le monastère s’était donc avéré la solution idéale pour ce fils infirme. Donner un de ses enfants à Dieu était, à cette époque, l’acte suprême de charité chrétienne.
Entrer au monastère fut pour Pastronio la plus grande épreuve de sa courte existence. Les épaisses murailles, les interminables processions pieuses, sa chambre humide aux murs glacés, les moqueries incessantes sur son anatomie, les charges de nettoyage qu’il supervisait, augmentaient son mépris dissimulé sous ses faux rictus. Sa vie quotidienne se résumait à réciter des prières pendant des heures, traduire des passages bibliques aux nouveaux disciples, délirer sur le divin pendant des jours, écouter les tentations stériles de ses frères. Il bouillonnait comme un cafard dans un bain d’eau bouillante.
Les seuls moments heureux étaient ceux passés avec le frère Pasquale sur le bord de la rivière aux oies. Le frère dodu se surprenait à lui confier quelques secrets honteux dont il n’osait parler à personne. Le frère Pasquale s’esclaffait comme un enfant en se tapant sur les cuisses. Il eut une brève et douce pensée pour le frère Pasquale au moment de quitter ce monde. Étrangement, passer des heures devant des bibles latines, relire la genèse pour la millième fois, s’époumoner devant des cantiques religieux eut pour effet d’émousser sa foi comme si le trop-plein vidait son vase à moitié vide. Ces interminables obsessions divines l’ennuyaient.
Les flammes et les damnations éternelles pour les pécheurs. Voilà en quoi se résumaient les pensées religieuses de son époque, idée simpliste de l’univers qui ne reflétait pas la sienne, mais qui l’aidait à orienter sa propre conception des choses. S’il osait affirmer qu’il ne croyait pas à l’enfer, ce serait comme avouer qu’il ne croyait pas en Dieu. Il pouvait finir sur la potence ou pire, immolé comme cette pauvre pucelle d’Orléans. Telle était la loi qu’il devait respecter sous peine de s’exclure de la communauté et du monde civilisé. Il craignait beaucoup plus les châtiments humains que ceux de Dieu. Si l’être supérieur ne pardonnait pas la moindre faiblesse, il n’en valait pas la peine. Il pouvait bien aller se faire voir ailleurs. Un Dieu vengeur ne pouvait exister que dans la tête de ceux qui justifiaient leur ignominie en imaginant l’être suprême comme le prolongement de leur propre névrose.
La ceinture idéologique du mur protégeait les fils de Dieu contre les guerres, les famines ou les épidémies, mais cela n’empêchait des soldats égarés de passer les portes de l’épaisse muraille. Le mur était une paroi contre les ondes maléfiques environnantes. Les moines s’y sentaient en sécurité. Ils percevaient, au-delà, les vilenies de la violence, les paroles blasphématoires que s’échangeaient les combattants, les guerriers désespérés par la seule idée de mourir. Le mal était l’ennemi contre lequel il fallait mettre ses énergies. L’isolement était une manière comme une autre de s’adapter à l’enfer extérieur. Mais s’il ne peut entrer dans un monastère, l’enfer adaptera son discours autour de l’envie de tous d’être quelqu’un d’autre.
L’enfer est peut-être l’envers de la fuite de soi, le décompte des désirs désespérés, ses envies hors des murs de la honte, se voir évoluer hors de soi comme un diabolique messie interne. L’enfer entraîne vers les abîmes les âmes contraintes d’exister. C’est sans doute cela sa véritable définition, être dans l’obligation de respirer l’air ambiant, malgré le degré incertain du poids des vies, la contrainte pitoyable de la pesanteur des péchés comme s’il suffisait de se pencher sur soi pour savoir que la honte des erreurs est plus lourde que l’âme détruite.
2
Pastronio savait qu’il arrivait en enfer sans en comprendre la raison. Sa vie n’avait été qu’une suite d’études bibliques, de pardons silencieux, de charité envers les damnés terrestres, de dévotions envers les déshérités. Pourtant, il savait qu’il y était. Une odeur de soufre et de désespérance émergeait de l’ensemble du décor où le sort l’avait projeté. Ayant côtoyé le mal, pendant sa courte vie, il en connaissait les arômes pestilentiels. Jamais il ne se serait cru candidat pour l’enfer. Il n’y comprenait rien. Le soleil brillait semblable à un saphir au milieu du firmament. Des épis de blé valsaient sous l’effet d’une brise glacée. Les arbres ressemblaient à des pantins figés dans la glace. Le bruissement des cimes froissées lui procura une sensation de bien-être. Il progressa pendant un certain temps dans un pré recouvert de trèfles où il put dévorer des myrtilles délicieuses. Le froid se dissipa et il releva sa soutane souillée sur son gros ventre.
Qu’il porte les mêmes vêtements que sur la terre ne sembla pas le surprendre. Ses chaussures en peau de mouton lui permettaient de progresser aisément à travers champs et boisés. Des oiseaux charognards, comme de gros corbeaux assoiffés de sang, tournoyaient au-dessus des cimes. Il rencontra des chèvres, des moutons, des chevaux sauvages qui fuyaient lorsqu’il s’approchait d’eux avec son gros ventre d’ours affamé. Après une longue marche, il déboucha sur un sentier qui menait à une petite ferme où des ânes, des chiens, des chats couraient près d’un étang rempli d’oies et de canards. Un peu plus loin, près d’un arbre aussi usé qu’un vieillard mourant, un puits de pierres alluma sa soif. Malgré les risques de se faire repérer, il courut vers la source d’eau fraîche. Un seau de bois pendait sous la toiture de pierre et la poulie rouillée. Il fit descendre le seau avant de le remonter lentement. Le bruissement de la chaîne sur le rebord usé lui procura une étrange sensation de contentement comme s’il caressait ses plus beaux souvenirs d’enfance.
Il se mira dans les reflets de l’eau avant de plonger ses mains avides à l’intérieur. Son visage n’avait pas changé. La double portion de graisse, sous son menton indolent, existait toujours. De grosses bajoues, des yeux ternes sous de lourdes paupières, des lèvres épaisses qui calcinaient sa peau blafarde. Une dentition inégale lui donnait l’air d’un sanglier aux yeux ourlés. Son nez occupait la moitié de son étrange figure. Ses cheveux blonds chutaient sur ses épaules maintenant que plus rien ne les retenait sur son crâne. Il émit un grognement avant de replonger ses mains dans l’eau froide autant parce qu’il avait soif que pour effacer, pour un temps, l’image qu’il maudissait depuis si longtemps. Ce corps tant détesté était une condamnation du hasard. L’image dans les vaguelettes ne fit rien pour remodeler l’épouvantable honte qu’il éprouvait. Il détestait ce hasard cruel envers les êtres dépourvus de beauté.
L’eau était froide, mais très fraîche. Il en profita pour se nettoyer avant d’étudier plus en profondeur cette étrange maisonnette et les animaux domestiques qui gambadaient autour de l’étang. Comme il avait été imprudent de s’aventurer sans arme dans ce lieu. Sa terrible négligence aurait pu lui couter la vie. Le silence de l’endroit finit par avoir raison de ses craintes. Son gros ventre gargouillait. Il se dirigea vers la grange où des chèvres et des chevaux pataugeaient dans la fange de cochon. Il y découvrit des œufs qu’il dévora avec avidité avant de jeter les coquilles fracassées dans l’herbe. Il fit un détour vers l’arrière de la maisonnette espérant déjouer quelques pièges. S’il voulait trouver de la nourriture, il devrait passer par la porte du devant. La propreté du lieu l’inquiétait. Il aurait préféré une maison pourrie aux fenêtres embuées de saletés.
Il effleura le petit crucifix sur sa poitrine en psalmodiant
des prières aussitôt évacuées. Ces évocations religieuses, qui effleuraient la volupté de l’inconscient, le rassuraient comme s’il touchait un écu sous la poussière. La prière est un appel à l’aide, un signe que l’on ne contrôle déjà plus les apparences. C’est demander à l’invisible de nous aider à saisir ce qui fuit le réel par nos yeux. « J’accepte ta décision de m’envoyer dans un tel endroit et je comprends que tu ne m’expliques pas tout, mais donne-moi la force de traverser les épreuves. » Sa perplexité grandissait à mesure qu’il avançait vers la porte entrouverte. Il ne croyait pas mériter un tel traitement puisque sa vie avait été un long chemin de piété et de pardon.
L’odeur de soufre planait semblable à une terrible menace. Il craignait l’apparition de Satan à tout moment. Le crucifix brillait comme une main d’or sur son ventre rond. Les éclats dorés explosaient dans la vitre où Pastronio voyait son reflet danser. Il poussa la porte qui ne produisit aucun grincement. L’intérieur sentait la résignation. Une odeur saturée de rédemption souillait les murs pendant qu’un feu doux caressait l’intérieur d’un foyer en briques rouges au fond de la pièce. Une minuscule table en bois gisait au milieu de la cuisine avec des pommes et des oranges dans un plat circulaire. Des portraits christiques ornaient les murs. C’était si clair dans sa tête. Pas le moindre des événements suivants ne ferait naître le moindre doute sur cette vérité indéniable. Il était bel et bien en enfer.
Une fatigue aussi soudaine qu’inattendue s’insinua hypocri-tement en lui. Il subissait un bouleversement émotif si intense depuis son arrivée qu’il se demanda comment il avait pu, en pareille circonstance, conserver l’équilibre de son âme. Avant de se diriger vers la chambre, il se gava des fruits sur la table. Il pensa trop tard à la tentation du paradis terrestre et regretta son geste. Et si ces fruits étaient la tentation de Satan pour réduire son âme en miettes. Il était si épuisé qu’il évacua aussitôt
ces idées ridicules. Une main invisible le conduisit vers la chambrette où il trouva un lit de paille trop confortable. Quelques secondes suffirent pour qu’il s’endorme.
Il fit un rêve. Des femmes en papier brûlaient pendant qu’un prêtre récitait des passages bibliques. Il brandissait la genèse entre ses doigts noirs en tenant une fourche de l’autre main menaçant ses ennemis invisibles de son courroux vengeur. Un serpent sifflait des cantiques en glissant dans l’entrecuisse d’une femme obèse. Celles en papier lançaient des boules de feu en direction du curé qui les faisait dévier avec sa fourche vers le ciel constellé de sang. Le prêtre s’est lancé à la poursuite de l’une d’elles, mais la suite du rêve ne fut que confusion, car les images superposées se mélangeaient avec celles de son passé. Son père et sa mère qui riaient, le frère Pasquale noyé dans la rivière, un des pères du monastère molesté par une horde de pauvres, une lance qui lui transperçait le cœur, le sang noir qui bouillonnait sur sa poitrine ouverte, un grand rire démoniaque qui déchirait la nuit étoilée. Pastronio se vit mourir dans un lit encerclé de reliques religieuses puis, plus rien.... le néant absorba les dernières images.
Il ouvrit les yeux. Une pénombre glaciale contaminait la pièce. La chambrette se transformait en un immense trou noir où d’atroces créatures sataniques se lamentaient dans l’obscurité. Sa conscience créait des reflets sphériques dans la nuit afin de compenser la frayeur qui l’envahissait. Sa poitrine vibrait comme une machine infectée de virus anormaux. Il avança les mains vers le néant gelé dans le but d’amortir l’horrible perception que quelque chose l’épiait. L’odeur de soufre, qui titillait ses narines, étouffait l’espoir d’une perception momentanée. Il savait qu’il n’était plus seul. Il plissa ses paupières afin de déchirer la nuit de son brouillard infect. Un monde subversif ouvrait sa gueule macabre dans l’obscurité.
