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Dragon 209
Dragon 209
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Livre électronique394 pages4 heures

Dragon 209

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À propos de ce livre électronique

Le vingt troisième siècle :
Dévorée par la folie des Reptiliens, la Terre va disparaître.
Mais il reste un héros : Sun Tokamak.
Et l’espoir d’un vaisseau : le Dragon 209.
LangueFrançais
Date de sortie19 nov. 2021
ISBN9782312087252
Dragon 209

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    Dragon 209 - Johnny Boyer

    cover.jpg

    Dragon 209

    Johnny Boyer

    Dragon 209

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08725-2

    À Josian, Juan et John

    « À sept ans il faisait des romans

    Sur la vie du grand désert

    Où luit la Liberté ravie

    Forêts, soleils, rives, savanes…

    Il rêvait la prairie amoureuse

    Où des houles lumineuses

    Parfums sains, pubescences d’or

    Font leur remuement calme

    Et prennent leur essor

    Et comme il savourait surtout les sombres choses

    Quand dans la chambre nue

    Aux persiennes closes

    Haute et bleue, âcrement prise d’humidité

    Il lisait son roman sans cesse médité

    Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées

    De fleurs de chair aux bois sidérals déployées… »

    Arthur Rimbaud

    Personnages

    I – Les Arcaniens

    1 – Juan Rommez : mutant arcanien

    2 – John Falco : mutant arcanien

    3 – Algol : cyborg arcanien

    4 – Norak : cyborg arcanien

    5 – Sabre : tigresse psychotrienne

    II – Les Génies

    6 – Sun Tokamak : nuktal psychotrien

    7 – Ankaa : mutante empyréenne

    8 – Lili Thuléa : avatar d’Ankaa

    9 – Sade : nuktale psychotrienne

    10 – Iris : fille de Sade

    11 – John Mermoz : pilote d’élite du Dragon 209

    12 – Henri Susky : père adoptif d’Ankaa

    13 – Stella : coéquipière de John Mermoz

    14 – Talon : émissaire des Anolis

    III – Les Démons

    15 – San Dimons : roi des Nagas

    16 – Chatane : compagne de San Dimons

    17 – Les cinq Anolis alpha :

    Fucifer : le chef ou Grand Commodore

    Moloch : son bras droit

    Draco/Komodo/Agama : les ministres

    18 – Erzabeth : reine des Bathorines et prêtresse de l’Oracle

    IV – Humanoïdes

    19 – Nuktal : mutant d’origine psychotrienne apparu sur Terre, et dont le nom signifie capable de voir dans la nuit

    20 – Naga : humanoïde chthonien, à l’allure de varan, mesurant plus de trois mètres

    21 – Anolis : humanoïde saurien de taille plus modeste, environ deux mètres

    Les anolis alpha sont des dominants ailés

    22 – Arcaniens : humanoïdes voisin des Terrestres

    23 – Empyréens : humanoïdes déportés sur Arcania et sur Terre, après la colonisation de leur planète par les Bathorines

    24 – Psychotriens : humanoïdes originaires de Psychotria décimés par les Nagas

    Prologue

    L’année 2179, sur une jumelle de la Terre.

    Arcania est une sphère rocheuse, qui opère une révolution spéculaire et synchrone, en compagnie de sa sœur Empyréa, autour de la voisine d’Ankaa : Lucifer.

    Ces deux étoiles sont sises à l’instar dans la constellation du Phénix.

    Ankaa demeure l’alpha qui abrite quant à elle Psychotria.

    Ces trois astres telluriques sont surnommés respectivement planètes de saphir, d’émeraude et de malachite, en raison de leur couleur proche de celle de ces pierres précieuses.

    Six races d’humanoïdes se partagent ce trio de rocheuses géantes :

    – Les natifs en premier lieu des trois planètes phéniciennes : Arcaniens, Empyréens et Psychotriens.

    – À l’opposé se trouvent leurs fatals ennemis : des colonisateurs originaires des confins de la Galaxie, que sont les sanguinaires Nagas, leurs armées d’Anolis et les cruelles Sirènes des glaces ou Bathorines.

    Persécutés par les génocides perpétrés par les uns ou bien par l’esclavage entretenu par les autres, les derniers survivants des diasporas psychotriennes et empyréennes ont trouvé refuge sur Arcania.

    Mais cet ultime bastion s’avère menacé à son tour par l’hégémonie destructrice de San Dimons. Le roi des Nagas est un géant reptilien qui a érigé son trône dans les entrailles de Psychotria, en évinçant de la Planète de Malachite le peuplement d’origine.

    Réduits aux abois, les Arcaniens auront en définitive décidé de missionner sur Empyréa cinq de leurs plus preux chevaliers : les Défricheurs d’Infini.

    Dans le but absolu de forcer la clémence et l’alliance d’Erzabeth : la reine des Bathorines, qui résiste encore grâce à sa magie, au sommet de la grande pyramide édifiée par les Empyréens.

    Car n’auront-ils pas trouvé en San Dimons un ennemi commun, presque invincible, qui vampirise sans vergogne la Galaxie, tout en s’octroyant des réserves sanglantes d’esclaves ?

    Car n’auront-ils pas trouvé enfin, dans l’espoir d’un oracle, un descendant secret de Psychotrien, dont le destin est de mettre fin bientôt à toute cette ignoble barbarie ?

    Prélude

    Saison des pluies 2029, sur la planète Terre. Dans une région retirée du Costa Rica.

    La route est déserte.

    Ou plutôt la piste qui déroule son étroite bande rouge de lourde latérite à travers l’immensurable jungle fumante.

    Une transfusion de sang nouveau à l’intérieur des veines bleuâtres de la nébuleuse forêt pluviale.

    Un bouquet d’aras hyacinthe distille très haut au-dessus des frondaisons ouvertes son infime parfum de plumes tièdes.

    Cachés sous le tapis des feuilles mortes les anolis fouissent la litière humide. Ces lézards sont toujours à la recherche de quelque minuscule coléoptère succulent. Voire de ces longs lombrics gavés de sève organique et ruisselante, qu’ils avalent goulûment d’une seule traite.

    Tom Markham appuie brutalement sur la pédale de frein du vieux land rover. Il ne veut surtout pas écraser une vipère immobile, qui s’étire devant le tout-terrain dans une aréole de soleil.

    L’animal scinde de presque toute sa longueur la maigre piste boueuse.

    Car il faut bien que l’insidieux serpent s’abreuve de tout son saoul à ce mirage éphémère et luminescent. Parce que l’ondée ne va plus tarder désormais à refaire son inflexible apparition dans le ciel vaporeux.

    Un ciel qui a déjà jeté son linceul de fantôme par-delà les canopées vertes.

    – Allez dégage mon grand ! lui lance l’impétueux chauffard en agitant avec nervosité derrière le pare-brise poussiéreux le revers de sa main nervurée. Si tu ne veux pas ressembler bientôt à une vulgaire tagliatelle géante !

    L’ophidien dans lequel il reconnaît grâce à sa taille considérable, à ses truculentes arabesques et surtout sous son vilain nez retroussé de vipéridé, l’identité d’un pernicieux fer-de-lance, ne bronche pas d’une écaille.

    – Vade retro Satana ! grommelle Tom de plus belle à l’adresse de la guivre récalcitrante.

    Puis tout en abaissant la vitre à passager, dans l’espoir de mieux se faire entendre.

    Un remugle de cadavre suivi aussitôt par l’aspect inerte et ratatiné du serpent ont vite raison de sa véhémence.

    Tom Markham se rend rapidement à l’évidence que le monstrueux reptile a déjà dû expiré, depuis peu de temps au vu de son état plutôt trompeur de conservation, son dernier souffle. Laminé sans aucun doute par un précédent véhicule aux pneus crantés. Certainement par la jeep du professeur Viso.

    Le grage grands-carreaux avait donc subi de façon plutôt grotesque comme un excès de gravures, qui l’avait instantanément expédié ad patres.

    Il était mort depuis suffisamment de temps en tout cas, un jour entier tout au plus, pour que l’insidieuse décomposition exhale déjà dans l’air ambiant ses miasmes ammoniaqués.

    Mais depuis insuffisamment de temps néanmoins, pour n’avoir pas encore réussi à attiser la rapacité des urubus faméliques. Ces cruels vautours noirs, dont la spirale fossoyeuse se matérialise le plus souvent au rythme des ascendants, au-dessus des charognes de la jungle pour une impitoyable curée, telle une gigantesque vis sans fin.

    Tom Markham revérifie par conséquent le bon verrouillage de sa boîte de transfert. Celle-ci est bien restée en grande vitesse. Dans la foulée il embraye la première. Et ainsi de suite jusqu’en quatrième. Il se ravise pourtant. Et finit tout de même par rétrograder en troisième. Son intention étant de conserver un tant soit peu la vitesse réglementaire des cinquante kilomètres/heure.

    Son pare-brise est déjà constellé de grosses gouttes ambrées, qui dessinent sans attendre des ocelles irisées, se transmutant aussitôt en de majestueuses arborescences.

    La piste auparavant détrempée risque fort de se transformer bientôt en une terrifiante pataugeoire, voire en un tyrannique bourbier.

    Au bout d’une bonne vingtaine de minutes néanmoins le discovery, possédé dans son habitacle vibrant par une version génialement remixée du Sirius Project d’Alan Parsons, est tout de même parvenu à se faufiler entre les laminoirs des troncs dégoulinants de pluie glaireuse et glauque. Pour franchir sans encombre la dernière fosse fangeuse : celle-là même qui signale l’ultime ligne droite et cahoteuse, d’une longueur de deux kilomètres, qui conduit au centre d’observation radio-astronomique.

    – Pourvu que je ne sois pas en retard au rendez-vous, songe très profondément le planétologue : dernier représentant d’un programme de recherche de vie extra-terrestre, en labourant sa barbe rousse dans un signe d’anxiété.

    Et tout en écoutant le métronome de son cœur se mettre au diapason de la transcendantale rythmique d’Alan Parsons, et surtout à celui du miraculeux évènement à venir, celui qui promettait sans aucun doute si son observation s’avérait justifiée de défrayer les chroniques scientifiques internationales, le professeur Markham rive ses iris en mydriase sur la route scabreuse et glissante.

    – Inutile toutefois d’aller plus vite que la musique ! se répète-t-il en son for. Si je ne veux pas offrir, à l’instar de cet animal de mauvais augure, ma dernière mue à la fatalité !

    Car il y a loin de la coupe aux lèvres, comme le rappelait l’immense Homère à bon escient ! Cela ne tâchons surtout pas de l’oublier !

    L’image de son propre macchabée, allongé laminé au beau milieu de la piste scintillante de gouttes d’or des feuillages phosphorescents, telle une répugnante barrière à sa glorieuse destinée, s’imprime brièvement dans son esprit angoissé.

    Le chauffeur lève donc cauteleusement le pied de l’accélérateur avant de jeter un regard furtif au rétroviseur central. Contrôlant ainsi l’état de fatigue de ses iris en béatitude.

    Encore vingt minutes supplémentaires, et le voilà propulsé malgré lui sans ambages par son char archaïque, sur le parking a demi-noyé du radio-télescope géant d’Arecibo.

    Où il claque vigoureusement la portière, afin de se rendre jusqu’au laboratoire du professeur Josian Viso. Sous une une pluie tellement battante, qu’elle ne lui laisse même pas le temps de se délecter de son calembour récurrent et stérile d’esthète incompris :

    Mais quel arrêt si beau !

    ***

    – Vous aviez pourtant ostensiblement raison, Tom, lance le vieux savant, tout en remontant ses lunettes entre ses maigres narines.

    Je m’excuse de n’avoir pu corroborer plus tôt le résultat prodigieux de votre géniale observation !

    Et c’est à la façon dont le professeur Viso : radio-astronome en chef du complexe d’Arecibo lui expédie sa sentence, étayée de concert par un regard sagace à la frontière de la folie, que Tom Markham comprend que sa brillante découverte vient d’être entérinée par l’une des plus hautes instances qui soient.

    Une trouvaille qui s’érige dorénavant jusqu’à l’acmé des plus grandes révolutions cognitives de l’histoire humaine.

    – La Planète No 209 ! On a de nouveau capté son signal Tom ! poursuit le savant en le scrutant fixement en dépit de sa petite taille par-dessus ses montures décidément intenables. C’est incontestable ! Surenchérit-il. Et cela est tellement stupéfiant, que toute votre révélation semble relever de la pure science-fiction !

    – Hum, ne soyez pas trop péjoratif envers ce type de littérature cher professeur ! N’oublions pas que les derniers prophètes, qui nous auront permis d’écarquiller nos yeux devant les champs du possible, se sont abrités eux-mêmes au sein de cette école de pensée hétérodoxe !

    Mais que vous avais-je donc allégué à ce sujet, Josian ? Et tout ceci lors de sa dernière libration, n’est-ce pas ?

    – Affirmatif Tom ! Cela s’avère on ne peut plus exact ! C’est pourquoi je viens vous faire amende honorable !

    La pluie frappe, comme à grands coups de marteaux, la coupole en verre qui leur sert de toiture. Tom se remémore subitement qu’il a omis de remonter la vitre à passagers du pick-up. Celle-là même où il s’était mis à héler en vain le feu messager du Diable.

    Mais c’est surtout afin de mieux rafraîchir sa cervelle en ébullition qu’il excipe de sa sortie, sous la cataracte crépusculaire, en direction du tout-terrain. Tout en dédaignant le large parapluie rouge que lui brandit vaillamment le maigre binoclard de professeur.

    La cacophonie des coquilles se fait entendre hardiment d’en-dessous du dôme concave du récepteur, accusant un diamètre de trois-cents mètres. Les coquilles se définissent par ces tendres et minuscules grenouilles, qui ont emprunté leur ravissant dénominatif à une triviale onomatopée.

    Ces menues dernières s’agglutinent en bon millier parmi les fougères aigles et arborescentes, protégées du martèlement aqueux par le patchwork épais de la hyaline coupole.

    Où un torrent tonitrue dans le puisard central, dans un glougloutement fantasmagorique de dragon diaphane.

    Tom Markham regagne le ressui du dôme de verre, totalement frigorifié par la pluie assombrie davantage dans le jour tombant.

    Josian Viso s’accroche toujours au manche du parapluie vermeil, qu’il tentait désespérément de lui tendre.

    Et ce n’est qu’après avoir vu le planétologue accepter tout de même sa serviette réconfortante, ainsi qu’une brûlante tisane au guarana, que le radio-astronome en chef s’empresse de libérer de sa cage le fauve de ses émotions :

    – Une planète habitée Tom ! Et dire qu’elle existe bel et bien ! Nous voici enfin affranchis du joug despotique de notre Soleil. Une planète quasiment invisible, occultée par l’étoile Alpha de la constellation du Phénix.

    – Alors, ne devrions-nous pas la baptiser de manière officielle Josian ? À seule fin d’échapper fort justement à tous les pauvres clichés ésotériques et antédiluviens des astronomes orthodoxes ?

    – Et que pensez-vous donc de ce doux nom de Psychotria, monsieur le planétologue ?

    Le regard du professeur Viso semble soudainement possédé, pareil à celui extatique d’un chamane amazonien. Mais Tom Markham y voit cependant s’agiter les étoiles du champagne que soulève à présent avec une ostentation folle le vieux malingre de professeur.

    – Psychotria ? Vous voulez parler de cette énorme fleur de sang, en forme de bouche fardée, qu’abrite encore notre jungle secrète ?

    – Exactement Tom ! Ce sera là notre onction offerte à ce nouveau royaume : en même temps qu’une ravissante fleur rouge un baiser !

    – Parfaitement trouvé professeur, va pour Psychotria !

    Mais avant, dites-moi seulement Josian : qui a bien pu en émettre ce signal ?

    PARTIE 1 :

    Arcaniens

    Il m’initie aux arcanes du silence

    L’oiseau

    Qui simule le sabre des roseaux

    Et s’élance

    Chapitre 1

    L’année 2179.

    Autrement dit cent cinquante ans plus tard exactement, mais au large d’Arcania. Une planète phénicienne semblable à une grande Terre, qui tourne avec ses cinq sœurs autour de l’étoile géante orange : Lucifer.

    Le Phaéton file à travers le vide sidéral. Pareil à une comète folle il répand son linceul de glace.

    Le commandant Juan Rommez et son second : John Falco s’interrogent encore au sujet de cette immense planète, résidant à la même distance qu’Arcania de leur étoile commune. Exactement aux antipodes. Et décrivant avec sa sœur une ronde synchrone. Comme un authentique leurre spéculaire. Une bizarrerie stellaire.

    – Cela m’étonne encore Juan, que depuis toujours cette jumelle d’Arcania ait vécu submergée par l’aura de Lucifer, mais que tout au long de l’histoire les Arcaniens aient tout de même subodoré sa présence !

    – Il faut seulement comprendre John ce que ressentent éperdument les jumelles, à propos de leurs sœurs disparues, parfois séparées dès la naissance !

    – Mais pourquoi donc la prolifération du vivant lui aura-t-elle accordée cette apparence si divergente de notre planète bleue ? Un ciel vert, un océan de neige, des forêts azurées ? Et surtout cette absence totale d’architecture humanoïde ?

    – Je doute que ni nos orbiters et ni nos landers, pas même nos légions de drones d’observation ne nous aient délivrés, dans le courant de cette dernière décennie, un inventaire circonstancié sur l’étendue de ses espèces !

    – Il est vrai Juan que l’exploration arcanienne elle-même est encore loin d’avoir atteint son seuil de saturation !

    – Et c’est bien la raison qui explique que nous nous retrouvions à bord de cette hypernef : cinq mutants en marche pour une première incursion humanoïde.

    – Correction : tu voulais plutôt dire trois mutants. Pour rappel Algol et Norak ne sont rien d’autres que des frères cyborgs !

    Sabre est certes une tigresse psychotrienne à squelette d’incarnadium. Mais au niveau mutation, il est vrai qu’on aurait résolument du mal à concocter de meilleur spécimen !

    En entendant son nom la tigresse géante originaire des glaces de Psychotria, aux canines hypertrophiées de métal-vivant, émet un puissant bâillement.

    Elle laisse ainsi scintiller, dans la lumière artificielle environnante, ses deux poignards azurés d’une aune de longueur. Son dernier combat contre les Bathorines d’un satellite de Saturnia n’a fait semble-t-il qu’aiguiser davantage ses invincibles armes létales. Parfaitement affûtées désormais pour cette prospection programmée dans les sylves inextricables d’Empyréa.

    En refermant tranquillement ses yeux riboulant d’étoiles, Sabre se remémore ses souvenirs saupoudrés de glace. Et le sel des Sirènes d’Encelade.

    Chapitre 2

    – Ton katana John ?

    – Parfaitement Juan, mon katana !

    – Un katana ! Et moi qui pensais qu’un grand gaillard comme toi se préoccuperait avant tout de sa pitance !

    – Eh bien j’attends toujours, quant à moi, ton unique choix ! À savoir pour quel artefact tu opterais sur notre île déserte ?

    Le commandant Juan Rommez adressa à son second un sourire ravisseur, comme afin de mieux étayer sa répartie :

    – Oh disons que j’hésite encore entre la scie et la hache. Le harpon ou alors le fusil. La machette m’apparaît également un assez bon compromis.

    Mais c’est toutefois sur la hachette que tu m’as offerte que je jetterais, au bout du compte, mon ultime dévolu mon cher John Falco !

    Un soleil palot, pas plus chaleureux qu’une vieille led sous un plafond fuligineux, parvenait à peine à réchauffer l’intérieur de la passerelle du tunnelier-brise-glace. Où se dressaient nos deux officiers, en compagnie de leur grosse chatte.

    Les deux colosses arcaniens, y compris leur smilodon de combat, avaient en charge de convoyer toute une horde de repris de justice, vers un internement sans retour : l’Armatraz.

    À bord du Blackhole, cette phalange de dégénérés était encadrée par deux matons cyborguisés. Arcaniens également ces deux frères répondaient consécutivement aux uniques dénominatifs d’Algol et de Norak. Deux androïdes assistés la majeure partie de leur convoyage par Sabre : la tigresse psychotrienne à canines d’incarnadium.

    À la surface blafarde et âpre de l’astre, le Blackhole ne se réduisait plus qu’à un vulgaire petit point noir.

    Un demodex insignifiant qui traçait ses traits d’union argentés de limace au travers des banquises d’albâtre, des plaques de congères, des packs et des séracs d’un paysage ultragelé et chaotique.

    Celui d’un satellite naturel conquis voilà deux décennies déjà par les humanoïdes d’Arcania.

    Cette grosse ampoule crayeuse, cratérisée et lacérée de marbrures étranges, au large de laquelle une comète ivre déployait son vol éthylique de papillon phosphorescent, était devenue en 2174 un nouveau bagne en quelque sorte.

    Où quelques légions de desperados, semblables à des spectres déportés, s’échinaient tant bien que mal à terraformer pour leur survie cette boursouflure de Saturnia : Encelade.

    Tandis que le Blackhole poursuivait inlassablement son entreprise de démolition à travers le roc immaculé, nos deux hommes reprirent leur vaine conversation.

    Rommez porta la main à la poignée d’un tiroir à glissières, située juste en-dessous du tableau de commande. Il en fit jaillir son outil de prédilection, archaïque déjà, avant d’épiloguer :

    – Celle-là même que je t’avais réclamée frérot ! Il y a désormais cinq années arcaniennes. Pour mon quarantième anniversaire, mes noces d’émeraude avec la vie.

    – Ravi d’observer que tu la possèdes toujours ! Son manche en bois-de-serpent et son fer d’arcanium m’auront valu un sacré paquet de soleils verts, crois-moi mon pote !

    – Attends donc salopard ! Le sabre que je t’ai offert en retour m’aura bien coûté un bras aussi ! Je me rappelle qu’il y a deux ans, pour la même célébration : tes quarante ans, j’avais dû remué tous les antiquaires de la Métroplanète, afin de te dénicher ce collector de tarlouze ! Une lame d’incarnadium pur, polie par le maître Ueshiba lui-même ! Et surtout enchâssée dans un tsuka de carbonado, sculpté dans une météorite d’origine inconnue !

    – Ce doux joujou t’aura peut-être amputé d’un bras Juan ! Mais cela me fait toujours une belle jambe, crois-moi ! Surtout avec une lame de plus d’une aune de longueur !

    Après avoir épuisé son rire stérile, à l’image de son lamentable calembour, John Falco s’empara à son tour de son talisman personnel. Suspendu tout bonnement dans un fourreau dorsal en peau de yack arcanien, empestant l’acide de la sueur.

    La lame azurine flamboyait à présent dans la lumière anthracite de Saturnia, médusant tous les regards. Mais un bruit dominant vint mettre en alerte le duo de mutants : le feulement monstrueux de Sabre.

    Et le plus intriguant était que ce geignement rauque s’élevait solitaire au milieu des grands panaches de l’espace glacé d’Encelade.

    Et le brusque black-out du tunnelier-brise-glace…

    Chapitre 3

    De gros ventilateurs industriels barattaient le beurre de la chaleur engendrée par le cœur du tokamak nucléaire du Blackhole.

    C’était à cet étage du pont inférieur qu’on maintenait sous très haute sécurité nos sept assassins.

    Et survenue l’heure du déjeuner, il était donc grand temps de passer en revue la liste noire de ce septuor de l’enfer.

    Pour la terraformation d’Encelade il s’avérait toutefois inutile, en ces temps de pauvre avancée d’une technologie scientifique toujours budgétisée au lance-pierre, de compter sur un hypothétique surnombre.

    Car même dans le Pôle Sud du petit satellite accusant pour moitié la surface de Sélénia : l’unique lune arcanienne, où avait été érigée la forteresse de l’Armatraz au sommet d’un cryovolcan éteint, où les températures excédaient de presque cent degrés Celsius celles de la majeure partie de l’albe sphère, la vie exobiologique devait pouvoir supporter encore des froidures avoisinant les cent degrés en-dessous du zéro.

    Voilà par conséquent les redoutables raisons pour lesquelles nos sept criminels, à l’instar de leurs cinq matons mais aussi l’intégralité des membres de la petite colonie de bagnards qui avait entamé la terraformation d’Encelade depuis deux siècles désormais, ne possédaient plus grand chose en commun avec l’homo-consumeris arcanien contemporain.

    Les uns provenaient des camps de spéciation d’Alaskae. Les autres de ceux de Sibéria. Les derniers enfin du cœur le plus algide des pôles de la Planète de Saphir.

    Tous cependant avaient subi un même traitement mutagénétique, suite à une préalable séquestration. En vue de leur affectation forcée sur les lunes périphériques du Système Luciférien.

    De longs sévices infligés par des scientifiques militarisés, qui avaient consisté à transmuter leur sang en une sorte d’antigel lymphatique.

    Une transfusion cellulaire extraite d’animaux extrémophiles : telles que les lanternes des glaces, enclines tout bonnement pour leur hibernation à une involution dans le sein inhospitalier des banquises elles-mêmes, en état de diapause ultime. Établissant à l’intérieur de leur organisme comme un circuit ouvert d’antigel liquide, maintenu grâce à une minuscule pompe cardio-vasculaire, fonctionnant à l’absolu ralenti.

    Quant à leur cerveau, celui-ci avait fini enrobé d’une boîte crânienne de néométal. Elle trônait au vertex d’un squelette composé d’un même minerai, à la densité dix fois supérieure à celle des os arcaniens.

    Un mutant enceladien ne pesait pas moins d’une tonne sur Arcania. Raison qui justifiait amplement qu’un exosquelette personnalisé d’arcanium : un ultramétal qui agissait comme bouclier face aux radiations lucifériennes, et équipé de propulseurs au thorium, leur avait été attribué.

    Tout ceci afin de leur permettre à tout instant de solliciter une vitesse de libération à la gravité, vingt fois plus faible

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