Vers une nouvelle ruralité: L'expérience des Ateliers des savoirs partagés
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À propos de ce livre électronique
Fruit d’une expérience de coécriture et de recherche partenariale, ce livre s’adresse à un lectorat intéressé par les enjeux et défis qui se posent en milieu rural et constitue un appel à l’action pour celles et ceux qui croient en la force des communautés pour transformer la société.
Juan-Luis Klein
Juan-Luis Klein est professeur titulaire au Département de géographie de l’Université du Québec à Montréal et membre du Centre des recherches sur les innovations sociales (CRISES).
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Aperçu du livre
Vers une nouvelle ruralité - Juan-Luis Klein
Introduction
Juan-Luis Klein, Denis Bussières, Christine Champagne, Caroline Dufresne, Maude Léonard et Pierre-André Tremblay
Ce livre porte sur les défis posés par le renouvellement de la ruralité au Québec ; ruralité dont le visage s’est transformé au fil du temps, des visées et des conceptions des acteurs en présence. Associée à un espace d’émancipation et d’expérimentation, de liberté, de découverte, de vie (ou de survie), de solidarité ou encore d’harmonie pour certains, elle est aussi perçue (par d’autres ou parfois par les mêmes) comme un espace à exploiter et à aménager en vue de prélever les ressources naturelles et d’assurer la production de richesses. Ces différentes visions donnent lieu à des vocables différenciés qui passent des milieux de vie à l’exploitation forestière, agricole ou minière, témoignant de la tension entre habiter et coloniser.
Au Québec, comme ailleurs, le développement des milieux ruraux a été marqué par des dynamiques économiques et sociales en évolution constante. D’abord espaces à apprivoiser, puis à exploiter, les territoires ruraux ont rapidement servi de pilier à l’économie québécoise et ont contribué à l’essor de ses industries par l’abondance de leurs ressources (bois, eau, faunes, minéraux, terres agricoles, énergie). Mais cette dynamique extractive n’a jamais été sans bousculer une autre occupation du territoire, davantage ancrée dans la paysannerie et un certain modèle villageois.
Au fil des décennies, l’intensification de l’agriculture, la mécanisation, la concentration des terres, l’urbanisation rapide, puis la mondialisation ont amené des bouleversements économiques et sociaux importants pour les régions rurales. Ces bouleversements se sont soldés par un exode vers les villes, une diminution des services offerts dans les milieux ruraux et une dépendance accrue aux prix fixés par les marchés extérieurs pour les matières premières. Ainsi, les milieux ruraux ont été fragilisés et profondément transformés.
1. Les problématiques du développement rural
Aujourd’hui, le modèle extractiviste qui préside aux transformations indiquées ci-dessus est largement critiqué pour ses impacts négatifs sur les écosystèmes et le bien-être des communautés locales. La concentration de la propriété foncière, la dégradation des écosystèmes ou encore les conflits d’usage sont parmi les effets secondaires couramment décriés de ce type de développement. De plus en plus, ce modèle est perçu comme aggravant les inégalités sociales, nuisant à l’environnement et laissant peu de bénéfices économiques pour les populations locales qui se retrouvent en quelque sorte aliénées et dépossédées de leurs ressources, d’une grande partie des retombées économiques et parfois même de leur territoire. Cela invite à réfléchir à de nouvelles approches de développement rural plus respectueuses des populations locales et de la complexité des écosystèmes.
De nombreuses initiatives émergent pour proposer des alternatives au modèle dominant et plusieurs acteurs cherchent à réinventer la ruralité en s’appuyant sur les principes de solidarité, de réciprocité, de créativité et d’innovation, ainsi que sur l’émergence de nouveaux rapports à la nature et au territoire. Ces initiatives mettent l’accent sur la diversification économique, le ménagement des milieux de vie, le respect de l’environnement et la participation citoyenne, offrant ainsi une vision plus inclusive et holistique du développement.
Cependant, les porteurs de ces initiatives se heurtent souvent à des obstacles, tels que le manque de soutien financier, le manque d’accompagnement, un difficile accès aux marchés ou des barrières réglementaires. Ils font aussi face à une culture politique dominante qui, malgré des discours teintés d’enjeux écologiques et sociaux, reste encore grandement influencée par l’attrait de la croissance économique. C’est pour surmonter ces obstacles et œuvrer à la vitalité des milieux ruraux que l’expérience des Ateliers des savoirs partagés (ASP) a vu le jour.
2. Le rôle des Ateliers des savoirs partagés dans l’émancipation locale
Les espaces de réflexion, de créativité et de collaboration proposés par les ASP offrent une plateforme pour penser les nouvelles perspectives qui réorientent le devenir rural et pour expérimenter des pratiques qui favorisent ses transformations. La méthodologie des ASP est inspirée par le croisement des savoirs (universitaires et expérientiels). Celle-ci est constituée d’activités de liaison et s’appuie sur des pratiques variées de réflexion, d’action, d’animation et de recherche. Elle vise à favoriser le développement de communautés innovantes, apprenantes et solidaires, ainsi qu’à renforcer la capacité d’agir des leaders locaux et les pratiques démocratiques et inclusives.
En offrant différentes occasions de maillage à des collaborateurs et collaboratrices de profils divers (chercheurs, agentes de développement, citoyens, élues municipales, etc.), les ASP permettent la circulation d’idées, d’expériences et de savoirs subversifs participant à la construction de modèles de développement, mais aussi de ménagement plus respectueux de la vie et des territoires ouvrant vers une transition socioécologique juste.
Puisque les transformations à opérer ne se font pas spontanément, mais qu’elles doivent être réfléchies, expérimentées et partagées, l’échange entre les diverses communautés et avec le monde de la recherche sur des initiatives territoriales ou collectives d’ici et d’ailleurs est la clé de leur diffusion et de leur appropriation. Les ASP peuvent alors être compris comme une sorte de fabrique d’innovations socioterritoriales pour les communautés engagées dans la démarche.
Les ASP mobilisent différentes approches et de multiples pédagogies : ateliers, visites, chantiers de réflexion, forum, écoles d’été, documentation d’initiatives inspirantes, construction de récits, etc. Elles ont pour objectif de redonner aux communautés des moyens de favoriser la vitalité de leur milieu. Elles veulent aussi favoriser l’émergence d’idées et de trajectoires nouvelles et, ainsi, soutenir les localités en proposant des perspectives innovantes, voire des utopies, souhaitables et réalisables.
Les ASP ouvrent ainsi la voie à des pratiques émergentes qui participent de la réappropriation des territoires ruraux par leurs populations, non seulement en matière de gestion des ressources, mais aussi en matière de gouvernance et d’identité locale. Loin du modèle extractiviste dominant dénoncé ci-dessus, ils offrent une vision de la ruralité en matière de milieux de vie dynamiques et créatifs dans leurs réponses aux défis posés par la transition socioécologique.
3. Un ouvrage collectif fruit d’une expérience de coécriture et de coconstruction
La vitalité rurale est un enjeu transdisciplinaire et plurisectoriel. C’est par les voies de l’innovation sociale, du développement territorial, rural et communautaire ainsi que de l’animation locale que les différents auteurs contribuent à la réflexion sur les nouvelles ruralités. Cet ouvrage participe d’une mise en dialogue entre savoirs théoriques et pratiques présents au sein des ASP, qu’ils proviennent du monde de la recherche ou des milieux de vie, chacun apportant un angle d’analyse complémentaire permettant de baliser une perspective émancipatrice de la ruralité.
Le processus même de réalisation de cet ouvrage en fut un de coconstruction de la connaissance avec de nombreux allers-retours liés aux processus de validation, d’appropriation et de traduction entre des visions et des vocables disciplinaires professionnels et culturels variés. Il aura fallu ainsi plus de 18 mois entre l’ébauche d’un plan de travail et la finalisation de l’ouvrage. Plusieurs chapitres résultent d’une collaboration entre acteurs terrain et universitaires, permettant d’aborder des thèmes à différents niveaux et de trouver des clés de compréhension pour une diversité de publics. Nous considérons que cette multiplicité des points de vue, sans quête d’unanimité, constitue une force. Cette diversité n’est certes pas exempte de tensions, mais, à l’image des ASP eux-mêmes, elle contribue à l’enrichissement des interactions et des discussions, ce qui est plus porteur selon nous que l’adoption d’un corps de doctrine.
4. Pour un bon usage de ce livre : outils de navigation
L’écriture de ce livre a été guidée par trois préoccupations essentielles. La première porte sur la démarche des ASP. Elle demande en quoi et comment elle s’inscrit, ou non, dans la mouvance des nombreuses tentatives cherchant à atténuer les effets négatifs liés à l’accélération des injustices écologiques et à l’augmentation des injustices sociales. La seconde préoccupation soulève l’enjeu du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités engagées dans les ASP. Comment pourraient-elles être en mesure de participer à l’inflexion des tendances historiques qui mènent au développement inégal dominant ? En d’autres termes, comment arriventelles à s’inscrire dans des démarches de transition sociale et écologique ? Enfin et surtout, la troisième préoccupation est de comprendre comment les communautés peuvent développer les capacités nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre des modes d’habiter qui reposent sur des conceptions du vivre-ensemble qui permettent de créer des milieux de vie socialement justes et écologiquement viables.
Les chapitres du livre apportent des éléments de réponse à ces questionnements. Dans le chapitre 1, les auteurs retracent le parcours émancipateur des communautés rurales québécoises. Pour ce faire, ils présentent les deux logiques en tension qui ont façonné la ruralité depuis la colonisation, à savoir la perspective extractiviste et celle des milieux de vie, l’agriculture y jouant tantôt un rôle pivot (agriculture familiale en régions centrales), tantôt un rôle de soutien à d’autres activités extractives (agriculture de subsistance en régions périphériques). Ils retracent l’historique de la perspective extractive appuyée par des politiques publiques de modernisation et des résistances qui ont émergé face à cette trajectoire imposée. Ils présentent notamment les actions du Bureau d’aménagement de l’Est-du-Québec (BAEQ) motivées par une stratégie de modernisation économique des milieux ruraux éloignés ainsi que les réactions des populations concernées. Ils montrent également comment ces résistances initiales ont évolué en un mouvement social plus large visant à renforcer l’autonomie et la vitalité des communautés rurales à travers des réformes politiques et institutionnelles (création des municipalités régionales de comté [MRC], d’outils législatifs de protection territoriale, de la Politique nationale de la ruralité, des pactes et laboratoires ruraux, des centres locaux de développement) et la mise en place d’organismes de soutien et d’animation des milieux ruraux. Ces organismes n’ont pas résisté au tournant néolibéral qui les a démantelés, affaiblissant du coup les communautés rurales. Au travers de cette trajectoire se profilent les espoirs et les pratiques qui renouvellent la ruralité.
Dans le chapitre 2, pour répondre aux enjeux socioécologiques, les auteurs proposent des solutions visant à relocaliser l’économie, c’est-à-dire dans ce cas à la réimplanter localement, et à adopter de nouveaux modes de gouvernance. Pour ce faire, les communautés rurales sont invitées à sortir de la mentalité extractiviste pour miser sur le bien-vivre et la convivialité, à connecter les diverses initiatives locales présentes sur leur territoire pour faire système et gagner en autonomie ainsi qu’à favoriser la coopération entre différentes communautés rurales et avec d’autres territoires. Plusieurs choix s’offrent aux acteurs pour enclencher la transition socioécologique : virage technologique, adoption progressive de politiques publiques adaptatives, changement culturel radical centré sur la convivialité et la décroissance, transformation radicale par la priorisation d’une écologie politique profonde. Pour les auteurs du chapitre, le saut passe aussi par une refonte des modes d’habiter, à travers des pratiques inclusives, solidaires et respectueuses des écosystèmes, mais également une valorisation des spécificités locales et le respect du vernaculaire et de la différence. La réhabilitation des communs et l’émancipation des communautés rurales, sur les plans politique, économique et culturel, sont également identifiées comme des conditions essentielles pour une transition réussie ciblant la justice écologique.
Dans le chapitre 3, les auteurs nous invitent, à partir des différentes phases des ASP, à saisir l’évolution, les composantes ainsi que les approches, méthodes et pédagogies mobilisées par ce dispositif cherchant à favoriser l’innovation sociale, la réflexivité et la solidarité. L’histoire des ASP nous permet de voir comment une collaboration entre chercheurs de diverses universités et divers acteurs de la communauté de Saint-Camille a permis de réfléchir sur des modalités d’action coconstruites en vue d’outiller les citoyens et leaders locaux pour infléchir les processus de dévitalisation, essaimer et rejoindre une quinzaine de communautés dans plusieurs régions du Québec. Le chapitre explique comment la pluralité des acteurs impliqués au sein des ASP fait converger une diversité d’approches méthodologiques et pédagogiques et favorise la reconnaissance de différents types de savoirs.
Dans le chapitre 4, les auteurs présentent le modèle organisationnel et la gouvernance des ASP en reprenant les différentes phases de l’expérience. Son évolution a été marquée par des transformations des types de coopération et la complexification de sa structure de gouvernance, ce qui pose des défis nouveaux. Le chapitre montre les différentes configurations territoriales et humaines des collaborations, échanges et apprentissages menés dans les ASP. Il présente les défis liés à une gouvernance horizontale qui cherche à favoriser l’expression de toutes les voix et la coconstruction des activités. Loin de la simple coordination technique, on voit le rôle primordial joué par l’animation locale pour relier et agencer différents mondes, créer des liens de confiance propices à l’action collective, construire des récits porteurs des aspirations collectives et promouvoir des valeurs de solidarité et d’ouverture.
Dans le chapitre 5, les auteurs soulignent la pertinence de se doter d’une démarche d’évaluation souple et en continu qui respecte les va-et-vient propres à l’expérimentation de la trajectoire d’innovation sociale. Dans un contexte comme les ASP, les pratiques d’évaluation s’ajustent, se modélisent et s’entrecroisent en fonction des usages variables selon les acteurs (du terrain, de la recherche, des organismes financeurs) et les besoins (d’apprentissage, d’analyse scientifique, de reddition de comptes). Ce chapitre permet dans un premier temps de brosser le portrait des démarches d’évaluation des ASP et de montrer comment les pratiques qui leur sont propres se sont ajustées au fil des itérations. Les auteurs présentent ensuite comment, dans leur forme intégrée et axée sur la confiance, ces pratiques d’évaluation peuvent être porteuses de sens dans la réflexion sur les principes jetant les bases d’une nouvelle ruralité.
Dans le chapitre 6, les auteurs mettent en lumière l’importance des ASP dans le renforcement de l’action collective au sein des communautés rurales. Ils amènent à saisir le rôle de la recherche dans l’enrichissement des pratiques territoriales ainsi que l’apport de l’animation et des collaborations entre les territoires sur la capacité des communautés à mettre en œuvre des projets porteurs de sens et de vitalité. Le chapitre montre le rôle central joué par les intervenants collectifs dans les processus de développement rural et d’accélération des processus d’innovation sociale, par la mise en relation d’acteurs de différents secteurs (communautaire, de l’économie sociale, des institutions publiques, de la politique municipale et régionale, etc.) et de différentes échelles d’action (locale, régionale, nationale). Pour illustrer cette dynamique, les auteurs sont allés à la rencontre des intervenants. C’est donc à travers leurs mots qu’on saisit comment les ASP génèrent des liens de confiance et de réciprocité porteurs de transformations sociales.
Dans le chapitre 7, le potentiel transformateur des ASP pour le monde de la recherche est exploré. Les auteurs abordent le renouvellement paradigmatique sous-jacent aux pratiques collaboratives expérimentées au sein des ASP. Ils expliquent qu’en proposant aux chercheurs et étudiants diverses avenues de collaboration et d’implication, les ASP offrent un cadre propice à l’horizontalité des savoirs et à une expérience sensible de la recherche. De plus, les liens continus entre chercheurs et territoires permettent à ceux-ci de saisir les émergences et d’analyser les dynamiques de transformation sociale par la base in situ, notamment en matière de transition socioécologique. Le chapitre insiste sur la transdisciplinarité féconde favorisée par l’« espace recherche » des ASP, ce qui amène une lecture hybride de la ruralité et du développement des collectivités inspirée des divers champs disciplinaires. Finalement, le chapitre montre en quoi les liens tissés avec les communautés rurales permettent d’enrichir les enseignements universitaires et de proposer des expériences pédagogiques ancrées, ce qui favorise la formation de professionnels aptes à agir en collaboration avec les acteurs en accord avec leurs besoins.
Dans le chapitre 8, les auteurs affinent la compréhension des ASP en retraçant les chemins qui ont façonné les intentions et la vision qui orientent l’évolution de l’expérience. Ils présentent ensuite les différentes approches et formes pédagogiques qui teintent les activités des ASP. Le chapitre pose l’hypothèse que le croisement des savoirs peut accélérer la résilience des communautés et l’innovation sociale et que la mobilisation de diverses pédagogies (de la visite, du chaos, de la question, de la reconnaissance) dans des contextes conviviaux favorise la circulation et l’appropriation des connaissances, l’émergence d’idées nouvelles et le renforcement de liens de confiance entre les acteurs.
Dans le chapitre 9, on revient sur l’apport des ASP en tant qu’expérience de coconstruction d’une approche stratégique de transformation de la ruralité dans un contexte de transition plus globale, en reprenant les voies ouvertes par les chapitres 1 et 2 et parcourues en filigrane par les chapitres suivants. D’abord, le chapitre cadre le contexte sociotechnique global où des changements en cours intensifient les facteurs à la base du modèle extractiviste. Ensuite, le chapitre cible la critique de ce modèle et les options qui se dégagent à partir de la réflexion qu’inspirent les ASP concernant une ruralité émancipée. En troisième lieu, le chapitre explore les perspectives pointées par la collaboration entre les milieux de la recherche scientifique et des pratiques en ce qui concerne la coconstruction des connaissances susceptibles de favoriser ladite émancipation. Puis, le chapitre se penche sur la capacité d’agir, soit l’empowerment des acteurs locaux et des communautés, que donnent à voir les initiatives lancées dans le cadre de l’expérience des ASP. Cette expérience est analysée en tant que dispositif d’expérimentation, voire de laboratoire vivant, où de nouvelles modalités d’action sont mises à l’épreuve en vue d’une transition sociétale et écologique juste aussi bien pour la société en général que pour le monde rural.
Le pari pris par les auteurs de ce livre a été d’inscrire l’expérience des Ateliers des savoirs partagés dans une réflexion plus globale sur les nouvelles ruralités, mais aussi sur les nouveaux modes de production de connaissances alimentant des communautés équitables. Les ASP servent donc de tremplin pour retracer la trajectoire de développement rural au Québec et les réponses des acteurs aux transformations en cours, notamment face aux impératifs de la transition socioécologique. Il montre également comment l’interconnexion d’êtres humains de mondes différents demeure le meilleur gage de créativité !
Chapitre 1
La question rurale au Québec au 21e siècle : pour une approche émancipatrice
Mélanie Doyon, Juan-Luis Klein, Mario Handfield, Sylvain Laroche, Lucie Morin, Pierre-André Tremblay et Sabrina Tremblay
Ce chapitre rappelle les principaux enjeux qui découlent du rattachement des milieux ruraux du Québec à une économie extractive qui les fragilise et les rend vulnérables et situe l’initiative des Ateliers de savoirs partagés (ASP) en tant qu’expérience émancipatrice¹. Au Québec, ces enjeux s’inscrivent dans une trajectoire où le développement des territoires ruraux est façonné par les politiques et programmes d’aménagement et de développement régional, notamment à partir de la Révolution tranquille qui, comme on le sait, amorça à partir de 1960 un changement important dans les structures gouvernementales, dans l’organisation des services et dans la gouvernance des territoires. Ces interventions tant politiques que sociales donnèrent forme au « modèle québécois de développement » (Bourque, 2000). Ce modèle met en scène des processus qui évoluent, mais dans lesquels la société civile occupe toujours une place importante dans la définition de ces enjeux et interventions, place qui varie évidemment selon les changements dans les paradigmes dominants et les options politiques privilégiées par les partis au pouvoir. Ces changements, dans leur ampleur et leur complexité, touchent au rural comme mode d’habiter le territoire et comme milieux de vie².
L’application des politiques et programmes gouvernementaux au monde rural révèle la confrontation de deux visions de la ruralité, ce qui témoigne de l’importance de considérer les acteurs collectifs qui y prennent part. La première de ces visions conçoit le territoire rural comme un gisement de ressources à exploiter, y compris les ressources humaines, dans une perspective de croissance et de production de plus-values appropriables par les différents types de capitaux concernés. C’est pourquoi on peut désigner cette vision comme extractiviste.
Les premiers travaux sur le concept d’extractivisme se référaient spécifiquement aux rapports économiques internationaux qui imposaient et imposent toujours à des pays dits du Sud, notamment en Amérique latine, de se consacrer aux activités d’extraction et d’exploitation des ressources naturelles, incluant l’activité minière, la sylviculture, la pêche et l’agriculture (Acosta, 2013). Mais les applications de ce concept ont évolué. Progressivement, il s’est imposé comme une façon de relier des approches économiques productivistes qui ont des effets directs et indirects sur la nature et sur les équilibres écologiques (Chagnon et al., 2022). En fait, l’extractivisme est considéré aujourd’hui comme le concept unificateur des caractéristiques d’un modèle économique prédateur et destructif de la nature, incluant l’ensemble des secteurs économiques. On comprend qu’il déborde de la seule ponction des ressources naturelles (secteur « primaire ») et comprend aussi leur transformation (secteur « secondaire »), tout autant que le secteur des services aux personnes et aux entreprises (secteur « tertiaire »), les modes de gouvernance, etc. (Chagnon et al., 2022).
La seconde vision de la ruralité est celle d’un cadre
