Un roman dont vous êtes la victime - Poussière
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À propos de ce livre électronique
que des décisions à prendre, qui mèneront inévitablement à des péripéties et des fins différentes.
Vous comprendrez bien vite qu’il y a parfois des conséquences pires que la mort.
Marché aux puces de Saint-Hyacinthe, printemps 2001.
Zack Brabant, sept ans, profite de l’absence de son père pour s’aventurer dans les allées.
Benoit part à sa recherche. C’est alors qu’un message retentit à l’intercom. Thomas Maheux exige
qu’on vienne le rejoindre. Sinon, il va tuer. Encore et encore.
Confronté à l’horreur, Benoit Brabant n’a qu’une idée en tête : sauver son fils.
Y parviendra-t-il?
Il n’en tient qu’à vous, lecteurs, d’éviter que cette virée au marché aux puces
ne se transforme en un véritable cauchemar…
Vincent Fournier-Boisvert
Originaire de St-Hyacinthe, Vincent Fournier-Boisvert est musicien et enseignant. Il a joué pour Cavalia et dans des groupes de trad, de free jazz et de black métal. Le puits est son premier roman.
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Avis sur Un roman dont vous êtes la victime - Poussière
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Aperçu du livre
Un roman dont vous êtes la victime - Poussière - Vincent Fournier-Boisvert
Chapitre 1
— Zack ?
Rien à faire. Y me répond pas. On dirait une bonne sœur vissée sur son prie-Dieu.
Cet encanteur-là a du bagout, faut dire. J’ai jamais entendu quelqu’un parler aussi vite. Les mots sortent de sa bouche à cent milles à l’heure, tellement qu’on a de la misère à le suivre :
— … une laitièr’, mil’ quat’ cent soixant’-douz’ liv’… on part ça à trent’-cin’ cenn’, je répèt’, trent’-cin’ cenn’… en avant, oui, j’vous ai vu, le quarant’-deux, le quarant’-deux… trent’-cin’ une fois, qui dit mieux, qui dit mieux ?…
Fait quinze minutes qu’on poireaute dans les estrades. Je sais pas trop ce qui m’a pris en passant les portes. Une baisse de pression, sans doute. Je suis étourdi. J’ai mal au cœur. L’odeur, sûrement. Le mélange de foin pis de purin.
C’est mon gars qui tenait à voir ça. On est venus plein de fois au marché aux puces, jamais à l’encan. Y a pas arrêté de m’achaler durant le trajet. « On endure ça le temps de deux animaux max, OK ? », que j’ai fini par céder en sortant du camion. Ça tombe ben, cette vache-là, c’est l’avant-dernier item de la journée. Une Holstein. Noire et blanche, pareille comme sur les pintes de lait. L’encanteur a beau y mettre du sien, personne est dupe : les pis sont taris, ça va finir en boulettes de steak haché, cette bête-là. Je veux dire, personne, sauf mon gars. Y a eu sept ans la semaine passée ; y est persuadé qu’y va repartir d’ici avec une vache.
Juste à voir le petit pli que prend sa lèvre du dessus, je peux déjà deviner sa prochaine question. Je le connais comme si je l’avais tricoté, mon gars. Pendant que j’y replace une bouclette derrière l’oreille, y me lance :
— Envoye donc, p’pa ! J’ai presque deux piastres dans ma tirelire ! Dis oui !
— Pis où est-ce qu’on va la mettre, Zack ? Tu y as-tu pensé ?
— Ben dans ‘cour, voyons ! J’vas m’en occuper ! Promis !
Attacher une vache derrière le cabanon : quelle excellente idée, Zack ! Si c’était pas de la crampe qui a commencé à me tordre le ventre, j’aurais peut-être trouvé le moyen de tourner sa demande en séance de chatouilles. Pour l’instant, j’ai pas trop envie de rire. J’ai surtout le goût de sortir d’ici.
— Envoye, p’pa ! Dis oui !
— Viens-t’en, là. On est pas venus pour ça.
— … numéro quarant’-huit, madame Aubert, en plein ça, oui, cinquant’-quat’ une fois, cinquant’-quat’, cinquant’-cin’ cenn’, désolé, madame Aubert, ça renchérit par là, le cent-touuâ, cinquant’-cin’ cenn’, qui dit mieux, qui dit mieux, le cent-touuââ…
— Ben envoye, p’pa ! Lève ta main !
Face de pet… que je soupire en m’attardant à ses belles joues couleur café. La vache, qui mâchouille un restant de foin, nous examine comme si on était le public le plus enthousiaste du coin. Y a une vingtaine d’acheteurs dans les estrades. À part les deux ou trois hurluberlus qui se relancent la balle, y a pas grand monde qui manifeste de l’intérêt. Elle fait aller sa queue contre son flanc. Un employé de la porcherie de Saint-Damase décide soudain de participer à l’enchère. J’ai pas le temps de me questionner au sujet de ce qu’y compte faire d’un bovin à la retraite que mon gars en rajoute une couche :
— Ici, monsieur ! Ici ! Moi ! Moi ! qu’y s’époumone, à moitié penché par-dessus la rambarde.
Quelques rires fusent. Une bonne femme aux cheveux grisonnants lève son carton, l’encanteur poursuit comme si de rien n’était :
— … cinquant’-huit cenn’, ben oui, le soixant’-douze, dans l’fond, pas d’problème, bienvenue, ben oui…
— Aye, face de pet, descends, que j’y dis.
J’ai pris ma grosse voix. Le parent plate : un rôle que j’ai de moins en moins le choix d’endosser ces temps-ci. Mon gars a compris le message. Y se rassoit sur son banc en croisant les bras. J’y attrape le menton pis j’y pince ses grosses lèvres épaisses pour les faire parler :
— « Bouh… bouh… bouh… Je m’appelle Zack pis j’suis juste un gros bébé… »
Y me souffle dans la face pis y me repousse avec sa main. Je me moque encore un peu de lui, y finit par se lever, frustré, pis par marcher vers la sortie. Ma victoire est de courte durée. J’ai pas fait trois pas dans sa direction qu’un fermier arrivant en sens inverse décide de m’accoster :
— Brabant, hein ? qu’y me demande, planté comme un épouvantail au milieu de la rangée de bancs.
C’est qui, ce vieux-là ?
Sa longue main veinée se pose sur l’épaule de mon gars, mais c’est moi qu’y regarde. Y me fixe comme si on avait élevé les cochons ensemble :
— Ben oui, t’es l’gars d’chez Laguë, hein ?
— J’suis mécano, ouin ? que j’y réponds, pas trop souriant.
— Non, c’pas ça, qu’y enchaîne en exhibant des incisives dignes d’un mammouth laineux. Chu chez New Holland, moé ! Vingt ans que j’t’avec eux autres, j’ai jamais eu d’troubles ! Mais bon, ç’a l’air qu’tu t’y connais pas mal en frais de transmission, hein ?
Qu’est-ce qu’y me veut, celui-là ? Y sait pas qu’on est samedi ? J’ai-tu l’air d’avoir envie de répondre à des questions de job ? Je fais jamais affaire directement avec les clients, de toute manière. C’est mon boss qui me réfère. Jean-Paul. Pis y est ben généreux, le patron, mais pas sûr, à voir l’allure de ce bonhomme-là, qu’y m’enverrait perdre mon temps chez un spécimen dans son genre. Salopette, doigts jaunis, cigarette à l’oreille, cheveux assez secs pour mettre le service d’incendie de la ville de Saint-Hyacinthe sur un pied d’alerte ; on a juste envie de le secouer au-dessus d’un cendrier, ce fermier-là. Bon, en même temps, c’est un petit monde, le monde de l’équipement agricole. J’ai rien à gagner à me montrer baveux. J’y réponds donc avec un minimum de politesse :
— Je fais la job, ouin. Mon boss m’apprécie, en tout cas. Au pire, appelez, monsieur Laguë lundi. Faut vraiment qu’on y aille, nous autres. Le marché ferme dans pas long, hein ?
— Bah ! qu’y continue, comme s’y avait le tympan percé. C’té engins-là, hein ! Non, j’ai rien qui penche pour ti suite — quoiqu’on sait jamais, c’est vrai, on sait jamais ! Rapport à ça, j’me d’mandais, la Coop, a fait-ti toujours affaire avec vous autres ? Ça doit, hein ? Dans l’temps… Entéka, amanché d’même — t’es pas un poids plume, toé, hein ? Pas un poids lourd non plus, c’pas ça que j’veux dire… —, ben l’travail doit pas t’faire peur, j’me trompe-ti ? Tu me r’places pas, hein ? Girard. Sul rang Giard. À Saint-Ro. T’es déjà passé par chez nous, ça s’peut pas…
— Girard & frères ? que j’y fais, aussi sec que ses sourcils.
J’ai nommé la première ferme qui m’est passée par la tête. Malheur à moi : j’ai misé dans le mille. Fier d’avoir planté le nom de son exploitation dans mon cerveau, le fermier enchaîne aussitôt :
— Girard & frères, en plein ça ! Moi c’est Gabriel. Gabriel Girard. Ça fait un bail qu’y a plus rien qu’moé pis ma femme sué papiers, par contre. Y a passé l’arme à gauche, le frère — Dieu ait son âme, comme on dit !… Pauvre Joe… Dieu ait son âme… Y en avait d’dans, l’frérot…
— Faque c’est ça, entéka…
L’encanteur continue de déverser sa diarrhée verbale dans le micro. Y sont maintenant quatre à se relancer. La vache a pas bougé — bon, un peu, sur sa gauche, pour nous présenter sa croupe couverte de boue pis de brindilles. Sinon, le décor est le même. J’ai toujours autant hâte de partir d’ici. Ça pue, ici-dedans. Ça pue le dalot.
— Vous connaissez mon papa ? s’informe soudain mon gars en levant deux billes foncées vers le mégot en salopette qui lui barre le chemin.
Mon gars pis son légendaire entregent… Comme l’encanteur lui accorde pas d’attention, c’est normal qu’y se tourne vers le fermier. N’empêche, Girard était à deux doigts de débarrasser le plancher ; Zack vient d’y tendre une perche longue comme le bras. Ça y est, c’est reparti :
— Eh boy ! Beau bonhomme, toé !… Comment s’tu…
— Vous réparez des tracteurs, vous aussi ? Mon papa, y parait qu’c’est l’meilleur, vous savez ça ?
— Oh !…
Non, je rêve pas. Pendant que Zack lui parlait, la vieille main ridée du fermier s’est rapprochée de son cou. Coudonc, y va-tu le flatter ? Ç’a pas l’air de déranger Zack : y lui adresse son plus beau sourire.
— … Eh ! Poli à part ça ! Son père a l’tour, faut croire ! Pis sa mère avec ! La pomme est pas tombée loin de l’arbre, entéka ! Un beau grand bonhomme ben élevé d’même — pis frisé à part ça ! C’est rare qu’on voit ça ! Chanceux, l’mécano ! Chanceux rare ! Quel âge que t’as, mon grand ?
Un des gars de la porcherie de Saint-Damase s’est tourné vers nous. Y doit se demander pourquoi le vieux Girard parle aussi fort. Mon gars a levé six de ses doigts devant lui. Je le corrige pas. Y sont rendus trois à nous regarder. Qu’est-ce qui nous prend de les déranger en plein encan ? Ou ben y s’interrogent sur la nature de nos liens. On se connait pas, que j’ai l’goût de leur répondre. Ni d’Ève ni d’Adam. D’ailleurs, je comprends pas plus qu’eux ce que…
… ce que la main dégueulasse du fermier fait maintenant enroulée autour de la nuque de Zack !
— Mmm ? !… Bon c’est pas tout, mais faut qu’on y aille, nous autres, que je fais, en me raclant bruyamment la gorge.
Mon affirmation échoue à chasser ces phalanges jaunies du cou de mon gars. Qu’est-ce qu’y fabrique, coudonc ? Ça s’fait pas, taponner un enfant qu’on connait pas ! Y manque d’amour à Sainte-Ro, c’est ça ? Ou ben, au contraire, y en pleut tellement chez les concitoyens de Germain Larivière qu’y en sont rendus à déverser leur affection sur tous les petits gars qu’y rencontrent ?
— Bon, scusez… que je proteste, un peu plus fort, pis en allongeant une jambe.
Je fais preuve d’autant de doigté qu’un buveur à qui on vient de servir un verre sans alcool. Je m’en sacre. Au diable le décorum !
— Hein ?
— On est pressés, là. Tassez-vous !
Non content de le tripoter, le fermier plie ses genoux de manière à arrimer ses prunelles à celles de mon gars. On dirait un pirate qui vient de déterrer un trésor.
— Pardon, monsieur Girard…
— Tsé, j’t’entendais, tantôt. Ta vache, là, y la vendent à’ livre, en fait. Faque a coûte pas juste soixante-deux cennes, a coûte pas loin d’mille piastres ! Faudrait qu’t’économises en joualvert pour te l’acheter ! R’marque, c’pas une mauvaise idée, hein ! Si j’m’étais mis dans ‘tête d’engrosser mon cheptel à ton âge, probable que j’serais pas mal plus riche que chu là ! Pas mal plus riche, ouaip…
— Ah ouin ? fait mon gars comme s’y venait à son tour de visualiser un coffre rempli d’or. Pis, euh… ça veut dire quoi « cheptel » ?
Ça suffit. J’en ai ras le pompon. L’odeur de bouse ; c’te vieux fermier aux mains baladeuses ; les acheteurs qui nous dévisagent comme si on était responsables de ce qui s’est passé chez les Markovic¹ y a de ça quelques années : ça passe ou ça casse. Je vais leur rabattre leur caquet à tous les deux. Je rentre mon ventre pis je pousse mon gars, allongeant mon autre jambe devant moi, quitte à écraser le vieux Girard au passage. Y pousse un cri, aplati contre le banc de bois, mais y finit par lâcher mon gars pis par nous laisser passer. Je fais signe à Zack de descendre de l’estrade. Y proteste pas.
— Ouin, entéka… piaille Girard après qu’on lui ait tourné le dos.
Je m’arrête pas.
Non, y peut ben continuer de jouer les poussins privés de maman, ce vieux-là, j’ai atteint mon quota. Y a juste à se mettre chum avec un des acheteurs, que j’me dis. Je m’arrête avec Zack au bas des marches, près de la sortie. Un coup d’œil au-dessus de mon épaule me conforte dans ma décision. L’encanteur a adjugé la vache à madame Aubert pour un prix qui frôle le ridicule ; les trois gars de Saint-Damase sont retournés à leurs petites affaires ; Girard a posé son cul osseux sur le banc qu’on a réchauffé pour lui : ç’a bardé, mais tout est de retour à la normale.
J’appuie sur le bouton pressoir qui me permet d’ouvrir la cloison en métal.
— ‘tention, ‘tention, on a du pas mal beau pour finir ! annonce l’encanteur. Cinquant’-deux liv’ de viand’, cinquant’-deux, je répète, pour du bel agneau d’la région d’Saint-Our’, la ferme à ti-père Branchaud, vous l’connaissez, pas cher pantoute, j’vous l’garantis, on part ça ti-suite, vingt-cin’ …
Son offre, étrangement, me suit jusque dans le corridor. Le bruit de mes semelles sur le ciment rythme un début de mal de tête. Cinquante-deux livres, l’agneau… Le vieux Girard… Je renvoie tout ça au fond de mon esprit, m’aidant, pour évacuer toutes ces images et ces pensées, des petites annonces qui tapissent le babillard. Des pourvoiries, des coiffeuses, des entrepreneurs en mal de clients. Rien d’intéressant là-dedans. Ni dans le resto fermé à droite. J’aide mon gars à pousser la porte extérieure, après quoi j’avale enfin un grand bol d’air frais.
Drôle d’adon, quand même. Un agneau de cinquante-deux livres. J’ai justement pesé Zack à matin. Y fait exactement ce poids-là. Méchante coïncidence, hein ?… Méchante coïncidence…
1. Voir Le puits, du même auteur, éditions Corbeau, 2020
Chapitre 2
Personne sous l’abri en bois. Ça va aller en avril, que j’me dis. Quand les derniers bancs de neige vont fondre.
En dedans, en revanche — dans la première bâtisse du marché aux puces —, ça grouille. Les vendeurs se font aller le mâche-patates. Ça gueule, ça rit, ça barguine à grand renfort de prix réduits. Y a pas mal juste de la cochonnerie ici, pourtant. Le premier kiosque, une sorte d’épicerie de produits en vrac, a son utilité, mais sinon, c’est loin d’être ma section préférée.
On marche vite devant les étals. Du linge, des ceintures, des sacs de voyage, des meubles démodés, quelques appareils électroniques, la plupart hors d’état de fonctionner ; même mon gars s’y intéresse pas. Une des chaufferettes gronde au-dessus de sa tête. Y s’est planté les pieds devant un buffet rempli de vinyles pour essayer de dézipper son manteau.
— T’es-tu correct, Zack ?
— Oui, qu’y me répond, même s’y en arrache pas mal.
J’en profite pour fourrer ma tuque dans ma poche. De marque Modine, les chaufferettes. Ça doit dater de l’avant-guerre. Ça chauffe en ti-pépère. J’aime pas trop que le monde me voie le fond de tête, d’habitude, mais on dirait qu’ici les gens se font une sorte de fierté malsaine d’arborer leur pire coton ouaté. C’est pas un peu de calvitie qui va les déranger.
Je détonne pas tant que ça, sinon. Pas mal de gars portent la barbe. À part les nombreux petits vieux qui arpentent l’allée, la plupart sont assez bâtis. Le tatou d’épée que j’ai sur le bras est caché dans ma manche, mais je suis pas le seul à en avoir un. Parmi ceux qui ont retiré une couche de vêtement, plusieurs sont passés chez le tatoueur. Je note un dessin tribal sur un revers de main ; y a aussi un dragon, une moto (une moto en feu, carrément), pis plein d’autres affaires plus ou moins réussies pis en train de s’effacer ou pas.
— Gnn… grogne Zack, de plus en plus en beau fusil.
Son zipper a pris le dessus dans la lutte qui les oppose. Je le laisse
