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On a tué mon école
On a tué mon école
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Livre électronique231 pages2 heures

On a tué mon école

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À propos de ce livre électronique

"On a tué mon école" explore la crise actuelle de l’éducation, analysant comment une fierté nationale, l’école républicaine, a sombré dans la décadence. Naviguant entre le quotidien de l’éducation et les coulisses politiques, cette histoire est celle d’un parcours ministériel et d’un engagement. À travers un état des lieux critique de la situation, le récit souligne la déconnexion entre théorie et pratique, idéaux et réalités factuelles. Cependant, une touche d’optimisme subsiste quant à la capacité de façonner une société plus juste.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Jean-Marc Richard a pris la décision de se consacrer à la rédaction de livres sur des sujets de société importants. Motivé par l’envie d’exposer les problèmes majeurs de l’humanité, il s’est choisi un style original, alliant le suspens à la profondeur puissante de personnages au premier abord anodins.
LangueFrançais
Date de sortie6 juin 2024
ISBN9791042231804
On a tué mon école

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    Aperçu du livre

    On a tué mon école - Jean-Marc Richard

    Partie I

    Parcours et politique

    Chapitre I

    Dans le bain sans savoir nager

    Ce jour de novembre 1967, pluvieux avec un ciel bas de nuages mêlés aux fumées des usines lorraines, nous mettions les pieds, Elisabeth et moi, chacun de notre côté, dans la première salle de classe où nous n’étions pas élèves.

    Une réalité crue nous tombait alors dessus : il fallait enseigner en mimant la compétence et l’expérience.

    Depuis les rives méditerranéennes, des escadrons d’étudiants en difficulté financière ou en rupture parentale venaient combler les orifices béants de l’encadrement pédagogique d’alors.

    Provençaux, Aquitains ou Nord-Africains y trouvaient sans difficulté leur place.

    Dans notre cas, le rectorat de Strasbourg s’étant trouvé dans l’impossibilité de pourvoir de très nombreux postes d’enseignants, lança un appel à candidatures, inséré dans « Nice-Matin » dans la première quinzaine d’octobre « Le midi viendra bien au secours de l’Alsace et de la Lorraine. »

    Nous postulâmes donc.

    Après avoir antérieurement obtenu onze postes divers sur cinq académies, nous pûmes enfin obtenir deux offres sur un même établissement. Cela nous convenait, sauf qu’Elisabeth et moi devions nous marier à la fin de ce même mois.

    Notre double candidature fut retenue.

    Mais il fallait immédiatement occuper les postes.

    Lorsque nous fîmes savoir que notre proche mariage constituait un obstacle à cette action précipitée, on nous indiqua que les emplois seraient alors attribués à d’autres.

    Que nenni, après notre mariage, le rectorat de Strasbourg nous contacta de nouveau pour savoir si nous étions toujours disponibles et confirma nos nominations.

    La pénurie d’enseignants était telle que l’administration se montrait peu regardante sur les capacités et les diplômes.

    Bien entendu, aucun de nous deux n’avait déjà enseigné et, quant à nos titres, ils se résumaient à deux certificats de licence de lettres classiques pour Elisabeth et un seul certificat de géographie pour moi.

    Aucun de nous deux ne possédait donc une licence complète.

    Nous avons même pu voir, une jeune maîtresse auxiliaire (même statut que nous), intronisée professeur de mathématiques alors qu’elle ne possédait… que le bac.

    Bien entendu, aucune formation professionnelle n’était envisagée !

    Tandis qu’Elisabeth obtenait tout de même d’enseigner les lettres, je fus baptisé professeur de lettres modernes alors que je préparais une licence d’histoire.

    C’est Elisabeth qui me rappela qu’en classe de troisième, le professeur de français devait également enseigner la grammaire, matière dans laquelle je n’étais guère performant…

    Nous fûmes ainsi plongés sans palmes ni bouées, dans ce grand bain de l’Éducation nationale dans lequel nous finîmes par nager jusqu’à la retraite en faisant nous-mêmes pousser nos propres nageoires.

    Notre inexpérience et notre naïveté nous faisaient découvrir beaucoup de choses étranges et inattendues. Cela fut le cas notamment de « La salle des Professeurs », autre monde un peu particulier.

    Le principe affiché était une solidarité sans faille entre les « Colllègues » (à prononcer de préférence avec 3 L, afin de marquer une culture non populaire).

    Sous une fraternité de façade rôdait la curiosité des titres universitaires de chacun. L’agrégé était « quelqu’un », le sommet de la pyramide en quelque sorte, le Certifié (Lauréat du Concours de Certification d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire) se positionnait en second rang. Venaient ensuite les professeurs de collège (PEGC), sujets d’une condescendance à peine voilée de la part des deux castes supérieures.

    Inutile de dire que pour la piétaille des maîtres auxiliaires, le regard était souvent ironique. Seuls peut-être les MA II, titulaires d’une licence complète, conservaient une certaine considération. Quant à nous, MAIII (Licence incomplète), notre existence ne semblait compter que si nous adhérions au SNES (Syndicat national de l’Enseignement Secondaire), et encore fallait-il qu’au sein de ce même syndicat, nous votions pour la liste « Unité et Action », mouvance contrôlée par un Parti Communiste alors au faîte de sa gloire.

    Paradoxalement, en politique, ces mêmes personnes votaient plutôt dans l’autre sens. À chaque élection, les votes gaullistes écrasaient tous les autres.

    Il semblait donc que les propos convenus de la salle des professeurs ne correspondaient pas tout à fait aux convictions profondes : le monde se divisait entre le corporatisme enseignant et la citoyenneté. Il y avait la « sphère » enseignante et le monde extérieur.

    J’eus plusieurs fois, au cours de ma carrière, à constater cet étonnant phénomène.

    Ignorants des codes et des termes utilisés, notre naïveté nous joua de méchants tours : ainsi lorsque, d’une voix (toujours suave) on nous demandait « Vous êtes certifié ? », comme nous ignorions totalement ce que signifiait ce terme et que nous possédions des certificats de licence, nous répondions « oui », ce qui nous faisait passer pour de sacrés menteurs.

    Heureusement, la troupe des maîtres auxiliaires étant très abondante, nous pûmes trouver du réconfort auprès de cette génération de notre âge dont une partie significative provenait du sud, voire du grand sud, puisque deux Tunisiens en faisaient partie.

    Nous nous appliquions également à entretenir dans la cantine, une joyeuse ambiance qui ne semblait pas du goût des « Titulaires ».

    Les chants de salle de garde ainsi que les histoires de bas niveau choquaient cette humanité établie qui voyait son monde vaciller avant l’effondrement de 1968, évènement qui sera évoqué plus largement en fin d’ouvrage.

    Ainsi, avec nos « collègues » statutaires, outre nos découvertes pédagogiques, nous avons fait l’apprentissage de la solidarité des réprouvés.

    Et c’est là également que l’on a pu découvrir le décalage qui pouvait exister entre les titres acquis et les qualités pédagogiques : j’ai vu des enseignants « titulaires » se faire fortement chahuter par des classes qui ne bronchaient pas avec moi et qui manifestaient même une participation et une envie d’apprendre qui demeurent un joyau pédagogique dans mes souvenirs.

    Il faut dire que les élèves d’alors avaient un niveau qui n’a rien à voir avec ce que l’on a connu par la suite. Je me souviens de certaines copies de français en cinquième, lesquelles, par la qualité rédactionnelle et l’orthographe, pourraient faire pâlir de honte bien des candidats au baccalauréat contemporain.

    Malgré cela, des enseignants « titulaires » passaient parfois de mauvais moments en cours.

    Visiblement, la soi-disant « Formation professionnelle » n’était pas au point et la formule de recrutement était non adaptée.

    Néanmoins, j’en profitais, tout en travaillant (20 heures de cours par semaine) pour terminer la licence et passer une maîtrise d’histoire contemporaine à l’université de Metz, et ce, toujours avec des mentions, chose que je n’avais jamais connue auparavant.

    En effet, les hordes de maîtres auxiliaires sans licence auxquels il avait fallu faire appel encombraient trop les lycées : il fallait qu’ils augmentent leur niveau d’études.

    Donc, dans un effort peu imaginable aujourd’hui, les facultés rassemblèrent sur la journée du jeudi, tous les cours de la semaine à destination de ces étudiants en panne d’études et condamnés à un travail d’enseignement aléatoire pour simplement vivre.

    De huit heures du matin à dix-huit heures, ces jours-là, nous planchions à la faculté.

    Je profitais donc de cette aubaine, laquelle, bien qu’alourdissant ma charge de travail hebdomadaire, m’ouvrait d’autres perspectives. En parallèle, bien heureusement, les établissements ne prévoyaient pas de cours pour leurs maîtres auxiliaires le jeudi.

    Cette période d’études fut, dans mon parcours scolaire chaotique et médiocre, une sorte de performance.

    Qu’on en juge : je n’obtins le bac qu’à la veille de mes 21 ans après avoir redoublé la sixième, la première et la terminale. Étant passé par le « Cours complémentaire », il m’a fallu subir l’examen d’entrée en sixième, le Certificat d’études, le BEPC, l’examen d’entrée en seconde, le premier bac, le second bac, propédeutique, quatre certificats de licence puis un certificat de maîtrise, et finalement présenter un mémoire de recherches en histoire contemporaine intitulé sobrement : « Les républicains messins et la politique extérieure de la monarchie de Juillet. »

    Bref, un parcours haché et peu reluisant, comme en rugby, un mauvais trois quart aile qui ne parvient à marquer son premier essai que juste avant sa retraite sportive.

    Chose étonnante, c’est au moment où je travaillais à temps complet pour avoir un salaire que je franchissais le plus aisément les derniers barrages. Est-ce que la grande difficulté m’a donné l’énergie nécessaire ? Vaste débat philosophique et sociétal.

    Ceux qui étaient nés dans un milieu culturel et aisé n’avaient sans doute pas besoin de cette contrainte. Pour moi, issu d’un milieu peu tourné vers la culture et l’envie d’apprendre, c’est cette contrainte quasi permanente qui m’a fait prendre le véhicule salvateur : l’ascenseur social.

    Tout cela pouvant signifier également que le métier d’enseignant, à cette époque au moins, n’était pas éreintant.

    Les élèves respectaient ceux qui méritaient de l’être et les parents faisaient confiance aux enseignants.

    Époque révolue, semble-t-il, nous essaierons plus loin de voir pourquoi.

    Chapitre II

    Militantisme (1967-1970)

    Pendant tout ce temps d’incertitude sur l’avenir, je m’impliquais localement dans la construction du nouveau Parti Socialiste avec tous les revers que pouvait comporter une telle attitude sur une terre essentiellement conservatrice.

    C’était une forme d’apprentissage politique aux côtés de notre approximatif auto-apprentissage pédagogique dans ce lycée de Lorraine.

    S’agissait-il là d’une échappée provisoire destinée à fuir les réalités du quotidien ?

    La suite démontrera peut-être que ce ne fut pas le cas.

    Tous les militants de tous les partis peuvent se poser plus tard ce genre de question, car les difficultés du quotidien peuvent facilement vous entraîner à vous soulager quelque peu de vos préoccupations du moment en faisant appel à quelque rêve social et donc politique.

    Dans ces années qui précèdent l’irruption de mai 1968, les offres politiques pour faire rêver sont nombreuses.

    Quelque peu instruit par l’histoire, je me gardais des attitudes prétendues « révolutionnaires ». C’est donc vers la remise en ordre de marche du courant social-démocrate qu’allaient mes préférences. Il fallait que la vieille SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière) se modernise, autant dans ses idées que dans ses pratiques.

    Dans ce fourneau lorrain digne de Zola, entre les dominants et ceux qui obéissaient aux sirènes des usines toutes les huit heures, l’attentisme n’était guère permis si un soupçon de révolte vous habitait.

    Nous avons ainsi pu rencontrer des personnes exceptionnelles, engagées auprès des plus humbles et qui, aveuglées par le prêt à penser qu’on leur infligeait, finirent par servir des causes concrètement étrangères à leurs propres aspirations.

    Ce sont les militants du parti Communiste et des groupuscules gauchistes qui payèrent le plus lourd tribut dans cette forme de lobotomisation.

    C’était sans doute là, pour nous, un inattendu complément de formation.

    On découvrait tout un monde, avec ses bassesses et ses grandeurs, ses médiocrités et ses générosités.

    C’est ainsi qu’un jour, lors d’une assemblée réunissant parents d’élèves et enseignants, un échange aujourd’hui à peine imaginable amena l’un des parents d’en traiter un autre de « sale juif ».

    Révoltés, nous fîmes de ce « sale juif » et de sa famille des amis pour longtemps.

    Juifs ashkénazes déposés par l’histoire de l’entre-deux-guerres sur un territoire lorrain avide de main-d’œuvre, leurs parents avaient déposé les valises sur le quai de quelque gare alentour. Après les efforts que l’on peut imaginer, lui était devenu médecin et elle diplômée de l’université.

    Tous les deux, membres d’un Parti Communiste puissamment implanté dans le secteur, ils s’engagèrent dans un militantisme que le temps et la suite des évènements, me font aujourd’hui juger déraisonnable.

    Cependant, toute cette générosité humaine, trahie par une idéologie manipulatrice, ne peut que renforcer l’estime et même l’affection que nous pouvions leur porter.

    Ils ont sacrifié leur vie à leur idéal politique. Ils étaient rentrés là comme on entre en religion.

    Le revers de cette médaille consistait en une avalanche de certitudes que nul ne pouvait entamer : sur le pacte germano-soviétique, l’écrasement de la révolte de 1953 à Berlin Est et celle de 1956 à Budapest, ils avaient toujours la réponse. Pour celle de 1968 à Prague, je pense ne plus avoir eu l’envie d’entendre l’explication du Comité Central français, simple relais de celui du Kremlin. Les « camarades » et le « Parti » avaient toujours raison.

    Et pourtant ! Que ces personnes méritaient le titre « d’humains ». Toujours tournés vers les plus humbles et les plus misérables, ils ne s’apercevaient pas, qu’eux aussi d’une autre manière, faisaient partie des exploités : on utilisait leur générosité et même leur vie afin de maintenir en place un système qui broyait tout.

    Nous avons retrouvé Claude et Eliane, car tels étaient leurs prénoms, une bonne vingtaine d’années plus tard, lors de notre retour de Nouvelle-Calédonie.

    Ils n’étaient plus les mêmes.

    L’heure de la retraite étant venue, ils s’étaient retirés près d’Arcachon et sans qu’ils ne disent rien, nous avions compris qu’ils avaient compris.

    Claude me fit une allusion à l’invasion de l’Afghanistan par les Soviétiques et ce fut tout.

    Nous passâmes un réveillon ensemble et, le lendemain, il me demanda de l’accompagner au golf. Trop éloigné de cette pratique, je me contentais du rôle de caddy et trimbalais les ustensiles nécessaires.

    Le petit tour terminé, mon ami m’entraîna au Club House où il commanda huîtres et champagne. Il parla peu, mais ses yeux s’étaient mouillés lorsqu’il évoqua sa vie trahie.

    Il avait choisi de vivre les dernières années de cette vie sur un mode qu’il avait toujours combattu.

    Il me fut impossible de trouver les mots pour tenter d’apaiser ce flot de désespoir que je sentais venir de si loin.

    En me souvenant de ces instants, me revient en mémoire la dure vérité énoncée par Rachid Benzine « Le contraire de la connaissance, ce n’est pas l’ignorance, ce sont les certitudes ».

    C’est donc au cours de cette période que je plongeais dans un militantisme socialiste peu enclin à épouser les thèmes radicaux de la vague qui engendrait alors les maoïstes, les trotskistes et autres anarchistes.

    L’histoire démontrait trop que chaque révolution mangeait ses propres enfants.

    Je participais également au combat d’une association qui tentait d’alerter l’opinion publique, sur la montée, réelle à cette époque, de la faim dans le monde.

    Le présidence en était assurée par Etienne Crémieu-Alcan, personnage de haute valeur, co-fondateur des Presses Universitaires de France (PUF) et dit-on, à l’origine des fameux petits : Que sais-je ? Par la suite, cet homme d’exception deviendra un ami proche que nous avons beaucoup apprécié, mon épouse et moi-même, jusqu’à son décès. Par la suite, c’est un de ses fils, Francis, ainsi que sa famille qui prit le relais de son amitié et donc, nous avons pu connaître trois générations de Crémieu-Alcan.

    Lors de la première réunion du comité directeur de cette association (ASCOFAM) à laquelle je participais, et fis la connaissance de l’abbé Pierre et de Robert Buron.

    Ce dernier, ancien ministre du général de Gaulle, avait quitté les rives d’un centre qu’il trouvait trop statique et s’employait à préparer les élections présidentielles prévues en 1972 avec son mouvement : « Objectif 72 ».

    Les analyses très novatrices de cette instance me séduisirent immédiatement : cela jetait les bases d’une sociale démocratie sereine, capable d’équilibrer justice sociale et dynamisme économique.

    Le départ prématuré du général de Gaulle en avril 69 bouleversa le calendrier électoral et Objectif 72 se mua en Objectif Socialiste avant

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