Tonus à l’internat
Par Yves Pagès
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ancien maire et conseiller général, Yves Pagès est cardiologue de profession et préside la Société Internationale Francophone de Sport Santé. Après la parution de "Poudre sur la Solitaire" en 2023 aux éditions Baudelaire, il présente son deuxième roman, "Tonus à l’internat".
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Avis sur Tonus à l’internat
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Aperçu du livre
Tonus à l’internat - Yves Pagès
Du même auteur
Poudre sur la Solitaire, roman, Éditions Baudelaire, 2023.
Préface
L’auteur n’est pas un moraliste, mais un anatomiste qui se contente de dire ce qu’il trouve dans le cadavre humain. (…) Il se tient à l’écart, surtout par un motif d’art, pour laisser à son œuvre (…) son caractère de procès-verbal écrit à jamais sur le marbre¹.
Tels étaient les mots d’Émile Zola pour décrire le romancier naturaliste. Ils reviennent inévitablement à l’esprit en lisant les pages qui vont suivre tant l’auteur, cardiologue de métier, s’y plaît à disséquer le corps humain pour mieux en sonder l’âme.
L’auteur est un anatomiste, sans aucun doute. Le roman s’ouvre sur le récit d’une erreur médicale, en fin de garde, au terme d’une opération dont tous les détails nous sont livrés au moyen d’un langage précis, peut-être inconnu des lecteurs qui par chance n’ont pas trop fréquenté les services de cardiologie des centres hospitaliers – langage que l’on pourrait qualifier à tous points de vue de clinique. À l’issue de cet ouvrage, la « fibrillation auriculaire », « l’ischémie myocardique » et la « mydriase bilatérale » deviendront des termes familiers pour son lecteur : à cet égard, le présent roman est un roman scientifique, « il continue et complète la physiologie »², comme aurait dit Émile Zola.
Pour autant, l’auteur ne s’intéresse pas qu’aux cadavres : si le présent ouvrage est jalonné d’autopsies, ce sont bien les corps vivants qui occupent le devant de la scène et font l’objet du même travail analytique qu’un médecin légiste ferait sur des dépouilles. L’ensemble des soignants sont des êtres de chair et de sang, dont la pratique du métier peut être altérée par la fatigue, les émotions, le désir : à cet égard, le présent roman est un roman sentimental, où l’auteur se fait « le juge d’instruction des hommes et de leurs passions »³.
« Juge d’instruction », l’auteur l’est à double titre. Les morts qui surviennent au fil des pages ne sont pas toutes naturelles et il faudra au lecteur, comme aux enquêteurs, une certaine lucidité pour identifier les coupables et établir le partage des responsabilités : à cet égard, le présent roman est donc aussi un roman policier, qui devrait maintenir la tension chez le lecteur – n’est-ce pas là, après tout, le propre du cardiologue ?
Enfin, l’auteur nous livre la radiographie d’un milieu et d’une époque : le milieu hospitalier des années 1980. Alors que le Gouvernement a ordonné, en janvier 2023, le retrait des fresques à caractère pornographique dans les salles de garde de l’ensemble des hôpitaux publics, le présent ouvrage ne nous cache rien de ces traditions étudiantes, de l’humour carabin et de ses travers. C’est donc bien « le procès-verbal de l’expérience »⁴ qui s’écrit devant les yeux du lecteur : nous lui souhaitons d’y trouver tout l’intérêt qu’il mérite.
Vincent Perrot
Ancien élève de l’École normale supérieure
Enseignant à la Sorbonne et Sciences Po Paris
Chapitre 1
Fin de garde
La main gantée du médecin se saisit du bistouri et pratiqua une incision rectiligne de cinq centimètres de long, parallèle à la clavicule droite du patient, environ quatre centimètres sous le bord inférieur de celle-ci. Un sang de couleur bordeaux se mit à sourdre. À l’aide de quelques compresses stériles, le praticien tamponna le fond de la plaie. Avec une paire de ciseaux à disséquer, à bouts recourbés et arrondis, il entama la dissection des plans sous-cutanés jusqu’à l’aponévrose du muscle grand pectoral.
Il put bientôt introduire ses deux index dans la petite cavité, ce qui, en décollant l’aponévrose, permit d’aménager une poche destinée à recevoir le pacemaker.
Il prit ensuite une seringue qu’il fixa à un trocart, qu’il introduisit à travers l’incision, dirigeant la pointe sous la clavicule en direction du cou du patient à la recherche de la veine sous-clavière. L’irruption d’un sang rouge foncé témoigna qu’il avait bien ponctionné la veine. La seringue fut désolidarisée de cette grosse aiguille à travers laquelle il put enfiler un guide métallique filiforme souple à bout mousse recourbé pour ne pas blesser les parois vasculaires.
Le trocart une fois retiré, un désilet en plastique fut introduit sur ce guide métallique jusque dans la veine sous-clavière, avant que ce guide ne soit lui-même retiré pour permettre l’introduction dans le conduit interne du désilet d’une sonde de stimulation cardiaque, qui fut poussée d’abord dans la veine cave supérieure, puis dans les cavités cardiaques droites jusqu’à la pointe du ventricule droit.
Le médecin avait suivi la progression rapide de la sonde grâce à sa visualisation radiologique en temps réel sur le scope de l’ampli de brillance qui surplombait la table d’opération.
Une fois la pointe de la sonde bien positionnée, et le désilet retiré, il fallait calculer l’ampérage et le voltage adéquats pour assurer une stimulation ventriculaire de qualité, grâce à un stimulateur externe relié par des fils électriques à l’extrémité de la sonde restant hors du corps du patient. Une fois ces calculs terminés, et après avoir vérifié que la stimulation n’entraînait pas de contraction diaphragmatique, l’opérateur prit le pacemaker stérile que lui présentait l’infirmière du bloc et le brancha à l’extrémité de la sonde qu’il avait solidarisée au muscle par un point de suture.
Il introduisit le pacemaker dans la poche prépectorale en vérifiant que n’apparaissent pas de contractions du muscle pectoral.
Il ne restait plus qu’à suturer l’incision cutanée par cinq ou six points de Blair-Donati assurant un bon rapprochement des lèvres de la plaie.
L’infirmière put ensuite confectionner un pansement protecteur un peu compressif, sur lequel elle posa un petit sac de sable pour prévenir tout épanchement sanguin à l’intérieur de la poche.
Le docteur Henri Legall put retirer ses gants stériles. Il demanda à l’infirmière de l’aider à défaire derrière son cou le nœud de la bavette stérile qui couvrait son nez et sa bouche. Il esquissa un discret sourire de contentement, satisfait d’avoir implanté, sans trop de difficultés, un pacemaker cardiaque en moins de trente minutes.
Le patient sous simple anesthésie locale n’avait pas souffert, et il put le rassurer sur la parfaite réussite de l’intervention.
Toujours revêtu de sa tenue de bloc, Henri, chef de clinique du service de cardiologie, quitta le bloc opératoire pour regagner le couloir du service et prendre connaissance des entrées qui avaient été examinées par Brigitte Verdier, jeune interne de première année, dont c’était le premier stage dans un service de cardiologie.
Il souhaitait ne pas trop s’attarder en ce lundi après-midi, car il avait assuré la garde de cardiologie du CHU du samedi midi au lundi matin, et avait enchaîné sa présence dans le service toute la journée du lundi. Il avait été réveillé à plusieurs reprises par des urgences dans les nuits du samedi et du dimanche et il aspirait maintenant, après cinquante-sept heures non-stop de présence à l’hôpital, à prendre un peu de repos avec surtout une