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Mourir dans la dignité: Corps et âme, l'union indissoluble
Mourir dans la dignité: Corps et âme, l'union indissoluble
Mourir dans la dignité: Corps et âme, l'union indissoluble
Livre électronique276 pages3 heures

Mourir dans la dignité: Corps et âme, l'union indissoluble

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À propos de ce livre électronique

La personne a certes un corps mais elle « est » aussi son corps. Le respect de son corps « donné » jusqu’au bout s’identifie au respect de sa personne. La somme des petits gestes pour alléger ses souffrances va dans ce sens. La qualité contemplative du regard sur ce corps offert à l’existence pour bien vivre, aide à discerner tant le refus de l’acharnement thérapeutique que le non-sens de l’euthanasie ou du suicide assisté. Un geste d’amour, une main serrée, un regard complice valent tellement plus que la croyance des « anges de la mort » qui veulent « vous aimer en vous tuant! » Accompagner la personne vulnérable en phase terminale, accueillie, regardée, aimée comme toujours « unique », avec un avenir possible au-delà de la mort physique, sera la pierre d’angle d’une posture thérapeutique raisonnable.
L’accent mis par la tradition chrétienne sur les soins palliatifs va directement dans cette direction, faisant de l’écoute du patient le sanctuaire ouvert de ses derniers moments à vivre sur la terre. Non pas dans une liberté absolue au service d’une dignité relative, qui légitimerait les « nouveaux » droits d’euthanasie ou de suicide assisté mais plutôt dans une liberté relative au service d’une dignité absolue, qui fait du respect de la vie « un bien commun à défendre » ensemble, pour tous.



À PROPOS DES AUTEURS

Akpédjé Patrick PANOU est prêtre originaire du Bénin. Après sa formation au séminaire Saint-Gall de Ouidah (son pays d’origine), il est ordonné prêtre le 15 Août 2012. Après quelques années de ministère en paroisse, il poursuit les études et valide une licence en philosophie. Titulaire d’un master en théologie morale obtenu à l’Institut Catholique de Toulouse en 2022, le présent ouvrage est une publication de ses études. Passionné pour les questions bioéthiques, il poursuit également des recherches dans ce domaine.

LangueFrançais
Date de sortie4 nov. 2023
ISBN9782364529939
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    Aperçu du livre

    Mourir dans la dignité - Akpédjé Patrick Panou

    Préface

    Dans un article paru dans le journal Le Figaro du 29 septembre 2022, le philosophe agnostique et ancien ministre de l’Éducation en France, Luc Ferry, présentait trois philosophies antinomiques de la fin de vie.

    La première, chrétienne, s’attache pour lui à situer l’enjeu de la fin de vie comme le temps favorable pour se préparer non pas à la mort mais à l’au-delà de la mort. La maladie se présentant selon le Catéchisme de l’Église Catholique comme une occasion favorable pour « rendre la personne plus mûre, l’aider à discerner dans sa vie ce qui n’est pas l’essentiel pour se tourner vers ce qui l’est. Très souvent la maladie provoque une recherche de Dieu, un retour à lui ».

    La seconde, « à l’opposé », pour l’ancien ministre désormais chroniqueur, de la théologie, puise à l’eudémonisme des anciens qui subordonnent le sens de l’existence à la dimension subjective du bonheur et dans une perspective moderne utilitariste au calcul des plaisirs. Stoïciens ou épicuriens, pour eux, si les peines l’emportent radicalement sur les joies, libre à la personne d’en tirer les conséquences, perspective qui a fait dire à Sénèque qu’il était « aussi grave d’empêcher quelqu’un de mourir que de le tuer ».

    La troisième philosophie de fin de vie se présente comme humaniste et laïque, telle est la posture personnelle de Ferry, récusant l’assimilation entre les notions de « dépendance » et « d’indignité », mais ouvrant sur la nécessaire qualité du lien social en fin de vie. Citant le célèbre bioéthicien Axel Kahn, s’ouvre une invitation à satisfaire la demande d’amour du malade : « Si vous voulez déterminer dans quelle mesure des personnes âgées ont réellement le désir d’en finir en fin de vie, il suffit de leur apporter le contact amical d’un parent cher et tendre : bien souvent, ces témoins affectifs suffisent à redonner à ces personnes le sentiment précieux qu’elles comptent au moins pour quelqu’un. »

    Ces approches sont-elles réellement antinomiques ? La pensée catholique sur la fin de vie puise à des ressorts de sens qui refusent les approches monolithiques en raison de présupposés anthropologiques bien assumés. Servir la personne dans son intégralité, corps, âme, esprit et relation. Le livre proposé au lecteur, Mourir dans la dignité, Corps et Âme, l’union indissoluble, fruit d’études philosophiques et théologiques sérieuses, s’inscrit dans cette riche perspective qui fait droit au dialogue et à la complémentarité des points de vue.

    La personne a certes un corps mais elle « est » aussi son corps. Le respect de son corps « donné » jusqu’au bout s’identifie au respect de sa personne. La somme des petits gestes pour alléger ses souffrances va dans ce sens. La qualité contemplative du regard sur ce corps offert à l’existence pour bien vivre, aide à discerner tant le refus de l’acharnement thérapeutique que le non-sens de l’euthanasie ou du suicide assisté. Un geste d’amour, une main serrée, un regard complice valent tellement plus que la croyance des « anges de la mort » qui veulent « vous aimer en vous tuant ! » Accompagner la personne vulnérable en phase terminale, accueillie, regardée, aimée comme toujours « unique », avec un avenir possible au-delà de la mort physique, sera la pierre d’angle d’une posture thérapeutique raisonnable.

    L’accent mis par la tradition chrétienne sur les soins palliatifs va directement dans cette direction, faisant de l’écoute du patient le sanctuaire ouvert de ses derniers moments à vivre sur la terre. Une proximité significative de la profondeur éthique quand la solidarité entre les humains s’élargit à la faiblesse partagée. L’intégrité du corps, même dans sa vulnérabilité croissante, est la ligne de mire constante des soins mais aussi des relations. La religion n’est pas en reste de ce chemin à parcourir ensemble. Un regard de foi puisant à l’action du Christ, « mort et ressuscité », approfondit le sens salvifique de la souffrance, confirmant que la personne, totalité unifiée, peut toujours se trouver elle-même en se donnant. À qui ? Elle se présente face au Dieu d’Amour qui lui ouvre son cœur pour l’accueillir dans un devenir réel de proximité spirituelle sans fin. La fin de vie est toujours un commencement à vivre. La vie humaine peut être transfigurée par le haut. Non que la souffrance ait une valeur thérapeutique, mais qu’elle ne peut nous imposer son impasse.

    Une posture de vie à vivre se dégage d’une vraie liberté. Non pas une liberté absolue au service d’une dignité relative, qui légitimerait les « nouveaux » droits d’euthanasie ou de suicide assisté. Plutôt une liberté relative au service d’une dignité absolue, qui fait du respect de la vie « un bien commun à défendre » ensemble, pour tous. Une thérapie de la dignité permet d’allier le travail sur soi pour se « préparer », la quête de sens toujours « ouverte », et la « qualité du lien », dynamique de Vie qui s’approfondira dans la vie éternelle, dont nous vivons, dès maintenant, le premier instant ! On n’hésitera pas à renverser le titre de l’introduction. C’est au nom d’une si belle dignité humaine que nous ne voulons jamais tuer, mais faire entrer dans la Vie qui elle n’a pas de fin. Nous remercions le Père Akpédjé Patrick-Euloge Panou de nous introduire très pédagogiquement à toutes ces dimensions.

    Tanguy Marie Pouliquen, cb

    professeur d’éthique

    à la Toulouse Catholic University

    Introduction

    Au nom de quelle dignité peut-on tuer ?

    L’évocation de la fin de vie fait surgir la question de la dignité, au nom de laquelle des voix discordantes s’élèvent. D’un côté, c’est la négation jusqu’à l’absurde de la valeur absolue de la vie et l’autorisation de la faire disparaître lorsqu’elle est traversée par une souffrance trop grande ; de l’autre côté, c’est le souci de la sauvegarde de la vie humaine et du soulagement de la personne arrivée en phase terminale. Alors, dans l’univers de la réflexion sur la fin de la vie, chacun donne volontiers son opinion sur ce qu’il considère comme une mort dans la dignité, soit en partant d’une croyance religieuse ou d’une conception philosophique de la vie, soit en raisonnant selon une optique privilégiant les avancées de la médecine, et le pouvoir de la technoscience et des biotechnologies. En effet, ces dernières suscitent bien des espoirs, mais elles génèrent aussi des craintes. Jusqu’où l’homme peut-il aller dans la prolongation de la vie ? Que deviendra l’humanité si l’homme a le pouvoir de contrôler ou de faire disparaître la vie humaine ? Nous savons à quoi aboutit un tel pouvoir, à savoir qu’il existe un degré de souffrance ou de déchéance physique devenu si insupportable, qu’il fait croire en la perte de toute dignité humaine. C’est ainsi que certains approuvent l’administration d’une substance létale destinée à faire mourir plus vite sous prétexte d’empêcher la déshumanisation de la personne souffrante. L’argumentation ici déployée en faveur d’un refus de la souffrance rejoint aussi le désir humain de vivre dans un corps éternellement jeune¹. À ces raisonnements s’oppose la foi chrétienne qui rappelle la dignité de tout être humain, même en situation de souffrance. En même temps, elle tente de montrer que la mort doit être accueillie comme étant le terme d’un pèlerinage terrestre.

    Affirmer la dignité des personnes vulnérables

    Les réalités ci-dessus évoquées interrogent sur ce que doit être, dans la société qui est la nôtre², l’accueil des personnes vulnérables³ lesquelles doivent être protégées à la fois contre la tentation euthanasique et contre une mentalité favorable au recours à l’acharnement thérapeutique. À plusieurs reprises, l’Église s’est vue interpellée : pourquoi se dresse-t-elle contre l’euthanasie, alors que ce geste peut « dignement » soulager ceux qui n’en peuvent plus de la douleur et de la maladie, et qui ont donc hâte de mourir plutôt que de rester dans un état de dépendance ou de perte de leur dignité ? Mais comment traduire la possibilité que vous soit reconnue encore et toujours votre dignité lorsqu’on est en phase terminale d’une maladie incurable et/ou dégénérative ? Il semble inconfortable de parler d’une « mort dans la dignité » au nom de laquelle l’homme aurait le droit de mettre un terme à la vie du semblable, avec toutes les apparences d’un consentement de la part de ce dernier. Et même s’il s’avère que la personne souffrante fait effectivement une telle demande, il est aisé de voir qu’elle ne s’exprime plus de manière « normale ». Comment interpréter le cri, le langage gestuel, parfois le silence, que les grandes souffrances laissent émerger ? La mort, en effet, est ce qu’il y a de plus naturel à la condition humaine : elle doit être acceptée mais ne doit être ni provoquée ni refusée. Parce qu’aucun homme n’est à l’origine de sa propre vie, encore moins l’auteur de la vie de son semblable, il n’est pas possible de tolérer les tentatives de suppression de la vie d’êtres fragiles, car « C’est le Seigneur qui fait mourir et vivre ; Dieu a créé l’homme pour l’incorruptibilité, il en a fait une image de sa propre nature » (cf. 1 S 2, 6 ; Sg 2, 23).

    Toutefois nous voulons tenter de répondre à une inquiétude profonde face au mystère de la souffrance et à la question du comment « mourir dans la dignité ». Ces questionnements ne trouveront toute leur explicitation qu’en référence au modèle du Christ qui a expérimenté dans sa chair la souffrance humaine et l’angoisse de la mort : « aux jours de sa chair, il a présenté, avec une violente clameur et des larmes, des implorations et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort » (He 5, 7). Le Christ se révèle en effet comme celui qui peut aider le croyant à accueillir la mort dans un esprit de soumission à la volonté de Dieu : « Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se fasse » (Lc 22, 42). Il est possible de montrer que la liberté de décider de l’heure de la mort est incompatible avec l’ensemble de la Révélation à travers laquelle Jésus déclare : « Vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître » (Mt 24, 42).

    Décider de donner la mort à une personne arrivée au stade terminal d’une maladie ne peut pas être un critère respectueux de la dignité humaine selon la foi chrétienne. On dit souvent, à raison, que la personne qui sent sa mort proche exprime le besoin d’être entouré ; elle peut demander une aide qui lui permette d’affronter dans la sérénité son passage dans l’au-delà – son face-à-face avec le Seigneur lorsqu’elle est croyante. Les demandes d’euthanasie sont donc appelées à disparaître avec la mesure d’accompagnement des personnes en fin de vie. Face aux défis actuels qui remettent en cause la façon de penser la dignité humaine – notamment celle de la personne en fin de vie qui, au regard de son entourage de bien-portants (membres de la famille, de l’équipe de soignants), « aurait » perdu sa dignité – l’Église s’est impliquée dans la réflexion sur la nature de la dignité de l’être humain. Comme le dit la Congrégation pour la Doctrine de la Foi : « La douleur et la mort, en effet, ne peuvent être les critères ultimes qui mesurent la dignité humaine, laquelle est propre à chaque personne, du simple fait qu’elle est un être humain⁴. » En écartant un argument fallacieux, celui d’un recours à l’euthanasie par peur de souffrir et par refus d’attendre le moment de mourir, cette approche nous interroge sur le sens de ce qu’est une « bonne mort » pour le chrétien.

    L’Église pourrait-elle actualiser sa morale concernant ses positions sur la fin de vie ?

    Face à la peur d’une mort indigne, l’Église tente d’apporter l’éclairage de la foi chrétienne dans le sens d’un accueil de la mort comme faisant partie de l’existence humaine. Le Christ n’a-t-il pas accueilli cette étape de la condition humaine sans la refuser ou la retarder (cf. Mt 26, 29) ? La mort de Jésus peut nous éclairer sur le sens à donner à la souffrance et sur la façon de vivre la mort dans l’espérance chrétienne. On ne peut bien mourir que si on se prépare humainement et spirituellement, c’est-à-dire corps et âme, à vivre sa mort en union avec le Christ et relié aux autres.

    « Car Dieu a appelé et appelle l’homme à adhérer à lui de tout son être, dans la communion éternelle d’une vie divine inaltérable. Cette victoire, le Christ l’a acquise en ressuscitant, libérant l’homme de la mort par sa propre mort. À partir des titres sérieux qu’elle offre à l’examen de tout homme, la foi est ainsi en mesure de répondre à son interrogation angoissée sur son propre avenir⁵. »

    Mais comment le chrétien peut-il réagir face à un comportement opportuniste ou subissant l’influence de lois favorables à l’euthanasie, surtout dans les cas de maladie au stade terminal occasionnant des souffrances physiques, morales, et spirituelles ? Pour beaucoup de nos contemporains, l’Église doit actualiser sa morale au sujet des questions concernant la fin de vie, c’est-à-dire évoluer quant à son choix exclusif pour les soins palliatifs, et reconnaître la pratique de l’euthanasie comme une attitude tout autant respectueuse de la dignité de la personne en fin de vie. Certes, il faut entendre la souffrance de ceux qui vivent les derniers moments de la vie, mais faut-il pour autant omettre de respecter le corps conformément à l’annonce faite par la Révélation chrétienne⁶ ? Le corps de l’homme est porteur d’un mystère éternel divin⁷ qui interdit qu’on le traite indignement, c’est-à-dire qu’on le ramène au rang d’une chose. C’est une intuition que le pape Jean-Paul II a approfondie et qui peut servir de support à une réflexion sur la dignité humaine. C’est ce que réaffirme la Congrégation pour la Doctrine de la Foi dans le cadre du débat sur la question de l’euthanasie et des soins palliatifs. Dès lors, il est possible d’indiquer que le respect de la dignité humaine s’exprime par le respect du corps de la personne souffrante.

    Dans un contexte culturel marqué, d’une part, par le prisme de la croyance en la « perte de dignité » du corps souffrant⁸, et d’autre part par les débats soulevés par la nouvelle revendication, en France, d’une loi favorable à l’euthanasie, l’Église se doit de prendre position. Il est vrai que le Magistère de l’Église catholique ne tarit jamais de mots pour s’opposer à une culture de l’efficacité où l’homme veut vivre « en autarcie », dans une « éclipse du sens de Dieu et de l’homme⁹ ». Cela n’étonne guère d’une société où l’enjeu fondamental est la liberté auto-référencée qui prend force dans un cogito volo. Alors qu’une véritable liberté ne peut pas s’exprimer en dehors de la relation avec les autres¹⁰. Et si le Magistère de l’Église prend la parole chaque fois que l’homme risque d’être atteint dans sa dignité, c’est pour rappeler qu’une éthique de la personne suppose l’imbrication de deux dimensions : l’une singulière et l’autre relationnelle¹¹. Le souci d’une meilleure compréhension de l’enseignement de l’Église sur la question de la dignité, particulièrement de la dignité en fin de vie, conduit à une réflexion que nous voulons initier ici sur la question du corps souffrant considéré comme un lieu de révélation de Dieu, ce qui pourrait servir de boussole à l’accompagnement des personnes en fin de vie. L’injonction divine « Tu ne tueras pas » (Ex 20,13 ; Dt 5,17) pourrait de nouveau jaillir à la conscience d’hommes et de femmes qui, redécouvrant à nouveaux frais le sens d’« un regard contemplatif¹² » envers les personnes souffrantes, se décideraient à faire le pas du bon Samaritain. Il s’agit d’interroger le corps comme lieu théologique, et, mieux encore, le corps souffrant dans la révélation que le Christ en a faite. Comment le Christ nous révèle-t-il le sens de la dignité humaine à travers ses attitudes et ses comportements face à la souffrance, celle des autres et la sienne propre ? De quelle façon le corps souffrant peut-il être traité pour qu’il y ait mort dans la dignité ? Comment l’anthropologie théologique peut-elle aider la personne en fin de vie et son entourage à faire un bon choix éthique ? En nous permettant d’écarter un argument fallacieux – prétendre à la dignité humaine en éliminant la personne – la réponse à cette problématique nous place face à la question qui constitue notre sujet : respecter la dignité des personnes souffrantes et en fin de vie n’est-ce pas considérer la personne dans son humanité, c’est-à-dire, comme sujet et non comme objet ?

    Oser une réflexion sur ce qu’est « mourir dans la dignité », nous invite à adopter une approche holistique, celle dans laquelle s’inscrit l’anthropologie théologique et selon laquelle il faut considérer l’homme corpore et anima unus¹³. Conformément à ce que nous venons d’affirmer de l’homme en tant qu’être corporel, spirituel et relationnel, la pensée personnaliste de Jean-Paul II dénonce clairement toute l’instrumentalisation utilitariste en œuvre dans les situations frontières de la fin de vie où l’être humain semble n’être plus réduit qu’à une « chose »¹⁴. Se dégage le sens profond de la dignité de la personne en fin de vie : mourir dans la dignité renvoie au respect du corps humain en tant que lieu de relation, et c’est tout l’enjeu d’une éthique chrétienne de la fin de vie. Voilà ce qui motive la parution de ce livre : « Mourir dans la dignité, corps et âme, l’union indissoluble ».

    Dans un premier chapitre nous tenterons une approche à caractère philosophique et anthropologique des contours de la notion de dignité, et de la question du mourir dans la dignité présente dans les débats sur la fin de vie. Un deuxième chapitre consistera en une approche théologique ayant pour but de montrer la place du corps dans le dessein de Dieu et dans la foi chrétienne, particulièrement catholique. Enfin, un troisième chapitre considérera, sous l’angle éthique, les pratiques thérapeutiques qui sont en jeu dans les débats sur les questions de fin de vie et qui sont un objet de préoccupation actuelle de la réflexion bioéthique.


    ¹ Cf.

    Thévenot, Xavier

    , Compter sur Dieu. Études de théologie morale, Paris, Cerf, 1992, p. 147 : « […] la tentation de recycler le corps […], de façon quasi obsessionnelle, pour tenter de le maintenir dans une perpétuelle jeunesse. »

    ²

    Doucet, Hubert

    , Mourir. Approches bioéthiques, Paris, Desclée, 1988, p. 20-21 : « Dans ce contexte, la mort doit être définie autrement. Elle n’est plus un phénomène naturel, elle est en notre pouvoir. Dans ce cadre nouveau, la non-intervention résumée par l’expression « laisser la nature suivre son cours » est de moins en moins le fruit de la résignation et de plus en plus la conséquence d’une décision. Ce contexte nouveau favorise l’agressivité thérapeutique. Il y a cinquante ans la médecine pouvait paraître comme une profession de la consolation. Elle était le plus souvent incapable de guérir. Les transformations récentes de l’art du médecin en science biomédicale ont complètement bouleversé l’approche ancienne. Si la science nouvelle est capable d’allonger la vie, pourquoi ne le ferait-elle pas même au détriment de la qualité de la vie du malade ? »

    ³ Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’euthanasie iura et bona, 1980, II : « […] rien ni personne ne peut autoriser que l’on donne la mort à un être humain innocent, fœtus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. »

    ⁴ Congrégation pour la

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