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De l'emprise à la liberté: Dérives sectaires au sein de l'Eglise : témoignages et réflexions
De l'emprise à la liberté: Dérives sectaires au sein de l'Eglise : témoignages et réflexions
De l'emprise à la liberté: Dérives sectaires au sein de l'Eglise : témoignages et réflexions
Livre électronique304 pages4 heures

De l'emprise à la liberté: Dérives sectaires au sein de l'Eglise : témoignages et réflexions

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À propos de ce livre électronique

Témoignages de personnes ayant souffert de dérives sectaires dans des mouvements catholiques agissant dans l’Église.

Portées par une soif spirituelle, un désir de sanctification, un besoin de se rapprocher du Christ, elles se sont adressées en toute confiance à ces mouvements et, confrontées à des manœuvres aussi peu évangéliques, elles se sont senties profondément trahies.
Le recueil de leur témoignage laisse apparaître clairement que ce sentiment est justifié. Divers experts – théologien, philosophe, psychologue, juriste, responsable de nouvelle pastorale, canoniste – apportent leur concours à l’analyse et à l’interprétation de ces dérives sectaires, d’autant plus dangereuses et inquiétantes qu’elles se produisent au sein de l’Église qui ne semble ni s’en rendre vraiment compte ni prendre suffisamment conscience de la gravité de la situation. Loin d’être un réquisitoire contre elle, ce livre n’a d’autre ambition que de reconnaître la juste plainte des victimes et d’allumer des clignotants pour attirer l’attention de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, exercent une responsabilité quant au fonctionnement de ces mouvements et leur permettre d’intervenir là où une action devient urgente.

A travers cet ouvrage, découvrez les récits de victimes de dérives sectaires, éclairés par les analyses de spécialistes de divers horizons : juge ecclésiastique, théologien, juriste, psychologue...

EXTRAIT

Dans le cadre de mon expérience clinique avec des patients qui ont abandonné des communautés ecclésiales au sein desquelles des abus étaient commis, j’ai remarqué que, après s’être éloignés, ils peuvent faire l’expérience d’une telle décompression qu’elle les pousse vers des actes sexuels incessants et parfois destructeurs. Si cela s’accompagne de la séparation de la famille et des amis précédents, ainsi que de l’exigence d’un engagement de plus en plus fort et de la prédominance des rencontres collectives – comme on le déduit du matériel des ex-membres du Mouvement des Focolari, mais aussi des autres groupes – la relation entre dans une zone à risque en raison des transgressions qui pourraient avoir lieu. Sur la base de l’expérience clinique, il me semble que nous pouvons concevoir l’abus spirituel comme étant la transgression de certaines limites relatives à quelque chose qui est implicite dans une relation d’aide thérapeutique ou spirituelle, c’est-à-dire le bien de l’autre et les attentions qu’on lui apporte, le bien d’une autre personne qui se consacre à la recherche d’un soutien et d’une réponse, tout en sachant que les limites de son propre espace d’intimité peuvent varier sensiblement, mais qu’il existe pourtant toujours des minima qu’il est possible de ramener à la maxime d’Hippocrate primum non nocere. Il n’est pas rare de remarquer, après l’abandon, la confusion envers sa propre foi, tout comme la confusion entre le mouvement et l’Église elle-même, puisque dans ces mouvements le fondateur (ou la fondatrice) est une figure vénérée, très souvent assimilée à l’institution ecclésiale, de manière dogmatique. Lorsqu’ils abandonnent leur mouvement, de nombreux ex-membres traversent des crises profondes en ce qui concerne la religion et la vie en général, crises qui les tourmentent pendant des années et le travail successif de récupération passera tant par le travail psychothérapeutique que par le soutien théologique.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Vincent Hanssens est belge et psychosociologue. Il a exercé la fonction de vice-recteur de l’Université Catholique de Louvain. Engagé dans le dialogue interculturel et interuniversitaire, il est coauteur, avec Marcel Bolle De Bal, de Le croyant et le mécréant paru aux éditions Mols. Sous sa direction, différents auteurs ont participé à l'élaboration de cet ouvrage : Dominique Auzenet, Vitalina Floris, Jean-Marie Hennaux, Pascal Hubert, Damiano Modena, Renata Patti, Miguel Perlado, Monique Tiberghien et Pierre Vignon.
LangueFrançais
ÉditeurMols
Date de sortie25 mai 2018
ISBN9782874022401
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    Aperçu du livre

    De l'emprise à la liberté - Vincent Hanssens

    but.

    Chapitre 1

    L’élaboration du Projet.

    Historique du Livre

    Renata Patti. A adhéré au mouvement des Focolari à l’âge de 10 ans et y est restée plus de 40 ans.

    Secrétaire aux Institutions Européennes pendant 22 ans.

    Élève libre à l’Institut d’Études Théologiques I.E.T., Bruxelles, Belgique. Réside actuellement en Italie.

    Dans ce livre à voix multiples, les auteurs qui s’expriment diffèrent autant par leur âge, leur culture et leur langue, que par leur discipline. Pour ma part, outre ma collaboration à la mise en œuvre de ce livre, j’ai assuré le contact avec les victimes, ayant été témoin mais aussi victime, de certains abus.

    L’Institut d’études théologiques

    J’ai quitté officiellement le mouvement des Focolari le 13 avril 2008, pour de graves raisons que j’ai exposées ailleurs¹. Dès septembre 2008 j’ai choisi de m’inscrire – comme « élève libre » – pour des cours à l’I.E.T. (Institut Théologique des Jésuites de Bruxelles). Ce fut la porte qui allait m’ouvrir le chemin vers ma Vérité.

    « Bonjour Madame, vous avez choisi un grand nombre de cours, êtes-vous certaine de pouvoir tout gérer? » Le Président de l’Institut me posait là une question pertinente. Dans mon inconscience, peut-être avais-je surévalué mes forces?

    Mais je pouvais compter sur sa sagesse, son expérience professionnelle et religieuse et jamais il ne m’a coupé les ailes. Quand, après quelques semaines, je venais m’excuser auprès de lui pour mes absences à son cours d’anthropologie pour cause de fatigue, sa réponse était: « Personne ne s’est plaint, vous êtes libre et toujours la bienvenue. »

    Je croyais rêver, une telle liberté était-elle possible? Je découvrais des matières nouvelles pour moi ainsi que la pédagogie pleine de délicatesse de ces Jésuites et peu à peu je m’épanouissais.

    À la même époque, je suis allée consulter mon médecin habituel. Elle m’accueillit comme toujours avec cordialité et à la fin de la visite, elle me dit: « J’ai lu votre lettre de démission du Mouvement des Focolari. Savez-vous qu’on parle du Mouvement dans le livre Confession d’un cardinal, d’Olivier Le Gendre. » Je pris note des références et, en sortant du cabinet médical, je suis entrée dans une librairie, j’ai acheté ce livre et me suis inscrite dans la foulée à la conférence que l’auteur allait donner pour le présenter.

    Olivier Le Gendre

    Le chapitre « Jeudi, maison familiale – Mission aux États-Unis » m’interpellait particulièrement.

    Dans ces pages, le Cardinal d’Olivier Le Gendre dit:

    « Quelques-uns de ces mouvements exigent beaucoup de leurs membres: obéissance, disponibilité, exclusivité, contribution financière importante, révérence à l’égard des fondateurs et des responsables. Face à ces exigences, vous pouvez porter deux jugements.

    Le premier est de vous émerveiller de la générosité de ces chrétiens qui veulent vivre une foi engagée et ne ménagent pas leur peine. Le second est de vous demander si ces exigences ne vont pas trop loin, si elles ne profitent pas exclusivement aux dirigeants, si elles ne sont pas présentées avec trop d’insistance, si elles ne sont pas imposées par des pressions mentales anormales.

    […]

    Quatre mouvements principaux ont fait l’objet d’accusation de dérives sectaires: les Focolari, le Chemin Néocatéchuménal, l’Opus Dei, les Légionnaires du Christ. Il est dangereux de couvrir ces accusations du manteau du silence, il serait préférable d’investiguer pour arriver à une conclusion claire.

    – Pourquoi ne le fait-on pas?

    – Nous avons été plusieurs à essayer, croyez-moi. Nous avons mis en garde, nous avons parlé au pape et à Sodano bien sûr. Nous sommes intervenus auprès du Conseil pour les Laïcs dont la plupart dépendent.

    – Quand vous dites « nous », vous pensez à qui?

    – Moi d’abord, je ne veux pas me cacher derrière les autres. Des évêques résidentiels comme Carlo Maria Martini avant qu’il ne quitte le diocèse de Milan. Danneels de Belgique. Un nombre non négligeable d’évêques de votre pays [la France]. Des Américains aussi qui ont interdit certains de ces groupes dans leur diocèse.

    – Et pourquoi vos interventions n’ont-elles pas abouti?

    – Elles n’ont pas abouti officiellement. Cependant, certaines actions ont été menées et certaines mises en garde officieuses ont eu lieu. »²

    En octobre 2010, Olivier Le Gendre animait une session au Centre Ignacien « La Pairelle » à Wépion. Je me suis inscrite et j’ai demandé à le rencontrer personnellement au préalable. Rencontre qui se fit d’abord par e-mail, donnant lieu à un contact direct et ouvert de sa part, et se prolongea par la suite en une heure de dialogue « en vérité » inoubliable. Je retiens une phrase qu’il cita en finale: « On reconnaîtra l’arbre à ses fruits. »

    Pendant la session du week-end, je me suis retrouvée face à une liberté évangélique jamais expérimentée: c’était ma première retraite hors du Focolare et tout était différent.

    Quand j’ai reconduit Olivier Le Gendre à la gare de Namur, je lui ai dit: « Vous rendez-vous compte de ce que vous faites dans l’Église et pour l’Église? » Il a ri: « Non, je ne sais pas… pourquoi? Est-ce que je fais quelque chose? Même si c’était le cas, je préfère ne pas y penser! »

    Pour moi c’était une immense découverte! Un homme, un auteur écrivait pour faire éclater la Vérité, et le faisait avec une humilité profonde que j’avais pu apprécier pendant tout le week-end.

    La session m’avait redonné le message de Jésus dans toute sa pureté, sans commentaire inutile! Quand Olivier parlait, c’était pour dire l’indispensable. À la réunion finale dans la Chapelle, chacun devait choisir une phrase de l’Évangile et il choisit « Allez au large et jetez les filets ». C’est bien ce qu’il a réalisé dans son écriture comme dans sa vie.

    Olivier connaissait mon passé et après la rencontre du mois d’octobre 2010, il m’a consacré plusieurs rendez-vous téléphoniques. Moments privilégiés de discernement, de vérité, de bonheur. Je lui ai raconté aussi les chemins nouveaux que ses livres me conduisaient à parcourir.

    Lors de ces cours, j’ai rencontré Pascal Hubert, puis Monique Tiberghien. Elle m’a fait découvrir quelques lectures qui viendront au bon moment éclairer mon chemin³. Ces deux amitiés vont se consolider et alléger ma solitude.

    Le Cardinal Carlo Maria Martini

    À la Noël 2010, j’envoie au Cardinal Carlo Maria Martini à Gallarate (Italie) le livre d’Olivier Confession d’un cardinal, en version italienne Orgoglio e pregiudizio in Vaticano, accompagné d’une lettre expliquant ma sortie de Focolare pour des raisons très graves à mes yeux.

    Le Cardinal Martini me répond le 10 janvier 2011: « J’écrirai à Olivier Le Gendre pour le féliciter. » Sa lettre me paraissant importante pour Olivier aussi, je la lui traduis en français. Il me remercie en ces termes: « Cela me donne une joie que vous ne pouvez pas mesurer. »

    Je décide de relire certains passages de l’ouvrage d’Olivier, ceux dont le Cardinal me dira ultérieurement qu’ils sont équilibrés et reposent sur une bonne information. En fait, j’étais toujours terrassée par un poids indicible, je criais encore en silence vers Dieu: tout cela n’est pas possible, je suis tombée sur la tête. Après 40 ans d’aveuglement, faire une telle découverte, c’est immense!

    Quelque temps après, ayant des questions à poser à une autorité écclésiastique de taille, et me demandant à qui m’adresser, je ne cherche pas longuement la réponse; elle fuse directement de mon cœur: le Cardinal Carlo Maria Martini.

    Sa réponse est tout aussi immédiate: deux semaines après, il me donne déjà un rendez-vous.

    Le 7 janvier 2012 à 17 h 00 le Cardinal me reçoit pour la première fois à Gallarate: son accueil est paternel, ces 50 minutes inoubliables!

    Le samedi suivant, je raconte cet entretien à Olivier Le Gendre par téléphone, de Bruxelles à Paris: il m’écoute. Il répète pour souligner, il me questionne discrètement; je lui dis: « Ce passage-là je ne l’ai pas compris. » Il me dit: « Moi non plus je ne comprends pas. »

    Il m’encourage: « Fais lui savoir que tu as encore des questions, tu verras bien ce que son assistant Don Damiano Modena va te répondre. » En fait, ce sera un bref e-mail, le Cardinal répond: « Oui, pour une salutation »; et la deuxième rencontre est fixée au 11 mars 2012.

    « Une salutation » qui va durer cette fois encore 50 minutes. Je reprendrai la teneur de ces deux entretiens au chapitre 6.

    Nous aurons par la suite d’autres brefs mais intenses contacts via e-mails ou SMS par les soins de son assistant.

    Le 30 août je suis à Bruxelles avec mes parents milanais, nous sommes alarmés par un article du Corriere della sera, sur la santé du cardinal. Je me rends présente par un e-mail, sans recevoir de nouvelles. Alors, le 31 août 2012, après-midi, à 16 h 20, j’ose envoyer un SMS à Don Damiano, l’assurant de nos prières.

    Réponse immédiate: « E’ morto un’ora fa » (il est mort il y a une heure).

    Ses paroles s’impriment dans mon âme.

    Les SMS de Don Damiano se terminaient toujours avec « … », trois points. Cette fois-ci, dans ces petits points, il y a la fin d’une vie, mais la réalité d’une communion qui continue encore et toujours avec le Père Carlo Maria Martini.

    Je ne pleure pas tout de suite, par après, oui, sans me retenir. Mais ce jour-là, dans mon âme c’est plutôt une présence différente, pourtant bien réelle, sans limite de temps et d’espace: une présence qui a la saveur du Ciel.

    Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour résumer ce que je lui avais promis le 7 janvier et le 11 mars, mais il faudra du courage pour poursuivre sans avoir l’aide de sa parole, de son courage et surtout de son calme. Nous aurons seulement son silence, silence dans lequel nous devrions toujours écouter attentivement LA Parole: « Lampe pour mes pas est ta Parole, lumière sur mon chemin. » (Psaume 119,105).

    Dans son livre Il Vescovo⁴, traduit par Lessius L’Évêque au jour le jour⁵, chapitre dédié au rapport avec les religieux, le Cardinal écrit:

    « Les religieux sont plus obéissants, alors que les mouvements échappent au contact spécial de l’évêque. Le terme de ‘mouvements’, auquel je fais ici référence, est généralement un faux nom donné à des groupes organisés sous une autorité très exigeante et quasi despotique. Il serait trop long de traiter ici une matière qui s’est fort développée dans les années ’80 et ’90, mais il reviendra certainement à l’évêque de se faire une idée du fonctionnement de chacun des groupes qu’il rencontrera pour pouvoir les insérer dans le plan pastoral du diocèse. »

    Ce message est essentiel⁶.

    Il avait compris que les Focolari et bien d’autres mouvements et nouvelles communautés ont une structure rigide, étroite « un peu comme l’Opus Dei », m’avaitil dit et il en connaissait certainement beaucoup plus que ce qu’il m’a dévoilé.

    Ces rencontres avec lui ont été pour moi le « regard de Jésus »! Dans un SMS en mai 2012, après lecture de quelques documents que je lui avais envoyés, il m’a confirmé que j’étais dans une « foi incarnée »… C’en était trop! J’ai répondu immédiatement: « Pouvez-vous dire à Son Éminence que c’est lui le vrai témoin et maître de la Foi incarnée. »

    C’est grâce à la présence paternelle de ce grand homme que j’ai osé mon chemin. Il avait dit un jour: « Il faut que nous prions pour Renata. » Pendant mes quatre années d’études en tant qu’élève libre à l’I.E.T. des Jésuites de Bruxelles, j’avais caché presque totalement mon passé chez les Focolari. Après avoir rencontré le Cardinal, j’ai trouvé le courage d’entrer en relation avec quelques professeurs, motivée aussi par le suicide de Marisa Baù, Focolarine interne de 48 ans⁷.

    Je garde soigneusement les quelques pages écrites en italien relatant les rencontres à Gallarate avec le Cardinal. Don Damiano Modena qui l’a accompagné pendant les trois dernières années jusqu’à son dernier soupir⁸ avait reçu mes pages et m’avait écrit: « C’est un compte rendu très détaillé, il faut le garder. »

    RivEspérance

    Le 3 novembre 2012, je suis en Belgique, perdue parmi les milliers de participants du rassemblement RivEspérance 2012 dans la ville de Namur: nous écoutons, prions, échangeons des questions et cherchons des réponses. Tout est simple, tout est varié: les couleurs des vêtements, les familles, les jeux des enfants, les adolescents, les moines et moniales jeunes, moins jeunes et même très âgés, venus de congrégations diverses, des prêtres, évêques, un cardinal confondu dans la foule, des théologiens, laïcs engagés, professeurs qui enseignent et des témoins, beaucoup de témoins… en un mot: le peuple de Dieu d’une Église en marche, rayonnante de jeunesse.

    J’essaye de m’adapter à un autre monde que les Focolari, mais cela n’est jamais évident. Pourquoi?

    Où suis-je? Que sont devenues mes questions? Ce Forum est intense, je ne sais plus vers où me tourner. Comment la recherche d’un/e théologien/e pourraitelle révéler au monde un problème ecclésial si lourd? Ma « petite taille » m’empêche – c’est évident – d’annoncer cela toute seule par amour de la Vérité.

    C’est Olivier qui a ouvert ce colloque. Il l’a fait avec tant de messages d’espoir. Après Confession d’un cardinal, il a bien écrit L’espérance du cardinal. Au téléphone je lui clame: « Alors il y a une Espérance? »

    « Oui », me répond-il comme un grand frère dans la Foi qui rassure sa petite sœur ébranlée par la souffrance.

    Le rassemblement de RivEspérance est une belle occasion de revoir les amis proches. Je retrouve Olivier Le Gendre et lui présente le Professeur Vincent Hanssens de l’Université catholique de Louvain et Monique Tiberghien, son épouse, qui tous deux m’aident à voir clair dans les démarches concrètes à entreprendre, notamment pour le projet de ce livre.

    Grande joie de se rencontrer, de se connaître de plus près. Une petite communauté se crée au milieu de la foule de 1200 personnes. Plusieurs amis réfléchissent maintenant avec moi: je ne suis plus seule. Nous cherchons à avancer dans notre projet.

    Ce week-end de RivEspérance, si riche et profond, vécu « en Église », m’a donné un nouvel élan de vie. Je réalise combien les rassemblements annuels du Mouvement des Focolari (les Mariapolis) ne me donnaient pas une vraie vie. Ici pas d’uniformité imposée! C’est un rassemblement de toutes sortes de participants qui cheminent en communion dans leur différence et les Maîtres/Témoins sont bien choisis parmi une panoplie de réalités ecclésiales.

    Comment ne pas me rappeler la phrase de l’Apôtre Paul: « Moi, je suis à Paul! Et moi, à Apollos! Et moi, à Céphas! Et moi, au Christ! Christ est-il divisé? » (Corinthiens, I, 12-13).

    Ici, chacun vit en liberté l’Espérance sans l’enfermer dans des structures contraignantes, tout en maintenant au centre l’unique Fondateur de l’Église: Jésus Christ.

    Construction du livre à voix multiples

    Tout cela est bien, MAIS l’Église institutionnelle nous laisse encore et toujours attendre.

    Des questions plus profondes se posent alors:

    Ai-je encore envie de faire partie de cette Église qui ne bouge pas?

    Pour faire éclater la Vérité ne faudrait-il pas tout jeter en pâture à ceux qui « bouffent du Curé »?

    Parfois ma conviction est claire et je la crie à une ermite dans la ville, Sœur Vitalina Floris: « Le sixième pouvoir » (les médias) serait le meilleur chemin, le plus rapide et éclairant pour tous et bien sûr le plus facile pour moi aussi. Mon cri d’angoisse doit transpercer les tympans de Sœur Vitalina, mais je sens qu’elle passe alors la « parole » silencieusement, dans sa prière solitaire, vers Celui qui est vraiment le Tout-puissant. Et, quand j’ai assez crié dans cet espace de patience infinie et de sagesse vivante, dont elle sait si bien se servir en guise de réponse, moi, je reviens à Martini, toute seule: le Père Carlo Maria Martini m’avait parlé au cœur non pas de facilité, mais de « Foi incarnée ».

    Je ne peux pas trahir ma promesse!

    Mes amis m’entourent de conseils, se rendent présents, proposent des solutions. Il faudrait, me disentils, que quelques évêques soient clairement conscients de l’affaire pour alerter le Conseil Pontifical pour les Laïcs duquel dépend le Mouvement des Focolari aussi.

    Olivier Le Gendre nous suit avec attention et veut aussi être tenu au courant du projet de ce « livre à voix multiples » dont j’avais parlé au Cardinal Martini. Je lui dis qu’il y sera question de témoignages de victimes d’abus moraux et psychologiques, dans divers mouvements, Opus Dei, Focolari, Légionnaires du Christ, Comunione e liberazione, Chemin Néocatéchuménal, que « son » cardinal dénonce comme « mouvements à dérive sectaire » dans Confession d’un cardinal et dans L’espérance du cardinal.

    Je suis toujours soutenue par ses conseils réfléchis et pondérés. C’est lui qui me fait découvrir la réalité d’autres mouvements ecclésiaux et nouvelles communautés qui, de façons diverses, présentaient des problématiques de dérives sectaires similaires à celles des Focolari. Cela aussi ne devait plus rester caché.

    Olivier me dit: « Si c’est trop lourd à porter pour toi, ne t’engage pas encore, écoute et lis seulement ce qu’ils écrivent, ensuite, tu verras bien que faire. » J’ai suivi ce conseil, il était juste. Je n’ai que ma vie pour témoigner, comme tous les autres témoins.

    Mais après l’accusation grave du Père Hennaux, concernant la Fondatrice des Focolari, Chiara Lubich⁹, et après mes entretiens avec le Cardinal Martini, la clarté émergeait en moi; par la seule grâce de Dieu, je garde la Foi et je peux répéter avec Monseigneur Bregantini¹⁰: « Non possiamo tacere »¹¹ (Nous ne pouvons pas nous taire). J’accepte de signer « mes mémoires » sans pseudonyme.

    Comment agir maintenant pour avancer en Église et « faire la Vérité »? Qui pourrait être le meilleur interlocuteur?

    Je me sens moins seule, je rencontre de plus en plus de personnes déjà sensibles au danger de ces dérives et prêtes à lutter pour lever le voile sur les abus de certains mouvements.

    Les personnes les plus proches et qui s’engagent auprès de moi avec une amitié profonde sont sans doute Vincent et Monique.

    Nous rejoint également, à ce moment-là, Peter Annegarn, Président du Conseil Interdiocésain des Laïcs, membre du Forum Européen des Laïcs et Président de Caritas Belgique/Luxembourg et, bien entendu, Olivier Le Gendre, l’acteur principal de ma découverte de la dérive sectaire des Focolari en 2007. Ce sera son dernier soutien car il est très malade.

    Je bénéficie encore de conseils d’autres personnes: évêques, prêtres, religieux et, dans mes petits voyages, je tisse des liens avec des experts et quelques victimes.

    À travers le livre de Jean Giono L’homme qui plantait des arbres¹², je découvre une méthode pour diffuser le message. Je ne plante pas des arbres, il me faut « planter » des livres, beaucoup de livres pour faire parler les auteurs qui peuvent le faire avec compétence et autorité.

    Pour ma part, pendant l’été 2009, 15 jours m’avaient suffi pour écrire 180 pages en italien: mes mémoires. Les mots sortaient tous « en vrac ». J’envoyais chaque jour mes pages à ma chère Sœur Vitalina Floris, l’Ermite, qui a tellement écouté et accompagné le quotidien de personnes détruites par ces dérives qu’elle ne peut pas se taire non plus. Elle m’écrivait: « Continue, continue… mais en fait, je n’ai pas besoin de t’encourager tu es bien lancée. » Elle priait pour moi ainsi que pour toutes les victimes de ce drame collectif. Il faudrait dénoncer – disait-elle –, tu n’es pas la seule! Tant de personnes souffrent énormément!

    Je choisis maintenant de raconter les faits, avec précision, à temps et contre temps, et faire silence sur l’explication du « pourquoi », en laissant cela à la parole compétente des experts de diverses disciplines.

    Beaucoup de personnes, effectivement, souffraient dans ces structures! Je devais le dire, mais ma voix était celle d’une ex-Focolarine, elle pouvait être étiquetée comme celle d’une malade et aucune étude sérieuse ne pouvait encore soutenir ce que j’avançais dans mes pages. N’importe qui pouvait dire que c’était faux! Pourtant, là n’était pas le problème car même cela ne m’aurait pas affectée. Où était donc l’obstacle?

    C’est grâce à une phrase que m’écrit le professeur Autiero¹³, « Vous qui êtes avec Martini essayez d’exprimer votre dénonciation avec parrhésie », que je vais changer d’attitude.

    Qu’est-ce que la parrhésie? Dans quel livre Martini explique-t-il cela? Sa bibliographie est immense! Devant l’évidence de mon incapacité à la parcourir, je n’hésite pas à appeler à mon secours un disciple fidèle: « Buon giorno Don Damiano, où puis-je trouver l’explication de la parrhésie chez Martini? »

    La réponse de l’expert est timide et très humble: Peut-être dans Le ali della Libertà (Les ailes de la Liberté). C’est exact!

    Je lis et relis encore ce texte de Martini pour essayer d’approfondir comment agir avec parrhésie. Il s’agit de s’exercer à ce franc-parler et de dire ce que l’on a de plus intime et de plus vrai avec

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