ANDRÉ COMTE-SPONVILLE ET L’AMOUR DE LA VIE
The Good Life : Comment allez-vous dans ce contexte particulier de crise sanitaire ?
André Comte-Sponville : Je suis en pleine forme ! J’ai souffert cet hiver d’un Covid assez sévère, mais qui n’a laissé apparemment aucune séquelle. Cela dit, je reste un peu inquiet, moins s’agissant du virus que de ce que j’appelle le panmédicalisme : faire de la santé la valeur suprême, et tout soumettre en conséquence à la médecine. Selon moi, les valeurs suprêmes sont plutôt l’amour, la justice et la liberté de l’esprit. Quant à la santé, elle est moins une valeur qu’un bien. Un bien, c’est quelque chose de désirable ou d’enviable. Une valeur, c’est quelque chose d’estimable ou d’admirable. Je peux envier quelqu’un parce qu’il est en meilleure santé que moi, ou parce qu’il est plus riche que moi. Mais si je l’admire pour cela, je suis un imbécile. Ce panmédicalisme occupe tellement de place dans les médias, les discours politiques et la tête des gens que cela m’inquiète : c’est une drôle de société que nous préparons pour nos enfants ! Que ce soit Bouddha, Confucius, Socrate ou Jésus, aucun des grands maîtres de l’humanité n’a jamais dit qu’il n’y avait rien au-dessus de la santé. Ce panmédicalisme est comme une maladie sénile de l’humanisme. Si l’on fait de la santé la valeur suprême, alors la priorité est de protéger les plus fragiles, donc les plus vieux. Mais ce n’est vrai que dans le domaine de la santé, car pour la plupart des risques majeurs, qu’il s’agisse de mourir jeune, du chômage ou du réchauffement climatique, nos enfants sont bien plus exposés
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