UN MONDE FABULEUX
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Aperçu du livre
UN MONDE FABULEUX - Marc-André Routhier
Un monde fabuleux
Recueil de 101 Fables Inédites
Marc-André Routhier
Conception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose
Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite
sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.
Distributeur : Distribulivre
www.distribulivre.com
Tél. : 1-450-887-2182
Télécopieur : 1-450-915-2224
© Les Éditions de l’Apothéose
Lanoraie (Québec) J0K 1E0
Canada
apotheose@bell.net
www.leseditionsdelapotheose.com
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2022
ISBN EPUB : 978-2-89775-847-9
Imprimé au Canada
Être papi est un extraordinaire privilège qui n'est pas donné à tout le monde.
Aussi j'aimerais dédier ce recueil de fables à mes très chers petits-enfants,
Bianca, Donovan, Hayden, Katia, Olivier, Auriane, Camille et Èva que,
malgré la distance qui nous sépare, j'affectionne de tout mon cœur.
L'amour que je vous porte est indéfectible.
Un mot de l’auteur
Si j’ai choisi le chiffre 101, c’est pour faire ici un petit clin d’œil à la loi 101 et pour lui manifester mon appui total et inconditionnel. Ceux qui nient que notre belle langue soit en danger et qui s’offusquent que l’on veuille la protéger sont de toute évidence motivés par des intérêts personnels et l’histoire nous en apportera sans doute la preuve. Mais une chose est certaine, tant et aussi longtemps que je vivrai, je la défendrai corps et âme.
Je sais que ma cause est noble et que d’autres reprendront le flambeau après moi. Et, même si ma contribution peut s’avérer modeste dans ce combat qui a plus que jamais sa raison d’être quand on voit les attaques que doivent subir ceux qui la défendent, j’ose croire que chaque petit geste posé puisse nous mener un jour à la victoire finale.
Ce texte se veut une opinion personnelle de l’auteur et il n’implique que ce dernier et n’engage d’aucune manière l’éditeur.
Ce recueil est un hommage à notre belle langue française
Qui trop souvent est malmenée par ses dénigreurs
Dont le but inavoué est d’en éteindre les braises
Et j’espère que mes mots sauront vous toucher le cœur
De l’auteur
Le jeune paysan et la belle captive
V
ous avez tous dû entendre parler
De rêves que l’on dit prémonitoires
Qui se réalisent la plupart du temps
Alors que plusieurs n’y croient pas
Et que d’autres préfèrent les ignorer
Disant qu’il vaut mieux ne pas savoir
Ce qui dans le futur nous attend
Et que c’est préférable comme ça
Pourtant ces rêves sont bien réels
Ils arrivent qu’on le veuille ou non
Et semblent étranges à première vue
C’est pourquoi souvent on les oublie
Ce qui est une chose bien naturelle
Puisque toutes les nuits nous rêvons
Et qu’au réveil on ne s’en souvient plus
C’est souvent comme ça aujourd’hui
Mais il fut un temps où au contraire
On accordait une grande importance
Aux songes et à ce genre de rêves
Que l’on prenait le temps d’analyser
Voici donc une histoire qui va plaire
À ceux qui aux rêves font confiance
Et qui tous les matins se lèvent
En espérant qu’ils vont se réaliser
C’est l’histoire d’un jeune paysan
Qui depuis des ans avait des songes
Qu’il fallait prendre très au sérieux
Puisqu’ils se réalisaient chaque fois
Bien que certains soient insignifiants
D’autres exigeaient qu’on s’y plonge
Car ils étaient vraiment mystérieux
Et que l’on s’y intéresse allait de soi
Or le songe qu’il eut cette nuit-là
Lui laissa une étrange prémonition
Car dans celui-ci une jeune fille
Était prisonnière dans un château
Ce qui évidemment le perturba
Car on avait signalé la disparition
D’une jeune fille dans une autre ville
Et cela allait faire six mois bientôt
Habitué d’être à ses rêves confronté
Le jeune paysan chercha conseil
Auprès d’un sage de son village
Qu’il avait consulté précédemment
Ce songe était d’une telle réalité
Qu’il le tracassait depuis son réveil
Et il y voyait un mauvais présage
S’il ne s’en occupait pas sérieusement
Se peut-il qu’il s’agisse de cette fille
Qui sans laisser de traces a disparu
Et que son père recherche depuis
Alors que sa mère se meurt de chagrin
Les recherches se sont avérées stériles
Et chaque jour l’espoir s’atténue
Je dois faire quelque chose avait-il dit
Pour l’arracher à ce cruel destin
Le sage ayant réfléchi longuement
Lui fit alors remarquer que sa quête
Allait s’avérer être plutôt ardue
S’il espérait pouvoir la retrouver
Mais je ne peux pas faire autrement
Cette fille ne me sort pas de la tête
Je sais que de force elle est retenue
Dit le garçon et je dois la libérer
Tu sais que ce pays est très vaste
Que les châteaux y sont nombreux
Et que tous hélas se ressemblent
Ce qui ne va pas faciliter les choses
Et même si tu retrouvais sa trace
N’y entre pas facilement qui veut
Alors comment vas-tu t’y prendre
Car à de grands dangers tu t’exposes
Lui dit le sage qui manifestement
Savait qu’il n’abandonnerait pas
Avant d’avoir retrouvé cette fille
Et de l’avoir libérée de son donjon
Je ne saurais le dire pour le moment
Mais je trouverai bien une fois là
Et je la ramènerai dans sa famille
Lui répondit avec fougue le garçon
Alors tu devras être très prudent
Et ne pas poser trop de questions
Fie-toi seulement à ce que tu vois
Et par ton instinct laisse-toi guider
Ne t’attarde surtout pas inutilement
Ça ne ferait qu’éveiller les soupçons
Il se peut que tu n’aies pas le choix
Dit le sage et qu’il te faille user
D’un subterfuge pour la sauver alors
Car celui qui la retient prisonnière
Doit se douter qu’on la recherche
Et il doit certes être sur ses gardes
C’est entre tes mains qu’est son sort
Et tu devras trouver une manière
De l’en sortir sans vendre la mèche
Sur tes intentions par mégarde
J’ai un plan qui devrait me permettre
De faire très facilement diversion
En me laissant les coudées franches
Dit le garçon et couvrant mes arrières
Il me suffira de le suivre à la lettre
Une fois que je serai à destination
Et alors avec un peu de chance
Il se peut très bien que je la libère
Va mon garçon car noble est ta quête
Lui dit le sage et ton cœur est pur
Je suis convaincu que tu vas réussir
À l’arracher des griffes de ce vilain
Mais garde toujours ceci en tête
La ruse triomphe toujours à l’usure
Et elle peut certainement te servir
Lorsque tu n’as d’arme que tes mains
C’est ainsi que notre jeune paysan
La tête remplie de précieux conseils
Prit la route pour secourir la belle
Qui s’était immiscée dans ses rêves
Et l’accompagnait le jour dorénavant
Comme la nuit dans son sommeil
Son cœur ne battait plus que pour elle
Et pour la trouver il n’aurait de trêve
Ainsi toute la campagne il parcourut
S’arrêtant bien sûr à chaque château
Qui se retrouvait sur son chemin
Où il demandait asile pour la nuit
Et en repartait aussitôt le jour venu
Parcourant par monts et par vaux
Le fouillant jusque dans ses confins
Il ratissa au grand complet le pays
Mais au bout de plusieurs semaines
Ses recherches étant infructueuses
Le jeune paysan commençait à douter
De la véracité du rêve qu’il avait fait
Ses attentes s’étaient avérées vaines
Aucune trace de la malheureuse
Il n’avait jusqu’à ce jour pu la trouver
Pourtant dans ses rêves elle l’appelait
Or voilà que contre toute attente
Sur une route empruntée par hasard
Se dessina un château à l’horizon
Qui comprit-il n’était pas répertorié
Ce doit être une construction récente
Puisque celui-ci ne figure nulle part
Je crois bien que cette fois c’est le bon
Se dit-il après s’en être approché
Cela ne fait plus l’ombre d’un doute
C’est exactement celui dans mon rêve
Et la tour qui culmine tout au fond
Est l’endroit où ma belle est captive
Je l’en sortirai quoi qu’il m’en coûte
Et avant même que la nuit ne s’achève
S’il le faut j’escaladerai son donjon
Car sans elle je ne saurais plus vivre
Mais la partie était loin d’être gagnée
Il allait devoir pour cela user de ruse
Car ces terres étant celles d’un Seigneur
Ce dernier y régnait en roi et maître
Le jeune paysan s’était donc présenté
En se servant d’un habile subterfuge
Et s’il ne voulait pas subir sa fureur
De son plan rien ne devait transparaître
Après une journée passée au champ
Le Seigneur semblait être très satisfait
En voyant tout le travail accompli
Eh bien tu ne ménages pas tes efforts
Dit-il en s’adressant au jeune paysan
Tu es vaillant et c’est ce qui me plaît
Demain tu vas t’occuper des écuries
Je verrai ce que tu vaux vraiment alors
Je crois que vous ne serez pas déçu
Parce que les chevaux ça me connaît
Je suis le meilleur pour le dressage
Dit le jeune paysan bombant le torse
Ce soir-là sur sa paillasse étendu
À la belle de ses rêves il repensait
Il l’avait aperçue au dernier étage
Et il allait devoir se servir de sa force
Car pour la sortir de cette prison
Dont toutes les issues étaient barrées
Et sans doute gardées de l’intérieur
D’après ce qu’il avait cru entrevoir
Il ne voyait qu’une seule solution
Escalader la tour à la nuit tombée
Pour en extirper l’élue de son cœur
Et de s’enfuir avec elle dans le noir
Son plan était certes assez audacieux
Et il n’aurait pas une seconde chance
Il lui fallait une longue corde solide
Qu’il trouverait facilement à l’écurie
Pour lui le reste ne serait qu’un jeu
Grimper une paroi de cette importance
N’est rien pour un jeune intrépide
Et à ce jeu il était bien sûr aguerri
Le lendemain il passa donc la journée
À tout mettre en place pour leur fuite
Et à peaufiner son plan d’évasion
Il choisit les deux meilleurs chevaux
Qu’il conduisit dans un pré à proximité
Mit les autres dans un à part ensuite
Pour ne pas attirer sur eux l’attention
Puis il se concentra sur ses travaux
Car il devait satisfaire le Seigneur
S’il ne voulait pas être renvoyé
Avant d’avoir pu réaliser son plan
Qui n’attendait que vienne la nuit
Jamais il n’avait mis autant d’ardeur
Dans un travail et il fut récompensé
Car le châtelain fut ravi en voyant
L’état dans lequel était son écurie
Les chevaux sont tous à l’extérieur
Je n’ai pas eu le temps de les rentrer
Mais une nuit dehors leur fera du bien
Dit le garçon et je veillerai sur eux
Tu es le meilleur il n’y a pas d’erreur
Et je t’engage comme palefrenier
Veille à ce qu’ils ne manquent de rien
Dit le Seigneur car ils me sont précieux
Dormez en paix répondit le garçon
Car ils sont entre de bonnes mains
Je retourne auprès d’eux de ce pas
J’aime bien à la belle étoile dormir
Le Seigneur n’y vit comme de raison
Qu’une preuve d’un intérêt certain
Pour son travail et il l’en félicita
Car de sa venue il pouvait se réjouir
Cette nuit-là en était une sans lune
Et le ciel était d’un noir d’encre
Après s’être assuré au préalable
Que tout le monde était endormi
Grâce à sa force peu commune
Et prenant appui dans les fentes
Le garçon au désir inébranlable
Se hissa en haut de la tour sans bruit
Et par la fenêtre il s’y introduisit
Alors de la jeune fille il s’approcha
Et il posa sur sa bouche une main
Tu n’as rien à craindre de moi dit-il
C’est pour te libérer que je suis ici
Je vais retirer ma main mais ne crie pas
Car on m’attraperait c’est certain
Et toute tentative de fuite serait inutile
Comment as-tu fait pour me trouver
Lui demanda alors la belle captive
Je te cherche depuis plusieurs mois
Dit-il pour te ramener auprès des tiens
Mais il est impossible de s’échapper
J’ai essayé bien avant que tu n’arrives
Dit-elle et j’ai échoué chaque fois
Vouloir s’enfuir d’ici ne sert à rien
Pourtant je suis bien là dit le garçon
Et tu vas devoir me faire confiance
Car nous allons devoir redescendre
Par le même chemin où je suis monté
Il n’y a je le crains pas d’autre façon
Es-tu prête à prendre cette chance
Car nous ne pouvons plus attendre
Si nous ne voulons pas être rattrapés
Je suis prête à tout pour sortir d’ici
Répondit-elle et revoir mes parents
Alors tu devras t’agripper à moi
Et suivre à la lettre mes instructions
D’abord aide-moi à déplacer ton lit
J’y attacherai cette corde solidement
Ensuite je l’enroulerai autour de toi
Et puis ensemble nous descendrons
Est-ce que tu crois en être capable
Lui demanda alors le jeune paysan
Je suis certaine que j’y arriverai
Je te le répète je suis prête à tout
Risquer ma vie me semble préférable
Que de la passer en le regrettant
Aussi les yeux fermés je te suivrai
Si c’est la liberté qui m’attend au bout
Alors allons-y maintenant dit-elle
En enjambant le rebord de la fenêtre
Nous avons perdu assez de temps
Et l’heure n’est plus aux doutes
Alors prenant sur son dos la belle
Qui avait été la raison de sa quête
Et dont la vie dépendait de lui à présent
Sans plus tarder il se mit en route
Bien que la descente fut périlleuse
Elle se passa néanmoins sans heurt
Et lorsque le sol ils eurent enfin touché
Le jeune garçon la guida aussitôt
Vers le pré où dans la nuit silencieuse
Se confondant dans la noirceur
Où les y ayant menés dans la journée
Les attendaient les deux chevaux
Il y a une chose que j’aimerais savoir
Dit la belle visiblement intriguée
Personne ne savait où je me trouvais
Ni que dans ce château j’étais détenue
J’ai eu un songe qui tous les soirs
Dans mes rêves revenait me hanter
Et dans lequel chaque fois je te voyais
Dans une tour contre ton gré retenue
Et comme il m’arrive à l’occasion
De faire des rêves prémonitoires
Je ne pouvais pas ignorer celui-ci
Parce qu’il se faisait trop insistant
Alors j’ai voulu en connaître la raison
Et en cherchant j’ai fini par savoir
Que tu étais disparue et j’ai compris
Ce que je devais faire à cet instant
Or dans mes rêves je voyais un château
Je me suis donc concentré sur ça
Et je t’y ai cherchée dans tout le pays
Jusqu’à ce que je tombe sur le bon
À présent partons il fera jour bientôt
Il ne faudrait pas qu’on nous trouve là
Dit le garçon alors profitons de la nuit
Car demain à nos trousses ils seront
Mais ce que le jeune paysan ignorait
C’est qu’elle était la fille d’un Seigneur
Et que ce dernier la cherchait toujours
Qu’il se trouvait alors dans les parages
Et que leurs routes se croiseraient
Or voilà que depuis plus d’une heure
Ayant réalisé leur absence au petit jour
L’autre étant devenu fou de rage
S’était alors lancé à leur poursuite
Et il se rapprochait dangereusement
Alors que s’effritait leur avance
Et qu’ils ignoraient être en danger
Ne s’étant pas douté que leur fuite
Serait découverte aussi rapidement
Ce qui réduisait d’autant leurs chances
Qu’ils parviennent à lui échapper
Heureusement lorsqu’il les rattrapa
Croyant pouvoir assouvir sa colère
Et faire payer au jeune paysan
Pour l’avoir aussi facilement dupé
C’est face à son père qu’il se retrouva
Et avec qui il dut croiser le fer
Or ce dernier était un fier combattant
Et il le lui fit chèrement payer
C’est ce garçon qui par son courage
Des mains de cet homme m’a délivrée
En risquant sa vie pour le faire
Dit-elle et je lui en suis reconnaissante
Mon garçon dit le père tu es très brave
Car pour faire cela sans être armé
Il faut être vraiment téméraire
Or grâce à toi ma fille est vivante
Et je te serai éternellement redevable
Pour l’avoir courageusement secourue
Et arrachée des mains de ce tyran
Alors ce soir tu me feras le plaisir
De bien vouloir t’asseoir à ma table
Chez moi tu es désormais le bienvenu
Et auprès de ma fille tout autant
Car je crois que c’est son plus cher désir
Fin
Une image contenant oiseau Description générée automatiquementLa belette et la linotte
D
e l’une on dit qu’elle est trop curieuse
De l’autre qu’elle est écervelée
Et si la première se veut audacieuse
La deuxième serait plutôt à l’opposé
Si la belette est parfois téméraire
C’est que la nature l’a faite ainsi
Et si la linotte tournoie dans les airs
Il est normal qu’elle soit étourdie
Certains y verront de grandes qualités
Pour d’autres ce ne sont là que défauts
Mais pour y voir clair on est mieux placé
Quand on regarde les choses d’en haut
C’est ainsi que ce jour-là la belette
Fut attirée par un bruit inhabituel
Elle sortit aussitôt de sa cachette
Car pour elle la chose est naturelle
Elle jeta un coup d’œil aux alentours
Où elle avait établi son domaine
Qu’elle parcourait à tous les jours
De la rivière jusqu’à la plaine
Mais elle ne put dire exactement
Quelle était la cause de ce brouhaha
Qui planait sur son environnement
Et vers lequel bien sûr elle se dirigea
Vous l’aurez deviné sans réfléchir
Trop pressée qu’elle était de savoir
Car c’était il faut bien le dire
À sa curiosité le seul exutoire
S’élançant donc dans les herbes hautes
Qui tout autour recouvraient les champs
Elle fonça aveuglément telle une taupe
Vers l’endroit d’où lui parvenait ce boucan
Et pendant ce temps dans le ciel
La linotte elle aussi alertée
Ayant senti une menace éventuelle
S’était à tire d’ailes envolée
Et d’où décrivant de grands cercles
Elle put à son aise de là-haut
Mieux concentrer ses recherches
Vers ce bruit dont lui parvenait l’écho
C’est ainsi qu’elle put observer
Un homme au bord de la rivière
Semblant occupé à installer
Des pièges en bordure de la clairière
Encore un de ces vilains trappeurs
Se dit la linotte en l’apercevant
Sachant qu’avec lui vient le malheur
Pourquoi l’homme est-il si méchant
Se demanda-t-elle avec indignation
Sentant monter en elle la rage
En le voyant cacher dans les buissons
Ce qu’elle comprit être des cages
Où seraient emprisonnés tôt ou tard
Des animaux de différentes espèces
Venant à passer par là par hasard
Il est temps que tout cela cesse
Et pour cela il n’en tient qu’à moi
Car si personne n’en prend l’initiative
Plusieurs périront encore cette fois
En essayant d’atteindre la rive
C’est alors qu’émergeant des hautes herbes
Elle vit venir par-là la belette
Attirée par tant d’agitation sur la berge
Mais ignorant le danger qui la guette
Elle que la curiosité rend vulnérable
Fonçait tout droit vers ce piège
Et la linotte se sentant responsable
Voulut mettre fin à ce manège
Qui selon elle avait trop duré
Et se dit qu'elle devait y voir
Amorçant alors un rapide piqué
Sur le trappeur elle se laissa choir
Celui-ci sous l’effet de la surprise
Bien entendu vivement sursauta
Mais d’un geste vif d’une grande maîtrise
La pauvre linotte il attrapa
Elle qui dans sa grande témérité
Avait voulu changer les choses
À bien trop gros s’était attaquée
Ce qui de sa perte fut la cause
Pendant que la belette témoin muet
Du triste sort de son allié l’oiseau
S’étant approchée un peu trop près
Crut sa fin venue pour bientôt
Cherchant alors une porte de sortie
Elle voulut faire marche arrière
Et fonçant tout droit dans les orties
Se jeta dans une cage tête première
La morale que l’on doit en tirer
Est qu’il faut bien sûr avant d’agir
Par curiosité ou par témérité
Prendre le temps d’y bien réfléchir
Fin
La belle et le facteur
D
ans une lointaine et grande ville
Vivait une très jolie demoiselle
Qui passait des jours tranquilles
Dans une attente perpétuelle
Appuyée au rebord de sa fenêtre
Elle guettait la venue du facteur
Car la belle attendait une lettre
De celui qui avait pris son cœur
Et qui après lui avoir fait la cour
Était à la fin parvenu à la séduire
Lui jurant son éternel amour
Et lui promettant de lui écrire
Car il habitait un tout petit village
Qui se trouvait à des lieux de là
C’était lors de son dernier passage
Qu’elle s’était abandonnée dans ses bras
Hélas depuis ce jour-là la belle
Espérait à longueur de journée
Mais toujours était sans nouvelle
De celui qui occupait ses pensées
Peut-être a-t-il perdu mon adresse
Ou bien qu’il a eu un accident
Se répétait la belle avec tristesse
Il ne pouvait pas en être autrement
Des raisons elle s’en trouva mille
Refusant de voir la réalité cruelle
Elle n’était pas la première fille
À s’être laissée prendre dans ses ficelles
Ce sera pour demain peut-être
Lui répétait chaque fois le facteur
Et s’y accrochant de tout son être
Elle peinait à refouler ses pleurs
Ce dernier s’était au fil des jours
Épris d’elle mais n’osait pas le lui dire
Car la belle se mourait d’amour
Pour un autre c’était bien ça le pire
Qui n’avait même pas le courage
De lui écrire qu’il ne l’aimait pas
Ce n’est qu’un lâche de bas étage
Et j’espère qu’un jour elle comprendra
Que s’il ne lui donne pas de nouvelle
C’est qu’il l’a tout simplement oubliée
Car s’il était en amour avec elle
Il se serait à ce jour manifesté
Pourquoi lui avoir fait une promesse
En la sachant fausse à ce moment
Comment peut-il ignorer la détresse
Dans laquelle l’a plongée ce serment
C’est alors que le facteur eut une idée
Je ne supporte plus de la voir si triste
Elle mérite mieux que cet écervelé
Qui d’elle de toute évidence se fiche
Puisqu’il n’y porte aucune attention
Et qu’il n’en est pas du tout amoureux
Ce n’est rien de plus qu’un poltron
Et c’est donc à moi de lui ouvrir les yeux
En espérant qu’alors elle comprendra
Que c’est par amour que je l’ai fait
Et qu’ainsi en retour elle m’aimera
Voilà ce que le facteur se disait
Lorsque ce soir-là à son bureau
Il décida de lui écrire une lettre
Dont soigneusement il choisit les mots
Qui à sa belle sauraient plaire certes
Précieusement il scella l’enveloppe
Après l’avoir lue à plusieurs reprises
Demain je lui remettrai en main propre
Cette fois-ci ma décision est prise
Il faut qu’elle sache que je l’aime
Et que d’elle je rêve chaque nuit
Que de la voir se languir me peine
Et que pour elle je donnerais ma vie
C’est pourquoi j’ose venir lui avouer
Avant que son amour ne se tarisse
Ou que son cœur soit à jamais fermé
Et qu’elle en garde de profondes cicatrices
Je ne vois pas de meilleure façon
Même si le réveil doit être douloureux
Alors si à mon amour elle répond
Elle fera de moi l’homme le plus heureux
Quand le lendemain à sa porte il sonna
Il sentit soudain sa gorge qui se nouait
La belle pour répondre se précipita
Sans savoir bien sûr ce qui l’attendait
Enfin dit-elle ce n’est pas trop tôt
Et s’emparant vivement de la lettre
Elle en brisa nerveusement le sceau
Tous ses sens étaient en alerte
Alors qu’elle refermait la porte
En serrant sur son cœur la missive
En la voyant fébrile de la sorte
Le facteur comprit avoir fait une bêtise
Je vois bien que c’est lui qu’elle aime
Vraiment je me demande ce qui m’a pris
Par ma faute elle aura de la peine
Et qu’elle me pardonne je serais surpris
Qu’est-ce qu’elle va penser de moi
Comment ai-je pu être aussi bête
Des abrutis je suis vraiment le roi
À croire que je n’ai rien dans la tête
C’est ce que se répétait le facteur
En remontant tristement la rue
Je lui ai sans doute brisé le cœur
Mais ce n’est pas ce que j’ai voulu
Il est sûrement trop tard à présent
Pour auprès d’elle aller m’expliquer
Il fallait être tout à fait inconscient
Pour m’être ainsi sous ce jour montré
Je ne pourrai plus la regarder en face
Comment supporterais-je son regard
Après un pareil manque de classe
C’était vraiment indigne de ma part
Que par ma faute elle ait souffert
En lui portant un coup aussi vicieux
Dès demain je demanderai un transfert
Ce sera beaucoup mieux pour nous deux
Ainsi donc comme il l’avait demandé
Le lendemain il fut changé de secteur
C’était certes là à n’en pas douter
La solution s’avérant la meilleure
Après avoir lu la lettre plusieurs fois
La belle qui à cet aveu n’était pas prête
Sentit alors en elle monter l’émoi
Les mots se bousculaient dans sa tête
Et venaient lui déchirer le cœur
Bien plus encore qu’il ne l’avait cru
Le lendemain donc à la première heure
Elle s’installa pour guetter sa venue
Car en y réfléchissant longuement
Elle avait alors fini par réaliser
Que de ses plus beaux sentiments
L’autre garçon s’était bien moqué
Voyant qu’un autre avait pris sa place
Elle comprit la raison de son départ
Et du facteur voulut retrouver la trace
Avant qu’il ne soit pour eux trop tard
Car à son cœur en s’étant ouvert
Il lui avait du coup ouvert les yeux
Et son amour il lui avait offert
Dans l’un des plus touchants aveux
Qu’à ce jour jamais elle n’eut imaginé
Pouvoir y déceler autant de douceur
Alors au facteur une lettre elle fit porter
Dans laquelle elle lui offrit son cœur
Fin
La belle et le vagabond
I
l y a de cela bien longtemps
Dans un pays très très éloigné
Vivait une belle jeune fille
Qui faisait la joie de son père
Qu’elle chérissait évidemment
Jamais n’avait-on vu telle beauté
Étant la seule enfant de la famille
Ses parents n’en étaient pas peu fiers
Un des notables de son village
Son père avait bonne réputation
Et ne voulait que le meilleur pour elle
Afin de lui offrir un bel avenir
Enfant obéissante et très sage
Elle peaufinait son éducation
Sous la surveillance maternelle
Et dans la bienséance il va sans dire
En dehors de ses heures de cours
Elle partageait ses temps libres
Entre la musique et la lecture
Et de longues promenades au jardin
Où souvent à la tombée du jour
Lorsque la chose était possible
Elle se fondait dans la nature
Échappant pour un temps à son destin
C’est lors d’une de ces escapades
Que sa vie allait soudain changer
En faisant la rencontre d’un garçon
Qui s’était caché dans le sous-bois
S’étant endormi près de la cascade
Où elle aimait venir se reposer
Ce soir-là elle buta sur un vagabond
Dont le regard la laissa sans voix
Que fais-tu dehors à une heure pareille
Lui demanda le garçon sans façon
Ce n’est pas un endroit sécuritaire
Pour une fille une fois la nuit tombée
Je ne voulais pas troubler ton sommeil
Mais c’est à moi de te poser la question
Qu’est-ce qu’en ces lieux tu es venu faire
Car tu es ici dans notre propriété
Tu ne dois pas être de la région
Car je ne t’ai jamais vu