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LES FESTIVALS DE MUSIQUES DU MONDE: Regards comparés sur trois études de cas en France, en Italie et au Québec
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LES FESTIVALS DE MUSIQUES DU MONDE: Regards comparés sur trois études de cas en France, en Italie et au Québec
Livre électronique343 pages4 heures

LES FESTIVALS DE MUSIQUES DU MONDE: Regards comparés sur trois études de cas en France, en Italie et au Québec

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À propos de ce livre électronique

Les festivals de musiques du monde suscitent aujourd’hui de nombreux débats dans les domaines de l’ethnomusicologie, de l’anthropologie de la musique et de la sociomusicologie. Leur rôle dans la promotion d’un territoire, leur importance dans les processus de construction identitaire, leurs publics et leur capacité à créer et recréer des musiques issues de cultures de l’oralité sont autant de sujets abordés dans ce livre. Bien que ces événements aient connu un essor considérable depuis les années 1980, il reste encore beaucoup à faire en matière de recherche à leur sujet.

Cet ouvrage collectif vise à enrichir cette réflexion, en s’appuyant sur trois études de cas dans trois contextes nationaux différents. Les festivals étudiés sont le Festival de l’Imaginaire à Paris, La Notte della Taranta dans la région du Salento en Italie et le Festival du Monde Arabe à Montréal. Suivant un principe dialogique, chercheurs et opérateurs culturels discutent des stratégies, des défis, des négociations et des ajustements nécessaires à l’organisation de tels événements. Bien que la notion de « musiques du monde » reste insaisissable, les diverses interprétations de cette catégorie renvoient toujours à des questions de rapport à l’altérité, de tensions entre échelles locale et globale, entre notions de diversité et d’universalité. Les festivals constituent ainsi des cadres d’observation privilégiés pour explorer ces polarités.

Cette publication rend hommage à la regrettée chercheuse et professeure de sociomusicologie Flavia Gervasi, qui a consacré plusieurs années de sa carrière à l’étude de ces enjeux.
LangueFrançais
Date de sortie7 juin 2023
ISBN9782760648067
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    Aperçu du livre

    LES FESTIVALS DE MUSIQUES DU MONDE - Flavia Gervasi

    Sous la direction de

    Flavia Gervasi et de Caroline Marcoux-Gendron

    LES FESTIVALS DE MUSIQUES DU MONDE

    Regards comparés sur trois études de cas en France, en Italie et au Québec

    Les Presses de l’Université de Montréal

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Les festivals de musiques du monde: regards comparés sur trois études de cas en France, en Italie et au Québec / [sous la direction de] Caroline Marcoux-Gendron, Flavia Gervasi.

    Noms: Marcoux Gendron, Caroline, 1989- éditeur intellectuel. | Gervasi, Flavia, éditeur intellectuel.

    Collection: PUM.

    Description: Mention de collection: PUM | Comprend des références bibliographiques.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20230056679 | Canadiana (livre numérique) 20230056687 | ISBN 9782760648043 | ISBN 9782760648050 (PDF) | ISBN 9782760648067 (EPUB)

    Vedettes-matière: RVM: Festivals de musique—Études de cas. | RVM: Musiques du monde—Histoire et critique. | RVM: Musique en communication interculturelle. | RVM: Festival de l’imaginaire. | RVM: Notte della Taranta (Festival) | RVM: Festival du monde arabe de Montréal. | RVMGF: Études de cas.

    Classification: LCC ML3544.5.F47 2023 | CDD 781.620078—dc23

    Mise en pages: Folio infographie

    Dépôt légal: 2e trimestre 2023

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    © Les Presses de l’Université de Montréal, 2022

    www.pum.umontreal.ca

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient le vice-rectorat à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation de l’Université de Montréal pour son soutien envers l’accès libre.

    Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Fonds du livre du Canada, le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).

    PRÉFACE

    Pour une musicologie des festivals

    Jean-Jacques Nattiez

    Le choix des auteurs et des textes pour le présent ouvrage consacré aux festivals de musiques du monde reflète l’originalité et la diversité de la carrière académique de la jeune Flavia Gervasi, douloureusement interrompue le 11 février 2020 des suites d’un tragique problème de santé. Flavia avait décidé de venir poursuivre en 2007 ses études de musicologie à l’Université de Montréal après une lecture intégrale de l’Enciclopedia della musica des éditions Einaudi (Nattiez et al., 2001-2005). Cet ouvrage l’avait convaincue de la nécessité d’aborder sa discipline sous l’angle de la musicologie générale. Tous ses travaux reflètent sa fréquentation aussi bien de l’ethnomusicologie, de la sociomusicologie, de l’anthropologie culturelle, de la musicologie théorique, de l’esthétique que de la sémiologie musicale. Signe de sa détermination: en un an seulement, elle avait fait l’apprentissage du français au point d’être capable de présenter dans un séminaire l’un des plus remarquables exposés synthétiques sur l’esthétique musicale que je n’aie jamais entendu dans un tel contexte. Signe de son excellence et de son éclectisme scientifique: elle fut engagée en 2013 comme professeure à la Faculté de musique de l’Université de Montréal pour y enseigner aussi bien l’ethnomusicologie que la musique populaire sous l’égide de la sociomusicologie.

    Souhaitant poursuivre les pistes de recherche menées en Italie par l’ethnomusicologue Diego Carpitella (1924-1990), fréquemment cité dans le présent livre et pour qui elle avait le plus grand respect, Flavia avait choisi de consacrer ses terrains à la musique du sud de l’Italie, abordée ici dans trois chapitres. Ses travaux ont principalement porté sur ce qu’elle appelle le «geste vocal», et plus globalement sur les pratiques musicales mises en scène lors de festivals locaux par les tenants du mouvement «revivaliste». Elle en proposa la comparaison avec les pratiques des musiciens dits «traditionnels» issus du monde paysan à laquelle elle consacra sa thèse de doctorat en 2012: Ethnomusicologie et esthétique: de la réflexion épistémologique à la recherche de terrain. Une étude comparative de la vocalité de tradition orale au sud de l’Italie1. Elle s’intéressait particulièrement aux fondements esthétiques de la voix, comme en témoigne un ouvrage qu’elle a dirigé en italien sur la voix chantée et son expressivité (Gervasi, 2015), ainsi qu’à la place du jugement esthétique dans les actes de performance musicale. Elle travaillait aussi sur les liens entre les processus de création musicale et les politiques de promotion d’un territoire, ce que reflète le choix des auteurs et des thèmes du présent volume. Le chapitre de Flavia au sein de ce collectif s’inscrit dans la foulée du projet de recherche «Dimension politique de la création musicale: étude interdisciplinaire d’un festival de world music en Italie du sud», entamé à l’IMéRA – Institut d’études avancées de l’Université d’Aix-Marseille, où elle fut chercheuse en résidence en 2016-2017.

    Les textes du présent volume ont le grand mérite de couvrir les problèmes ethno- et sociomusicologiques soulevés aussi bien par un festival de musiques du monde, La Notte della Taranta, présenté à Melpignano (région du Salento dans les Pouilles, Italie) – textes de Flavia Gervasi, Sergio Torsello et Maurizio Agamennone –, que par les activités de la Maison des Cultures du Monde et le Festival de l’Imaginaire à Paris (France) – textes de Pierre Bois et Talia Bachir-Loopuyt – ou encore le Festival du Monde Arabe et le Festival Orientalys à Montréal (Québec) – textes de Henda Ben Salah et al. et Caroline Marcoux-Gendron. Au-delà de la spécificité de ces manifestations, certains chapitres interrogent la notion de festival de musiques du monde et s’attardent à la nature de leurs publics – textes de Caroline Marcoux-Gendron, Michel Duchesneau, Emmanuel Négrier –, un thème cher à l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (dirigé par M. Duchesneau, Faculté de musique, Université de Montréal), aux activités duquel Flavia Gervasi participa dans les derniers mois de son existence. C’est dire que le présent collectif témoigne d’une perspective à la fois comparative et historique, car, pour caractériser le fonctionnement de toutes les manifestations et institutions abordées ici, les auteurs analysent aussi bien le contenu musical des festivals (très souvent caractérisé par la rencontre inattendue d’instruments, par le métissage et l’hétérogénéité des genres), la transformation de la composition de leurs publics que les circonstances de leur naissance, leur évolution, leur croissance et leur transformation au fil du temps (d’où la forte présence de considérations historiques tout au long du livre). Ce qui réserve aux lecteurs certaines surprises: le lien entre l’essor de La Notte della Taranta et… la chute du mur de Berlin en 1989, un exemple parmi d’autres des observations concernant, comme l’écrit Caroline Marcoux-Gendron, «les questions de rapport à l’altérité, de tension entre local et global, entre diversité et universalité».

    La juxtaposition des événements abordés ici permet d’aborder des problèmes musicologiques fondamentaux. Les activités de la Maison des Cultures du Monde et du Festival de l’Imaginaire posent la question de la légitimité de présentation de musiques extraeuropéennes hors de leur milieu culturel propre. Elles conduisent à réfléchir au rôle des contextes dans la compréhension des productions musicales concernées. Elles rejoignent donc finalement la vaste réflexion aussi bien de l’ethnomusicologie que de la musicologie «classique» sur la notion et les modalités de l’authenticité. Le festival du sud de l’Italie se distingue des manifestations parisiennes en ce sens que ce sont les artistes locaux qui ont eux-mêmes entrepris de revitaliser les genres traditionnels – la danse de la tarentule et la pizzica – ou de les inclure dans des manifestations où interviennent des artistes extérieurs à cette culture du Sud, ce qui soulève dans les deux cas, mais de manières distinctes, la question de l’authenticité des productions musicales modernes et donne lieu à de fortes polémiques. «Maintenant, je vous ferai entendre, moi, la vraie tarentelle!», dit l’un des artistes locaux cité par Maurizio Agamennone dans le présent ouvrage.

    Mais cet ensemble d’études conduit aussi à s’interroger sur la notion même de «festival». Elle ne semble pas poser de problème immédiat de compréhension aussi bien chez le grand public que chez les musicologues, mais elle recouvre en fait des manifestations présentant des caractères spécifiques sur lesquels nos disciplines doivent se pencher, aussi bien à propos des festivals de musiques du monde que des festivals de musiques strictement européennes.

    Le mot «festival» a pour origine le mot latin festivus (la fête), et Duchesneau commente dans son chapitre le lien entre fête et festival, mais il contient aussi la racine aestas, mot latin signifiant l’«été» qui a longtemps été la saison privilégiée pour la tenue des festivals. Par extension, il fait donc référence à l’idée d’un événement festif particulier qui, en français, a lieu à un moment déterminé de l’année. À noter que l’équivalent allemand du mot français, Festspiele, toujours au pluriel2, s’applique à une série de manifestations artistiques revenant périodiquement (Wahrig, 1978), sans qu’une saison particulière (Sommer pour été en allemand) soit évoquée, même si ce qui est considéré comme le festival fondateur dans l’histoire musicale européenne, le Festival de Bayreuth (Bayreuther Festspiele) (1876)3, a été inauguré en juillet. Et de fait, la plupart des festivals de musique classique et d’opéra en Europe (Aix-en-Provence, Glyndebourne, La Roque d’Anthéron, Salzbourg, le Festival de Flandre) ou en Amérique du Nord (Glimmerglass à Cooperstown, Santa Fe, Spoleto, Tanglewood) ont été créés et ont perduré durant la saison chaude ou à un moment qui les définit (le Maggio Musicale Fiorentino, le Festival d’Automne à Paris). Aussi, le vocable français a connu une première extension sémantique en désignant toute manifestation artistique récurrente, quel que soit le moment de son occurrence dans l’année, et cette récurrence est soulignée par la permanence de sa thématique qui peut être de nature très diverse, mais qui en définit l’identité: l’œuvre d’un seul compositeur comme à Bayreuth; un compositeur-phare (on parle du festival de Salzbourg et du festival d’Aix comme de «festivals Mozart» où, pourtant, il n’a pas l’exclusivité)4; un instrument (le piano à La Roque d’Anthéron); un ensemble (les festivals de quatuors à cordes au Canada); un genre (l’opéra italien à Vérone); une période et un genre (Festival international d’Opéra Baroque de Beaune, Festival international de Jazz à Montréal); des lieux, monuments ou paysages qui deviennent le symbole de la musique qu’ils accueillent (le Théâtre de l’Archevêché à Aix-en-Provence, le paysage-décor de la Sierra du Nouveau-Mexique à Santa Fe aux États-Unis); la structure du festival5. C’est bien entendu les œuvres particulières exécutées, les interprètes et les metteurs en scène invités, les genres pratiqués qui viennent définir les particularités de chaque festival, car un tel événement est une formule ouverte, mais au-delà, et j’adopte ici un point de vue anthropologique, ce sont les régularités retrouvées d’une saison à une autre et dans un même lieu qui donnent à un festival le caractère d’un rituel auquel les habitués de ces manifestations annuelles sacrifient volontiers pour en apprécier les spécificités qui leur sont offertes.

    Peu de maisons d’opéra, surtout peu de salles de concert régulières, peuvent concurrencer, dans le collectif imaginaire des mélomanes et souvent dans la réalité, cette concentration d’événements musicaux en des lieux d’exception où sont réunis, en principe, l’élite des interprètes. Avec dans les cas les meilleurs, le secret espoir, pour leurs afficionados, d’y trouver, dans ce siècle de répétition et de reproduction, les seuls garde-fous à la banalisation du fait musical. (van Vlasselaer, 2003, p. 1030)

    Il en va de même pour les festivals de musiques du monde. C’est pourquoi la composante sociologique du public de chaque festival témoigne de particularités que décrivent les auteurs du présent livre: la spécificité de la convivialité entre les membres du public par rapport à ce que l’on rencontre dans les concerts ordinaires, bien que la notion de concert ne soit pas absente de certains festivals étudiés ici. En même temps, il y a variation des genres et des goûts d’une saison festivalière à une autre, et l’intervention des instances politiques peut être décisive quant à l’orientation et à la thématique des festivals. C’est en cela que la perspective comparative qui traverse ces études de festivals de musiques du monde français, italien et québécois réunies par Flavia Gervasi est une remarquable contribution à une authentique musicologie des festivals qui montre comment les genres et les œuvres présentés font l’objet, selon le terme repris par Gervasi, d’une «festivalisation».


    * NDÉ: L’utilisation du genre masculin comme un neutre (non «marqué») est une pratique de la maison d’édition.

    1. On en trouve le résumé sur le site https://papyrus.bib.umontreal.ca/

    2. Le singulier Festspiel désigne une pièce de théâtre particulière exécutée dans un contexte festif. Exemple: le Parsifal de Wagner sous-titré par «ein Bühnenweihfestspiel» (action dramatique solennelle).

    3. Ce qui est chronologiquement inexact: le Three Choirs Festival en Angleterre a été fondé en 1715 et le festival de Munich en 1875. Pour un panorama détaillé, voir van Vlasselaer, 2003.

    4. Mais on ne le concevrait pas sans un opéra de Mozart, même si en 2019, il fut remplacé par une version scénographiée du Requiem.

    5. Jusqu’à une date récente, le Glimmerglass Opera Festival (Cooperstown) comprenait toujours quatre œuvres: un opéra baroque, un opéra classique, un opéra de style bel canto ou du XIXe siècle et une création américaine. L’introduction de musicals de Broadway dans cette thématique est venue modifier cet ordonnancement en même temps que la manifestation était rebaptisée Glimmerglass Festival.

    Quelques mots sur Les festivals de musiques du monde

    Caroline Marcoux-Gendron

    Les circonstances entourant la parution de cet ouvrage sont exceptionnelles à plus d’un titre. Ce projet a été initié par la professeure de sociomusicologie Flavia Gervasi alors qu’elle organisait, en octobre 2014, une journée d’étude autour de trois festivals de musiques dites du monde. Cette thématique animait ses propres travaux depuis quelques années avec une enquête sur le festival La Notte della Taranta présenté dans la région des Pouilles en Italie dont elle était originaire. Son étude faisait régulièrement l’objet de discussions avec ses collègues de l’équipe de sociomusicologie à l’Observatoire interdisciplinaire de création et de recherche en musique (OICRM), tous s’intéressant alors aux publics de la musique au Québec à travers plusieurs études de cas incluant le Festival du Monde Arabe (FMA). En dépit des contextes socioculturels et géopolitiques bien distincts ayant vu naître La Notte della Taranta et le FMA, ces deux réalités festivalières appelaient bon nombre de mises en regard, relatives aux démarches de rencontre interculturelle par la création musicale (Gervasi et Marcoux-Gendron, 2015) comme aux stratégies des organisateurs de ces événements à l’égard de leurs publics. À ces deux exemples allait s’ajouter, pour la journée d’étude, le Festival de l’Imaginaire présenté à Paris, permettant une rencontre en trois temps où chercheurs et opérateurs culturels discutèrent tour à tour des stratégies de programmation des musiques du monde en contexte festivalier.

    De cette activité présentée à la Faculté de musique de l’Université de Montréal est née l’idée de cet ouvrage, qui prolonge et approfondit l’effort de réflexion collective et comparée au-delà de ce que seraient des actes de colloque. La réalisation de ce collectif fut par ailleurs beaucoup plus longue que prévu étant donné des soucis de santé qui ont éloigné Flavia Gervasi du projet et ne lui ont malheureusement jamais permis de le compléter. Au début de l’année 2020, l’ensemble de la collectivité universitaire apprenait avec consternation et tristesse son décès.

    Quelques mois plus tard, deux coauteurs de l’ouvrage, également collègues de Flavia au sein de l’équipe de sociomusicologie à l’époque, repensaient au manuscrit jamais publié, qui fut rapidement retrouvé grâce à la précieuse collaboration du musicologue et ami de Flavia, Federico Lazzaro, ainsi que du mari de cette dernière. L’intérêt encore indéniable du propos ainsi que la réactivité avec laquelle tous les coauteurs ont répondu à l’appel ont permis de donner un second souffle à cet ouvrage, qui voit ainsi le jour en l’honneur et à la mémoire du travail de Flavia.

    L’histoire singulière de ce projet commande certains choix éditoriaux tels que des longueurs et perspectives d’analyse variables d’une étude de cas à l’autre, voire au sein de chaque étude de cas. D’une part, La Notte della Taranta constitue le point de départ de cette aventure pour Flavia Gervasi, le noyau autour duquel se sont ensuite greffées les analyses relatives au Festival de l’Imaginaire et au Festival du Monde Arabe afin de créer ce triptyque sur le thème des festivals de musiques du monde. En ce sens, La Notte della Taranta occupe une place centrale dans ce collectif, avec certaines contributions volontairement plus étendues. D’autre part, les chapitres sont tantôt le propre de chercheurs issus des sciences humaines et sociales qui posent un regard sur les festivals en question, tantôt celui d’opérateurs culturels impliqués dans leur mise en œuvre –, voire d’acteurs qui ont porté ces deux chapeaux au fil des années. Il en découle une nécessaire diversité d’approches et de tons dans la manière de discuter chaque festival. Cette alliance de points de vue du terrain et du milieu académique apporte par ailleurs un éclairage multidimensionnel sur le sujet, constituant une caractéristique importante du collectif d’auteurs voulu par Flavia Gervasi.

    Les trois festivals soulèvent chacun à leur façon des enjeux toujours aussi pertinents de reconnaissance et d’affirmation identitaires par la musique, tout comme ils mettent bien en évidence les stratégies, défis, négociations et ajustements qui jalonnent l’organisation d’événements artistiques fondés sur la rencontre d’individus – organisateurs, artistes, publics – de différents horizons culturels. L’idée même de «musiques du monde» qui unit ces trois études de cas reste une catégorie insaisissable, dont les multiples déclinaisons ramènent néanmoins chaque fois à des questions de rapport à l’altérité, de tensions entre échelles locale et globale, entre notions de diversité et d’universalité. Ce sont là des polarités pour lesquelles les festivals constituent précisément des cadres d’observation de choix, comme l’a déjà souligné l’une des coauteurs de ce collectif (Bachir-Loopuyt, 2008).

    Enfin, le propos s’ancre dans un contexte nécessairement antérieur à la pandémie qui a commencé en 2020, autre aspect exceptionnel entourant la parution de cet ouvrage. Ce bouleversement sanitaire, social et économique mondial marquera certainement une césure dans l’histoire de ces manifestations culturelles, notamment en matière de modes de diffusion et de rapport aux publics. En cela, ce collectif tient lieu de riche mémoire des quelque vingt premières années au cours desquelles ces trois festivals, tous nés au tournant du XXIe siècle, ont su s’imposer et faire leur marque.

    Introduction

    Flavia Gervasi

    Les festivals de musiques du monde font aujourd’hui l’objet de multiples débats dans les domaines de l’ethnomusicologie, de l’anthropologie de la musique et de la sociomusicologie. Ils sont abordés sous l’angle de l’authenticité des contenus musicaux présentés, de leur rôle dans la promotion d’un territoire, de leur importance en matière de construction identitaire, de la création et de la recréation de musiques issues des cultures de l’oralité. Le développement considérable de ces événements, tout particulièrement à partir des années 1980, n’a d’égal que la rareté des recherches ciblées à leur égard et qui ont tenté, par une démarche scientifique, d’en prendre la mesure.

    Cet ouvrage collectif vise à nourrir la réflexion sur les festivals de musiques du monde à partir de trois études de cas dans trois contextes nationaux différents: la France, l’Italie et le Québec. Les festivals pris en compte sont le Festival de l’Imaginaire à Paris, le festival La Notte della Taranta dans un petit village du Salento, au sud de l’Italie, et le Festival du Monde Arabe à Montréal.

    Ces trois festivals incarnent trois modalités distinctes de diffusion des musiques du monde vis-à-vis du contexte socioculturel et géographique au sein duquel ils opèrent. Trois modalités différentes de vivre la rencontre interculturelle, de traiter et d’affirmer une identité ainsi que de dialoguer avec le territoire, puisque les enjeux de ces trois réalités festivalières sont également différents. Enjeux, processus et stratégies entourant ces festivals de musiques du monde font donc l’objet des contributions présentées dans cet ouvrage. Suivant un principe dialogique, ces événements sont à la fois discutés par des représentants des organismes qui les réalisent et par des chercheurs qui les étudient. Cette approche permet d’enrichir la réflexion grâce à l’apport de points de vue différents sur les aspects esthétiques, identitaires, mais aussi stratégiques de ces festivals, notamment à l’égard de leur public. L’approche dialogique fait ressortir, de manière plus riche, les questions de relations entre contexte festivalier et territoire, entre acteurs internes et externes à la mise en œuvre d’un événement, permettant l’étude des festivals comme lieux de rencontre et de dialogue interculturel par la musique.

    La question du public apparaît d’ailleurs essentielle dans une étude sur les festivals: il est le principal destinataire des actions politiques et artistiques des organisateurs. Ainsi, à partir d’un questionnement d’ordre plus sociologique permettant de tracer un profil des spectateurs, la variété de leurs goûts et leur degré de fidélisation, il s’agira aussi de comprendre les raisons du succès de ces trois festivals.

    CHAPITRE 1

    Les musiques du monde et leurs publics

    Emmanuel Négrier

    C’est dans le cadre de travaux portant sur les festivals de musiques et leurs publics que la question des musiques du monde a émergé sur notre programme de recherche, en ouvrant sur trois niveaux d’incertitude. Le premier concerne une définition possible des musiques du monde. Le deuxième porte sur les festivals, et notamment ce qu’ils ont de singulier par rapport à d’autres festivals musicaux. C’est ce que nous aborderons dans la première partie de ce chapitre, afin de présenter le cadre même de nos recherches empiriques sur ce point. Le troisième défi, que nous aborderons ensuite, est peut-être une manière de dépasser les difficultés de répondre de façon indiscutable aux deux premiers. S’il est difficile de définir de façon intangible les «musiques du monde» et que la singularité de leurs festivals reste relative, alors peut-être les publics eux-mêmes nous fournissent-ils des clefs pour comprendre ce dont ces musiques sont sociologiquement porteuses? Mais revenons d’abord sur la première incertitude.

    La définition des musiques du monde renvoie à des incertitudes qui touchent non seulement toute opération de classement6, mais en

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