ILS NOUS ONT QUITTÉS
MIKIS THEODORAKIS
Compositeur, né en 1925
é le 29 juillet 1925 sur l’île égéenne de Chios, il a vécu une jeunesse d’Ulysse bohème au rythme des affectations d’un père fonctionnaire: une invitation au voyage et à la découverte de diverses musiques et danses traditionnelles helléniques, d’hymnes byzantines qui allait profondément marquer son art. Ami des muses préoccupé par l’avenir qui lorgne, par son âpreté harmonique et sa vigueur rythmique, le Stravinsky du (la partition lui vaut le Prix d’or au concours de composition du Festival international des jeunesses de Moscou 1957, remis par Chostakovitch). Theodorakis avait sans doute les qualités requises pour poursuivre une carrière de créateur « contemporain » exclusif, dans des champs orchestral, lyrique, concertant et chambriste qu’il n’a d’ailleurs pas délaissés – ses années 1980 sont nettement symphoniques, illustrant parfois une esthétique néo-folklorique démonstrative, la décennie 1990 étant plus opératique, autour d’hommages à Bellini, Puccini, Verdi… Mais au tournant des années 1960, le créateur a choisi de creuser un chemin accessible au grand public avec son cycle , fondateur du genre de la « chanson savante-populaire »; dans cette veine, le de Pablo Neruda sera élevé au rang de quasi oratorio, en 1972. Une bande originale va assurer sa postérité: celle de (1964), dans laquelle il met des notes sur une danse crétoise allant qu’on croirait ancestrale… alors qu’elle vient d’être inventée, sous le nom de sirtaki, pour les besoins du film. « C’est avec une musique que j’ai faite en dix minutes avec trois instruments que je suis devenu mondialement connu », s’amusait le compositeur chanté par Melina Mercouri, Dalida, Nana Mouskouri, Georges Moustaki. Constatant la crise d’une « musique de laboratoire (…) qu’on dit classique », il prônait une musique retrouvant ses « racines », son caractère « spontané » et un lien « avec les masses, pas seulement avec une élite de la société ». Theodorakis aura plusieurs fois payé du prix de l’exil, notamment en France, son engagement politique à la gauche de la gauche dans un XX siècle grec pour le moins tumultueux. Mais à l’adversité (sous la dictature des Colonels, notamment) succéderont les honneurs: parlementaire, ministre sans portefeuille, directeur des orchestres et choeurs de la radio grecque ERT… Malgré une santé fragile, ce militant engagé dans de nombreuses luttes a continué de prendre la parole sur l’agora, au risque de s’égarer dans les années 2000 dans des propos à résonance antisémite ou complotiste. Au soir de sa mort à quatre-vingt-seize ans, aucune polémique ne pouvait ternir l’armure d’un héros grec des temps modernes, salué par trois jours de deuil dans le pays et la mise en berne du drapeau national sur l’Acropole.
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