Shäomickya - Tome 1: Investigations
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTRICE
Après une période de remise en question, Laura Faly Rabesandratana publie ce livre comme une revanche sur la vie. Elle a su mêler son expérience, ses nombreuses lectures ainsi que son imagination débordante pour écrire son premier roman.
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Avis sur Shäomickya - Tome 1
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Aperçu du livre
Shäomickya - Tome 1 - Laura Faly Rabesandratana
Préface
Ma sœur est une personne sans compromis. J’ai toujours été impressionnée par sa capacité à dire oui, ou non, mais pas peut-être et encore moins pourquoi pas. C’était ce qu’elle avait envie de faire, ou rien. Et c’était un mélange de choses rares, parfois à l’opposé l’une de l’autre, et difficiles à décrire.
Cet univers, c’est tout simplement la réalité que Laura a construite, loin du brouhaha des êtres humains et de la planète Terre, recluse dans sa chambre, penchée sur ses nombreux journaux intimes et cahiers de dessin… Elle pouvait passer des heures et des journées entières sans lever la tête, absorbée à matérialiser cette imagination sans fin.
Telle la petite sœur que vous ne souhaiterez jamais avoir, j’ai tenté si fort de m’infiltrer dans cet univers. J’ai organisé des missions commando pour voler les fameux journaux, déchiffrer les cartes, les langages, les personnages qu’elle y décrivait… En vain.
Il a fallu que Sachiko prenne vie à travers ces deux tomes et tout l’univers qui les accompagnent pour que je comprenne, enfin, la vision qui anime ma sœur :
Le cheminement classique consiste à faire des choix. Scientifique ou littéraire, rouge ou noir, bien ou mal, vivre ou survivre… Mais en réalité, rien ne devrait s’imposer à nous ainsi. La liberté telle que nous l’avons communément définie nous donne l’incontestable pouvoir de conquérir sans compromis. La quête de cette liberté peut être longue et semée d’embûches, mais ce livre nous montre qu’elle peut être extrêmement révélatrice.
Shäomickya, c’est le récit époustouflant d’une quête vers soi. Celle de ma sœur, mais aussi la vôtre, la nôtre. C’est une quête semée d’embûches, qui empreinte au Japon ses valeurs et ses paysages, à la France ses maux et ses solutions, à Madagascar, ses contradictions et sa tradition… Et à un tout nouvel univers construit sur des années de recherche littéraire et imaginaire, sa force et sa candeur. Ce récit nous ramène au plus près de nous-mêmes à travers ses personnages – leurs traits de caractère, leurs doutes, leurs luttes internes et les sentiments qu’ils vont développer.
Quelle est votre place dans la société ? Pourquoi c’est si dur de nouer de vraies amitiés ? Combien de temps ça prend ? êtes-vous fait pour ce monde ? Si non, est-ce que ça veut dire que vous êtes ici pour en créer un nouveau ? Et ce nouveau monde, sur quels idéaux s’appuie-t-il ? Quels combats il demande de mener ? Êtes-vous prêts pour cette nouvelle aventure ?
Voilà toutes les questions que ma sœur vous pose. Le récit qui va suivre vous mènera à prendre de nouveaux chemins dans cette quête.
Bonne évasion,
Anouk Rabesandratana
The little sister
Prologue
La fuite
Il fait chaud, trop chaud. L’air est irrespirable à cause des particules de poussière et on n’y voit presque rien. J’entends des bruits sourds un peu partout, plus ou moins rapprochés, semblables à des explosions, mais tout est trop confus. Je sens qu’on me serre encore plus fort dans les bras, comme par crainte de me faire tomber. Il faut courir, toujours plus vite, pour échapper à je ne sais quoi. Une menace oppressante, indescriptible et grandissante, étendant son ombre partout autour de nous, semble se rapprocher inéluctablement malgré nos efforts pour la semer.
C’est la panique dans tous les coins du château. Beaucoup de personnes se battent contre des ennemis que je ne parviens pas à distinguer dans l’épais brouillard qui nous entoure. Les tintements des armes qui s’entrechoquent ainsi que des explosions par intermittence raisonnent un peu partout. Plusieurs incendies s’étaient aussi déclarés à divers endroits, accélérant la destruction du palais, qui semblait pourtant indestructible jusqu’à ce jour. J’entends également des gens, probablement des soldats, criant des ordres incompréhensibles dans le vacarme ambiant, tandis que d’autres s’enfuient, comme nous. Un nuage de poussière brûlant vint me piquer les yeux. Je ne vois vraiment plus rien maintenant. Le bruit, lui, est toujours assourdissant. On continue notre course, en se faufilant tant bien que mal dans ce chaos. Enfin, il me semble que nous réussissons à distancer l’ombre si menaçante. Alors que je sentais l’allure ralentir et mon porteur reprendre son souffle, une énième déflagration me projeta à plusieurs mètres. Quelqu’un, certainement cette même personne, me rattrapa presque instantanément, puis m’entraîna avec lui à une vitesse de nouveau soutenue. Je pouvais ressentir son extrême inquiétude, mais aussi sa forte détermination et une lueur d’espoir, comme si ses émotions étaient les miennes, bien que je n’en comprenne les raisons.
Soudain, tout devint silencieux. Je me surpris même à frissonner du fait du changement, si brutal, de température. Il fait froid à présent et l’obscurité m’empêche de distinguer quoi que ce soit. J’entendis alors comme un ronronnement de moteur qu’on démarre. Puis, je distinguai une multitude de petites lanternes formant un cercle autour de ce qui ressemblait à un panier au centre de la pièce. Il fait cependant encore trop sombre pour me permettre de voir autre chose. Tout à coup, des coups violents se firent entendre dans notre dos. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre qu’on essayait de forcer la porte donnant accès à la salle dans laquelle nous nous trouvions. Celui qui m’avait jusqu’alors porté me déposa hâtivement dans ce que j’avais d’abord pris pour un panier, qui était en fait une capsule toute en métal et en verre. L’intérieur était réconfortant, douillet et chaud. En scrutant plus attentivement autour de moi, je m’aperçus qu’un écran plat y était relié. La faible lumière bleutée provenant de celui-ci se projetait dans toute la pièce, lui donnant une atmosphère irréelle, comme dans un rêve. Hormis ce dernier et mon couffin, aucun autre meuble n’occupait la salle. Mon regard s’arrêta un moment sur le visage de l’homme qui m’avait amené ici. Je ne parvenais pas à le voir distinctement dans la pénombre. Il semblait néanmoins jeune et plutôt grand, avec des traits fins, des cheveux lisses et épais en désordre qui lui faisaient comme une crinière touffue, des petites oreilles pointues et de grands yeux jaunes en amande. Bien qu’il paraissait très soucieux, il restait étrangement calme malgré la situation. J’observais ensuite plus largement autour de moi : de larges colonnes sculptées de motifs abstraits et scintillantes comme le diamant s’élevaient à plusieurs mètres de haut, jusqu’au plafond, et se terminaient en magnifiques arcs de cercle. La porte par laquelle nous étions entrés quelques instants plus tôt était elle aussi immense, gravée de symboles inconnus et construite dans le même matériau brillant que les colonnes. Enfin, de hautes fenêtres décorées de vitrail laissaient passer la lumière pâle de la lune. Celles-ci ainsi que la porte tremblaient de plus en plus sous les assauts répétés de nos attaquants, à tel point qu’on aurait dit qu’elles allaient céder d’un moment à l’autre. Je m’étonnai même qu’elles soient aussi résistantes alors que le reste du château semblait déjà en ruine. Nos ennemis se firent plus pressants. Il ne nous restait plus beaucoup de temps.
Le moteur se mit à ronfler plus fort, ses échos emplissant toute la salle. Je compris tout à coup que j’étais dans une petite navette et que le but de cette course était de m’envoyer loin d’ici. L’homme qui m’avait transporté pianotait sur l’ordinateur de bord à une telle vitesse que je n’avais pas le temps de voir ce qu’il faisait. La vitre de ma capsule se ferma soudain avec un léger grincement. Je sentis alors un gaz me piquer le nez et m’engourdir rapidement. Bientôt, je ne distinguais plus qu’un intense flash lumineux et crus entendre une détonation, mais je ne pus en être sûre. Puis tout devint à nouveau noir et silencieux.
Partie 1
Sachiko
I
Visions et questionnements
21 mars 8162, Nagoya, Japon
C’est bientôt la rentrée des classes. Pour profiter des derniers jours avant la reprise, Sachiko avait proposé à Yumi, sa meilleure amie, de déjeuner ensemble. Elles s’étaient donné rendez-vous dans le jardin Shirotori, en plein cœur de la ville. C’est un des plus beaux parcs de Nagoya, s’étendant sur quatre hectares et présentant une grande diversité de végétation. L’adolescente, âgée de 16 ans, aimait particulièrement s’y promener à cette période de l’année. La nature reprend progressivement vie après un long hiver, les journées deviennent plus chaudes et se rallongent, les vacances se terminant et marquant le début d’une nouvelle année. Elle arriva devant la maison de thé, en plein milieu du jardin. C’était l’endroit idéal pour pique-niquer par cette belle après-midi ensoleillée. Yumi était déjà là et semblait l’attendre depuis un moment. La jeune fille, mesurant environ 1m70, était plus grande que Sachiko et plutôt enrobée. Elle avait une coupe en carré plongeant, beaucoup plus longue devant que derrière, une frange et des cheveux bicolores roses et bleu clair, simplement coiffée d’un serre-tête noir à pics. Yumi portait de grosses lunettes ovales à la monture noire très fine qui mettait joliment ses yeux bridés en valeur et harmonisait son visage rond. Une large tache de naissance rougeâtre occupait une partie de sa joue droite, descendant jusque dans son cou. Elle était habillée d’un élégant corset noir et rouge, d’une jupe courte en dentelles ainsi que de collants résilles déchirés et d’une paire de bottes en cuir noires. Apercevant enfin son amie, elle s’exclama avec entrain :
Les deux amies s’installèrent derrière la maison de thé, à l’ombre des cerisiers et autres arbres verdoyants. Elles bavardaient, parlant de tout et de rien, tout en dégustant leur repas ; au menu : un assortiment de sushis, makis et onigiris accompagné de deux grands bols de ramen au bœuf et de quelques mochis fourrés à la pâte de haricot rouge pour dessert. C’était un petit festin !
Yumi aborda un sujet qui tenait particulièrement à cœur aux deux adolescentes depuis longtemps :
Sa meilleure amie, qui était du même avis, se mit aussi à rire. Les deux jeunes filles étaient en effet passionnées de musique et avaient monté un duo ensemble depuis l’école primaire. Sachiko chantait et jouait également de la guitare basse, tandis que Yumi jouait du synthé tout en rappant, les deux jeunes filles ayant appris à jouer de leurs instruments de musique dès leur plus jeune âge. Au fil du temps, elles s’étaient chacune améliorées jusqu’à devenir presque des prodiges dans leurs spécialités. N’aimant également pas s’enfermer dans un seul style musical, elles s’amusaient alors à jouer autant de la musique classique, que de la pop, du RnB et du rock. Le concert de mi-année organisé chaque année par leur lycée, dont le but est de révéler les jeunes talents, était donc l’occasion rêvée pour elles de se faire plus largement connaître, bien qu’elles ne pensaient pas en faire leur carrière. Elles voyaient plutôt cela comme un passe-temps. Yumi et Sachiko avaient alors attendu leur deuxième année de lycée pour s’inscrire à cet évènement, en tant que participantes, afin d’avoir le temps de s’y préparer au mieux. Même si ce n’était qu’un loisir, elles tenaient à donner la meilleure prestation possible au public et avaient déjà commencé à s’entraîner pendant leurs vacances. La durée accordée par participant étant limitée à quinze minutes, elles discutèrent longuement des musiques qu’elles prévoyaient de présenter sur scène.
Après s’être à peu près mises d’accord sur les styles musicaux qu’elles joueront – de la pop et du rock –, Sachiko changea de sujet et se décida enfin à parler à son amie de ses étranges visions ; celles-ci revenaient de plus en plus fréquemment ces derniers temps. Pendant longtemps, Sachiko avait hésité à les évoquer, de peur que personne ne la croie ou pire de passer pour une folle.
Il faut dire que son passé est quelque peu particulier. En effet, l’adolescente a toujours été différente des autres : d’abord de par son apparence – plutôt petite et élancée, une peau mate gravée d’une multitude de lignes courbes plus claires, des traits fins, un visage enfantin avec des petites oreilles pointues, de grands yeux en amande d’un violet profond et une longue chevelure lisse allant d’un dégradé de violet foncé à violet pastel – et sa personnalité, espiègle, plutôt extravertie, très curieuse, avec un fort caractère et une apparente grande confiance en elle, Sachiko ne manquait jamais de se faire remarquer. La jeune fille est aussi appréciée pour son honnêteté, sa fiabilité, sa persévérance ainsi que son optimisme à toute épreuve. Elle est également douée d’une très grande agilité, d’une souplesse et d’une force exceptionnelles ainsi que d’une intelligence très supérieure à la moyenne, la faisant souvent passer pour une surdouée. Bien qu’elle ne les maîtrisait pas encore totalement, l’adolescente s’était rapidement découvert d’étonnants pouvoirs, tels que la télékinésie et la capacité à manipuler le feu.
Son histoire est aussi peu commune. L’adolescente ignore presque tout de son passé, ses souvenirs les plus anciens remontant environ à ses six mois, lorsqu’elle vivait dans un orphelinat bien loin de Nagoya, avant d’être adoptée. Ce dernier se situait dans le petit village de Wakkanai, tout au nord de l’île d’Hokkaido. Sachiko en gardait toujours un souvenir assez précis, bien que ça ne soit pas une période très heureuse pour elle. L’institut se composait de trois blocs carrés : le bâtiment principal, qui était le plus grand, supportant deux autres bâtiments légèrement plus petits de chaque côté. Chacun d’eux portait un symbole. Le bloc principal – celui du milieu –, symbolisé par un œil, regroupait au rez-de-chaussée le hall d’entrée, le bureau de la directrice, les deux cuisines ainsi que la grande salle de réception servant aux repas, et à l’étage les dix salles de cours, les chambres des gouvernantes et leurs sanitaires privés. Les dortoirs – regroupés dans celui de gauche – étaient représentés par une étoile, le rez-de-chaussée étant réservé aux fillettes et l’étage étant pour les petits garçons. Les sanitaires – dans celui de droite – portaient le symbole d’une croix. Comme pour les dortoirs, le rez-de-chaussée était uniquement pour les filles et l’étage pour les garçons. Au sous-sol, un cachot, ayant comme symbole un crâne, servait à enfermer les pensionnaires les plus rebelles. La jeune fille, alors assez turbulente, y avait d’ailleurs passé de nombreux jours. Vu de l’extérieur, l’orphelinat paraissait plutôt luxueux et accueillant. Le bâtiment symbolisé par la croix était en marbre blanc avec un toit plat, tandis que ceux symbolisés par l’œil et l’étoile étaient entièrement en verre et en acier. Grâce à un habile procédé chimique lors du traitement du verre utilisé, il était cependant impossible de voir à travers celui-ci, ayant seulement un but esthétique, quel que soit le côté où l’on se trouvait. Le dortoir était surmonté d’une bulle transparente, parfaitement sphérique, en verre non traité. Il s’agissait en fait d’une terrasse dont le symbole était un cercle. À l’intérieur, l’aménagement était tout aussi fastueux : le sol entièrement en parquet brillant et impeccablement ciré, les escaliers recouverts d’un épais tapis en velours rouge bordeaux, les murs en marbre noir donnant une atmosphère particulière au lieu, les portes massives en bois sombre sculptées de motifs floraux et les nombreuses baies vitrées laissant rentrer la lumière du soleil. Les meubles, quant à eux, étaient étonnamment très disparates. Certains étaient en effet en différents métaux, d’autres en bois, d’autres encore en verre ou semblaient plus précieux : en or et en argent, et d’imposants lustres pendaient au plafond à intervalles réguliers. A une dizaine de mètres de l’orphelinat, on pouvait admirer un immense temple bouddhiste servant à la prière hebdomadaire. Hormis son toit en tuiles noires brillantes, il était entièrement en bois massif peint d’un rouge vif vernis, de forme parfaitement circulaire et avec un étage. Ses motifs gravés représentant des fleurs de cerisier ainsi que de majestueux renards le rendaient encore plus impressionnant. Il n'avait aucune fenêtre et seule son imposante porte d’entrée était vitrée, bien qu’il soit impossible de voir à travers elle.
Malgré les années qui étaient passées, Sachiko se souvenait également parfaitement de l’environnement entourant son ancien orphelinat. Il était entouré d’un jardin d’au moins trois hectares, dont une grande partie servait de potager et de verger. Celui-ci était délimité par une clôture de plusieurs mètres de haut dont les barreaux se terminaient en pointes aiguisées et entièrement électrifiées. Il était donc presque impossible de la franchir sans se blesser. Au-delà de cette barrière, une forêt dense s’étendait à perte de vue sur plusieurs kilomètres. Elle était traversée par une large rivière la plupart du temps déchaînée, dont l’écho des vagues s’entendait jusqu’à l’institut, et parsemée de nombreux pièges ayant pour but d’éviter les fugues des orphelins indisciplinés. Seul un étroit sentier de terre reliait l’entrée de l’orphelinat – un immense portail en acier – à la route principale la plus proche, se situant à une trentaine de kilomètres. Près du portail, une cabane toute en béton servait d’abris pour la meute de chiens de garde, des Dobermans, appartenant à la directrice. Tout était fait pour empêcher les pensionnaires de s’évader de cet endroit, ce qui avait toujours énormément contrarié la jeune fille.
À l’époque, l’institution l’avait trouvé un matin sur le pas de sa porte, âgée de quelques mois seulement, sans aucune indication sur ses origines ni d’où elle venait. Malgré les recherches effectuées par les gouvernantes de cet orphelinat pour retrouver d’éventuelles traces de sa famille biologique, elles n’en trouvèrent aucune et n’eurent bientôt qu’une seule certitude : le nourrisson n’était certainement pas entièrement humain. Étant situé dans un lieu relativement reculé et isolé, elles avaient bien sûr déjà entendu parler de l’existence d’autres êtres vivants surpuissants habitant sur une lointaine planète nommée Komyah, car tout le monde sur Terre était au courant de cette découverte extraordinaire depuis plusieurs décennies déjà, mais cela leur inspirait principalement de la méfiance et de la crainte. Elles décidèrent donc rapidement d’en faire un sujet tabou auprès des autres orphelins en interdisant à quiconque de l’évoquer. Elles n’avaient d’ailleurs pas daigné, pendant plusieurs mois, lui donner un nom et préféraient l’appeler « l’étrangère » ou « le monstre » selon leur humeur. Ce ne fut que lorsque la petite fille fêta ses un an que la directrice de l’orphelinat décida de la nommer « Sachiko ». C’était son cadeau d’anniversaire, lui avait-elle annoncé sans grande conviction. Malgré qu’elle n’était alors qu’un bébé, Sachiko gardait toujours des souvenirs assez précis mais rarement joyeux de cette période de sa vie. Durant ses trois premières années dans cette pension, cette dernière avait en effet souvent été victime de harcèlement de la part de ses camarades et de maltraitance par les nourrices à cause de sa différence, mais aussi de son caractère déjà affirmé. L’orphelinat dans lequel elle se trouvait ayant érigé une liste de règles strictes, qui ne lui convenaient pas :
– Interdiction de prendre la parole sans y avoir été autorisé par une gouvernante ;
– Interdiction de crier, de s’exprimer de manière grossière, de sauter et de courir dans l’établissement ;
– Obligation de se lever lorsqu’une gouvernante entre dans une pièce et d’attendre son accord pour se rasseoir ;
– Obligation de saluer chaque gouvernante dans les couloirs ;
– Obligation de se lever tous les matins à 6 heures ;
– Obligation de se consacrer entièrement aux tâches demandées (études, corvées ménagères, entretien du jardin, cuisine…), sans se faire distraire par un quelconque loisir ;
– Interdiction de parler d’éléments en rapport, de près ou de loin, avec la mystérieuse planète Komyah ;
– Interdiction de sortir du dortoir après 21 heures ;
– Interdiction de contester un ordre donné par une gouvernante, sous peine de sanctions ;
– Interdiction de sortir à l’extérieur de l’enceinte de l’orphelinat, sous peine de sanctions.
Les sanctions évoquées étant diverses et variées mais toujours cruelles. Les journées étaient donc toutes monotones et identiques, uniquement rythmées par les heures de cours – 8 heures par jour assurées par les gouvernantes, 6 jours sur 7 –, les nombreuses corvées obligatoires et les repas. Il n’y avait aucune place pour le jeu, ni pour développer une passion ou quoique ce soit d’amusant. Le seul jour de la semaine pendant lequel il n’y avait aucun cours n’était cependant, pour Sachiko, pas plus réjouissant que les autres puisqu’il était consacré au culte bouddhiste. C’était toujours le jeudi. Durant 15 heures d’affilée, entre 6 heures du matin et 21 heures, tous les orphelins ainsi que les gouvernantes se réunissaient dans le grand temple et priaient les divinités bouddhistes. Exceptionnellement, ce jour-là, il n’y avait pas de corvées non plus et seulement deux repas – le matin et le soir –. Sachiko, ne croyant en aucun dieu et ne comprenant pas ce concept, trouvait cette journée très ennuyeuse mais ne pouvait y échapper, sauf en se retrouvant punie au cachot.
La fillette se sentait alors trop restreinte par ce règlement et avait seulement envie de plus de liberté, mais cela n’était pas encore possible. Dès l’âge d’un an, elle semblait en avoir déjà quatre, et ne savait pas exprimer sa frustration d’être réprimandée et constamment contrôlée autrement que par un comportement provocateur, étant donc très têtue, refusant d’obéir et ayant fugué de multiples fois. Malgré ses nombreuses tentatives, Sachiko n’avait cependant jamais réussi