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Un souffle si particulier
Un souffle si particulier
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Livre électronique182 pages2 heures

Un souffle si particulier

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À propos de ce livre électronique

Louis vit dans un faubourg populaire. Ouvrier engagé, le militantisme devient l’un des principaux moteurs de sa vie. Pour avoir gain de cause, il n’hésite pas à descendre dans la rue pour crier sa colère. Cependant, ne serait-il pas vain d’espérer un monde plus juste, plus équitable et plus conforme aux attentes des uns et des autres ?


À PROPOS DE L'AUTEURE


Dans Un souffle si particulier, Fatima Mana tente de réactiver un pan de notre histoire construit sur deux valeurs humaines : la fraternité et la solidarité. Elle promène sa plume de 1936 à 1970, période qui, pour elle, témoignait de la recherche du bien commun et de l’intention d’améliorer les conditions de vie de tout un chacun.
LangueFrançais
Date de sortie14 juil. 2023
ISBN9791037794031
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    Aperçu du livre

    Un souffle si particulier - Fatima Mana

    Un souffle si particulier

    Roman

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    © Lys Bleu Éditions – Fatima Mana

    ISBN : 979-10-377-9403-1

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    « Au champ d’hier

    Fraternité et Solidarité

    Se cueillaient à foison

    Sous les ors de l’été »

    Fatima Mana

    Chapitre 1

    Louis sortit de la maison et plongea dans le petit matin, frisquet pour la saison. Il leva la tête un instant, observa le ciel, constellé par endroit d’un moutonnement orangé. Emmêlé dans les premières lueurs du jour, celui-ci semblait irréel. Le jeune homme s’empara du trottoir, solitaire à cette heure, et suivit sa déclivité en habitué. Une musette reposait sur son flanc droit. À l’intérieur, gamelle et bouteille de limonade, frottées l’une contre l’autre, renvoyaient un son léger au pied du jour qui grandissait. Puis il rentra de plein fouet dans les premiers rayons du soleil qui sortaient de l’horizon. En traversant la ville endormie, l’écho de son pas le suivait à un rythme régulier. Des odeurs de café voyageaient déjà dans l’air vif et s’amarraient aux parois humides des façades grises.

    Emmitouflé dans un silence monacal, Louis avançait à un rythme régulier. Pour s’occuper l’esprit, il remonta de ses souvenirs tout frais l’une des réunions politiques hebdomadaires auxquelles il assistait régulièrement depuis quelques années. Celle de la semaine dernière s’installa aussitôt sur ses pensées. Il la déroula sur son trajet, se glissant sans peine dans les premières images qui affluaient. Des visages familiers apparurent. Aussitôt une poignée de sentiments s’engouffra dans son cœur, libérant un concentré de chaleur humaine. Il sélectionna un temps fort de la soirée et se retrouva au milieu de diatribes enflammées, le délivrant un moment de son itinéraire routinier. Il revit sans difficulté la centaine de visages révoltés, parce qu’empêtrés dans les soucis du quotidien, jeter comme à la criée leur colère.

    Si la révolte couvait sous le mécontentement ambiant, entretenue par une existence difficile, il sentait à presque le toucher ce souffle si particulier étalé sur eux, où tous croyaient aux changements de leurs conditions par l’action. Une joie simple l’enveloppait. Le combat politique tenait une place importante dans sa vie et l’appartenance au groupe nourrissait des amitiés bien au-delà de l’activité militante. Louis baignait dans la résistance depuis toujours. À peine âgé de cinq ans qu’il tendait déjà de ses mains potelées d’enfance des tracts aux côtés de son père. En ce temps-là les idées fleurissaient sur la voie publique. De nombreux compagnons aux cales saillantes traversaient les dimanches en distribuant aux passants, attirés par les gros titres, l’Humanité. Bien souvent, quelques pièces et un merci solidaire entretenaient le feu de la contestation. Les slogans bercés d’utopie sortaient des bouches grandes ouvertes, hurlant leurs certitudes de changer le monde. Un rêve porté sur des épaules fatiguées de travailler sans relâche, mais qui entretenait dès l’aube de ces jours-là l’espoir.

    À chaque fois c’était pareil, les journaux, l’un des moyens d’informations les plus prisés de l’époque, avaient leurs habitués. Tous les échos du monde, y compris celui d’un changement possible et imminent, étaient traités. Les uns s’accrochaient à la Une pour l’acheter, d’autres pour satisfaire leur curiosité n’hésitaient pas à se fendre de quelques sous, peu importe, la gazette se retrouvait subrepticement au fond des poches en attendant d’être disséquée autour de la table dominicale. Bien évidemment, certains se détournaient de la distribution, feutre baissé, fuyant la sollicitation éphémère en fendant l’espace d’un empressement soudain.

    Assiégés par les vendeurs de l’Humanité, des pans de rues entiers charriaient les relents d’une révolution permanente. Béret vissé sur la tête et miche de pain sous le bras, le monde s’attardait, échangeait, confrontait ses idées à celles des autres, argumentait de quoi se faire une opinion qui les aiderait assurément à l’heure des grandes décisions à prendre. Journal acheté, chacun, toujours impatient de rentrer découvrir les dernières nouvelles, pressait le pas.

    Louis se remémora quelques séances où ses copains et lui tentaient de désentraver l’avenir. Une émotion toute chaude s’engouffra dans son cœur. Il traversa la place du marché sans traîner. Déjà quelques forains dépliaient étals et tréteaux pour y installer les marchandises. Leurs voix criblaient sporadiquement l’aube, fusaient par bribes intempestives, s’interpellaient, et se déversaient le long des étals. Bientôt s’emmêleraient les foisonnantes couleurs, arrosées par un soleil fanfaron qui tenterait de bousculer la saison en arrosant le lieu de ses rayons malingres. Les marchands harangueraient la foule des grands jours. Aux abords de midi, de succulentes odeurs envahiraient les allées et réveilleraient l’appétit. L’orgue de barbarie éparpillerait la dernière chanson à succès et maquillerait d’entrain l’alentour.

    Le clocher de l’église Saint-Jean martelait ses six coups et les déroulait avec bonhomie sur la ville. L’ouvrier pressa le pas. La bâtisse en briques rouges se découpait au loin entre des nuages chiffonnés de gris et un ciel maussade, mettant à mal les premières clartés du jour. Les murs imposants supportaient des verrières qui cisaillaient le paysage. Sur le devant, un terrain d’herbes folles la délimitait.

    Dès le lundi, l’usine, bourrée de travail jusqu’à la gueule, attendait l’ouvrier. Rivé au tour, il forait, perçait une partie des pièces d’un mécanisme dont il ne voyait même pas en imagination son fonctionnement définitif. Douze heures durant, Louis poussait le temps jusqu’au samedi, veille d’un repos dominical bien mérité. En fin de semaine, son corps, pourtant jeune, craquait de fatigue.

    À l’heure de l’embauche, des dizaines de bicyclettes, alignées sur leur reposoir, prenaient toute la longueur du mur côté ouest. Des saluts à peine audibles sortaient des visages ensommeillés et marchaient dans la même direction. Paul, le copain de Louis, l’attendait à l’entrée de l’atelier. Il regardait la silhouette rentrer dans l’habitude journalière, fendre l’espace sous la lumière bleue des néons pour rejoindre sa place. Celle que le monde lui avait donnée.

    Le temps s’écoulait dans une routine immuable. À l’heure des changements de poste, la ville, figée dans sa chape grise, soudain envahie par un monde épuisé, évacuait sa misère vers les bas quartiers. Comme à chaque fois, sur le chemin du retour, l’ouvrier prenait le temps d’observer le soir mordoré s’installer dans le couchant. Il s’attardait un instant sur cette naissance, savourant des yeux les ors généreux, avalés les uns après les autres par l’horizon en feu. Sa fatigue disparut dès qu’il pensa à la soirée à venir. Il habitait Faubourg Saint-Antoine, au deuxième étage d’un immeuble, qui en son temps avait déployé sans retenue sa splendeur.

    L’homme qu’il croisa poussait une charrette à bras sur un bout de trottoir qui n’existait d’ailleurs pas. Une simple élévation, délimitée par des pavés, formait une rigole et recevait les eaux usées de la vie. Campés sur leur seuil, les habitants, à l’aide de seaux en fer blanc, les jetaient coupant subitement l’espace de flaques grasses et nauséabondes. Surpris, le passant, pourtant aguerri, faisait des bonds pour les éviter. Les eaux sales venaient mourir dans le caniveau et alimentaient l’illusion d’un fleuve en colère dérivant jusqu’à la mer. Alors l’enfance voguait vers des estuaires imaginaires et suivait ses coquilles de noix, avalées soudain par une bouche d’égout, béant sur leur déception.

    L’ouvrier pénétra dans l’appartement au moment où le ciel se déshabillait de ses dernières clartés et s’installait pour la nuit. Les murs, par endroit, avaient conservé l’ocre des beaux jours, mais des taches sombres d’humidité rognaient inexorablement la couleur. Louis se dirigea tout droit vers l’évier où une bassine et un broc en faïence fleurie servaient à se débarbouiller. Il s’empara du savon estampillé savon de Marseille posé juste à côté. Au contact de l’eau, la texture verdâtre blanchit puis apparut une mousse onctueuse libérant une odeur vanillée évoquant aussitôt le sud et son soleil généreux. Entre ses mains, le savon glissait comme un galet. Il frotta doucement les contours de son visage pour se débarrasser des scories du travail. Yeux fermés, il tâtonna à l’endroit où la serviette était accrochée, la dépendit puis l’étala sur son visage. Une sensation de bien-être grimpa sur sa figure et la couvrit de frais.

    Sur le coin du fourneau mijotait une soupe de raves. Des effluves familiers se répandaient dans la tranquillité du soir. Il avait prévu de sortir après souper, pour se rendre à la réunion hebdomadaire de son parti. Prêté par un camarade, le local où se déroulaient leurs rencontres possédait quelques chaises dépenaillées et plusieurs bancs. Pétrifiés dans le gris et l’humidité, les murs, ce jour-là, se patinaient sous la chaleur humaine nourrie de révolte commune. Louis aimait par-dessus tout la fraternité. Alimentée d’une irrépressible envie de croire au changement, elle faisait disparaître les vicissitudes du quotidien.

    Chapitre 2

    Une trentaine de personnes, visages aux traits fermés, buvait les paroles prononcées par un tribun à l’éloquence naturelle. Puis au milieu d’un silence monacal, chacun les triait avec application avant de les déposer dans son esprit pour les analyser. Elles serviraient si besoin à nourrir le débat. Mais là, il n’était plus question de revendiquer quoi que ce soit pour améliorer l’existence ! Le responsable de leur cellule les plongeait directement dans l’horreur en racontant la haine despotique versée sur leurs frères espagnols. Paul relatait les nouvelles de quelques solidarités partisanes, parties les rejoindre par des voies détournées, pour se battre et relever les rangs couchés. Le rideau de fer de Franco poussait certains d’entre eux à rejoindre l’insupportable dictature afin d’épauler ces combattants aux mains libres, n’ayant bien souvent que de vieilles pétoires pour briser l’étau jusqu’au creux des sierras.

    Tous étaient révoltés à l’écoute des dernières nouvelles envoyées par l’un des leurs ou corroborées par des articles journalistiques témoignant du vécu de l’autre versant surtout que la plupart brossaient des conditions catastrophiques et racontaient l’enfer traversé. Les militants, choqués, buvaient l’histoire relatée par un lecteur improvisé sans le quitter des yeux. Un ciel violet recouvrait l’Espagne de drames indélébiles. Toute velléité d’agir semblait vaine, raison de plus au grand jour, lorsqu’il s’agissait de revendiquer pour obtenir un avenir plus serein.

    Dans l’auditoire, certains auraient souhaité prendre la parole, mais un camarade parlait. En attendant, ils préparaient leur intervention. Les occasions de vilipender étaient si nombreuses qu’ils n’avaient qu’à plonger dans leur existence pour les alimenter. La conjoncture de leur propre pays, avec la bonne société brandissant constamment sa différence pour conserver ses privilèges, n’était guère réjouissante. Travailleurs et intellectuels contre bourgeois aux ventres bedonnants, cet état des choses alimentait des luttes, stimulait l’envie de renverser l’ordre établi et sa réalité de plus en plus pesante.

    L’appartenance au même milieu politique les impulsait aussi à travers l’autre, rendant le combat possible, de même que l’espérance de changer leur vie faite seulement de labeur pour une bouchée de pain. Ainsi, ces conditions réunies nourrissaient en permanence la contestation. Sorti de ses réflexions, Louis pouvait presque sentir la solidarité enrober ses camarades, réchauffés par le soleil de la fraternité. De nouveaux temps se préparaient et renforçaient la certitude d’un changement imminent. Il récapitulait les retombées de cette appartenance, imaginait des lendemains recouverts d’une utopie rouge, voyait l’être debout entrer en résistance et marcher pour secouer le monde.

    Paul, seul à la petite table posée au centre de l’estrade improvisée, enrobait de sa voix chaude les premières phrases de son discours avant de les semer sur l’auditoire. Il désirait avant tout qu’elles servent de base à la discussion de ce soir. Le leader observait son petit monde et ses réactions. Il y en avait de si visibles que quelques-unes se manifestaient presque physiquement. Comme toujours, la relation des forces de classe dans la perspective économique creusait un fossé d’une profondeur abyssale. Constamment comblée par des slogans révolutionnaires, elle se retrouvait commune aux pays affectés de conditions semblables, c’est-à-dire à peu près tous.

    Louis s’emparait des faits exposés et les partageait avec ses camarades pour mieux décortiquer la réalité et l’analyser. Une fois installée devant eux, ils en extrayaient les éléments susceptibles de la modifier puis les suspendaient au fil de la réflexion commune. Son copain excellait en leader. Après un regard circulaire au groupe, attentif et rempli de bienveillance, Paul rappelait la position du militant, son rôle et son impact sur la société d’aujourd’hui, qui, quoi qu’on en dise, commençait à lui aménager une toute petite place.

    Leur engagement prenait les plus grands morceaux de leur vie. Détestés et pourchassés par les capitalistes, les travailleurs défendaient des causes qui semblaient perdues d’avance. Le combat contre l’injustice devenait le ferment de leur identité. Le camarade qui parlait encourageait, comme toujours, ses compagnons à lutter pour l’impossible en peignant une humanité possible. Contemporain de Lénine, son discours retombait en une pluie de certitudes. Reçue dans un profond recueillement, elle traversait le silence, se reposait dans l’espace fraternel où s’exprimait l’amitié de toute une collectivité.

    — Un jour mon Louis, lui dit son père assis à ses côtés, nous serons si nombreux à hurler de colère, que notre pays et des

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