Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le VAL: Histoire du métro de Lille
Le VAL: Histoire du métro de Lille
Le VAL: Histoire du métro de Lille
Livre électronique526 pages6 heures

Le VAL: Histoire du métro de Lille

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Il y a 52 ans, en février 1971, la Communauté urbaine de Lille, aujourd’hui Métropole Européenne de Lille lançait un concours pour l’attribution du chantier du futur transport en commun qui devait relier le campus de la ville nouvelle de Lille-Est au centre-ville historique de Lille. Un demi-siècle plus tard, la simple navette d’étudiants est devenue une composante incontournable de la métropole lilloise, un moyen de transport emprunté chaque jour par plus de 400 000 voyageurs, travailleurs, écoliers, lycéens, étudiants ou simples visiteurs occasionnels. L’histoire racontée dans ce livre est celle de l’invention puis de la réalisation d’un moyen de transport qui n’existait pas : le VAL. (Villeneuve-d’Ascq-Lille à l’origine, Véhicule Automatique Leger par la suite). Cette Histoire du métro de Lille est aussi celle de la construction d’une métropole. En avril 2023, le métro lillois célèbre le 40e anniversaire de sa mise en service. 


À PROPOS DE L'AUTEUR


Docteur en sociologie et maître de conférences à Sciences Po Lille, Jean-Michel Stievenard est une figure politique de la métropole Lilloise. Ancien maire de Villeneuve-d’Ascq (2001-2008), il a été Conseiller général du Nord (1989-2001) et vice-président de la Communauté urbaine de Lille (1989-2008). Après avoir été consultant en gestion de projets, il est garant de concertation de nombreux projets d’aménagement notamment industriels au nom de la Commission Nationale du Débat Public (la CNDP). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont un consacré à l’histoire du Musée d’art moderne de Villeneuve-d’Ascq, établissement qu’il a présidé pendant 25 ans. 
LangueFrançais
Date de sortie7 juil. 2023
ISBN9782491114213
Le VAL: Histoire du métro de Lille

Lié à Le VAL

Livres électroniques liés

Histoire européenne pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le VAL

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le VAL - Jean-Michel Stievenard

    Couverture : Le VAL Histoire du métro de Lille et de Villeneuve d’Ascq, Lambersart, Lomme, Mons-en-Barœul, Wasquehal, Croix, Roubaix, Tourcoing…Page de titre : Jean-Michel STIEVENARD Le VAL Histoire du métro de Lille et de Villeneuve d’Ascq, Lambersart, Lomme, Mons-en-Barœul, Wasquehal, Croix, Roubaix, Tourcoing… Récit GG

    Du même auteur

    L’Art moderne à Villeneuve d’Ascq (Ravet-Anceau, 2010)

    Villeneuve d’Ascq, une ville est née (Éditions CANA, 1980), avec Pascal Percq.

    Logo de la maison d'édition GG

    Gilles Guillon

    BP 11 287

    59014 Lille Cedex

    www.gillesguillon.com

    ISBN : 978-2-491114-20-6

    ISBN Numérique : 9782491114213

    © Gilles Guillon 2023

    Reproduction même partielle interdite sans autorisation écrite de l’éditeur.

    Couverture : Dumas Création graphique

    À Pierre Mauroy, à qui j’aurais aimé faire lire ce livre.

    Avec le métro il a construit l’unité de la métropole. 

    AVERTISSEMENT

    Ce livre a eu deux temps dans son écriture. Mis en chantier en 2012, il ne pouvait être prêt à l’occasion du trentième anniversaire de l’inauguration du métro le 25 avril 2013 et en raconter l’histoire. Du fait d’un lourd mouvement social chez Transpole, cet anniversaire fut célébré très discrètement.

    L’éditeur initial (Les Lumières de Lille) visait le lancement du 52 mètres et cette nouvelle mue du métro méritait bien d’être accompagnée par un livre témoignage. Ouvrant une nouvelle période, il pouvait en solder l’histoire et le passé. Prévu au début de l’année 2016 le texte pouvait ainsi se justifier. Le président de la toute nouvelle MEL, la métropole européenne de Lille, acceptait de le préfacer et son entourage me remettait alors un texte.

    On sait ce qu’il arrivât et à quel point le 52 mètres ne fut pas au rendez-vous que les promoteurs avaient fixé pour lui. La réussite de l’Euro de football marqueur dans le calendrier du projet n’en fut pas vraiment altérée.

    De ce fait la sortie du livre ne trouvait plus son actualité et de retard de travaux en report de mise en service, il s’endormait dans les tiroirs, après quelques conférences qui permirent de l’exploiter.

    Je l’avais un peu oublié parce que mes préoccupations furent ailleurs. Un peu par déni aussi d’un projet non abouti.

    Une rencontre fortuite avec Gilles Guillon qui avait édité pour le compte de Ravet-Anceau un précédent livre sur le musée d’art moderne, le LaM ¹, remit ce manuscrit au centre des réflexions.

    Il suffisait de peaufiner le manuscrit. Il suffisait…

    Surprise, le texte méritait d’être contextualisé. Moins par l’histoire qu’il relatait (l’histoire reste l’histoire) que par le langage de l’époque et les références qu’elle permettait. Quand on disait le Mongy, beaucoup comprenaient, quand on parlait d’Arthur Notebart, son souvenir était encore vivace dans l’opinion. En 2023, rien n’est moins sûr. Il fallait faire une actualisation.

    Surprise aussi. Une histoire que l’on arrêtait de raconter à partir d’un matin d’octobre 2000 sur une place de Tourcoing pour l’inauguration des dernières stations de la ligne 2 apparaissait d’un coup hors du temps. Les plus de vingt années qui s’étaient écoulées ne pouvaient être passées sous silence, le modèle initial a été amélioré sans cesse sous la pression des utilisateurs et la capacité d’innovation des gestionnaires. Notre regard a changé sur les transports collectifs et si les comportements des voyageurs évoluent lentement, l’anticipation des prospectivistes et des décideurs rend le chemin inéluctable. Le défi représenté par le 52 mètres ne concerne pas seulement une augmentation de la capacité de transport de voyageurs. Il vise à fournir un nouveau système, hérité du Val certes, cohabitant avec lui, et notamment par la ligne 2, mais assurément un nouveau métro.

    Les avatars de sa mise au point et les débats dans l’actualité ne pouvaient être laissés sous silence.

    Mais de ce fait l’exercice changeait de genre. Il ne s’agissait plus d’interroger d’anciens témoins, fiers de leur aventure réussie, il fallait interroger des acteurs actifs, en doute parfois. Soucieux de ne pas délivrer un discours susceptible de se retourner contre eux-mêmes ou l’institution qui les employait. Leur parole se trouvait bridée par des directions ou des services de communication peu prêts à mettre leurs difficultés sur la place publique.

    Ce que les journalistes d’investigation approchent à peine, comment une posture historique pourrait-elle s’en approcher davantage et comprendre mieux.

    Et pourtant cette partie de l’histoire méritait d’être reconstituée et racontée. Elle a aussi ses héros, ils ne sont jamais cités, ayant demandé à ne pas l’être. Ils travaillent dans l’ombre et parfois dans la rage pour inventer ce qui est un nouveau moyen de transport qui n’existe pas encore et dont ils savent que l’utilisateur se rendra à peine compte à quel point il est nouveau.

    Bien entendu parler au futur rend moins certain du calendrier. Les péripéties de la ligne 1 et de la ligne 2 ont largement montré qu’une prédiction du jour pouvait relever ultérieurement de la rodomontade. Dire comme le président de la communauté urbaine de Lille que les Lillois rouleraient en métro à la saint Eloi 1977 alors qu’ils ont eu à attendre près de soixante-six mois supplémentaires n’était pas qu’effet de menton ou promesse électorale mais analyse en temps réel du calendrier prévisionnel auquel chacun croit. C’est seulement dans un livre ultérieur qu’il pourra être écrit que l’inauguration du 52 mètres a eu lieu, comment le nouveau métro a rencontré son public et comment les innovations rendent fiers leurs promoteurs et répondent à leurs espoirs. Une chose est certaine, les utilisateurs investiront très vite cet avantage nouveau et l’intégreront dans leurs choix quotidiens.

    Cela sera écrit un jour.

    La disparition de Pierre Mauroy le 7 juin 2013 est intervenue pendant la rédaction du manuscrit sur la ligne 2 qui lui doit tant. Lui dédicacer ce livre était une évidence. Je n’ai pas souhaité la remettre en question dix ans plus tard.

    La longueur de la gestation et la multiplicité des éditeurs potentiels en ont fait varier la forme. Il faillit entrer dans la catégorie des « beaux livres » superbement illustrés. Je me suis alors associé à Pierre Le Masson photographe à la Voix du Nord pour une parution commune. Elle prend finalement la forme de simple récit. Je me réjouis de livrer un texte aussi dense et aussi je l’espère, complet. L’histoire du métro en photos et images reste à publier, les archives de la MEL sont pleines de documents permettant cette publication. Le dévouement quotidien de ceux qui les conservent en serait mis en valeur.

    Jean-Michel Stievenard

    1

    La Ville nouvelle, le Campus, la Communauté urbaine : triangle des Bermudes

    Tout commence par là. L’aventure des villes nouvelles. Celle de l’adaptation de la France à une nouvelle ère. Il s’agit de quitter les Trente Glorieuses. Et personne ne sait, autrement que de manière intuitive, que cette période s’achève.

    L’économie est au seuil de sa mutation. Avec peut-être un peu de précipitation, on décrète la fin du charbon. Le Nord-Pas-de-Calais qui a tant donné pour l’extraire et apporter sa richesse à la France voit avec angoisse les réserves facilement accessibles, diminuer et se tarir. La grande grève des mineurs du mois de mars 1963 qui résonne encore dans les têtes apparaît comme un répit. La région va devoir se transformer autour de ses métiers nouveaux choisis pour son avenir : la sidérurgie sur l’eau, à Dunkerque, et le tertiaire.

    Pour la révolution tertiaire comme on le dit alors, le territoire lillois s’impose. On y attend des activités nouvelles et des travailleurs nouveaux qui vont nécessiter de nouveaux logements. Les nouveaux salariés vont bientôt réclamer d’habiter près de leur nouveau travail. L’habitat actuel de la métropole ne peut suffire.

    On construit en grande hâte des ZUP, grands ensembles massifs, avec leurs lots de lotissements « en accession » pour « ceux qui font construire ». A Wattignies, à Mons-en-Barœul, les nouveaux ensembles urbains poussent comme des champignons avec leur accompagnement en écoles et autres équipements collectifs. Il arrive que des enseignants soient nommés avant l’arrivée des élèves… et de l’établissement scolaire.

    Les études de l’OREAM NORD (Organisme régional d’études et d’aménagement de l’aire métropolitaine du Nord) qui essayent d’organiser l’avenir, pensent qu’il faudrait construire une ville nouvelle selon le modèle déjà importé de Grande-Bretagne. Ce serait une manière de rassembler sur un même territoire les différentes fonctions de la ville. Habiter/ Travailler/ Se cultiver le corps et l’esprit/ Et pouvoir aller de l’un à l’autre de ces points en toute facilité. Une rupture avec la séparation des fonctions prônée par la Charte d’Athènes datant de 1934 et qui impose son modèle à l’urbanisation de la France de l’après-guerre éloignant les zones d’activités des zones d’habitation et des villes-dortoirs.

    Le Campus universitaire et le recteur Debeyre

    L’université de Lille a vécu sa première poussée démographique : 1360 étudiants en 1949, 5500 en 1964. Elle a presque triplé ses effectifs en 15 ans. Elle craque dans ses locaux du quartier latin lillois pourtant construit depuis moins de 80 ans autour de la place Philippe Lebon. Les étudiants suivent les enseignements assis sur les appuis de fenêtre pour les plus chanceux. Les plus déterminés protestent : « Des amphis. Pas des canons ». C’est la fin de la guerre d’Algérie.

    En 1963, une manifestation spectaculaire a vu chaque étudiant transporter une brique sur la Grand-Place de Lille. Il faut construire.

    Guy Debeyre sait cela. Recteur depuis 1955 et promis de le rester jusqu’en 1972, il s’emploie à prendre le problème à bras-le-corps. Il doit trouver une solution. Le quartier Saint-Sauveur à Lille ? La Chapelle d’Armentières ? L’aérodrome de Bondues ? Le débat enflamme ceux qui y participent. Il faut dix ans pour décider du lieu d’implantation de la « Cité scientifique ». Dix ans de débats pour trouver un chemin de décision entre ceux qui le voulaient ailleurs et ceux qui n’en voulaient pas là. L’est de Lille est choisi… parce qu’il y a la place nécessaire. Le campus s’installe et impose son nouveau modèle : l’université à la campagne. Un cauchemar.

    Octobre 1964. La rentrée de la « Cité d’urgence » ¹ qui se fait en même temps que les premiers coups de bulldozers de la construction de la Cité scientifique sert d’expérimentation en grandeur réelle. Comment faire venir les étudiants et leurs professeurs ? Les taxis qui se perdent s’adapteront probablement au marché, mais cela ne pourra suffire. La ligne 6 des autobus est saturée. Il faut inventer un mode de liaison avec Lille.

    Et le recteur Debeyre songe déjà à lancer le deuxième étage de la fusée de la délocalisation universitaire pour créer un campus de Lettres et de Droit. Un projet de cette ampleur n’est pas simplement un projet universitaire, c’est aussi un acte d’aménagement du territoire et le recteur Debeyre ne fuit pas cette responsabilité.

    Président en parallèle du Comité régional des Sports, il a repris le combat d’Albert Debeyre, son père, inventeur du sport à l’école, de la pratique sportive, de l’enseignement de la gymnastique. Il milite pour que la région se dote de grandes installations sportives, une piscine, un stade olympique. Pourquoi pas sur le même territoire ?

    Jean-Claude Ralite

    L’ingénieur de l’arrondissement de Lille devient son interlocuteur attentif. Jean-Claude Ralite a trente ans. Ce n’est pas un débutant puisqu’il a été lieutenant-aménageur en Algérie, davantage préoccupé par la mise en place du plan de Constantine qui prévoyait le développement économique de l’est algérien plus que des problèmes de maintien de l’ordre. À son retour, il a côtoyé pendant quelques années la formidable équipe de Paul Delouvrier, chargée de réorganiser la région parisienne et qui a reçu, comme Haussmann 100 ans avant, les « pleins pouvoirs ». Jean-Claude Ralite y travaille à la conception des réseaux d’autoroutes (un vrai X-Pont) mais aussi à celui des transports en commun. Il y dessine plus de « patates sur des calques » qu’il ne fait de réalisations concrètes. Ses aînés qui surveillent sa carrière jugent opportun le moment de « l’envoyer faire du béton ». Ce sera dans le Nord. Il y arrive avec sa vision de « décentralisation centralement dirigée », c’est-à-dire gaullienne, et sa culture des villes nouvelles. Quand Gilbert Dreyfus, le directeur départemental de l’Équipement accueille le jeune Jean-Claude Ralite, il reçoit un collaborateur certes, mais surtout un cadet dont le Corps lui a confié la formation. La tutelle préfectorale de Pierre Dumont ne pèse pas davantage. Les deux hommes se sont croisés en Algérie, au moment du plan de Constantine. Ils peuvent de nouveau déployer leur complicité dans le Nord. L’un servira souvent de support à l’autre.

    Les services de l’Équipement qui sont alors au faîte de leur pouvoir, sont en capacité d’agir. Ils ont réuni toutes les compétences, celles de la réflexion prospective, celles des pouvoirs régaliens de l’État en matière d’urbanisme. Conseils et exécutants pour le compte des collectivités locales, que sont les grandes communes et le département, ils sont la première entreprise de construction de France.

    Appuyé sur une administration centrale toute puissante dans laquelle le directeur de l’Urbanisme ou le directeur des Routes valent bien autant qu’un ministre, le corps des Ponts place « ses » hommes dans les endroits stratégiques et envoie des jeunes gens avec de véritables pouvoirs plénipotentiaires.

    1965. Nommé ingénieur d’arrondissement, il doit exercer de multiples prérogatives. La tâche n’est pas toujours exaltante : permis de construire, voiries à créer mais surtout à entretenir, gestion des équipes de « cantonniers », exécution des travaux du Conseil général. Dans les fonctions régaliennes, il y a tout de même le projet de « Centre directionnel » à installer à Lille, autour de la gare dans le quartier Saint-Sauveur tout juste nettoyé de ses taudis. Déjà l’établissement des Chèques Postaux y est installé ; la Cité administrative est achevée. En commande : le « forum » doit enjamber les voies ferrées et se développer là où 25 ans plus tard, Pierre Mauroy installera Euralille et sa « turbine tertiaire ». Le ministère des Finances veut y installer sa propre administration, les services de l’Équipement aussi. C’est un véritable centre tertiaire qui est à construire, un « centre directionnel » à implanter, à l’ouest de la voie ferrée. Le défi aurait pu suffire à Jean-Claude Ralite. D’autant que ses aînés lui ont dit que c’était pour quelques années seulement, et qu’il pourrait ensuite revenir en administration centrale ou choisir un poste au sud de la Loire, là où il est permis de combiner poursuite de carrière et confort de vie.

    Son secteur bouillonne de projets et de travaux. Sur le territoire d’Annappes, la construction du campus avance. L’implantation des universités, le rassemblement de grands équipements sportifs, celui des grandes implantations de recherches représentent un atout remarquable, on pourrait même y intégrer, la ZUP de Mons-en-Barœul qui n’en finit pas d’élever ses tours.

    Pourtant, l’atelier d’urbanisme a dessiné un premier schéma directeur d’urbanisme plutôt préoccupé par la liaison entre la métropole et le bassin minier : l’avenir de la métropole est vers l’ouest.

    Développement à l’ouest ou autour du campus ? Ce pourrait être un débat d’école, sauf que l’ingénieur d’arrondissement n’a pas vocation à se contenter des colloques et des tribunes. C’est un aménageur. Chez Delouvrier, il a appris que dire n’était que le simple prélude au faire.

    Il veut, lui aussi, « mettre de l’ordre dans le bazar » comme le général de Gaulle l’avait demandé à Delouvrier, pour la région parisienne ? Faire de l’aménagement urbain ? Ou faire du développement économique en profitant des installations universitaires et des installations sportives ?

    Avec le recteur Debeyre, ils partagent le même projet. Donner à l’université « un environnement urbain de qualité ». C’est-à-dire, d’une certaine manière, réaliser une ville autour de l’université. Ensemble, ils mobilisent leurs ministères respectifs et obtiennent une réunion interministérielle.

    Le 3 octobre 1966, autour de la table, se réunissent le ministre de l’Équipement Edgard Pisani, le ministre de l’Éducation nationale Christian Fouchet et le ministre de la Jeunesse et des Sports, François Misoffe.

    Bien entendu, il y a eu de nombreuses réunions préparatoires au niveau de leurs collaborateurs, en province et dans l’administration centrale. Il ne reste que quelques éléments d’ajustement et l’affaire est rondement menée. C’est Edgard Pisani qui porte le projet. Il obtient sans mal l’accord de ses collègues.

    Edgard Pisani

    Après un passage remarquable au ministère de l’Agriculture où certains lui attribuent l’invention de la politique agricole commune, il vient de se voir propulsé au ministère de l’Équipement. Enfin le ministère de la Construction et celui des Travaux Publics ont-ils été réunis donnant à cette administration de nombreux leviers d’intervention. A 49 ans, Edgard Pisani, porte les espoirs de la haute fonction publique française. Lentement forgée depuis la fin de la guerre, la technocratie attend des terrains d’expérimentation et d’action. Les villes nouvelles vont lui fournir cette occasion. L’homme est fascinant, grand, portant beau, le bouc bien taillé, préfet à 27 ans après un parcours important dans la résistance. Sénateur et élu local, il est élu de Haute-Marne depuis 1954.

    Son ministère va durer exactement quatre cents soixante-dix-huit jours et s’arrêter brutalement le 24 avril 1967, quand il quitte le gouvernement avec fracas pour protester contre le recours aux ordonnances. Mais son bilan est fondateur : la loi d’orientation foncière et le lancement des villes nouvelles.

    Peu de temps après, un survol historique en hélicoptère de la zone d’Annappes et de son campus lui confirmera le bien-fondé de son choix. Le 19 décembre, il l’écrit dans une lettre au préfet du Nord qui en connaissait le contenu et qui a sans doute été rédigée localement : Il faut développer une ville nouvelle à l’est de Lille en faisant en sorte que « les installations universitaires bien intégrées au milieu urbain soient un facteur d’attractivité et d’aménagement ». Jean-Claude Ralite en devient naturellement le maître d’œuvre. C’est à lui qu’il revient de transformer ces propositions en réalité.

    Le 24 avril 1968, il fait émerger une « Mission d’études et d’aménagement de la ville nouvelle de Lille-Est » avant de générer un « Établissement public d’aménagement de Lille-Est » : l’EPALE, créé le 11 avril 1969, et installé officiellement par le préfet Pierre Dumont, le 27 juillet.

    La sixième rentrée universitaire sur le campus d’Annappes se prépare et les conditions d’accueil et de vie ne s’améliorent pas.

    La Communauté urbaine de Lille

    Le 19 décembre 1966, le décret créant une ville nouvelle à l’est de Lille est publié au journal officiel. Et c’est le 31 décembre 1966 que la loi créant les communautés urbaines est publiée à son tour. Cette loi n’est pas accueillie avec enthousiasme par des élus qui n’ont rien demandé et à qui on n’a rien demandé. L’État gaullien n’a que faire des comités Théodule et des négociations sans fin; il veut réformer le paysage administratif de la France et dans la foulée de la fameuse interrogation du géographe Jean-François Gravier « Paris et le désert français », il lui faut créer des métropoles d’équilibre. Les communautés urbaines en sont une première esquisse.

    Les arrière-pensées ne sont pas absentes. En 1966, Lille apparaît comme une citadelle socialiste. Plusieurs tentatives vont se succéder pour la conquête de la ville où se perdra la fine fleur du gaullisme : François-Xavier Ortoli, Norbert Segard, Albin Chalandon, Pierre Billecocq, Jean-Jacques Descamps, tous ministres ou sous-ministres.

    Sans renoncer à la ville centre, on peut s’attaquer à sa périphérie. Cette nouvelle organisation des communautés urbaines doit être pilotée par des élus du deuxième degré, désignés par leurs conseils municipaux respectifs. Si les grandes villes ont une représentation directe, les autres communes doivent se regrouper entre elles. Librement pour désigner des représentants. En toute logique, cela devrait permettre des rapprochements en mesure d’organiser une majorité différente de celle de la ville centre. Ceux qui s’y emploient pensent avoir réussi.

    Las, le 22 décembre 1967, un an plus tard, réunis dans la salle des fêtes de la préfecture, les délégués élisent au bout de la nuit Augustin Laurent le maire socialiste de Lille comme président de la communauté urbaine de Lille. Son deuxième vice-président est Arthur Notebart qu’il charge de l’urbanisme. Un nouveau titre pour celui qui est maire de Lomme depuis 1947, conseiller général depuis 1945, député depuis 1951, et réélu depuis avec une simple petite éclipse provoquée par la vague gaulliste en 1958. Bâton de maréchal ou tremplin vers d’autres fonctions ? Certes, c’est encore « une vice-présidence de la parole », sans beaucoup d’actions concrètes, mais la responsabilité d’établir un SDAU (schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) pour l’arrondissement de Lille peut permettre de se frotter au territoire et d’en rencontrer tous les élus. Dans la corbeille de la délégation, apparaissent les instruments de commandement de la ville nouvelle. Arthur Notebart entend bien les récupérer : la ville nouvelle et aussi l’agence d’urbanisme. Il devient le président des deux entités. Le voici à la fois à l’étude et à la réalisation, à la planche à dessin et à la truelle ou à la grue du chantier. Il reçoit les moyens de façonner la métropole.

    La succession d’Augustin Laurent est en fait vite ouverte. Le cacique socialiste, ancien ministre d’État, « pape du socialisme » depuis la fin de la guerre, est né en 1896. Mineur de fond pendant quatre années, maire de Lille depuis 1955, il a plus de 70 ans au moment même où s’installe la Communauté urbaine. Il songe à passer la main. À Lille, la transition pourrait être imminente. S’il le pouvait, il éviterait le combat électoral de 1971 qu’il redoute et pour lequel il voit bien que tous les moyens de l’État sont mobilisés autour de François-Xavier Ortoli, le nouveau ministre de l’Équipement. Véritable ministre-résident, celui-ci ne perd pas une occasion pour être présent à Lille. L’issue du combat est incertaine. Augustin Laurent doit-il le mener lui-même ? Laisser la place à un successeur ? Arthur Notebart a toutes les chances. Dans cette période, il dirige la fédération du Nord du Parti socialiste en curieux tandem avec Pierre Mauroy. L’un pour le nord du département, l’autre pour le sud. Arthur Notebart est donc le patron légitime des socialistes pour Lille. Mais Augustin Laurent ne l’apprécie pas vraiment. Il ne lui trouve pas suffisamment de « classe ». Sa rigueur et son ascétisme personnels sont à l’opposé de cet élu, un peu fruste – mais c’est aussi une recherche de posture – bon vivant, familier des chasses et des repas d’après chasse qu’il raconte avec faconde. Il y fréquente toutes sortes de gens, y compris des affairistes.

    Augustin Laurent n’est pas de ce monde-là. Il médite en silence l’arrivée de Pierre Mauroy à qui il veut confier la mairie de Lille, sans même le consulter et en pesant fortement pour qu’il accepte. Quant à la Communauté urbaine… Augustin Laurent, qui ne croit pas en cette nouvelle instance qu’il a combattue ² et a dû se résigner à la mettre en place, lui accorde peu d’importance. Va pour Arthur Notebart… une partition qui va marquer durablement plusieurs décennies de la vie de métropole en train de naître.

    Les transports, une compétence prise à bras-le-corps

    1969. Aussitôt installé, le conseil de la Communauté urbaine s’est mis au travail et cherche à déterminer le territoire de ses compétences. Une « communication du président sur les grands dossiers de l’institution » est consacrée à la ville nouvelle de Lille-Est. Elle est adoubée.

    La compétence des transports est une compétence obligatoire. Les élus de la communauté urbaine de Lille la prennent à bras-le-corps. Construire une métropole, le livre blanc de la métropole de l’agence d’urbanisme, publié en mai 1969, rappelle la nécessité de l’aménagement des transports urbains. Il estime nécessaire de réaliser la complémentarité entre les différents modes de transport en commun et les ressources de la SNCF.

    C’est une déclaration de bons sens encore peu engageante. Oui, il faudrait établir une complémentarité, qui doit en prendre l’initiative ?

    La Communauté urbaine n’est pas contre mais elle est surtout préoccupée par la gestion des transports collectifs. La réflexion sur les tarifs est sa grande affaire. Les débats sur la gratuité ou les tarifs spéciaux sont passionnés. Beaucoup d’élus y prennent part. Ils pourraient suffire à l’exercice de la « compétence transports ». L’intégration tarifaire est un autre défi considérable pour qui veut harmoniser les tarifs, entre les compagnies métropolitaines, les transports interurbains, la SNCF. Elle passionne… et engloutit beaucoup d’énergie.

    Pourtant, le grand enjeu consiste à devenir AOTU (autorité organisatrice de transport urbain). La loi est ainsi faite que les municipalités ont le monopole de l’organisation des transports collectifs. Elles peuvent l’exercer en régie, la concéder ou l’affermer. Dès le 1er octobre 1968, cette compétence est transférée à la Communauté urbaine. Les villes qui devaient le plus souvent honorer les déficits d’exploitation ne se plaignent guère, mais elles n’entendent pas renoncer à leur capacité de régulation des transports collectifs sur leur territoire.

    La coexistence de deux réseaux de transports en commun déployés sur le territoire communautaire est le résultat de l’histoire. À Lille, des voies ferrées permettant la circulation de voitures hippomobiles ont été concédées depuis 1873 à la « Compagnie des tramways du Nord » ; à Roubaix en 1875 et à Tourcoing en 1880 des réseaux l’ont été à la « Compagnie des tramways de Roubaix-Tourcoing ». Le tramway qui prend le nom de son créateur Alfred Mongy en 1909 complète et complique le dispositif. Au milieu des années 60, deux grandes compagnies se disputent l’organisation des transports en commun : l’ELRT (l’Électrique Lille Roubaix Tourcoing) d’une part, la TELB (la compagnie des Tramways électriques de Lille et de sa banlieue) d’autre part. Si on ajoute que le Conseil général du Nord est lui-même autorité organisatrice pour les transports interurbains et que cela touche forcément la liaison entre Lille Roubaix et Tourcoing, on voit que la situation est source de dysfonctionnements, d’incompréhensions pour l’usager, et de gâchis.

    Soixante années de rivalités, entre des conseils d’administration qui ne se parlent pas, des réseaux qui ne peuvent fusionner, chacun avec son personnel, ses règlements, ses tarifs. Chacun jalouse l’autre et se débat dans ses difficultés. L’ELRT est au bord du dépôt de bilan tellement son déficit est important. A l’expiration de sa concession, elle jette l’éponge et s’associe avec la CGIT (la Compagnie générale industrielle des transports) pour constituer la SNELRT (la Société nouvelle de l’électrique Lille Roubaix-Tourcoing).

    La bataille qui se joue là n’est pas très connue à l’extérieur. C’est un chantier juridique de grande envergure : fusion de sociétés, dévolution des biens, harmonisation des régimes des agents, renégociation des concessions… il le faut pour créer les moyens de l’exploitation moderne d’un vieux réseau.

    Il n’est pas certain que l’idée d’en créer un nouveau soit apparue spontanément.

    De la ville nouvelle au centre de Lille…

    par les transports en commun ?

    Dans la tête bien faite de Jean-Claude Ralite, l’idée existe. Il est confronté à l’existence de la ZUP de Mons-en-Barœul déconnectée du reste du tissu urbain ; à une implantation universitaire construite en rase campagne et mal reliée à la ville. Une seconde est inscrite pour un avenir proche. Les facultés de Lettres et de Droit vont arriver bientôt. Quinze mille personnes – étudiants et enseignants – sont attendues pour la rentrée de septembre 1974. On imagine comme un cauchemar des processions de 2 CV sur la RN 41 dans Hellemmes. Des équipements universitaires, des équipements sportifs, des grandes implantations économiques espérées, des quartiers sont à construire. Comment les relier ? Entre eux et avec le Centre directionnel qu’il a la charge de réaliser ?

    Le 24 octobre 1969 le « Schéma directeur du secteur Est » est rendu public. Les élus « en prennent connaissance » le 15 décembre 1969 avant d’en débattre et de l’adopter le 24 avril 1970.

    Jean-Claude Ralite, l’ingénieur d’arrondissement, a préparé ce document prévu par les textes. Il a réuni à cette intention une petite équipe que l’on qualifie de talentueuse. Elle travaille sous sa dictée. Le schéma d’aménagement porte sa marque, dans chacune de ses lignes.

    Il ne le discute certainement pas avec les élus. Ni même avec le vice-président de la Communauté urbaine chargé de l’urbanisme, qui ne pourra s’en offusquer qu’a posteriori. Il se fera alors le serment de ne plus jamais être dominé. Arthur Notebart vient juste de prendre ses fonctions. Il est dans une posture d’attente. Il fait le dos rond car Jean-Claude Ralite privilégie sa relation de confiance avec le maire-président, Augustin Laurent. Celui-ci le fait intervenir, devant le conseil municipal de Lille et dans des réunions préparatoires. On dit qu’il lui arrive de laisser son fauteuil à celui qui vient présenter les plans afin qu’il puisse écouter les explications, plus à son aise, au milieu des élus.

    À la Communauté urbaine aussi, il lui cède volontiers la parole, y compris en séance publique, sans même chercher à cadrer son propos. Il le fait écouter attentivement puis le félicite de sa contribution. Le vice-président chargé de l’urbanisme ne peut faire autrement que se prêter à l’exercice d’écoute… et ajouter son interprétation.

    Dans la grande logique de l’aménagement par les cartes, le schéma de la ville nouvelle montre une « desserte en pinces » : des liaisons par le nord existent. L’antenne sud de Roubaix (qui sera réalisée beaucoup plus tard mais qui est dessinée sur les documents graphiques) est une réalité potentielle à laquelle il faut croire. La route de Forest-sur-Marque pourra être aménagée à travers le parc de la Marque, donnant ainsi un accès direct à l’échangeur des 4 cantons ³, « ces voies conçues pour recevoir des services d’autobus express assurent une liaison aisée avec Roubaix ».

    Mais il n’existe pas de solution évidente pour relier le secteur Est avec Lille. La difficulté résulte de la densité du tissu urbain dans lequel il est impossible de créer des voies nouvelles. Même en choisissant une desserte par les transports en commun, on serait arrêté par l’impossibilité de dégager un site propre. La seule solution, routière aujourd’hui et demain autoroutière, consisterait à contourner toute l’agglomération par le sud. C’est possible, mais cela allonge terriblement le kilométrage. Et si on veut privilégier un transport collectif, le contournement par le sud n’irrigue guère des populations qui n’existent pas sur cet itinéraire.

    Parler des transports en commun en mars 1970 n’est pas une idée dominante, l’anarchiste Aguigui Mouna a beau chanter à tue-tête « l’auto pue, l’auto tue, l’auto pollue », sa voix résonne dans le désert. Si l’une des images fortes de mai 68 (vingt-deux mois avant) est celle de voitures incendiées, ce n’est pas la voiture qui est attaquée mais ceux qui la possèdent. D’ailleurs, la crise s’est remarquablement dénouée quand le gouvernement a rétabli l’approvisionnement des stations-service, la veille du week-end de la Pentecôte ; la France a respiré malgré les premiers morts du mois de mai issus de la circulation libératrice.

    « Il faut adapter la ville à la voiture », a déclaré le président Pompidou. Le modèle du « tout auto » esquisse sa domination et les ingénieurs de l’équipement, qui ne sont pas en reste, mettent à la disposition des automobilistes des aménagements permettant d’améliorer la fluidité et la vitesse.

    Une liaison ferroviaire ?

    Pourtant l’idée des transports en commun irrigue le projet du SDAU du secteur Est.

    « La desserte en transports en commun de la ville nouvelle est un des éléments fondamentaux de son fonctionnement […] Une desserte puissante, rapide et efficace vers Lille, assurée par un transport en commun en site propre, c’est à dire indépendant de la congestion des voies automobiles et des sujétions aux carrefours ».

    L’hypothèse d’un circuit de transport collectif interne à la ville nouvelle et connecté à la voie ferrée existe un moment, les plans l’attestent. Il permettrait de réunir l’ensemble des équipements générés par sa construction et de les connecter sur la voie ferrée. Le SDAU évoque bien cette idée, mais il estime que cela sera insuffisant. Il faut en effet profiter de cette création non seulement pour relier la ville nouvelle à Lille mais aussi « l’importante zone d’habitat de la ZUP de Mons-en-Barœul ».

    La liaison ferroviaire entre la ville nouvelle et Lille ne peut suffire à ce besoin de desserte : il faudrait transformer complètement l’entrée de la gare de Lille alors que cette ligne devra être empruntée par le train à grande vitesse Paris-Lille-Bruxelles. (10 ans avant la grande bataille de Pierre Mauroy pour faire entrer le TGV dans Lille, c’est une évidence pour les aménageurs).

    En site propre ?

    L’idée d’une desserte de la ville nouvelle en site propre est la plus solide. Mais comment l’implanter ? À travers l’existant ? Au niveau de la chaussée, les dégâts seraient considérables, soit en termes de thrombose pour la circulation déjà existante, soit en termes de démolitions. Dessous ? Cela parait un coût excessif. En aérien ? L’idée est intéressante. Mais il faudrait trouver un dispositif financièrement acceptable.

    Quel système ? Un système nouveau… peu coûteux, très attractif, un moyen de transport que l’on soit certain de trouver dès qu’on en a besoin, sans attendre. Pour qu’il soit rapide, il faudrait qu’il passe au plus court, justement, là où le tissu urbain est le plus dense… il faut donc qu’il soit étroit… Bus ? Voie ferrée ? Tapis roulant ? Toutes les options sont jouables. La réflexion est encore purement théorique, elle pourrait s’apparenter à une réflexion de comptoir… mais elle commence à enchaîner les prescriptions… un système de transport… étroit… et léger… pour minimiser les coûts d’infrastructure… aérien, pourvu qu’il sache se faufiler dans les rues étroites… peu coûteux… ce pourrait être un long trottoir roulant, ou alors un long train que l’on couperait en petits morceaux qui se succéderaient très proches les uns des autres… mais il faudrait alors qu’il soit automatique… comme ceux que l’on trouve parfois dans certains parcs d’attraction…

    Le schéma pose le principe : « C’est pourquoi a été mis à l’étude un système de transport en commun à petit gabarit, rapide, automatique et très fréquent, totalement aérien, qui par la légèreté de son infrastructure, le faible poids de son matériel roulant ne nécessite qu’un investissement minime et qui, par l’automatisme de son fonctionnement jour et nuit, permet la charge de gestion la plus faible. »

    Cinq lignes, cinquante-deux mots, trois-cent-trente-quatre signes pour neuf idées fondamentales qui ne correspondent à aucun moyen de transport existant encore.

    Il n’existe pas encore, mais le schéma en est donné… et les stations dénommées. Neuf au total : Université des sciences ; Quartier nord des universités ; Stade ; Centre-ville et Station SNCF ; Université de lettres et droit, IUT nord, ZUP de Mons, Fives-Peugeot (une usine implantée depuis 1897) et enfin Centre directionnel métropolitain. Un document cartographique fondateur en atteste : le métro existe, son tracé en est dessiné.

    Le programme est donné, il subira des avatars, devra s’accommoder des aléas, ceux de la technique et ceux du processus de décision, mais tout est contenu. Le métro de Lille sera inauguré en 1983. Son programme est écrit là, treize ans plus tôt. Faut-il vraiment s’étonner du temps nécessaire ? Il va falloir faire appel à toutes les forces de la recherche, de la technologie qui avance à grands pas. Les neuf principes sur lesquels il repose ne sont encore que du volontarisme intellectuel. Pour certains d’entre eux, ils constituent des ruptures, ils n’ont jamais été posés ensemble.

    La société française bruisse de la toute-puissance de la recherche technologique. Plusieurs projets de transports collectifs sont en cours d’expérimentation, Dans des antichambres ministérielles et des cercles de réflexion se développe l’idée des transports en commun. L’aérotrain Bertin est présenté comme un autre élément du génie français. Beaucoup pensent qu’il va bientôt être en service, avec ses coussins d’air s’élevant au-dessus d’un monorail, il correspond bien aux images du futur qui s’imagine chez quelques futuristes ou dessinateurs de fiction d’anticipation.

    L’idée est dans l’air du temps. La ville nouvelle de Lille-Est va-t‑elle s’en emparer ?

    Petit gabarit pour petit prix ?

    Le choix stratégique d’une faible capacité est fait d’emblée. Jean-Claude Ralite et l’EPALE ne sont pas missionnés pour inventer le métro d’une métropole d’un million d’habitants, mais simplement pour relier la Ville nouvelle au centre de Lille. Ils pensent que si le gabarit est

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1