LES NOCES MACABRES
Par Alain Bachand
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À propos de ce livre électronique
Diplômé en philosophie, fonctionnaire au palais de justice de Montréal, Alain Bachand est l’auteur de Pourquoi la maladie mentale n’existe pas. Pourquoi les personnes bizarres ne sont pas malade publié à compte d’auteur en 2004 [une analyse critique des troubles psychiatriques non communs] et de L’imposture de la maladie mentale. Critique du discours psychiatrique publié aux éditions Liber en 2012 [une analyse critique des troubles psychiatriques communs]. Possiblement à paraître du même auteur, un essai sur la religion : Pourquoi la foi religieuse est un délire.
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Aperçu du livre
LES NOCES MACABRES - Alain Bachand
LES NOCES MACABRES
Alain Bachand
Conception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose
Image originale de la couverture : Shutterstock 163568081
Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’auteur ou de l’éditeur.
Distributeur : Distribulivre
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Tél. : 1-450-887-2182
Télécopieur : 1-450-915-2224
© Les Éditions de l’Apothéose
Lanoraie (Québec) J0K 1E0
Canada
apotheose@bell.net
www.leseditionsdelapotheose.com
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2022
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2022
ISBN : 978-2-89775-684-0
ISBN EPUB : 978-2-89775-12-0
Imprimé au Canada
LES NOCES MACABRES
Nous raconterons l’histoire de Simon et d’Évelyne. Âgé de vingt ans, Simon travaille dans une petite épicerie, Épicerie Alphonse. Il est également inscrit au collège à temps partiel. Il est amoureux d’Évelyne, âgée de dix-sept ans. Simon et Évelyne habitent dans le même quartier de la ville. Leur rencontre a été des plus banales. Évelyne avait l’habitude de se procurer des articles à cette épicerie. Après quelque temps, ils sont devenus amoureux l’un de l’autre.
Ils se fréquentent depuis cinq mois. Alors que les proches de Simon sont au courant de leurs fréquentations, la famille d’Évelyne n’en sait rien. Ce qui s’annonçait comme une innocente histoire d’amour tournera en une tragédie.
***
Lors d’un bel après-midi de printemps, Alphonse, le propriétaire de l’épicerie, est accompagné de Simon, se trouvant derrière le comptoir et la caisse enregistreuse. Le jeune frère de Simon, Charles, s’y trouve également.
— Es-tu toujours heureux avec Évelyne ? demande Alphonse en s’apprêtant à disposer des boîtes de conserve sur les étagères.
— Bien sûr. Et nous nous aimons profondément, répond Simon.
— Mon frère apprécie la vie depuis qu’il fréquente Évelyne, remarque Charles.
— Nous n’apprécions pas la vie en tant que telle. Nous sommes devant la vie comme des enfants devant un bouffon distributeur de jouets, de farces et d’attrapes. Nous l’apprécions pourvu que nous obtenions le jouet souhaité, commente Simon. Cela dit, j’aimerais rencontrer un jour les parents d’Évelyne.
— Quant à moi, il est temps que je fasse une sieste, soupire Alphonse en regardant sa montre. Je vous laisse le soin de vous occuper de l’épicerie
Alphonse monte l’escalier situé à l’arrière de l’épicerie pour gagner son logement au deuxième étage.
— Je prévois acheter une voiture, dit Simon.
— Tu n’as pas les moyens d’acheter une voiture, lui fait remarquer Charles. Si tu n’avais pas déserté la maison familiale pour aller vivre seul en logement, tu en aurais eu les moyens.
— Comme tu sais, je me sentais inconfortable à la maison en compagnie de maman, lui rappelle-t-il. Il est inutile de discuter de ce sujet délicat. En ce qui concerne l’argent, je vais m’arranger pour en trouver.
Tandis que Simon s’apprête à quitter les lieux, il invite Charles à surveiller l’épicerie lors de son absence. Peu de temps après, tandis que Charles se trouve derrière le comptoir, un client entre dans l’épicerie. Le client porte une barbe grise et des vêtements en forme de soutane ecclésiastique. Après que celui-ci ait choisi ses articles, il s’approche, les bras chargés, près du comptoir derrière lequel se trouve Charles.
— Bonjour ! Je suis un nouveau résidant du quartier, dit Ramsès.
— Reviens-tu d’un bal masqué ? demande Charles en ricanant.
— Tu te moques de moi, suppose Ramsès. Je suis content pour toi, pourvu que tu puisses rire, le rire étant une bonne chose : un remède naturel qui détend nos humeurs.
— Ton propos est tellement banal qu’il en devient quasi original, laisse-t-il savoir.
— Je ne suis pas offensé par ta réplique, laisse-t-il savoir à son tour.
— Même si tu avais arboré un front plissé par l’offense, j’aurais été incapable d’en voir la trace tant ton front est ratatiné comme une vieille tarte mal faite.
— Tu parais plutôt insolent, à première vue.
— Vaut mieux paraître insolent que menteur.
— Apprends à diluer le mordant de ta franchise dans une chose sucrée, ainsi que du whisky dans du Coca-Cola, recommande-t-il d’une voix sereine.
— Et toi, apprends à vêtir ton moralisme pédant de quelque chose de naturel, ainsi qu’un pape dans une tenue décontractée.
— Il y a toujours place à l’amélioration, j’en conviens. Enfin, voici mes articles, dit-il comme un client satisfait.
Après avoir poliment salué Charles, Ramsès quitte alors l’épicerie avec ses articles. Aussitôt le client sorti, Alphonse, qui était en fait caché derrière un rideau menant au sous-sol, se dirige vers Charles d’un pas empressé.
— J’ai été témoin de la façon dont tu as traité ce client. Félicitations ! s’exclame Alphonse.
— Es-tu satisfait ? demande Charles.
— Tu t’es amélioré avec nos clients, reconnaît-il.
— Cela m’amuse moins de jouer au petit insolent de dix ans. Après tout, j’ai treize ans.
— Excellent ! ajoute Alphonse, tandis que Ramsès entre de nouveau dans l’épicerie.
Après que Ramsès ait fait le tour des lieux, il revient au comptoir avec d’autres articles.
— J’avais oublié mon café et mes biscuits, se rappelle Ramsès.
Tandis qu’Alphonse s’occupe de Ramsès et que Charles reste assis sur un banc en train de boire une liqueur, Samson entre dans l’épicerie comme s’il entrait dans son salon. Samson est l’ami de Charles.
— Tu devais ne plus remettre les pieds dans mon épicerie, fait remarquer Alphonse avec un calme apparent.
— Je ne m’en souvenais plus, prétend Samson.
Samson tire alors une grenouille vivante de sa poche et la dévore pratiquement en une bouchée.
— Tu aimes manger des grenouilles vivantes, dit Alphonse d’un air dédaigneux. Déraisonnable !
— Nous ne décidons pas ce que nous aimons manger, fait-il remarquer. Si je parais déraisonnable en consommant des grenouilles vivantes, je le serais davantage si j’utilisais ma volonté à me priver de ce plaisir. Je m’adapte complaisamment à ce que je n’ai pas choisi d’aimer manger.
Samson fait alors une bruyante éructation.
— Dégoûtant ! s’exclame Alphonse.
— Si tu savais ce que mon père fait avec les grenouilles mortes, tu me trouverais sage comme un enfant de chœur, souligne-t-il.
— Je ne veux pas le savoir non plus, répond Alphonse.
— Ton nez paraît blessé, remarque Ramsès à propos de Samson. D’où vient la blessure ? poursuit-il, curieux.
— Après quoi, tu décamperas de mon lieu de travail, insiste Alphonse.
— Je me suis rapproché d’un nain qui marchait sur ses bottillons branlants aussi lentement qu’un escargot ivre, et, tandis que nous étions face à face, sur une rue déserte, je lui ai retiré ses verres fumés et sa canne blanche pour ensuite lui enfoncer un doigt dans le fond du nez et, aussitôt après l’avoir retiré, le nain m’a sauvagement mordu le nez. Je me suis alors enfui comme un voleur agile vers la maison familiale. Du reste, une fois rendu dans ma chambre, je me suis empressé de déposer ces fines particules collées à mon index sur une lamelle afin de les examiner sous le microscope reçu en cadeau de la part de mon père. Mon père voulait que j’utilise mon microscope. Ce que j’ai observé me paraissait intéressant, mais pas assez pour que je répète l’exercice.
— Est-ce une farce ? s’interroge Alphonse, tentant de douter de la réalité de la chose.
— Pourquoi une telle chose ? demande Ramsès, curieux.
— Que sais-je ? Peut-être pour rehausser le débit insipide du temps par une action salée ? répond Samson, indécis. En fait, je ne suis pas en mesure de répondre à cette question avec une précision mathématique. Il faudrait consulter notre député pour connaître la réponse. Il a toujours réponse à tout.
—Tu es spécial, remarque Ramsès.
— Spécialement vilain, Alphonse.
— Mon père ne s’attendait pas à ce que je fasse un tel usage de mon microscope, informe Samson. Quant à moi, je ne m’attendais pas à ce qu’il s’approprie la canne blanche que j’avais rapportée à la maison. Cette canne blanche ne lui serait d’aucune utilité, sinon pour jouer le rôle de l’aveugle dans les lieux publics en vue de bousculer les gens sans se faire bousculer en retour.
— Gardons nos distances face à ce damné Samson, conseille Alphonse.
— Ta grosse face hébétée, ta bedaine tombante, ton crâne d’œuf et ta platitude sont l’explication incarnée de ton célibat forcé, insulte Samson en s’adressant Alphonse.
— Décampe de mon épicerie, ordonne Alphonse en prenant une matraque derrière le comptoir.
— Recourez à des moyens plus civilisés, suggère Ramsès en s’adressant à Alphonse.
— Nous ne nous débarrassons pas de vilains parasites par des mots, répond Alphonse, tendu.
— Il s’agit d’un gamin qui n’a pas encore eu le temps d’acquérir la retenue de l’adulte équilibré, nuance Ramsès.
— J’ai hâte à mon anniversaire, soupire Samson en jetant un coup d’œil en direction d’Alphonse. Mon père m’a promis une hache portable.
— Écoutez-le ! Il me menace avec une hache, soupçonne Alphonse.
— Vos craintes résultent moins d’une appréhension posée que d’impressions alimentées par l’antipathie que vous inspire ce gamin, rassure Ramsès, confiant.
— Je recevrai de mon père une hache, mais n’en concluons rien de grave, dit Samson en dévisageant Alphonse.
— Charles, s’il te plaît, peux-tu conduire Samson à l’extérieur de l’épicerie ?
Dès lors, Samson met ses verres fumés et sort de l’épicerie en compagnie de Charles.
— Vous me paraissez dur avec Samson, dit Ramsès.
— Samson l’est beaucoup plus, réplique Alphonse, consterné par ses propos. Qu’il ait enfoncé son doigt dans le nez d’un nain aveugle, n’est-ce pas une preuve ? Il a déjà rapporté dans mon épicerie une tête sanglante, et qui, à en croire Samson, était une imitation sophistiquée provenant d’un magasin de farces et attrapes. Suite à quoi, j’avais lu, dans le Journal du quartier, qu’un itinérant avait été retrouvé mort sans tête. Quant à moi, j’ai vite établi un lien.
— Laissez-moi vous confier une chose, se dévoile Ramsès. Ma compagne et moi avons déjà songé à avoir un enfant, mais ma semence nous a toujours frustrés de ce bien convoité. En apercevant Samson, il m’est venu une idée à l’esprit : adopter Samson comme enfant. J’ai l’impression que son foyer naturel ne favorise pas l’aide dont il a besoin. Dans le sein de notre couple, nous pourrions lui consacrer des heures instructives, ni empruntées à regret aux loisirs, ni négligées par l’égoïsme, ni frelatées par une frivole jeunesse, ni alourdies par le plomb de l’indolence.
— Êtes-vous malade ? s’interroge-t-il en le regardant encore plus consterné. De plus, vous ne le connaissez pas. Votre projet d’adoption, si saugrenu soit-il, sera cependant apprécié s’il s’avère bénéfique sur Samson, ajoute-t-il en reprenant son calme.
— Comment Samson et son père réagiront-ils à ma proposition ? demande-t-il.
— Je ne sais pas. Toutes les réactions restent possibles. Quoi qu’il en soit, je vous souhaite bonne chance dans vos démarches.
— Je vous en donnerai des nouvelles, termine-t-il en quittant l’épicerie.
***
La semaine suivante, Simon et Évelyne s’étaient donné rendez-vous, un matin de samedi, dans un parc du quartier, entouré d’arbres.
À leur arrivée au parc, ils se sont assis sur un banc en se prenant la main.
— Ça serait une bonne idée de révéler enfin à tes parents notre relation amoureuse, suggère Simon.
— Si je le fais, mon père me toisera comme une catin désorientée, souligne-t-elle.
— Tu dramatises la situation, dit-il, un peu incrédule.
— Je suis réaliste, pondère-t-elle.
— Je serais en mesure d’influencer ton père au point qu’il se réjouisse de notre union.
— Tu es optimiste à ce sujet, dit-elle, sceptique. Dis-moi d’autres choses plus réalistes.
— Je prévois acheter une voiture pour notre bien, rappelle-t-il. Nous serons davantage libres dans nos déplacements. Et nous pourrions alors nous promener à la campagne.
— Nous planifierons nos promenades à la campagne une fois que tu seras en possession de ta voiture, à supposer que je puisse inventer un prétexte pour justifier auprès de mon père mon absence de la maison.
— Laisse-moi m’agenouiller et t’embrasser les pieds avec les lèvres d’un religieux ému, souhaite-t-il.
— Simon, tu deviens excessif. Les passants se moqueront de toi.
— Leurs moqueries m’ennuieront pas plus que des mouches bourdonnant au loin, dit-il en s’apprêtant à s’agenouiller devant elle pour lui baiser le haut dévoilé de ses pieds.
— Romantisme plus gênant que flatteur. À trop vouloir plaire, on finit par décevoir. En fait, c’est du fétichisme du pied féminin.
— Serait-ce un problème ? s’interroge-t-il.
— Essaie de comprendre la situation, insiste-t-elle en lui secouant les épaules comme pour le réveiller de sa méconnaissance des enjeux. Le véritable problème, c’est mon père.
— Si cela est un problème, alors nous le résoudrons, le moment venu, rassure-t-il avec confiance.
***
Le lendemain matin, Alphonse, Simon et Charles se trouvent dans l’épicerie autour du comptoir, près de la caisse enregistreuse.
— Évelyne, quelle merveille ! soupire Simon.
— Son père s’opposera à votre relation, lui rappelle Alphonse.
— Évelyne n’a pas besoin de l’approbation de son père. Elle aura bientôt dix-huit ans. Son père saura s’y résigner, prédit-il, optimiste.
— Au fait, tu seras seul à l’épicerie ce matin. Je dois m’absenter afin de régler des affaires personnelles, informe Alphonse en s’adressant à Simon.
— Très bien, dit Simon d’un air rêveur, tandis qu’Alphonse s’apprête à partir.
— Tu parais esclave de tes humeurs amoureuses, dit Charles.
— Nous sommes tous des esclaves de nos humeurs. Si nous n’étions pas soumis à nos humeurs, nous serions comme des robots incapables de s’orienter par manque d’instructions. Comme tu sais, j’aurai bientôt une voiture.
— Comment obtiendras-tu l’argent ? demande Charles, curieux.
— Je dois y réfléchir. Voici une cliente qui entre.
Après avoir fait le tour de l’épicerie, la cliente se présente au comptoir avec un pain, du lait et une demi-douzaine d’œufs.
— Voici mes articles, dit la cliente, souriante.
— Comment allez-vous ce matin, madame ? demande Simon.
— Je vais bien, merci. Vous semblez très heureux ce matin. Que se passe-t-il avec vous ?
— Je me sens dans un beau conte de fées, dit Simon en mettant ses articles dans un sac.
— Quel est ce conte de fées ? demande la cliente distraitement en sortant son porte-monnaie de son sac à main.
— L’amour !
— Bien contente pour vous !
— J’exaucerais tous les vœux de ma copine, si extra ravissante que les mots, capricieux reflets de la réalité, seraient inaptes à décrire sa beauté idéale, s’épanche-t-il avec enthousiasme.
— Vous êtes bien passionné, remarque-t-elle. Vous semblez plus enthousiaste qu’un débile pauvre qui recevrait un jouet de luxe ultra moderne. Enfin, dites-moi, combien tout cela va me coûter ? demande-t-elle en ouvrant son porte-monnaie. Ah non ! Je n’ai ici qu’un billet de cent dollars, poursuit-elle en lui remettant le billet.
— Il y a eu une augmentation substantielle du prix des œufs, du pain et du lait ce matin, informe Charles.
— Cela ne m’étonne pas du tout, répond-elle. De toute façon, je suis devenue habituée à ces augmentations au point de ne plus m’en soucier. J’ai appris à tolérer les augmentations d’articles d’épicerie avec stoïcisme, même si elles me paraissent dictées par des humeurs de gamins en manque d’argent.
— Apprenez aussi à garder cette attitude stoïque, dit Charles. Le pain vous coûtera vingt-cinq dollars ; la demi-douzaine d’œufs, quarante-huit dollars ; et le lait, vingt-sept dollars. Cela vous fait un total de cent dollars.
— Comme vous êtes farceur, remarque-t-elle, ne pouvant s’empêcher de rire.
— En quoi serais-je farceur ? demande Charles.
— Cessez donc de plaisanter, dit-elle en continuant de rire.
— Ce sont les prix réels de vos articles, informe Charles d’un ton ferme.
— C’est de la folie ! s’exclame-t-elle, son hilarité faisant place à la colère. Je vais en glisser un mot au propriétaire de l’épicerie.
La cliente sort de l’épicerie d’un air enragé.
— Ce n’était pas une bonne idée, réalise Simon. Il aurait fallu que j’intervienne en cette matière.
Peu de temps après, Samson entre dans l’épicerie.
— Comme je peux constater, Alphonse, mon meilleur ami, n’est pas là, dit Samson d’un air désappointé. Je voulais juste lui exhiber ma hache pour qu’il puisse la voir de très près, ajoute-t-il en sortant une hache d’un étui. Au fait, quel était le sujet de vos conversations ?
— On parlait d’argent, dit Charles. Simon en a besoin pour acheter une voiture.
— Attendez, je reviens un instant, dit Samson en sortant aussitôt de l’épicerie.
— Que fait-il donc celui-là ? s’interroge Simon.
Quelques instants plus tard, Samson revient dans l’épicerie avec un sac à main. Puis, il ouvre ce dernier, fouille à l’intérieur et prend le porte-monnaie.
— Voilà un moyen rapide de faire de l’argent, dit Samson.
— Les vols de sacs main ! s’exclame Simon, consterné.
— Il y a trente dollars dans celui-ci, dit Samson. Ce n’est pas beaucoup, mais je n’ai pas travaillé énormément pour l’obtenir. Je connais un ami qui lui connaît un ami qui pourrait te présenter Molosse, propose-t-il à Simon. Il est un expert dans les vols de sacs à main. Il pourrait t’enseigner sa méthode kiwi.
— Proposition ridicule. Je ne me rabaisserais pas à ces actes indignes, répond Simon. Pourtant, une chose n’est jamais aussi grave si on s’attend à s’en souvenir, dans l’impuissance du vieil âge, comme un amusement d’adolescent mal guidé, nuance-t-il.
***
Le lendemain matin, Simon est seul dans l’épicerie. Il prend alors tout l’argent qui est dans la caisse. Il ferme ensuite l’épicerie et se rend à son rendez-vous avec Molosse.
— Es-tu Simon, celui même impatient de s’initier aux vols de sacs à main ? demande Molosse.
— Si on peut dire, répond Simon, baissant les yeux, honteux.
— Je vais te proposer une méthode, dit Molosse en tenant dans ses mains quelque chose ressemblant à un kiwi. Nous nous rendrons d’abord dans une ruelle déserte où je vais guetter ma proie. Maintenant, Simon, tiens-toi un peu caché, derrière cette clôture, et observe.
Tandis que Simon se met un peu à l’écart, Molosse s’approche d’une dame frêle qui entre seule dans la ruelle.
— Madame, pourrais-je vous voler votre sac à main ? demande Molosse, courbant le dos, simulant la voix d’un déficient mental timide.
— Pauvre grand débile esseulé ! se dit la dame à elle-même.
— Madame, je veux votre sac à main, insiste Molosse, tendant sa main, faisant semblant de pleurer.
— Mon pauvre garçon, il faut comprendre que les dames ne remettent pas leur sac à main à n’importe qui, répond-elle. Il faut apprendre ces règles dès le bas âge, si débile soit-on.
— Si vous refusez de me remettre votre sac à main, alors votre mâchoire deviendra un bibelot éclaté, dit Molosse en tentant d’imiter un déficient mental de façon exagérée au point où la dame semble maintenant plus en avoir peur que de le prendre en pitié.
— En plus, il paraît incohérent. Après tout, ce n’est pas peut-être pas un débile authentique, mais un schizophrène privé de ses médicaments qui déambule dans les rues au hasard de ses neurones malades, se dit la dame à elle-même, en reculant de quelques