Mélancolies
()
À propos de ce livre électronique
Lié à Mélancolies
Livres électroniques liés
Introduction à la méthode de Léonard de Vinci Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTextes de jeunesse II Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Désespéré Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEntre chien et loup Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationIn Dracula memoriam: Chronique vampirique vénitienne, parisienne et condruzienne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSouvenirs de la vie littéraire: Essai littéraire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCours Familier de Littérature (Volume 21) Un entretien par mois Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'assassinat du pont-rouge Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJournal 1942-1949 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPoésies Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPoésies Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationNouvelles histoires extraordinaires Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOeuvres complètes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa bibliotheque de mon oncle Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes amitiés littéraires: Paris ou le Livre des cent-et-un Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAnthologie secrète Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPoésies Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Spleen de Paris: recueil posthume de poèmes en prose de Charles Baudelaire Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa duchesse bleue Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMes souvenirs Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Main enchantée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Grands Cimetières sous la Lune: Premium Ebook Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes grands cimetières sous la lune Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Spleen de Paris (Petits poèmes en prose): Un recueil posthume de poésies de Charles Baudelaire Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les Romanciers d'Aujourd'hui Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Spleen de Paris Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Œuvres de Marcel Proust (L'Intégrale) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationChampavert: contes immoraux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationIci on assassine les grands hommes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Biographique/Autofiction pour vous
L'enlèvement: Une histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÀ la recherche du temps perdu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Vénus à la fourrure: Un roman érotique classique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationConfessions Libertines: Fais moi mal Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVie des dames galantes: Deuxième partie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Faim Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLuxure et gourmandise: En quête du bonheur Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVie des dames galantes: Première partie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa vie inconnue de Jésus-Christ: le livre interdit sur l'énigme sacrée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Confession d'un enfant du siècle: un roman d'Alfred de Musset (édition intégrale de 1836) Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Il a suffit de quelques signes: Roman spirituel Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationTrans: Une histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDemain… Une autre Afrique: Roman citoyen Évaluation : 1 sur 5 étoiles1/5Tolstoï pour les enfants: 98 Contes et Fables (L'édition intégrale) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÀ mains nues: Autofiction Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationRobert Surcouf, un corsaire malouin: D'après des documents authentiques Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHistoire de flammes jumelles Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAliénor d'Aquitaine - Tome 1: Tu seras reine ma fille ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes jumelles martyres: Une histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationJe suis musulmane voilée et non je ne sais pas faire le couscous !: Les tribulations d'une Française dans son propre pays Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationItinéraires d'un enfant perdu: Ou comment j'ai traversé le siècle Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Comte de Monte-Cristo Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Journal d'un homme trompé: un recueil de 12 nouvelles sur le sens du libertinage et de l'amour Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMoi Kalina habitante des îles: Les Chroniques de Kalina Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le mythe Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Dictionnaire des proverbes Ekañ: Roman Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation14 ans et portée disparue: Une histoire vraie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPrésence de Virgile Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Mélancolies
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Mélancolies - Sébastien Chamayou
Sébastien CHAMAYOU
Mélancolies
À mes parents, in memoriam.
La mélancolie est une maladie qui consiste à voir les choses comme elles sont.
–Gérard de Nerval
Déjà le soir. Le parc ne va pas tarder à fermer ses grilles. Il me reste quelques minutes. J’avise un banc près d’un joli parterre abondamment fleuri, m’assieds et feuillette le vieux Laforgue que je viens de dénicher.
Voici tomber le soir
Cher aux âmes mystiques…
Délicieux instants, les pensées s’égaillent, et je pense à cette vie, si étrange ; inexplicable apparition dans le temps où très vite les ombres s’avancent, ces ombres que nous ne voulons pas trop voir ; et beaucoup voudraient être comme des dieux, immortels. Mais la vie n’est belle que parce qu’elle doit finir ; immortels nous ne ferions plus rien, l’ennui nous dévorerait, il nous serait insupportable, tout ne nous serait plus qu’aversion et dégoût et nous ne souhaiterions plus qu’une chose : mourir.
Jadis l’on demanda à la Sibylle de Cumes, qui avait reçu d’Apollon l’immortalité, ce qu’elle désirait maintenant le plus au monde. Aussitôt celle-ci répondit : « Je veux mourir ».
Le vent grossit soudain, la clochette retentit. Obéissant, je me lève et presse le pas vers la sortie.
*
Écrire. Curieuse chose, curieuse manie. C’est vrai, pourquoi écrire alors même que l’on sait pertinemment que l’on ne rejoindra jamais ces maîtres que l’on vénère, que le monde ne nous attend pas et que notre voix a toutes les chances de ne produire aucun écho ? Mais parce que l’on échappe ainsi au tumulte du monde et que l’on se retrouve alors face à soi confronté à ses propres noirceurs, et cela est bon à bien des égards. Il est à regretter seulement que cela ne suffise pas pour écrire de grands et beaux livres.
Du reste, nulle inclination, chez moi, à laisser quelque trace, à poser tel acte créateur durable ; je me fous du monumentum aere perennius d’Horace : « J’ai bâti un monument plus durable que l’airain (…) je ne mourrai pas entièrement ». Ce n’est au fond qu’un message qui ne dit rien d’autre que : écoutez-moi, j’ai été celui-là, j’ai fait cela ; message que très vite on oubliera, que personne peut-être ne lira jamais. Vanité et souffle de vent.
*
Il est des êtres taraudés par l’absolu. Ils sont artistes, écrivains, scientifiques, philosophes, religieux, voire rien de tout cela. Cet absolu, ce Graal, ils ne laissent pas de le chercher, et d’abord en eux-mêmes. Ils se fouillent, se fouaillent, jusqu’à en mourir parfois. C’est une passion dangereuse et souvent se trouvent-ils sur des chemins de crête flanqués d’à pics vertigineux. Ils n’ont pas peur, ne craignent la solitude ni la mort, et ne rechignent pas à renoncer à tout bonheur. Ce sont des êtres d’exception. Et même si le Graal n’existe pas — ou s’il existe, s’éloigne toujours — leur quête n’est jamais vaine. Le fruit ? Quelque étincelle d’absolu.
*
Je relis Les Fleurs du Mal. Toujours aussi renversant. Baudelaire ! En voilà un de ces aventuriers de l’absolu ! Son spleen me parle, mais tellement, si profondément. L’inquiétude, le doute, le découragement, mon lot quotidien depuis si longtemps et quoique je fasse mille efforts, et pour ne pas m’enfoncer et pour n’en rien montrer.
Étonnant Baudelaire. Tour à tour flamboyant, solaire, sombre et crépusculaire. Lui-même dans Mon cœur mis à nu théorise ce dualisme : « Il y a dans tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan. L’invocation à Dieu, ou spiritualité est un désir de monter en grade ; celle à Satan, ou animalité, est une joie de descendre… »
Deux forces opposées, donc, qui se combattent sans relâche. Lutte flagrante chez nombre de créateurs avec d’un côté leurs fulgurances sublimes, leur feu, et de l’autre leur profonde mélancolie, cette propension au sombre, à la désillusion ; moins flagrante, mais néanmoins présente chez le vulgaire où l’on pourrait là parler comme Kant d’« insociable sociabilité » : une tendance qui nous rapproche les uns des autres, et une tendance qui nous fait nous fuir les uns des autres, soit que nous ne supportons pas qu’ils nous imposent leur volonté, qu’ils nous dominent, soit tout simplement que leur présence même nous agresse.
Insociable sociabilité. Oxymore ou loi essentielle de la nature humaine ?
*
À l’orée du règne de Louis XV, Marie de Vichy-Champrond, Marquise du Deffand, tint salon. S’y rassemblait une société d’esprits entre les plus élevés du temps ; l’on y pouvait croiser Voltaire, Montesquieu, d’Holbach, Charles-Joseph de Ligne, d’Alembert, Diderot, Horace Walpole ou même David Hume. J’eusse aimé y servir le thé et les viennoiseries.
À propos de la marquise elle-même, Mlle de Launay, future Madame de Staal, écrit : « Personne n’a plus d’esprit et ne l’a plus naturel. Le feu pétillant qui l’anime pénètre au fond de chaque objet, le fait sortir de lui-même et donne du relief aux simples linéaments ». Rien d’apprêté ni de précieux dans cet esprit, il jaillissait naturellement.
Cependant Madame du Deffand souffrait. Elle souffrait d’un mal profond, intime, essentiel, existentiel : l’ennui. « La plus effrayante des maladies de l’âme ». Elle avait jugé depuis longtemps que la vie était mauvaise et que le grand malheur — Cioran, grand lecteur de la marquise, s’en souviendra — c’était d’être né. Par surcroît elle perdait la vue de jour en jour ; l’ombre s’épaississait entre elle et le monde, mais, admirable exemple de stoïcisme, elle ne s’en plaignit pas, jamais. Pour atténuer son tourment, la marquise écrivait, ou plutôt, ne voyant plus, dictait à Wiart, son « invalide », de jour comme de nuit, à bâtons rompus, des pages et des pages de sa correspondance avec ses amies, avec Walpole ou Voltaire. Nulla dies sine linea. Besoin irrépressible. Poser sur le papier, à la diable, impressions, songes, hantises, goûts et dégoûts, mille anecdotes, mille choses vues ou entendues, « mille inutilités ». Elle s’étonnait elle-même de cette capacité à produire, de cette énergie, mais sans aucune prétention, sans la moindre velléité de gloire littéraire. Oh elle sentait bien qu’il y avait tout de même là quelque chose, quelque talent ; elle ne se trompait pas : nous avons bien là un écrivain, et de la plus belle race. Et non seulement un écrivain, mais un grand penseur. Triste, certes. Les plus profonds.
Madame du Deffand, en effet, quoiqu’aveugle, eut la vue très nette de notre misérable condition humaine, de la vanité de toutes choses. Sans conteste, elle fut celle qui parmi les esprits du dix-huitième siècle — avec peut-être Chamfort — a le mieux vu l’homme dans toute sa misère et dans son néant.
À la fin de sa vie, elle n’avait plus ni amour ni gloire, rien. Ne croyait plus à rien. Mourante, ses derniers mots furent, dit-on, pour Wiart, qui se tenait pleurant devant son lit. Elle lui aurait murmuré : « Vous m’aimez donc ? » Elle emporta dans la mort cette surprise d’avoir constaté qu’on pouvait l’avoir aimée.
*
Près de cinquante ans plus tard, au tout début de l’été 1817, cloîtré dans la bibliothèque familiale de Recanati, souffreteux, mais l’âme incandescente, Giacomo Leopardi se lançait dans la rédaction d’un ouvrage à tout le moins singulier : le Zibaldone di pensieri. Comment le poète de Recanati eût-il pu seulement imaginer que ces milliers de pages noircies au courant de la plume, sans plan préétabli, sans rythme ni mesure — improbable mélange de notes et de remarques, de réflexions, d’essais, de maximes et de sentences, de poésies et de fragments aphoristiques sur les sujets les plus divers et variés, véritable chaos écrit, pour reprendre la belle expression du chanoine Vogel, confident et ami du poète —, deviendraient, bien des années plus tard, cet immense, ce gigantesque chef-d’œuvre littéraire et philosophique sans équivalent dans l’histoire — si ce n’est peut-être les Essais de Montaigne ?
Je dois l’avouer, le Zibaldone est ce que j’ai lu de plus fort, de plus important, de plus bouleversant et de plus vivant depuis Pascal, Nietzsche ou Cioran ; ce que je ne laisse pas de lire, de relire et d’admirer ; une prose artiste magnifique, tantôt légère et badine, tantôt grave et chagrine, souvent noire et sceptique, immensément ; une pensée fine, vive, alerte, qui ne tient jamais en place, tellement profonde et juste ; un projet titanesque, orgueilleusement encyclopédique, visant le Tout, désespérément. En filigrane, l’impérieux désir d’épancher scripturairement sa vie pour pouvoir continuer à vivre, apaiser une conscience tourmentée, régler quelque compte avec soi-même et avec le monde.
Leopardi parlait de son époque comme d’un « siècle vaniteux, hostile à la valeur, curieux de bavardages (…) d’un âge sot. » Que dirait-il aujourd’hui de la nôtre, règne de la bêtise généralisée, de la dérision et du ricanement permanent ? Que dirait-il