Je préfère qu'on soit amants
Par Sylvie G.
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À propos de ce livre électronique
Heureusement, M. Harris fait preuve de compassion et propose un marché à son employée désemparée : il taira l'épisode embarrassant à la condition qu'elle consulte un psychologue. Mais pas n'importe lequel. C'est ainsi que la belle avocate fera la connaissance du charmant Nick Brady, qui n'hésitera pas à utiliser des méthodes peu orthodoxes pour recueillir ses confidences.
Entre le tourbillon de sa vie professionnelle et les montagnes russes de sa vie sentimentale, Emmanuelle arrivera-t-elle à enfin trouver le bonheur ? Que préfère-t-elle en réalité : un psy ou un ami, un amoureux ou un amant… ou toutes ces réponses ?
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Avis sur Je préfère qu'on soit amants
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Aperçu du livre
Je préfère qu'on soit amants - Sylvie G.
© 2017, 2021 Les Éditeurs réunis
Illustration de la couverture : Freepik
Les Éditeurs réunis bénéficient du soutien financier de la SODEC
et du Programme de crédit d’impôt du gouvernement du Québec.
ReconnaissanceCanada.tifÉdition
LES ÉDITEURS RÉUNIS
lesediteursreunis.com
Distribution mondiale (sauf au Canada)
Interforum
interforum.fr
Distribution au Canada
PROLOGUE
prologue.ca
ISBN : 9782897837105
Dépôt légal : septembre 2021
titre.jpgDe la même auteure
chez Les Éditeurs réunis
Ma bucket list, 2020
Les narco-chicks, 2019
Les échangistes, 2018
Blind date : l’amour est-il vraiment aveugle ?, 2018
Je préfère qu’on soit amants, 2017
Andie a un je-ne-sais-quoi, 2017
Laisse tomber… Il est sûrement gai !, 2016
À toutes les femmes qui s’exigent la perfection.
Le changement n’est jamais douloureux : seule la résistance
au changement est douloureuse.
Bouddha
1
Assise au très chic 347c, l’un des restaurants les plus huppés de Montréal, je suis entourée de mes collègues pour célébrer ma nouvelle promotion. Tout est parfait. La cuisine est la meilleure qui soit, le décor est élégant, le service est courtois et l’atmosphère est à la fête… ou du moins devrait l’être. Aujourd’hui, j’ai été officiellement nommée associée de l’un des plus prestigieux cabinets d’avocats de la région. Toute ma vie, je me suis vue gravir les échelons pour obtenir ce titre. Je suis exactement là où je me visualisais être. À vingt-neuf ans, je deviens la plus jeune associée à accéder à ce titre. Pourtant, j’ai juste envie de m’étendre sous la table pour pleurer. Je regarde ce titanesque jéroboam de champagne en songeant à le subtiliser en cachette pour aller l’engloutir en entier aux toilettes du restaurant. Avec un peu de chance, je tomberais dans un coma éthylique et je ne me réveillerais plus.
— Champagne, Emmanuelle ? me demande Thomas, un collègue de travail, qui s’avère être aussi mon amant.
Détrompez-vous, ce n’est pas parce que j’ai la cuisse légère que je couche avec un avocat du cabinet, c’est simplement la seule façon d’avoir une vie sexuelle lorsqu’on travaille pour White & Harris. Je suis au bureau plus de cent heures par semaine. Alors, soit je couche avec un autre avocat, soit avec le concierge de l’immeuble. Thomas étant le plus séduisant des deux, mon choix s’est arrêté sur lui.
Je grimace un sourire en levant ma coupe vers Thomas qui referme un œil séducteur en me remettant mon verre. Puis, je recommence à écouter les histoires ennuyeuses de mon supérieur, M. White, en m’efforçant de paraître intéressée. Il y a un an à peine, j’étais suspendue à ses lèvres, comme tous les autres présents ici ce soir. J’ignore quand les choses ont changé exactement, mais tout ce qui m’entoure ne me fait plus envie. Ce monde auquel j’appartiens me donne maintenant la nausée. Pourtant, j’ai travaillé fort pour l’obtenir cette fichue promotion. En vérité, toute ma vie a été organisée en fonction de ça. Je me sens comme si j’étais en haut de la plus haute falaise du monde et que la seule option intéressante était de sauter… sans parachute.
— J’ai une grosse journée demain, annonce Mickaëlle. Je vous laisse vous amuser sans moi.
Whoohoo, c’est fou comme on s’amuse !
Pendant que j’ai cette pensée, je m’imagine monter sur ma chaise et brandir ma serviette de table. J’aimerais tellement voir leur tête si j’osais. Ce genre d’écart de conduite dans ce restaurant me vaudrait de me faire virer de l’endroit et assurément de mes nouvelles fonctions aussi. C’est justement pour ces raisons que je me sens coincée dans cette vie. J’ai toujours eu et je devrai continuer à avoir une attitude irréprochable, jusqu’à ma mort. Cette pensée me donne envie de me suicider. Rien de moins.
— Moi aussi je vous laisse. J’ai un rendez-vous à la première heure, renchérit M. White.
C’est probablement un mensonge. En fait, il est vrai qu’il a un rendez-vous à la première heure, c’est toujours le cas. Mais, je soupçonne qu’il part rejoindre Mickaëlle. Je pense qu’ils ont une aventure. Je suis assez certaine de ce que j’avance, même s’ils forment un drôle de couple et que les imaginer ensemble est un peu bizarre. D’ailleurs, la simple évocation d’une relation sexuelle pour l’une ou l’autre de ces personnes est étrange. Comme si tous ces gens ne faisaient jamais autre chose dans la vie que de travailler en s’évertuant à conserver une image impeccable. Pourtant, quand j’observe autour de la table, je me dis qu’il y a probablement beaucoup plus de couples que ce que je crois. Comment pourrait-il en être autrement ? Je ne dois pas être la seule à avoir ce genre de besoin, non ?
Sur l’annonce du départ de M. White, quelques autres se sont levés tour à tour en prononçant des paroles similaires. Chacun vient me saluer et me féliciter avant de tirer leur révérence. L’instant d’après, je me retrouve seule en tête à tête avec Thomas qui, je m’en doute, attend l’invitation à venir finir la soirée à la maison.
— Je te reconduis, propose-t-il en posant un regard feutré sur moi.
Ses iris étincelants ne laissent aucun doute sur ses intentions, alors je ne passe pas par quatre chemins.
— Merci, Thomas, mais j’ai envie d’être seule.
— OK, répond-il sur un ton visiblement déçu.
Néanmoins, il ne perd pas une seconde pour se lever et attraper son veston. Avec lui, il y a au moins cet avantage ; les choses sont claires. Dès que nous l’avons fait pour la première fois, il y a quelques mois à peine, j’ai senti que pour lui, c’était un peu plus que du sexe. Thomas me tournait autour depuis un moment. Pour être honnête, sa façon pas si géniale d’essayer de me séduire me faisait surtout rire. Comme j’ai rompu avec un type de qui je n’espérais rien il y a près d’un an et que ma libido commençait à en souffrir, j’ai cédé. Mais voilà qu’à peine quelques secondes après avoir couché avec Thomas, il s’est mis à planifier notre avenir. Je lui ai coupé l’herbe sous le pied en lui disant : « Je préfère qu’on soit amants. » Il a été surpris. Je crois qu’il ne se doutait pas que j’étais ce genre de fille.
Moi non plus d’ailleurs !
Mon ami Ian se moque de moi sans cesse parce qu’il prétend que je suis l’incarnation de la perfection. Lorsqu’on s’est rencontrés à l’école secondaire, ça me plaisait de l’entendre me le répéter. Non seulement il a raison, mais ça résume ma vie. Autrefois, c’était une fierté d’être un modèle de compétences et de bonnes mœurs, aujourd’hui, c’est une épine dans le pied. J’en ai assez d’être cette fille qui s’efforce de tout accomplir à la perfection. Thomas a été le premier pas vers un changement. L’idée d’avoir des relations sexuelles avec un homme sans que nous soyons officiellement engagés ne me ressemble pas. Ça peut paraître idiot pour la plupart des gens, mais accepter de m’allouer une entorse aux règles politiquement correctes a eu un effet libérateur. Sauf que ça ne suffit plus. J’en veux plus. J’ai envie de me rebeller contre cette recherche incessante de perfection qui n’arrive jamais. La perfection est une illusion et j’en ai assez de courir après un mirage.
— Je vois que ce n’est pas la grande forme ce soir, remarque Thomas. Je veux que tu saches que je suis là pour toi si je peux aider.
Sur ces gentilles paroles, Thomas se penche pour écraser ses lèvres sur les miennes l’espace de quelques secondes. Je sens des larmes se pointer, mais je les ravale en même temps qu’une nouvelle goulée de champagne.
Maintenant seule dans ce restaurant, sauf pour les quelques employés qui préparent les tables pour demain, je réfléchis à tout ce que je ne veux plus. Je songe à tout ce que je ferais, si seulement j’arrivais à me laisser aller à ce dont j’ai envie, au lieu de ce que l’on attend de moi. La première chose qui me traverse à nouveau l’esprit, c’est cette énorme bouteille de champagne. Je n’en ai jamais vu une aussi grosse. Je m’imagine inviter les quelques personnes restantes à partager un dernier verre avec moi. Nous pourrions nous amuser et danser ; avec une bonne dose d’audace, je pourrais même le faire debout sur cette table. Cette fois, ce serait une vraie célébration. Pas une fête de gens coincés comme celles auxquelles j’assiste toujours, mais plutôt une complètement déjantée. Un party où un invité trop saoul finit par faire un striptease et pendant lequel tous les interdits sont permis. Ce fantasme farfelu, et à des années-lumière d’un scénario possible quand on est Emmanuelle Sanders, me fait sourire un moment.
N’empêche que me saouler est une option. Ça me permettrait au moins d’oublier ma vie monotone. Je suis en train de réfléchir à un moyen de prendre cette bouteille quand je remarque le gentil serveur qui me sourit pour la troisième fois en autant de minutes. Il est mignon. Dommage qu’il soit si jeune. À peine majeur selon moi. Ça ne l’empêche pas d’avoir de larges épaules et des biceps bien musclés que je peux deviner même à travers sa chemise.
— Bonsoir ! Vous me semblez bien triste pour quelqu’un qui célèbre une promotion.
Il étire le coin des lèvres pour me faire découvrir cette dentition parfaite comme on les voit seulement dans les pubs de dentifrice.
— J’ai fini de travailler. Est-ce que je peux m’asseoir avec vous pour boire un verre ?
Je vois qu’il avait déjà prévu ma réponse affirmative parce qu’il tient une flûte. Je me contente donc de hocher la tête pour acquiescer.
— Ce serait dommage de gaspiller tout ce champagne, alors je me permets de vous en voler.
— Je n’allais pas le laisser. J’avais prévu subtiliser la bouteille pour la boire aux toilettes.
— Vous avez déjà votre ration depuis un bon moment, alors j’en doute, réfute-t-il avant de cogner son verre sur le mien.
— Comment sais-tu que j’ai assez bu, j’ai l’air ivre ?
— Non, j’ai calculé le nombre de verres que vous avez pris et en fonction de votre taille menue, j’évalue que vous dépassez largement la limite permise. Comme vous n’êtes pas le genre à vous permettre des abus de ce genre, ça m’étonnerait de vous voir l’engloutir.
Mon réflexe devant ces drôles de propos est d’éclater de rire.
— Enfin ! Un sourire sincère, commente-t-il en s’installant devant moi tout en retroussant ses manches de chemise.
— Ça t’arrive souvent de calculer ce que tes clients boivent ?
— Non, juste quand elles sont de jolies clientes pour qui j’ai un intérêt… et avec lesquelles j’ai envie de finir ma soirée.
Bouche bée, j’observe ce serveur sans ciller. Je devrais trouver ces paroles déplacées, pourtant elles me plaisent. Et pas juste parce qu’il vient de me complimenter. Il représente ce que je ne suis pas. Tout ce que je fais est toujours selon les règles de bonnes conduites, alors que lui est tout l’inverse. Ce que j’aimerais avoir son audace.
— Quel âge as-tu ?
— Je suis majeur, se contente-t-il de répondre en arquant un sourcil libidineux.
Contrairement à ce qu’il semble croire, ma question n’était pas destinée à savoir si j’étais légalement autorisée à passer la nuit avec lui. Hélas ! Je ne suis pas aussi spontanée dans la vie. Quoi qu’il en soit, à nouveau, sa réponse m’amuse.
— Je sais que ça ne se produira pas. Vous n’êtes sûrement pas non plus le genre à partir avec un parfait inconnu, je m’en doute. Il ne faut pas m’en vouloir d’essayer. Je ne peux pas m’en empêcher parce que je vous trouve très belle. Vos longues boucles rousses sont magnifiques ; vous avez les plus beaux cheveux que j’ai vus de ma vie. Et puis, je suis certain que de passer une nuit avec moi est exactement ce qui vous ferait du bien en ce moment, ajoute-t-il en me gratifiant d’un sourire séducteur.
PARDON ? !
— Je suis désolé si je vous parais mal élevé. D’ailleurs, si on m’entendait, je serais viré sur-le-champ. J’ignore pourquoi au juste, mais ma voix intérieure me crie de vous dévoiler ce que je pense. Je vous ai observée durant la soirée ; vous me paraissez bien triste. De ce que je vois et comprends, vous êtes jeune, incroyablement jolie et vous avez visiblement des compétences exceptionnelles pour obtenir un titre comme celui auquel vous venez d’accéder. En plus, l’homme séduisant qui vient de partir est amoureux de vous… Bref, même si d’un point de vue extérieur vous semblez avoir tout pour être heureuse, vous ne l’êtes pas. J’oserais même affirmer que vous êtes profondément malheureuse. J’ai l’impression que vous êtes coincée dans un personnage que vous n’êtes pas vraiment. C’est dommage !
Les mots de ce jeune inconnu ont l’effet d’un poignard dans mon cœur. Il a raison sur toute la ligne. Je n’ai aucune idée de la façon dont il a pu me deviner de manière aussi juste, mais il sait tout. Je réalise que je pleure seulement quand il me le fait remarquer.
— Je ne voulais pas vous rendre triste, se désole-t-il en me tendant une serviette de papier.
— Quel est ton nom ?
— Josh.
— Tu as raison, Josh. Je suis malheureuse parce que ma vie ne me correspond plus.
— Alors, changez votre vie.
Je me contente de balancer la tête. Si seulement j’avais le courage d’assumer des choix différents.
— Tu as une petite amie, Josh ?
— Est-ce que ça influencera votre décision pour plus tard ? demande-t-il en prenant une gorgée de champagne tout en conservant ses yeux malicieux dans les miens.
Ce type est incroyable !
— Non, je n’ai pas de copine. Je pense que je leur fais un peu peur.
— Avec raison ! Je n’ai jamais vu un garçon de ton âge avoir autant confiance en lui.
— Je n’ai pas plus d’assurance qu’un autre, je suis juste authentique. Je choisis d’être honnête, même si ça dérange parfois. Les gens sont si habitués de côtoyer le mensonge qu’ils sont effrayés par la vérité.
Il a tellement raison. C’est désarmant d’entendre de tels propos de la bouche d’un aussi jeune homme. Je fantasme à l’idée d’avoir ne serait-ce qu’une fine parcelle de cette authenticité. Mes choix sont toujours effectués en fonction de ce qui est moralement acceptable et de ce qui est bien vu par la société. Lui agit à l’inverse. Non, seulement je l’envie d’être aussi audacieux, mais je suis d’avis que c’est incroyablement attirant.
— Tu sais, Josh, si j’avais ton âge, je voudrais avoir un petit ami comme toi. Être vrai a quelque chose de très séduisant.
— Alors j’aime mieux ne pas imaginer à quel point vous seriez sexy en étant celle que vous rêvez d’être.
Moi, ce dont je rêve en ce moment, c’est de me permettre quelques folies avec lui. J’ignore ce qui me prend, mais son approche bizarre et sans détour me séduit totalement. Si je ne me retenais pas, je le surprendrais en lui proposant de baiser sur cette table en plein restaurant. Mais, bien sûr, la sage et gentille Emmanuelle Sanders n’oserait jamais.
asterisques.jpgDès que j’ouvre les yeux, l’étau qui serre ma tête me rappelle l’abus de champagne que j’ai fait. Même mes battements de cils me semblent trop brusques en ce lendemain de soûlerie.
— Bien dormi ?
NON !
Je me lève d’un bond comme si une alarme d’incendie venait de retentir. Enroulée dans un drap de Spider-Man et le cœur battant, je fixe le corps de ce jeune homme nu qui se tient debout près de moi avec une tasse de café.
— Oups ! Dur réveil, constate Josh en insistant d’un léger mouvement vers l’avant pour que je prenne la tasse.
— Mon Dieu ! Quelle heure est-il ? Je dois rentrer.
— À peine huit heures.
— Huit heures ! Seigneur, quel jour sommes-nous ?
— Samedi. « Dieu », « Seigneur », il faut arrêter de me glorifier, je finirai par avoir la grosse tête, plaisante-t-il.
Voyant mon air hébété, Josh reprend plus sérieusement.
— Oh là, Emmanuelle. Calme-toi. Viens ici, m’ordonne-t-il gentiment en ouvrant les bras.
Josh me tutoie maintenant, je suis chez lui et il est nu devant moi. J’ai beau essayer de démentir les faits, c’est difficile. Je fixe son corps parfaitement sculpté, en essayant, sans trop de succès, d’éviter de poser le regard sur ce truc étrangement énorme pour être au repos. Je détourne mes yeux pour observer l’appartement où je suis. C’est un loft propre et assez luxueux pour être celui d’un gars aussi jeune. Josh continue de se tenir nu devant moi avec les bras ouverts et une tasse de café dans la main.
— Tu voudrais t’habiller, s’il te plaît.
Ce qu’il fait aussitôt. Il dépose la tasse sur une table, après quoi il se dirige vers une commode où il attrape un caleçon. Pendant qu’il l’enfile, j’observe sa silhouette digne d’un Dieu grec. Ce petit bout de tissu a beau cacher la partie la plus virile de son anatomie, il n’est pas suffisant pour m’empêcher de le lorgner.
— Josh, dis-moi qu’il ne s’est rien passé.
La bouche de mon jeune hôte se tord lorsqu’il me rend ma culotte qu’il vient de récupérer sur le poteau du lit.
Merde !
— Pas trop de choses, au moins ?
De nouveau, Josh se mordille la lèvre en plus de réprimer un rire.
Remerde !
— Quel âge as-tu ?
— J’ignorais que tu ne te souviendrais de rien, Emmanuelle, sinon je ne l’aurais pas fait. Je sais bien que tu as beaucoup bu, mais je ne te croyais pas ivre. Je suis désolé, tu…
— Ton âge, Josh !
Lentement, il se dirige vers la table où il a déposé le café afin d’y récupérer son permis de conduire.
— Tu m’as obligé à te montrer mes cartes d’identité hier soir avant de…
— Non ! Je ne veux pas savoir ce que nous avons fait. Je veux qu’on oublie tout.
— Tu peux le regretter autant que tu veux, mais en ce qui me concerne, il est hors de question que je chasse cette nuit de mon esprit, riposte-t-il avec l’ombre d’un rictus qui se glisse sur ses lèvres.
Malgré tout, Josh a prononcé ces paroles sur un ton calme. En plus, son regard est gentil, comme celui d’un enfant.
Probablement parce que c’en est un !
— Emmanuelle, souffle-t-il en s’approchant de moi pour me prendre dans ses bras.
Mon premier réflexe est de me retirer, mais sa peau est si douce et son odeur tellement enivrante que je n’y parviens pas.
— Rassure-toi, j’ai dix-huit ans. Et, on n’a rien fait de mal. Je suis un peu plus jeune, c’est vrai, mais je refuse de croire que tu n’as pas aimé notre nuit.
À ces mots, je m’efforce de revoir des images, mais rien ne vient. Même en creusant mon crâne pour me remémorer des caresses, des baisers, des paroles, l’écran est vide. Dommage. Tant qu’à faire des conneries, j’aimerais au moins m’en souvenir les jours où je m’emmerde dans ma vie morne et sans action. N’empêche qu’il a raison, ce n’est rien de mal s’il est majeur.
— Je ne suis pas ce genre de fille, Josh. Je n’ai pas d’aventure d’un soir.
— Alors, on n’a qu’à se revoir.
— Jamais !
Josh esquisse un vague sourire avant de soupirer longuement. Ensuite, il grimpe sur le lit pour récupérer mon soutien-gorge qui est accroché au luminaire. J’ai encore les yeux écarquillés d’étonnement, au point d’avoir les sourcils qui se mêlent à mes cheveux, lorsqu’il me le remet.
— Pour être honnête, je m’en doutais. Je suis déçu, mais je comprends que je ne cadre pas avec tes plans à long terme. C’est bien normal, je suis trop jeune et notre relation serait mal vue aux yeux de certains. Je trouve que c’est idiot, mais je saisis ta situation. Seulement, Emmanuelle, je veux au moins qu’il te reste une chose de cette nuit.
Oh my God !
— T’inquiète pas, j’ai utilisé des préservatifs, m’assure-t-il comme s’il venait d’entendre mes réflexions.
— Des préservatifs ?
— Oui, un chaque fois.
— Chaque fois ? On a… plus d’une fois ?
Un air malicieux lui sert de réponse. Josh s’est rapproché et touche d’un index indiscret, la peau à la naissance de ma poitrine. Voulant entendre la suite, je lève les yeux vers les siens.
— Tu retourneras dans ta vie bien rangée où tout est organisé et prévu. Quand tu vaqueras à tes occupations en fonction de ce qui est bien vu aux yeux de la société, rappelle-toi à quel point c’était bon de te laisser aller.
J’imagine que c’était super de déroger au fichu plan, mais je ne me souviens de rien ! ai-je envie de crier. De toute manière, c’est mieux de cette façon. Ça m’aidera à tout oublier. Ma vie ne me permet pas ce genre d’écart de conduite, alors personne ne doit savoir.
Jamais.
2
Je suis assise au resto pour déjeuner avec mon ami Ian à qui j’ai tout raconté. En fait, pas tout, mais un gros bout. Bon, si je veux être honnête, disons que la version officielle est qu’un jeune serveur a flirté avec moi et que je trouvais dommage qu’il soit si jeune parce que la personnalité de Josh aurait permis de mettre un peu de piment dans la soirée que je trouvais ennuyante. Fin de l’histoire.
Ian est directeur d’une école. Il travaille beaucoup lui aussi et, comme moi, il mène sa vie en fonction des normes établies par la société… et par ses parents. Mais, Ian a changé dernièrement. Sans trop pouvoir mettre le doigt sur ce qui cloche, je pense que sa vie bien rangée commence à lui peser lourd.
— Bien sûr que je n’ai pas couché avec ce serveur ! Pour qui me prends-tu ?
— Tu aurais dû !
— Tu es malade ou quoi ? On ne couche pas avec un parfait inconnu.
— C’est écrit dans quel texte de loi ? rétorque Ian en prenant une bouchée de sa tartine.
— C’est écrit dans les règles morales. Voyons, qu’est-ce qui t’arrive ? Si les rôles avaient été inversés, tu serais partie avec une jeune serveuse de dix-huit ans ?
Mon ami réfléchit avant de répondre, ce qui est déjà une première. Normalement, la réponse aurait dû être un « non » catégorique avec des yeux monstrueux.
— C’est différent, Emm, je suis un homme. À trente ans, partir avec une fille de dix-huit ans me ferait passer pour un pervers. Et puis, tu imagines la réaction des dirigeants de la commission scolaire s’ils apprenaient que je m’envoie en l’air avec une fille assez jeune pour être une de mes étudiantes ?
— Tu imagines un peu celle du conseil d’administration en apprenant qu’Emmanuelle Sanders, leur nouvelle associée, est partie avec le serveur du resto le soir même de sa promotion. J’aurais été taguée de « cougar ». C’est mieux tu crois ? Au revoir ma crédibilité !
— Je pense qu’il faut être plus vieille pour être une cougar, réfléchit-il en fixant un point imaginaire sur le mur tout en mâchant sa rôtie.
— Sois honnête, si tu savais qu’une de tes enseignantes couche avec des jeunes de cet âge, tu en penserais quoi ?
— S’il est majeur, je ne vois pas où est le problème. En plus, tu ne dois rien à personne, toi, riposte-t-il en fuyant mon regard.
Je devrais être choquée par sa réponse, car elle ne lui ressemble pas. Seulement, je sens que quelque chose m’échappe. Non seulement Ian ne paraît pas comprendre comment je me sens, mais en plus, ses iris bleus me paraissent tristes. Cette façon dont il a prononcé « tu ne dois rien à personne, toi », en insistant sur le toi, me donne l’impression qu’il préférerait ne pas être dans cette situation. Pourtant, je le croyais heureux avec sa copine. Je pensais même qu’il réfléchissait au mariage.
— Qu’est-ce qui t’arrive, Ian ? Ça ne va pas avec Nadia ?
Détournant de nouveau ses yeux pour les poser sur son sandwich, Ian soupire en haussant les épaules. Il triture des bouts de laitue dans son assiette en les observant comme si la réponse y était inscrite.
— Je ne sais pas trop. Nadia est géniale, mais notre vie est trop… drabe, finit-il par marmonner après une brève hésitation. Il m’arrive d’avoir envie d’un peu de spontanéité. J’aimerais oser faire des choses qui ne sont pas toujours prévues ou même qui sont… interdites.
La seconde où mes yeux croisent les siens de nouveau, je crois comprendre.
— Tu as rencontré une autre femme ? !
— Chut ! fait-il en regardant partout autour.
— Oh, mon Dieu !
— Non, Emm, ce n’est pas ce que tu crois. Enfin, oui, peut-être… Attends. Laisse-moi t’expliquer.
— Qui est-elle ? dis-je dans un chuchotis à peine audible en baissant le nez à la hauteur de la table.
— Attends ! soupire-t-il sur un ton exaspéré. Je n’ai rien fait et je n’en ai pas non plus l’intention. Seulement… Ah !… Tu ne pourrais pas comprendre.
— Pourquoi ? Tu me crois trop imbécile ?
— Bien sûr que non ! C’est seulement que tu as une vie si parfaite. En plus, tu vois comme un drame une aventure d’un soir, alors que ce n’est pas du tout un crime. Donc, il te sera difficile de saisir que parfois j’aimerais faire un peu de place à autre chose, que je souhaiterais m’allouer quelques folies.
— Hé oh ! Tu te souviens qu’il y a quelques minutes à peine je t’ai raconté que j’avais envie de coucher avec un adolescent pour mettre un peu d’action dans ma vie ? Alors, je pense être en mesure de comprendre, non ?
— Justement ! Tu en as eu envie, mais tu ne l’as pas fait. Parce que toi, tu es intelligente et sensée. Tu n’es pas une dévergondée, irréfléchie, qui couche avec n’importe qui parce que ce n’est pas ce que la vie attend d’une associée dans un important cabinet d’avocat.
Ça y est, je n’ai plus faim.
Je lâche mon bout de tartine en sentant que la portion qui est dans ma bouche roulera sans jamais arriver à passer. Ian lève un sourcil suspicieux, mais je décide d’appeler la serveuse pour commander un autre café afin de créer une distraction. Par chance, Ian n’insiste pas et se décide enfin à m’expliquer sa situation.
Depuis le début de l’année, une nouvelle enseignante travaille à son école. Cette fille, Kittiya, dégage une joie de vivre contagieuse, semble-t-il. Selon Ian, elle a une telle insouciance que sa seule présence auprès des élèves agit comme un calmant sur les jeunes à qui elle enseigne. Ce qui est génial étant donné que la classe de Kittiya regroupe des étudiants qui ont des troubles anxieux dus à des soucis de performance élevés. Ian raconte que sa façon de voir la vie et de dédramatiser les situations est non seulement géniale, mais aussi une attitude très attirante pour lui. Il n’a pas à m’expliquer longtemps pour que je comprenne que cette fille est tout l’opposé de lui et de sa copine, Nadia.
Et de moi !
— Alors, qu’est-ce que tu vas faire ?
— Me tenir loin d’elle !
Je déteste sa réponse parce que c’est exactement ce que je ferais dans sa situation. Ian préfère être malheureux plutôt que de décevoir Nadia en laissant tomber les plans qu’ils ont. En plus, il me confirme que j’ai agi de manière écervelée hier. L’alcool ne peut tout pardonner. J’étais l’adulte entre les deux, je n’aurais jamais dû céder au flirt de Josh.
N’empêche que ce jeune homme m’a apporté beaucoup plus qu’une nuit excitante – ou qui semble l’avoir été –, il m’a ouvert les yeux. Oui, j’ai pris la décision de provoquer des changements dans ma vie. J’ignore comment j’y arriverai, mais à partir d’aujourd’hui, je ne ferai plus les choses comme avant. Je m’accorderai dorénavant le droit à l’erreur et au lieu d’attendre que je me transforme en fille qui perd le contrôle, je m’autoriserai quelques écarts de conduite. Mais pas du genre commis avec Josh. Juste des petits trucs tout simples qui me procureront un peu de plaisir.
En attendant, ça doit rester un secret. Je pense pouvoir avoir confiance en Josh. Malgré son jeune âge, ce garçon a une maturité étonnante. Je pense qu’il saisit toute l’implication que cette aventure d’une nuit pourrait avoir pour ma carrière si elle était connue des autres associés du bureau. Je doute qu’il trahisse notre secret.
asterisques.jpgEn ce beau lundi matin ensoleillé, je suis assise avec un café dans le bureau de mon patron. Son assistante est venue me voir dès que je suis arrivée à sept heures et m’a demandé d’aller le rejoindre. Il est en ligne avec un client, alors j’attends qu’il mette fin à son appel en consultant mes courriels sur mon téléphone. Je me sens calme depuis que la poussière est retombée. J’arrive enfin à relativiser ce qui s’est passé vendredi dernier. Après tout, Ian a raison, Josh est majeur. Et puis, ma vie sexuelle ne regarde personne.
Aussi, comme prévu, j’ai même commencé à assouplir les attentes que je me fixe quotidiennement. Juste de petites entorses à certaines règles non écrites auxquelles je ne déroge jamais. Par exemple, ce matin, je n’ai pas mis mon couvert du déjeuner dans le lave-vaisselle et je n’ai même pas replacé les couvertures de mon lit en me levant. Oui, je sais que ça peut paraître insignifiant. Même que beaucoup de gens ne s’en donnent jamais la peine lorsqu’ils sont pressés. Mais pas moi. Jamais. Mon père m’a toujours répété qu’on devrait s’assurer de laisser la maison en bon ordre, car on ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Je ne me suis jamais arrêtée à réfléchir à ce que ça signifiait exactement, mais j’ai toujours respecté sa consigne. Sauf ce matin. C’était jouissant, rien de moins. Sans blague, c’est fou comme ça fait du bien. Et ce n’est que le début !
— Très bien, on se voit pour le lunch, conclut mon supérieur.
Dès qu’il dépose son téléphone, M. Harris se lève sans me prêter un regard. Il se dirige vers la porte pour la refermer, annonçant du coup une conversation sérieuse. Ensuite, il s’assoit et me fixe de ses yeux gris, entourés de pattes d’oie bien prononcées. Son regard est gentil, mais ses traits sont durcis par les années de travail acharné.
— Emmanuelle, lâche-t-il dans un soupir que je ne saurais définir.
— Monsieur Harris, dis-je à mon tour en lui souriant.
Mon patron m’observe longtemps sans parler, si bien que je sens un malaise s’installer. Je passe une main nerveuse sur ma jupe parfaitement pressée en simulant y retirer une mousse qui n’existe que dans mon imagination.
— Emmanuelle, Emmanuelle, Emmanuelle, répète-t-il, en appuyant son dos sur son haut dossier de chaise.
C’est tout ce qu’il dit. En plus, ses yeux ne me quittent toujours pas.
Monsieur Harris, monsieur Harris, monsieur Harris !
Non mais suis-je censée lire dans son esprit, ou quoi ? Je commence à m’impatienter, j’ai du travail qui m’attend. Je n’ai pas le temps de jouer aux devinettes.
— Je peux vous être utile, monsieur Harris ? Votre assistante m’a informée que vous souhaitiez me parler.
— Oui, je veux discuter, confirme-t-il tandis que l’ombre d’un sourire s’imprime sur ses lèvres.
Bon ! Alors, là, tout de suite, serait un bon moment pour commencer, ai-je envie de répliquer. Bien sûr, je suis trop polie pour oser une chose pareille. Alors, j’attends. Je me surprends à hausser les sourcils comme pour lui crier : allez, je n’ai pas toute la journée ! Soudain, mal à l’aise qu’il ait décelé mon impatience, je frotte mon front en massant mes arcades sourcilières, simulant ainsi une migraine. Pour
