TEAM Hockey, tome 2 - L’ultime tournoi
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Aperçu du livre
TEAM Hockey, tome 2 - L’ultime tournoi - Jérémie Provencher
Chapitre 1
Crépuscule d’un soir d’hiver
DIMANCHE 26 DÉCEMBRE 2021
PARC CHAMPLAIN, CANDIAC
Trois violents coups de palette martèlent la glace et roulent en écho dans l’air glacial du parc.
— Passe-la-moi, Marco ! Derrière ! dis-je, freinant brusquement à la ligne bleue de la zone adverse.
Marc-Olivier tape la rondelle du revers pour la glisser entre ses nouveaux patins Vapor X600 rouge et noir que le père Noël lui a donnés hier. Je reçois la passe, libre de toute pression puisque le petit gars qui joue à l’aile contre moi ne tient pas sa position : il est de l’autre côté de la patinoire et s’avance mollement dans ma direction. D’un coup d’œil rapide, je remarque que Marc-Olivier est déjà dans l’enclave avec Charles. Marco feinte à répétition devant le défenseur qui le talonne et je choisis ce moment pour frapper la puck dans sa direction. Collé à la glace, le disque passe sous le bâton du joueur de centre adverse et se rend jusqu’à Marco.
— Laissez-le pas shotter ! crie une voix aiguë.
Le gardien de but adverse, contrairement au nôtre, n’a pas vraiment d’équipement de goaler : il est nu comme un ver devant Marco, qui à présent accélère et décrit un arc avant de charger au filet comme une abeille.
Le gardien de but se déplace, levant un de ses gants et installant son bâton de joueur de façon à ce que sa palette bloque l’espace entre ses patins. Marco feinte soudainement, mais il tire en même temps, juste un petit coup. Les jambes en combine du gardien ballottent, et il se retourne à demi, effrayé par le lancer puissant qu’il attendait. Il n’a pas l’habitude : on tire au sol lorsqu’un joueur se trouve devant le filet !
Faute d’équipement – ce qui est commun lors de parties de hockey libre à l’extérieur –, sa réaction est pitoyable et la rondelle suit son cours jusqu’à passer entre le poteau et son patin pour aller se loger au fond du filet en faisant un bruit étouffé lorsqu’elle heurte le petit coussin à l’intérieur.
— Ouais ! hurle Marco de toutes ses forces. Ouais !
Il regarde le jeune ailier qui devait s’occuper de moi.
— Ouais ! renchérit-il.
Il ne me faut pas beaucoup de temps pour lever les bras bien haut et commencer à célébrer avec lui. Le reste de notre équipe se joint à nous et exagère tout autant. Las de se faire avoir par des jeux de passes rapides, le capitaine de l’autre équipe vient dans notre zone pour nous consulter. C’est un adolescent mal rasé, un joueur plus vieux.
— On change les équipes ! annonce-t-il, projetant une colonne de buée blanchâtre.
— OK, rétorque Marco en s’approchant. On vous donne lui.
Il pointe le meilleur des petits gars qui se sont ramassés avec nous, celui avec le casque bleu. L’intéressé prête attention à ce qui se passe, comprenant qu’il sera bientôt échangé : il prend une gorgée d’eau près des bancs, sous un des faisceaux aveuglants des grands projecteurs qui nous permettent de jouer au hockey dehors pendant les longues nuits d’hiver.
— Contre le joueur que vous voulez ! poursuit Marc-Olivier.
— Hein, non ! On refait les bâtons ! insiste l’adolescent, laissant tomber son bâton en bois Sherwood au centre de la patinoire.
« Faire les bâtons », c’est simplement une façon de faire des équipes improvisées quand on fait des parties amicales dehors, ou des vintages. Il suffit de faire un tas avec les bâtons de tous les joueurs, puis de choisir quelqu’un, qui s’agenouille et lance les bâtons à gauche et à droite, les yeux fermés. Des cris de surprise et de déception accompagnent généralement le rituel, au fur et à mesure que les bâtons, et les amis se dispersent. Et il est facile de tricher ! Celui qui est choisi pour la répartition des bâtons peut ouvrir les yeux, écouter les ordres ou les conseils des joueurs autour de lui, qui gueulent des « à gauche » ou des « à droite » pour influencer le sort. Puis… le gars peut aussi reconnaître certains bâtons rien qu’en les touchant : la mailloche au bout du bâton d’Alex, le grip tape en serpentin autour de celui de Marco…
— On refait pas les équipes ! s’insurge Marco alors que plusieurs joueurs nous rejoignent.
— On devrait. Sinon, on peut faire au moins deux échanges, pas juste un. Pourquoi tu ne changes pas d’équipe pour venir jouer avec nous ? Ce serait plus égal…
— Deux trades, accepte Marc-Olivier.
Autour de nous, tandis que certains joueurs retiennent leur geste ou reprennent le bâton qu’ils ont lancé par terre, d’autres retournent à leur filet pour continuer à s’entraîner pendant la pause. Je suis soulagé que Marco soit assez têtu pour qu’on ne refasse pas les équipes ; je n’ai pas envie qu’un inconnu touche à mon nouveau bâton. Moi, pour Noël, j’ai eu le nouveau bâton Warrior Alpha QX3 jaune, noir et bleu que je voulais depuis si longtemps ! Je le voyais toujours dans les pro-shops des arénas et la curve est juste trop malade ! Maintenant, je peux faire lever la puck bien plus facilement quand je lance au but, même si je n’ai pas tout à fait maîtrisé le slapshot, encore…
J’essaie quelques lancers frappés pendant que Marco discute avec le capitaine de l’autre équipe, mais je ne réussis qu’à atteindre la moitié de la bande, environ. La rondelle me revient doucement avec le rebond.
Zut, pourquoi est-ce que je ne peux jamais l’envoyer dans la baie vitrée ?
— Dépêchez-vous ! conseille Yannick. Il est déjà tard.
— Es-tu game d’aller dans l’autre équipe ? lui demande Marco.
— Non, vas-y, toi ; ils te voulaient !
— OK, on vous donne Charlot, alors. Charlot, est-ce que c’est OK si tu joues pour eux ?
— Ouais, c’est bon, accepte Charles en traversant la ligne rouge.
— On va essayer comme ça, tranche l’adolescent. Vous pouvez garder les deux petits.
— Si tu veux ! s’exclame Marco en se plaçant pour la mise au jeu.
Il mâche sa gomme en souriant. Le capitaine adverse arrive et lui fait face, fléchissant les genoux et abaissant son bâton. L’ailier gauche de l’autre équipe se détache de Yan et s’avance, une rondelle dans la main ; il fait semblant de lâcher la puck, puis la lance dans son territoire.
— Hé, tricheur ! l’accuse Marco sous les rires des joueurs de l’autre équipe.
Il contourne l’adolescent et se rue sur Charles, qui a récupéré la rondelle. Je me colle sur le capitaine adverse afin de l’empêcher de se libérer pour une courte passe. Charlot passe maintenant la rondelle à son ailier avant que Marco ne l’atteigne, puis l’attaquant dégage : le disque tournoie sur lui-même durant quelques secondes avant d’aller finir sa course contre la bande au fond de notre zone. Alors que je fonce pour m’en emparer, j’entends des bruits de patins derrière moi. Je regarde au-dessus de mon épaule : c’est Charlot. Il me suit avec de grandes enjambées, l’air sérieux.
Je pivote en prenant possession de la rondelle et lève subitement mon one-piece derrière moi, tout sourire.
— Hé, on avait dit pas de slapshots ! s’indigne Charles, bifurquant de sa trajectoire pour éviter le missile.
— Pas de slaps ! se plaint un autre.
— Tu es fou ou quoi ? fait un troisième.
Voyant que j’hésite, Charles saisit l’occasion pour charger à nouveau. Pris de court, je n’ai pas le temps de regarder où sont placés mes joueurs ; je repositionne mes mains sur mon nouveau Warrior pour tenter un lob. Je ramène délicatement la puck vers moi pour amorcer le mouvement : je la vois au creux de ma palette, juste là, reposant dans l’angle où la courbe se prononce. Cependant, comme Charlot est sur moi, à présent, je lève mon bâton en catastrophe avec le plus de puissance que je peux fournir.
Autour de nous, la plupart des joueurs scrutent le ciel nocturne comme des pingouins, y cherchant la rondelle, mais il n’y a rien à trouver. Il n’y a que Charles qui se recroqueville dans un gros « Ouf ! » et s’effondre sur la patinoire. Tout en se tenant l’entrejambe, il se retourne contre la glace et agite faiblement ses patins. Souffrant, il inspire longuement, les dents serrées.
— Aïe !