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Livre électronique267 pages4 heures

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À propos de ce livre électronique

Mon nom est Jérémie Guillaume Rosenberg, alias JokerJay: c’est comme ça qu’on m’appelle, lorsque je joue en ligne!

J’étais loin de me douter que ma vie allait tranquillement changer à la suite de la sortie de ChronoCraft II. J’avais le cégep en vue, cette année-là, mais le destin a cette manie de toujours nous entraîner ailleurs…

Par chance, mon ami Steve a accepté de me prendre sous son aile quand il a appris que je me lançais dans la compétition ladder; c’est lui le numéro un du Québec, après tout! Maintenant, il suffit que je gagne assez de points afin de me rendre au prestigieux tournoi MLG de Toronto, pour enfin me faire une place sur la scène pro. Peut-être que j’aurai même la chance de me faire recruter par un clan! Qui sait?

ChronoCraft II est un jeu fictif de stratégie en temps réel ; il allie la cueillette de ressources à la création de bases et à la micro-gestion d’unités de combat. Trois races s’affrontent dans les coins les plus reculés de l’univers: les humains et leurs machines de guerre, l’alliance extraterrestre du Consortium et les Astrovores, une civilisation ancienne possédant une technologie si avancée que certains de leurs vaisseaux peuvent engouffrer une planète d’un seul coup.

Quand les seuls alliés sont des ennemis, de quel côté doit-on se ranger?
LangueFrançais
Date de sortie25 oct. 2021
ISBN9782897657376
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    Aperçu du livre

    E-sports - Jérémie Provencher

    Prologue

    Mon nom est Jason Guillaume Rosenberg, alias JokerJay : c’est mon pseudonyme lorsque je joue en ligne, même si certains

    m’appellent encore Perchaude ! Quand j’étais petit, j’étais un gamer de console et de Game Boy, et je suis d’ailleurs toujours plus à l’aise avec une bonne vieille manette entre les mains qu’avec un clavier. Lorsque Bruno, le copain floridien de mon amie Victoria, m’a aidé à monter un ordinateur personnalisé durant la semaine de relâche de la nouvelle décennie, j’étais loin de me douter que la sortie d’un jeu vidéo allait tranquillement changer ma vie. J’avais le cégep en vue, cette année-là, mais le destin a cette manie de nous entraîner ailleurs.

    Dans le temps des fêtes de 2019, l’excellente compagnie de développement de jeux vidéo Séisme lance officiellement un jeu attendu aux quatre coins du globe : ChronoCraft II, un jeu de stratégie en temps réel. À l’époque, le jeu original ChronoCraft m’intéressait, mais je n’avais pas eu la chance d’y jouer chez moi étant jeune ; il laggait trop. L’ordinateur familial n’était pas assez puissant, et je ne pouvais donc jouer que chez des amis.

    La communauté des gamers savait pertinemment que la Major League Gaming (MLG), la bannière des compétitions e-sports, accueillerait ChronoCraft II à bras ouverts lors de la prochaine saison. Séisme est simplement l’un des meilleurs développeurs, tous genres confondus. Puis, ChronoCraft, établi comme meilleur jeu STR, garantissait pratiquement que la magie et la fièvre de son succès se répéteraient avec la suite de la saga. Parfois, il arrive que les attentes du public soient tellement élevées que la suite de notre série préférée en est gâchée, comme ce fut le cas avec Trône de fer ou La Guerre des étoiles. C’en est à se demander si les firmes ne tuent pas des héros uniquement pour faire de l’argent. Enfin… Inutile de vous dire que l’enthousiasme pour ChronoCraft II était justifié.

    ChronoCraft II est un jeu exclusif aux ordinateurs ; il est la suite de ChronoCraft, une saga renommée pour offrir le meilleur jeu de stratégie en temps réel. Le jeu offre un mode campagne et un mode multijoueur offrant la possibilité qu’un maximum de huit joueurs s’affrontent, soit en mêlée ou en quatre contre quatre. Cependant, pour les compétitions, le face-à-face domine. Voici l’histoire du jeu en mode campagne, que l’on peut lire sur la boîte du jeu :

    Au XXIVe siècle, le progrès permet enfin à l’Homme d’explorer l’univers et ses mondes reculés. Lorsque la Terre perd mystérieusement contact avec Héra Nova, une planète aux landes luxuriantes où vit la colonie agraire la plus importante de l’humanité, la FIN (Fédération de l’Intelligence Navale) déploie une partie de sa flotte spatiale afin de porter secours à la colonie perdue. Or, une fois en orbite dans la galaxie voisine, l’amiral Janvier et ses hommes font une sordide découverte : Héra Nova a été envahie par le Consortium, une alliance de races extraterrestres et parasitaires.

    Sous les actions conjointes de sa flotte et des marines au sol, la FIN parvient à libérer Héra Nova des griffes du Consortium, mais la planète, dévisagée par les combats, n’a plus que des terres stériles à offrir. Puis, gagner une bataille n’est pas synonyme de gagner la guerre. Au cours des mois suivants les événements d’Héra Nova, la FIN reçoit de terrifiants rapports de ses autres colonies ; ce n’est maintenant qu’une question de temps avant que le Consortium ne découvre les coordonnées de la Terre et ne poursuive son invasion jusqu’au dernier bastion défensif de l’humanité.

    Dans la foulée de ces premiers contacts ennemis, des caméras de frégates et de stations spatiales captent d’étranges phénomènes : des navires lisses, argentés, et ayant des formes de faune marine, semblent engouffrer des planètes contaminées par le Consortium grâce à une technologie inconnue. À qui appartiennent ces vaisseaux non identifiés ? Leur beauté n’est-elle qu’un leurre ? L’humanité y trouvera-t-elle un nouvel allié, ou une menace plus grande ?

    Le théâtre de cette nouvelle rencontre sera Zircon-34, une géante gazeuse d’insurgés où s’abattront les vagues de parasites grouillants du Consortium. Abandonnées par la FIN, vu ses priorités et son devoir envers la Terre, les colonies humaines se rebellent rapidement contre leur Alma Mater, préférant la fuite à la mort et l’indépendance à l’attente d’une aide dont la coque risque de ne jamais se montrer la proue.

    C’est ainsi que le renégat Jim Frazer développera une amitié bien houleuse avec Zaren’Khatos et les Astrovores, un peuple venu des confins de l’univers et possédant une technologie supérieure. Leurs ambitions, d’une noblesse religieuse et d’un fanatisme déconcertant, consistent à « écraser l’infâme » menace du Consortium. Bien que la venue de cette nouvelle race soit salvatrice pour Frazer et sa colonie, l’agenda des Astrovores et celui de l’humanité demeurent incompatibles.

    Lorsque Katarina Vega, une ex-spectre de la FIN, ressurgit de l’ombre, l’humanité est plus vulnérable que jamais : le Consortium a trouvé un moyen de stabiliser les hôtes qu’il infecte. Il faut peu de temps aux Astrovores pour ensuite décréter l’éradication des mondes humains contaminés, que la race supérieure juge trop faibles et divisés pour résister aux machinations du Consortium. Quant à eux, les Astrovores deviennent des fugitifs, leur monde natal ayant été submergé par les parasites à la fin du premier jeu de la saga.

    ChronoCraft II est un jeu de stratégie en temps réel ; il allie la cueillette de ressources à la création de bases et à la micro-gestion d’unités de combat. Chaque unité, qu’elle soit au sol ou aérienne, a des forces et des faiblesses, c’est-à-dire qu’elle gagne efficacement contre certaines unités ennemies et qu’elle perd rapidement contre d’autres. Pour être un bon joueur, il faut savoir quelles unités envoyer en réponse aux offenses ennemies : c’est un jeu de réaction et de contre-attaque. De plus, il faut avoir l’esprit stratégique, tirer profit de l’environnement, contrôler les chronolithes, qui donnent accès à des technologies supérieures en accélérant le temps, et pianoter sur son clavier de façon frénétique, comme si sa vie en dépendait. Les pros sont typiquement des geeks, bêtes de sous-sol préférablement sud-coréennes et au sommeil on ne peut plus rare, qui ne font pas moins de quatre cents à cinq cents actions par minute (APM).

    Mon parcours avec le jeu a d’ailleurs commencé tardivement. Ce dernier a été mis en vente dans le temps des fêtes, mais je n’ai pu vraiment y jouer qu’à la semaine de relâche de la nouvelle décennie, au moment où j’ai enfin eu mon « bolide », terme du jargon informatique pour désigner un ordinateur puissant. Je ne jouais pas souvent, au début, et surtout pas sérieusement, car je travaillais trop et ne consacrais plus beaucoup de temps aux jeux vidéo. Je jouais une partie ou deux en soir de semaine ou le weekend, et seulement avec mes amis d’enfance : Nick et Sam. Je n’ai jamais été le joueur le plus rapide, le plus chanceux ou le plus efficace lors des combats, mais je fus de loin l’un plus grands stratèges de l’histoire de ChronoCraft II. Une espèce de Mao Zedong ou de Che Guevara du jeu vidéo, ouais !

    Chapitre 1

    Lentement, les pièces glissent sur les dalles noires et blanches de l’échiquier. Méthodiquement, l’armée marbrée s’épanouit, telle une rose violente. Toc ! Le piège est prêt. L’ennemi mord à l’hameçon ; le guet-apens se referme. Tac ! Ma reine muette s’empare d’un cavalier et passe derrière les lignes de mon adversaire. Quelques coups plus tard, il est échec et mat.

    Ma fascination pour ce jeu millénaire ne date pas d’hier. Ce qui a traversé le temps mérite votre attention, peu importe l’avis de vos contemporains Les pièces se figent et reprennent place, postées pour une autre danse, parées pour une autre guerre. Et la guerre… la guerre est un art.

    — Encore à l’école, le petit génie ?

    La voix de mon boss me fait tressaillir : je n’ai même pas entendu les portes de l’aréna s’ouvrir. Je réponds bêtement :

    — Eh oui, il faut bien !

    On a toujours l’impression que sa mâchoire se disloque un peu quand il parle, Dany Gaucher. Sa question n’est pas un compliment : c’est tout le sarcasme d’un vieil entrepreneur de PME sans éducation. Je réponds en gardant le sourire au lieu de le confronter, mon patron, comme à chaque jour où je rentre bosser à l’aréna, ou à chaque fois qu’il me prend en train de faire mes devoirs… ou de jouer une partie d’échecs.

    J’aiguise des patins pour lui, en somme, et tous les clients qui racontent que c’est là l’essentiel de mon boulot sont bien loin de la vérité. Dans les arénas, le gars qui s’occupe de la boutique de sport sert aussi de réceptionniste pour les automobilistes égarés, de guide touristique, de docteur en lames et de commis aux lacets, pour ne nommer que quelques rôles inouïs de ce job. J’aime ça. J’aime les gens, et il y a un plaisir à savoir que l’on fait bien quelque chose.

    Puis, je suis connu d’au moins la moitié de mes clients, comme j’arbitre aussi au soccer. Je sers donc la même communauté de sportifs, mais en contexte différent selon la saison. C’est pas mal mon premier vrai emploi, jouer au gars de l’aréna, mais mon boss, je le hais. C’est un vrai escroc, et les arénas sont des milieux populaires où l’on a accès tant à la chaleur des dimanches matins pittoresques en famille qu’aux potins scandaleux de la plèbe de l’humanité, comme Dany Gaucher, qui ne sait même pas écrire « bière » comme du monde. Sur son chariot de ventes, avec lequel je passe dans les chambres après les parties de hockey, c’est écrit « bierre ». Quelle connerie ! Faut apprendre à ne pas s’en moquer…

    — Tiens, ta paye ! me dit Gaucher en étalant quelques reines Elizabeth sur le comptoir sale.

    Je prends le temps de recompter.

    — Il manque un bon soixante-dix-huit dollars, Dany.

    — Hein ? Ben non, voyons ! Tu es bien au salaire minimum ; ça donne ça, avec tes heures !

    — Ça fait deux ans que tu me payes à treize l’heure, Dany.

    — Ah ouin ? Sa face violacée et ses yeux de rapace me scrutent, confus et méfiants. OK, d’abord.

    Il me donne ce qu’il me doit et, sur le coup de la frustration, il allonge ma liste d’ordres pour la soirée avant de quitter : changer le filtreur, faire les rivets, passer la moppe… Ce genre d’escrocs, comme Dany Gaucher, il faut les surveiller et, surtout, ne pas les laisser péter notre bulle, car c’est tout ce qu’ils veulent, une réaction émotive, juste pour nous faire chier, nous, les employés de petits jobs étudiants. Ces boss savent que nous ne resterons pas longtemps en poste, et que nos efforts à l’école nous propulseront un jour hors de leur monde minable de basse-cour, et ils nous en veulent pour ça. Donc, ils nous font chier et, nous, nous avons toujours deux choix : sacrer notre camp ou les endurer jusqu’à la prochaine paye.

    Je m’en fous un peu ; j’ai autre chose en tête. Aujourd’hui, je termine à vingt-deux heures trente après la bière de l’équipe à Mario-Jacques, puis je file au Vidéotron. Aujourd’hui, c’est le 15 décembre, et ça veut dire que ChronoCraft II sort à minuit ! Au Vidéotron, le Microplay organise un tournoi de ChronoCraft, le jeu original, et tous mes amis y seront. Je ne peux pas manquer un tel événement ! En passant une autre lame sur la meule tournoyante de graphite, je songe à une stratégie pour battre Philippe. Ouais. Le champion incontesté du Québec à ChronoCraft habite dans ma ville, à Sainte-Julie…

    Fidèle à mon habitude, je quitte l’aréna cinq minutes avant que mon quart de travail ne finisse. J’éteins la lumière, change de t-shirt, passe les séries de doubles portes de l’aréna et hop ! en voiture ! Je traverse la ville à vive allure, mais je prends soin de bien faire mon arrêt-stop devant le véhicule de police, dont les phares sans vie me guettent du haut de la colline qui mène à la banque. Cinq minutes plus tard, quand j’aperçois toutes les voitures stationnées au Vidéotron, je ne tiens plus en place : le tournoi a sans doute commencé sans moi… Zut !

    Mes souliers crissent contre la neige fraîche et, une fois à l’intérieur, je remarque un troupeau d’adolescents aggloméré autour d’un écran géant : ce dernier diffuse la partie de ChronoCraft en cours. Quelqu’un joue le Consortium, installé en face de son adversaire, un garçon plus âgé. Ils sont à des stations montées spécialement pour le tournoi : on dirait des boîtes tronquées, comme celles utilisées pour les jeux d’arcade. De loin, ils ont l’air d’être dans de petits véhicules.

    À voir le joueur Consortium peiner à contre-attaquer après un rush de sabreurs Astrovores, je sais qu’il perdra la partie. C’est simplement normal : le Consortium ne devrait pas subir d’attaque aussi tôt contre les Astrovores. Ça devrait plutôt être le contraire. En effet, le Consortium est une race avantagée par sa productivité rapide, voire phénoménale, d’unités, alors que les Astrovores sont une race plus lente, ayant des coûts plus élevés, mais des unités plus résistantes, ou tank, comme on dit.

    — Jay ? Hey, c’est Jay ! Yo, man, ça va ?

    C’est mon ami Sam qui me hèle. Ce gars-là est de loin le plus geek que je connaisse : tous ses loisirs, son temps libre et sa vie tournent autour des jeux vidéo, du dessin et des anime japonais. Lui, il est toujours là pour un lancement majeur jusqu’à minuit.

    — Tranquille, et toi ?

    — Ouais ! dit-il avec un large sourire barrant son visage.

    — Qui gagne, à date ? J’ai raté l’inscription, hein ?

    — Ouin, mais c’est pas grave ; ce sont tous des petits noobs, à part Minima, qui joue Astro en ce moment. Il y en a même un qui a rage-quit tantôt. Sam rit de son rire à demi retenu.

    — Tu ne joues pas, toi ?

    — Non, fait-il en haussant les épaules. Je suis juste venu voir le tournoi pis acheter le jeu. Je suis supposé gamer avec Nick et Jules Doyon à soir si t’es down.

    — Certain, mon homme ! Oublie l’école demain, ha ha ! C’est pas lundi du tout !

    — Sup, Jay ? demande une tierce voix dans mon dos. Je fais volte-face et me retrouve devant Philippe.

    — Hey, Phil ! Ça fait un bail, mon vieux ! Je lui serre la main. Tu es venu démolir des Julievillois ?

    — Exactement ça, man ! Ses yeux ont une lueur de détermination, et je comprends alors qu’il jouera probablement bientôt. Son sourire on ne peut plus espiègle est démuni de deux ou trois dents inférieures.

    — Ayoye, tu as toujours pas fait réparer tes dents ? Encore désolé… Mon offre de te les payer tient toujours, si tu veux.

    Je m’en voulais de lui avoir fait ça au hockey, avec un high stick. Il n’a plus jamais joué avec une demi-visière, après ce coup.

    — Ben non, big, ça fait killer ! De toute façon, je vais avoir l’assurance si je rentre dans l’armée, t’inquiète pas !

    En regardant le tableau du tournoi, je remarque que SweePr, alias Philippe, jouera contre le second finaliste après la partie en cours. La partie actuelle est donc déjà la dernière demi-finale. À l’écran, Minima met en branle un débarquement sournois d’apparitions dans les ressources et les moissonneurs sans défense du joueur Consortium.

    « Voilà les tirs de plasma ! » annonce l’employé du Vidéotron, qui joue les commentateurs pour l’occasion. « Oh ! » s’écrie-t-il lorsque des explosions violettes et azurées retentissent.

    Le « gg » du joueur Consortium, symbole de sa reddition et acronyme geek signifiant good game, soit « bonne partie », suit peu de temps après. Il n’avait même pas de seconde base ! Les deux joueurs quittent leur siège et se serrent la pince. Philippe et le mystérieux Minima sont ensuite invités à prendre place pour s’affronter en finale et avoir la chance de gagner un exemplaire de ChronoCraft II. Minima est un rouquin que je ne connais pas, mais il semble être l’ami de Jules Doyon.

    La finale de Philippe est une vraie comédie : ce dernier est clairement en train de troller son adversaire. Tous deux jouent les Terriens, Minima étant un adepte des races « au hasard », mais SweePr remarque vite que son ennemi ne prendra pas de risque. En effet, Minima bloque l’entrée de sa base au tout début de la partie. Philippe s’en rend compte avec un simple éclaireur, puis il s’efforce de contrôler tous les points importants de la carte : les ressources, l’emplacement de la seconde base du rouquin et même les chronolithes. Au bout de quelques minutes, Minima a plus d’unités de combat et d’artilleurs, mais Philippe, quant à lui, a une meilleure avancée technologique et une économie doublement productive.

    Tout à coup, le rouquin envoie une poignée de marines et d’artilleurs pour tenter de déloger Philippe de son point d’expansion naturelle. Cependant, l’armée de Minima, agglutinée en deux tas d’unités, mange des dégâts d’éclaboussures causés par les tirs d’obus des tanks de SweePr. Après quelques salves, la majorité des unités de Minima sont mortes sans qu’il ait compris où se trouvent les tanks : ils sont sur un plateau rocheux voisin.

    — Quoi, déjà ? s’étonne le rouquin, ce qui fait rigoler la foule.

    SweePr attaque alors son adversaire de front avec quatre marines et deux paramédics, puis Minima déclare rapidement forfait avant que ses bases ne soient rasées de la carte : il a pris trop de retard pour pouvoir rivaliser avec la stratégie du numéro un au Québec. L’auditoire applaudit et une cacophonie retentit dans le Vidéotron : tout le monde ou presque encourage Philippe, héros gamer local. J’essaie de ne pas penser au fait qu’il devra déménager à Beloeil l’an prochain, la ville voisine, car le divorce de ses parents l’y oblige. Philippe est un de mes bons amis et je le connais depuis longtemps, même s’il est secrètement mon rival.

    Quelques minutes plus tard, la foule s’impatiente, fébrile. Certains traversent à l’épicerie voisine pour acheter des cochonneries avant le lancement du jeu. Je n’y vais pas : Sam et moi nous rapprochons plutôt du comptoir du Microplay. J’ai une quasi-phobie des foules, surtout lorsque j’en fais partie, mais je me résigne à me laisser balloter par la mer de coudes et d’épaules. Je me dis que c’est pour une bonne cause. Minuit sonne enfin, et l’employé s’empresse de remettre ChronoCraft II à la marée de geeks devant lui. La plupart prennent un exemplaire à crédit, d’autres se nomment car ils ont déjà une réservation. Le Vidéotron se vide jusqu’à ce que mon tour vienne.

    — Est-ce qu’il te reste des éditions limitées ?

    — Non. Toutes vendues ! me répond l’employé d’un ton sec et expéditif.

    — Bon. Une fois s’il te plaît, alors.

    Je paie ma copie de ce qui sera assurément le jeu de l’année, puis je rejoins Sam, dehors. Il tapote sa cigarette, qui brille paresseusement au bout de ses doigts. Les cendres

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