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Uncharted: Journal d’un explorateur
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Uncharted: Journal d’un explorateur
Livre électronique425 pages5 heures

Uncharted: Journal d’un explorateur

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À propos de ce livre électronique

Plongée dans les coulisses de l'incroyable série !

Uncharted prend toutes les allures du grand classique d’aventure, dont on aimera se remémorer les meilleurs passages et savourer les précieuses répliques. Une chose est certaine : peu de séries vidéoludiques n’avaient auparavant autant mérité ce qualificatif. Ce livre, outre la découverte des arcanes de la création de chacun des titres qui composent la saga, vous permettra de fouiller dans son univers et d’y découvrir les inspirations historiques de cette dernière. Vous constaterez alors que la grande Histoire n’a rien à envier aux péripéties de notre héros.

Découvrez l'univers et l'histoire de l'Indiana Jones des temps modernes !

EXTRAIT

Lors d’une interview accordée au site américain IGN, Tate Mosesian raconte ses premiers jours chez Naughty Dog au moment de son arrivée en 2002 : « Il suffisait de rentrer dans le studio pour que la magie opère. Sans doute possible, ces types travaillaient dur pour faire sortir le meilleur d’eux-mêmes... Et chaque jour passé en ces murs vous faisait invariablement progresser. Tout ce qui concernait la réalisation du jeu était d’un professionnalisme indiscutable... Mais tout le reste n’était qu’un vaste bordel. C’était l’anarchie. L’état même des locaux était à mille lieues de ce qu’on pouvait imaginer d’un studio qui produit des jeux triple A. Lors de mon arrivée, je n’avais même pas d’ordinateur pour travailler... Le second jour, j’avais enfin une machine, en vrac, et le clavier était recouvert de sauce spaghetti..Alors, même si j’aurais préféré que mon prédécesseur fasse un peu le ménage, je dois reconnaître qu’il n’y a pas d’endroit plus fantastique et plus stimulant pour créer. Ces mecs sont fous, mais ils sont incroyables... ».

À PROPOS DES AUTEURS

Omnivore gavé de Kaiju-Eiga, de films de SF en noir et blanc et de romans de piraterie, Nicolas Deneschau tente encore de retrouver son poulet en caoutchouc avec une poulie au milieu. Passé par la case cinéma via Cinegenre.net avant de traîner sa plume sur le site Merlanfrit, il collabore aujourd’hui avec Third Éditions.

Féru de jeux vidéo et de cinéma fantastique depuis sa plus tendre enfance, Bruno Provezza a occupé de 2002 à 2006 la fonction de rédacteur en chef du site officiel du magazine Mad Movies, avant d’intégrer la rédaction du mensuel papier. Il y a également dirigé le numéro hors série consacré aux jeux vidéo. Collaborateur de Gameblog.fr de 2008 à 2014, il œuvre par ailleurs en qualité de traducteur pour le compte des éditions Flammarion et Pix’n Love.
LangueFrançais
Date de sortie7 févr. 2018
ISBN9782377840250
Uncharted: Journal d’un explorateur

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    Uncharted - Nicolas Deneschau

    Illustration

    À Antoine, mon petit aventurier...

    Nicolas

    Uncharted. Journal d’un explorateur

    de Nicolas Deneschau et Bruno Provezza

    est édité par Third Éditions

    32 rue d’Alsace-Lorraine, 31000 TOULOUSE

    contact@thirdeditions.com

    www.thirdeditions.com

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    Tous droits réservés. Toute reproduction ou transmission, même partielle, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite du détenteur des droits.

    Une copie ou reproduction par quelque procédé que ce soit constitue une contrefaçon passible de peines prévues par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 sur la protection des droits d’auteur.

    Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions, enregistré en France et dans les autres pays.

    Illustration

    Édition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi

    Textes : Nicolas Deneschau et Bruno Provezza

    Relecture : Zoé Sofer et Morgane Munns

    Mise en pages : Julie Gantois

    Couverture classique : Bruno Wagner

    Couverture « First Print » : Sylvain Sarrailh

    Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions à la grande série de jeux vidéo Uncharted.

    Les auteurs se proposent de retracer un pan de l’histoire des jeux Uncharted dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces volets à travers des réflexions et des analyses originales. Uncharted est une marque déposée de Sony Computer Entertainment. Tous droits réservés.

    Les visuels de couverture sont inspirés des artworks des jeux Uncharted.

    Édition française, copyright 2018, Third Éditions.

    Tous droits réservés

    ISBN 979-10-94723-87-6

    Illustration

    AVANT-PROPOS

    Si tu lis ces lignes, c’est que la poussière du désert du Rub al-Khali s’est infiltrée dans les plis de ton blouson en cuir tanné par le soleil. C’est que tes mains trahissent les semaines que tu as passées à gratter la moindre pierre des ruines d’une antique cité perdue dans une jungle menaçante. C’est que les odeurs de vieux grimoires oubliés et de torches improvisées ne te sont pas étrangères. C’est que tes blessures et multiples cicatrices n’auront pas suffi à stopper ta route sinueuse et ta passion aveugle. Et c’est probablement parce que tu ne te sépares jamais de ton colt et de ta DualShock. Sache que tu n’es pas seul, tant s’en faut.

    Quand l’idée d’un livre consacré à la saga Uncharted commença à germer dans nos esprits, nous y vîmes une nouvelle occasion de nous replonger dans les titres qui firent les heures de gloire des deux dernières consoles PlayStation. Successeur spirituel d’Indiana Jones, la création de George Lucas et Steven Spielberg, Nathan se veut proche de sa source d’inspiration. Tous deux affichent une assurance de chaque instant, même dans les situations les plus extrêmes ; un humour ravageur, y compris au cours des pires difficultés ; une propension à l’extermination de masse pour le bien de l’Histoire et une vision particulièrement énergique de l’archéologie. Ils ont surtout un talent commun discutable pour mener à bien leur mission de préservation, leurs aventures se terminant invariablement par la destruction plus ou moins volontaire des trésors et des merveilles qu’ils étaient venus découvrir.

    Elena, Chloé, Sam, Sullivan... au fil des épisodes, la rencontre avec ses amis, ses compagnons d’infortune, ont permis de mieux cerner qui était Nathan Drake. Autoproclamé descendant du célèbre explorateur anglais éponyme, faux-méchant, bagarreur, charmeur, chanceux, attachant et parfois mélancolique... La saga Uncharted, plus qu’aucun autre jeu vidéo n’avait su le faire jusqu’alors, est avant tout l’histoire d’un homme. Plutôt que d’incarner à proprement parler le personnage principal, la série de Naughty Dog nous invite à l’accompagner dans ses aventures. Elle nous propose de parcourir le monde, vivre des péripéties palpitantes, détruire d’inestimables reliques millénaires et faire tout exploser dans la joie et la bonne humeur aux côtés d’une fine équipe.

    Si notre souhait le plus sincère reste que le lecteur puisse découvrir les arcanes de la création de chacun des titres qui composent la saga, nous espérons aussi très humblement lui permettre de retrouver une ambiance et les centres d’intérêt qui ont pu l’amener un jour à en acheter un des épisodes. Nous nous sommes donc évertués à creuser un peu dans l’univers de la série et à découvrir les inspirations historiques de cette dernière. Vous découvrirez alors peut-être que la grande Histoire n’a rien à envier aux péripéties de notre héros et qu’il existe autant de destinées extraordinaires et de mystères incroyables que ceux dépeints dans Uncharted.

    Aussi intimiste que fantasmagorique, la saga de Naughty Dog nous enchante autant qu’elle nous obsède. Quelques notes de musique suffisent, et voilà que nous reprend l’envie de découvrir de nouvelles contrées inexplorées...

    Les auteurs :

    Nicolas Deneschau

    Omnivore gavé de Kaiju-Eiga, de films de SF en noir et blanc et de romans de piraterie, Nicolas tente encore de retrouver son poulet en caoutchouc avec une poulie au milieu. Passé par la case cinéma via Cinegenre.net avant de traîner sa plume sur le site Merlanfrit, il collabore aujourd’hui avec Third Éditions.

    Bruno Provezza

    Féru de jeux vidéo et de cinéma fantastique depuis sa plus tendre enfance, Bruno Provezza a occupé de 2002 à 2006 la fonction de rédacteur en chef du site officiel du magazine Mad Movies, avant d’intégrer la rédaction du mensuel papier. Il y a également dirigé le numéro hors-série consacré aux jeux vidéo. Il œuvre par ailleurs en qualité de traducteur pour le compte des éditions Flammarion et Pix’n Love. Il est aussi coauteur des livres Resident Evil. Des Zombies et des Hommes, Bienvenue à Silent Hill. Voyage au coeur de l’enfer et Le professeur Polymathus dans une brève histoire du jeu vidéo, tous trois parus chez Third Éditions.

    IllustrationIllustration

    CHAPITRE PREMIER :

    LA NAISSANCE DES DOGS

    Illustration

    « Sic parvis magna. »

    (La grandeur vient des débuts modestes.)

    Sir Francis Drake

    LORS d’une interview accordée au site américain IGN, Tate Mosesian raconte ses premiers jours chez Naughty Dog au moment de son arrivée en 2002 : « Il suffisait de rentrer dans le studio pour que la magie opère. Sans doute possible, ces types travaillaient dur pour faire sortir le meilleur d’eux-mêmes... Et chaque jour passé en ces murs vous faisait invariablement progresser. Tout ce qui concernait la réalisation du jeu était d’un professionnalisme indiscutable... Mais tout le reste n’était qu’un vaste bordel. C’était l’anarchie. L’état même des locaux était à mille lieues de ce qu’on pouvait imaginer d’un studio qui produit des jeux triple A. Lors de mon arrivée, je n’avais même pas d’ordinateur pour travailler... Le second jour, j’avais enfin une machine, en vrac, et le clavier était recouvert de sauce spaghetti... Alors, même si j’aurais préféré que mon prédécesseur fasse un peu le ménage, je dois reconnaître qu’il n’y a pas d’endroit plus fantastique et plus stimulant pour créer. Ces mecs sont fous, mais ils sont incroyables¹... »

    Il est rare que le seul nom d’un studio soit si unanimement plébiscité. Il est encore plus surprenant que sa simple évocation s’avère source de tant d’éloges et de superlatifs, que cette même réputation puisse s’affirmer comme une marque de respect indiscutable et indiscutée. À l’origine des incroyables aventures narratives vidéoludiques que sont les sagas Uncharted et The Last of Us, Naughty Dog est aujourd’hui synonyme, dans le sérail des développeurs de productions à gros budget, de perfectionnisme technique où l’excellence est recherchée à toutes les étapes créatives d’un jeu. Chaque nouvelle sortie du studio s’affirme comme un événement autant pour le constructeur qui la soutient, Sony en l’occurrence, que pour les joueurs du monde entier qui plébiscitent toujours plus chacune de ses œuvres.

    Il est aussi surprenant que ce qui semble être devenu le plus grand studio interne de la marque Sony et des consoles PlayStation ait un parcours si atypique. L’histoire de Naughty Dog est attachée à l’Histoire (avec un grand H) du jeu vidéo. Un studio qui tranche avec le reste de l’industrie par son identité, son ambiance de bande de potes. Une histoire qui traduit une certaine vision du rêve américain, celui de deux gamins qui ont commencé à développer des jeux dans le sous-sol d’un petit pavillon de Virginie.

    UNE RENCONTRE DECISIVE

    Début 1980, alors que sort sur les écrans L’Empire contre-attaque et que par la même occasion une génération découvre que Luke est le fils de son père, Donkey Kong, Frogger, Defender et Galaga déferlent dans les salles d’arcade. Au nord de la Virginie, une même passion pour le jeu vidéo réunit Andy, Jason et une poignée d’autres enfants. Sous le doux soleil de la côte Est des États-Unis, ces derniers passent leurs après-midi dans ces salles aux éclairages fluorescents, engouffrant leurs économies pour tenter de décrocher les meilleurs scores.

    Tous partagent l’amour des pixels et de l’Apple II. Petit bijou de son créateur Steve Wozniak, cet ancêtre du PC permettait une programmation simple, en Integer BASIC ou en Applesoft, facile à manipuler et ouverte à tous. Calme et renfermé, le jeune Andy Gavin est un perfectionniste du code. Pendant deux ans, avec son Apple II, il développe des petits jeux sans prétention mais techniquement remarquables. De tempérament plus turbulent, Jason Rubin est l’artiste du groupe. Malgré l’absence de souris et la présence d’un clavier rudimentaire, il passe des heures sur ses créations. Bien que de caractères radicalement différents, les deux jeunes Virginiens s’aperçoivent rapidement que leurs compétences sont complémentaires. Ils sont encore loin de se douter que leur petit bout de route en commun va les conduire à créer, quelques années plus tard, l’un des plus grands studios de développement de jeu vidéo à la renommée mondiale.

    Les premières activités de cette confrérie de l’Apple II se limitent d’abord à pirater les jeux achetés par leur entourage. À cette époque encore balbutiante pour l’informatique grand public, trouver la manière de contourner les protections, certes rudimentaires, des disquettes de jeux constituait un vrai défi technique. Le manque de ressources documentaires n’arrête pas la bande, qui s’amuse à modifier le code source des jeux pour placer leurs noms dans les génériques de fin et s’imaginer créateurs des plus grands titres de l’époque. En février 1984, Punch Out Arcade (jeu de boxe signé Nintendo) envahit les salles et les compères décident de lancer un projet d’envergure en reproduisant quasiment à l’identique le jeu de Genyo Takeda. Ils prennent en photo chacun des mouvements des personnages et se lancent derechef dans la programmation d’un jeu, qui durera plusieurs mois. Lorsque le projet approche de la phase finale, un désastre arrive : Andy efface malencontreusement le contenu de la disquette sur laquelle est inscrite la seule et unique version de leur jeu. Le projet Punch Out par Andy et Jason s’arrêtera à cette manipulation fatidique.

    DES DEBUTS PROMETTEURS

    La motivation des deux jeunes programmeurs ne s’arrête heureusement pas à cette tragédie. Fin 1984, ils entreprennent le développement d’un logiciel original, Math Jam. Il s’agit d’un programme éducatif, bien loin des préoccupations plutôt ludiques d’Andy et Jason, mais le genre est en vogue à l’époque sur un marché qui cherche une manière de séduire les parents et ainsi pénétrer dans les foyers.

    Le père de Jason, avocat d’affaires, aide les deux créateurs à monter leur première société, qui s’appellera JAM Software pour « Jason & Andy’s Magic » et développe un premier projet. Comme son nom l’indique, Math Jam propose d’apprendre les bases de l’arithmétique de manière ludique et avec un design adapté aux plus jeunes. Après avoir été adoubé par quelques enseignants locaux, le jeune duo d’entrepreneurs peut commercialiser son premier titre. Ils copient le programme sur des disquettes, y adjoignent une notice sommaire, préparent eux-mêmes les enveloppes et les envoient à plusieurs écoles de la région. Mais pour distribuer le logiciel à plus grande échelle, l’administration américaine en charge de l’éducation demande à JAM Software de passer devant une commission à l’autre bout du pays afin d’en valider le contenu. Andy et Jason baissent les bras et décident de revenir à leurs premières amours, les jeux vidéo.

    En 1986, JAM Software publie son tout premier véritable jeu : SKI Crazed. Le titre original, SKI Stud, est rapidement changé pour paraître plus politiquement correct (Ski Stud pourrait se traduire par « L’étalon du ski »). Le but est simple : il faut dévaler des pentes enneigées en évitant les obstacles qui émaillent le parcours du joueur. Les animations et les graphismes sont particulièrement soignés pour une production de ce niveau. Pour parvenir à un tel résultat avec un matériel si rudimentaire, Jason utilise l’éditeur d’un autre programme, Pinball Construction Set. Ce dernier lui permet de dessiner plus finement les personnages et les décors, toujours sans souris, et avec la résolution très limitée des moniteurs de l’époque. Ce signe de débrouillardise deviendra le mantra du futur Naughty Dog : à chaque problème technique il existe une solution. SKI Crazed est signé par un petit éditeur du Michigan, Baudville, et constitue une première rentrée d’argent pour les deux amis, à raison de deux dollars par copie — le jeu s’écoulant au final à environ mille cinq cents exemplaires. Une fortune pour nos deux compères qui peuvent enfin procéder à leur premier véritable et conséquent investissement : l’achat d’un disque dur...

    En Virginie, Andy et Jason passent avec succès leur diplôme (High School graduate) et partent dans deux universités différentes. Malgré la distance — Jason étudie dans le Michigan et Andy au Haverford College de Philadelphie —, ils poursuivent l’aventure JAM Software et développent Dream Zone toujours pour l’éditeur Baudville. Dream Zone s’avère un jeu d’aventure plus ambitieux, mélange d’images digitalisées et de dessins, dans lequel un enfant plonge dans le monde étrange de ses propres rêves. L’interface du soft s’inspire des premiers jeux d’aventure textuels et, encore une fois, la réalisation est exceptionnelle, des musiques jusqu’aux graphismes. Pour la première fois également, soutenue par l’ambiance onirique du jeu, Jason et Andy soignent la narration de leur titre. Dream Zone remporte un joli succès d’estime, se vendant à un peu plus de 10 000 exemplaires et rapportant la bagatelle de 17 000 dollars à ses deux créateurs. À dix-sept ans, c’est une récompense inestimable pour ce duo précoce dont l’ambition n’a désormais plus aucune limite.

    ATTENTION, CHIEN MECHANT

    C’est cette même ambition qui va conduire Andy et Jason à mettre un terme à leur collaboration avec le modeste éditeur Baudville et à frapper à la porte d’Electronic Arts. En 1987, la société créée par Trip Hawkins (un ex-employé d’Apple) est déjà un géant mondial qui produit, distribue et édite des licences immenses (Ultima, The Bard’s Tale, Skate or Die !). Au culot, le duo envoie un exemplaire de Dream Zone à l’un des décideurs de la société basée en Californie. Comme seule réponse, ils obtiendront un laconique « On vous envoie un contrat ». Avec un chèque de 15 000 dollars en poche et des droits d’auteur de 10 % sur les ventes, Jason et Andy vont s’appuyer sur les bases de Dream Zone pour créer Keef The Thief, un jeu d’aventure médiéval-fantastique. Le titre arrive sur les étals courant 1989 sur PC, Amiga et Apple II sous la bannière Naughty Dog, nouveau nom de studio que les deux amis ont imaginé pendant le développement. Si le contrat avec Electronic Arts est rempli, les créateurs ne sont pas satisfaits des conditions de développement. Jugeant le jeu trop sérieux, la firme de Redwood leur a en effet ordonné d’insuffler de l’humour dans leur production, trahissant l’ambiance et la tonalité que Jason et Andy souhaitaient donner au titre.

    Les producteurs d’Electronic Arts reconnaissent néanmoins à demi-mot que les modifications imposées à Keef the Thief n’ont pas vraiment réussi à améliorer la qualité du produit ; Andy et Jason acceptent alors de signer un nouveau contrat. Cette fois-ci, l’éditeur propose 150 000 dollars, un cachet énorme pour l’époque, afin de mener à bien un ambitieux projet de jeu d’aventure. La production commence en 1989, alors même qu’Andy et Jason poursuivent leurs études à plus de 1 000 km l’un de l’autre, profitant de chaque période de vacances scolaires pour retrouver le sous-sol de la maison des parents d’Andy et ainsi pouvoir échanger sur leurs travaux respectifs. Originellement prévu pour une sortie sur PC, puis sur la Master System de SEGA, c’est Trip Hawkins lui-même qui suggère de laisser Naughty Dog utiliser les tout récents kits de développement de la Genesis (le nom de la Megadrive aux États-Unis). Malgré une longue phase d’apprentissage de ce nouveau hardware et un développement chaotique, Rings of Power sort sur Genesis aux USA en 1991. Très librement inspiré du Seigneur des anneaux de Tolkien, Rings of Power est un jeu de rôle en vue 3D isométrique et aux combats au tour par tour. Critiqué à cause de sa prise en main complexe et sa grande difficulté, le jeu offre néanmoins un monde vaste et un background travaillé. Le succès est au rendez-vous avec un tirage initial de 100 000 exemplaires, qui s’écoulent sans problème durant les trois mois suivant la sortie. Mais un autre titre sorti au même moment des usines d’Electronic Arts coupe l’herbe sous le pied de Rings of Power en vampirisant les médias comme les ventes : Madden NFL. La sortie de la version Megadrive provoque un tel raz de marée qu’elle monopolise toute la production de l’éditeur et prive Rings of Power de réapprovisionnement.

    Suite au monumental succès de Madden NFL, les ambitions d’Electronic Arts évoluent rapidement. Aux dragons, épées et mondes imaginaires, le marketing préfère volontiers une paire de baskets. Et c’est un défilé de stars du monde sportif qu’accueillent les locaux de Redwood pour promouvoir la nouvelle manne lucrative des jeux de la firme. Le label EA Sports verra le jour la même année, mais n’inspire pas notre duo de créateurs, qui fait le choix de se donner le temps d’un break salvateur. Il faut rappeler qu’Andy et Jason n’ont pas encore terminé leurs études et que si Jason rêve de surf et de Californie, Andy se lance, lui, à la conquête d’un diplôme supérieur au MIT (Institut de Technologie du Massachusetts) de Boston.

    L’AVENTURE 3DO

    À défaut de surf, l’attention de Jason Rubin s’oriente rapidement vers les prémices d’une technologie en pleine explosion : la 3D. En 1993, il crée une nouvelle société, investit dans du matériel coûteux (les stations Silicon Graphics nécessaires aux effets spéciaux en 3D et dont les prix peuvent alors grimper jusqu’à 75 000 dollars) et obtient même un improbable contrat avec Columbia Pictures pour réaliser un plan assez complexe dans le film Wolf réalisé par Mike Nichols.

    Au même moment, à Redwood, le charismatique leader d’Electronic Arts, Trip Hawkins, prépare une toute nouvelle et ambitieuse machine. Il cède sa société pour en fonder une autre qui sera totalement dédiée à l’élaboration de cette console de jeux, la 3DO. Cette dernière constitue en fait une architecture standard, ouverte à plusieurs constructeurs (la première 3DO sera commercialisée par Panasonic, suivi de Sanyo, Saab Electric puis GoldStar). Surfant sur la très récente mode du multimédia, la 3DO axe son utilisation sur son CD-Rom équipé en série, sa gestion de la 3D et ses énormes possibilités vidéo. Comparable technologiquement à ce que seront, un an plus tard, la SEGA Saturn et la Sony PlayStation, la 3DO a besoin de jeux pour réussir son lancement en mai 1993 sur le sol américain.

    Alors même que Jason Rubin n’a pas encore commencé son travail sur Wolf, le téléphone sonne. Évoquant les qualités avérées des anciennes productions de Naughty Dog et présentant des avantages financiers indiscutables, Hawkins propose à Jason et Andy de reprendre du service et de développer un titre pour sa toute nouvelle machine. Le marché est rapidement conclu au regard des avantages exposés. Pour s’assurer une totale indépendance artistique, le duo choisit alors de travailler sur le genre le plus en vogue à l’époque. Street Fighter II a créé un séisme dans le monde du jeu vidéo en 1992. La même année, Mortal Kombat est un carton et tous les jeunes s’empressent d’en découdre dans les salles d’arcade à travers le territoire des États-Unis. Il faut par conséquent un jeu de combat ambitieux pour mettre en avant la sortie de la 3DO.

    Le développement de Way of the Warrior débute fin 1993. Ce dernier se révèle être comme une version outrancière du déjà excessif Mortal Kombat (Midway), en mélangeant — parfois de façon improbable — combats entre personnages digitalisés, humour décomplexé et violence ostentatoire. Pour mener la production à son terme, Jason emménage dans la chambre d’étudiant d’Andy à Boston, ils embauchent amis, colocataires, étudiants et familles pour franchir chaque étape créative du développement. La capture des images des combattants se fait devant un drap accroché au mur de l’appartement, les costumes sont des assemblages d’emballages d’Happy Meal de McDonald’s et les créateurs eux-mêmes incarnent deux des guerriers. Le compte en banque de notre duo est rapidement à sec et les nouilles instantanées deviennent l’unique moyen de se sustenter.

    Encore sans éditeur pour Way of the Warrior, les derniers dollars d’Andy et Jason leur permettent de louer quelques mètres carrés au CES (Consumer Electronics Show) de Las Vegas au mois de janvier 1994. Sur le stand 3DO, perdu entre plusieurs projets multimédias peu inspirés, le jeu de Naughty Dog fait plutôt bonne impression. Trois éditeurs s’empressent de faire une proposition d’achat de leur nouveau jeu : Crystal Dynamics, Universal et Trip Hawkins lui-même, mais l’offre la plus alléchante sera finalement celle d’Universal. Le contrat offre à Naughty Dog un an et demi pour terminer son jeu de combat puis une exclusivité pour le développement de trois autres jeux, avec une totale liberté de création.

    REINVENTER LE JEU DE PLATEFORME

    Way of the Warrior sortira finalement au milieu de l’année 1995, la qualité finale du jeu est assez médiocre et l’accueil critique plutôt tiède, mais les ventes sont malgré tout au rendez-vous. Andy abandonne ses études et le duo traverse les États-Unis pour s’installer en Californie, près du siège d’Universal. Pour leurs prochains projets, Andy et Jason savent qu’ils ne pourront plus faire cavalier seul. L’expérience du développement chaotique de Way of the Warrior les pousse à accueillir deux nouvelles recrues. Ainsi, Dave Baggett, développeur, et Taylor Kurosaki, graphiste spécialisé dans les effets spéciaux à la télévision, constituent les deux premières embauches du studio. L’équipe de base formée, il faut maintenant trouver un concept et démarrer le développement d’un nouveau jeu ; une idée qui va germer rapidement avec la présentation d’une toute nouvelle console.

    Illustration

    1 http://www.ign.com/articles/2013/10/04/rising-to-greatness-the-history-of-naughty-do-g%3Fpage%3D15&ved=0ahUKEwi2o8Gw4JPXAhXCtBoKHREjAMMQFggcMAA&usg=AOvVaw3357rBH2Qe0qUa-N3CYCyF

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    CHAPITRE DEUX :

    DU MARSUPIAL À LA MANGOUSTE

    Illustration

    « Il n’y a rien de négatif dans le changement,

    si c’est dans la bonne direction... »

    Winston Churchill

    C’EST encore une fois à Las Vegas, pendant le CES 1995, que l’histoire de Naughty Dog va prendre un premier tournant décisif. La présentation de Ridge Racer (Namco) sur PlayStation, une nouvelle console qui doit arriver dans les magasins en septembre de la même année sur le territoire américain, est une claque monumentale infligée à toute l’équipe fraîchement constituée. À l’instar de Way of the Warrior, Naughty Dog va tout naturellement observer les tendances du moment avant d’arrêter son choix sur un genre alors en vogue, le jeu de plateforme, avec pour objectif de le transcender en exploitant à leur avantage les spécificités des dernières consoles et du nouveau monde qui s’ouvre à eux : celui de la 3D.

    Le concept initial de Crash Bandicoot tient en une seule phrase : « Que pourrait donner Donkey Kong Country en 3D ? » Conscients de leur manque d’expérience sur cette nouvelle technologie et surtout sur le design d’un monde en open world, Crash Bandicoot est imaginé comme l’exacte transposition de ces jeux de plateforme qui ont fait le bonheur de la génération précédente, Mario et Sonic en tête, en conservant une structure de progression linéaire, ce qui vaudra au projet le sobriquet fleuri de Sonic’s ass Game (« le jeu qui suit les fesses de Sonic »). Si SEGA et Nintendo possèdent déjà leurs mascottes permettant d’appuyer le line-up de leurs consoles respectives, Sony, en bon outsider, cherche désespérément un personnage fort pour identifier la marque PlayStation auprès du grand public. Ainsi naîtra Willy The Wombat qui, sur une idée initiale de Dave Baggett, sera renommé Crash Wombat pour finalement devenir le Crash Bandicoot que l’on connaît, croisement improbable entre l’influence de Donkey Kong Country et les designs des dessins animés à la Looney Tunes.

    Dans leur quête désespérée de trouver une mascotte, le personnage de Crash Bandicoot s’avère un coup de foudre pour les décideurs de Sony, qui doivent impérativement présenter des projets marquants à l’imminent salon de l’E3 (Electronic Entertainment Expo) qui se tiendra à Los Angeles à peine trois mois plus tard. Immédiatement, Sony propulse Crash Bandicoot en tête des projets de sa machine, prêt à concurrencer le Super Mario 64 de Shigeru Miyamoto et le Nights into Dreams de Yuji Naka. C’est littéralement un bond de géant, impensable pour un petit studio de quatre employés à la renommée jusqu’alors confidentielle.

    La confrontation attendue des trois licences, Mario, Nights et Crash, se fait donc à l’E3 1995. Si SEGA a fait le choix de transposer littéralement le gameplay de son jeu 2D en figeant le joueur sur un seul axe, Mario 64 propose, lui, une vision beaucoup plus spectaculaire et révolutionnaire en permettant au joueur de se rendre partout où il le souhaite. Crash Bandicoot, comme la fusion parfaite de ces deux mondes, offre la possibilité d’évoluer sur plusieurs axes, mais dans des niveaux linéaires et maîtrisés, en couloirs. Naughty Dog, parfaitement conscient de ses propres limites, aussi bien sur le plan de la technique que des ressources, va pallier le manque relatif d’ambition de son titre en soignant au maximum les différents aspects de son jeu. Et le résultat paie. Visuellement, Crash Bandicoot détonne et séduit instantanément le public. De par son design réussi et sa réalisation soignée, aux effets de lumières encore jamais vus, de par sa mise en scène proposant des situations variées et rythmées, de par la facilité totale de sa prise en main, Crash Bandicoot est immédiatement plébiscité par les observateurs. Andy et Jason comprennent rapidement qu’ils viennent de conceptualiser ce qui deviendra leur manière de faire des jeux : proposer du fun immédiat.

    Crash Bandicoot sort le 31 août 1996 aux États-Unis et fait un tabac. Il s’écoule à plus de deux millions d’exemplaires à travers le monde en seulement quelques mois et deviendra le huitième jeu le plus vendu de la machine. La réussite est telle que Crash constituera la première licence occidentale à percer au Japon, marché protectionniste s’il en est. Fort de ce succès, Naughty Dog va pouvoir imposer des nouvelles règles à son éditeur, Universal, et son distributeur, Sony. Mark Cerny (vice-président d’Universal Interactive, producteur de Crash Bandicoot et futur architecte de la PlayStation 4) rejoint les rangs de Naughty Dog, dont les effectifs vont gonfler jusqu’à près de vingt personnes pour produire l’inévitable Crash Bandicoot 2.

    Crash Bandicoot 2 : Cortex Strikes Back sort le 31 octobre 1997 aux US. Un an de production qui permettra de rôder la formule, de briser la linéarité du jeu et d’implémenter des choix de game

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