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Mass Effect: A la conquête des étoiles
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Livre électronique583 pages7 heures

Mass Effect: A la conquête des étoiles

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À propos de ce livre électronique

La trilogie Mass Effect a relancé la mode du space opera dans le jeu vidéo et s’est imposée comme l’une des œuvres les plus marquantes de ces dernières années.

Les jeux vidéo ont, depuis leurs balbutiements embrasé l’imagination des mordus d’aventures spatiales. Cet ouvrage aura à cœur d’explorer tout ce qui gravite autour de Mass Effect, ses plus grands points forts comme les polémiques, mais profitera également du fait que la saga regorge de références aux classiques de la SF pour analyser ce qui rend ce genre aussi passionnant.

Centré sur la trilogie d’origine, ce livre propose un décryptage de toutes les thématiques des trois premiers épisodes : la genèse, le scénario, les personnages, l’univers, les gameplays, les inspirations et bien plus !

EXTRAIT

Malgré son succès incontestable, la série divise au sein même de sa communauté de fans. Qu’il soit question des phases d’exploration avec le sautillant Mako, de l’ouverture à un plus grand public avec des éléments de RPG simplifiés, ou bien de la fin du dernier volet de la trilogie, les avis se montrent variés, les opinions tranchées et les discussions souvent enflammées. La manière dont le gameplay a évolué au fil du temps et ses différentes facettes seront bien sûr abordées en détail dans ce livre. Ce sera aussi l’occasion d’étudier les corrélations entre ces évolutions et les changements survenus chez BioWare au cours de ces années. Ce qui demeure certain, c’est qu’au-delà des débats (légitimes) entourant les différents épisodes, la saga dans son ensemble englobe une telle profusion de thèmes et d’imageries propices à faire rêver les amoureux de science-fiction que cela transcende aisément les controverses. Cet ouvrage abordera évidemment tout ce qui gravite autour de l’astre Mass Effect, ses points les plus forts comme les polémiques les plus tendues, mais en profitera aussi, du fait qu’il s’agit d’un formidable vivier de références aux classiques de la SF, pour analyser ce qui fait de ce genre l’un des plus passionnants qui soient. La trilogie d’origine sera au cœur de l’étude et du décryptage ; le nouveau volet, Andromeda, est encore bien trop frais pour être abordé en profondeur, mais un futur livre pourra y être entièrement consacré.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Passionné par toutes les cultures de l’imaginaire, Nicolas Domingue rêve de devenir journaliste dès sa plus tendre enfance. En 2002, il publie ses premiers textes sur Internet, dont un long dossier consacré à la saga Metroid qui attire l’attention de ses futurs employeurs et lui ouvre les portes de la presse papier. Il écrit alors pour plusieurs publications dédiées au manga et à l’animation japonaise, puis intègre la rédaction du magazine Gameplay RPG en 2004, à l’occasion d’un hors-série sur la saga Final Fantasy. Il travaille avec la même équipe pour la revue Background en 2006, avant de s’éloigner du milieu de la presse quelques années pour suivre des études d’anglais. En 2009, il rejoint le site Gameweb.fr et y publie plusieurs articles, notamment sur Mass Effect. Il crée son propre site en 2015 pour aborder des œuvres plus diverses, et rejoint Third Éditions l’année suivante.
LangueFrançais
Date de sortie12 juin 2017
ISBN9782377840083
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    Aperçu du livre

    Mass Effect - Nicolas Domingue

    Illustration

    Mass Effect. À la conquête des étoiles

    de Nicolas Domingue

    est édité par Third Éditions

    32 rue d’Alsace-Lorraine, 31000 TOULOUSE

    contact@thirdeditions.com

    www.thirdeditions.com

    Nous suivre :

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    Illustration  : Third Éditions

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    Le logo Third Éditions est une marque déposée par Third Éditions,

    enregistré en France et dans les autres pays.

    Illustration

    Édition : Nicolas Courcier et Mehdi El Kanafi

    Textes : Nicolas Domingue

    Relecture : Jérémy Daguisé, Jérémy Mercier et Zoé Sofer

    Mise en pages : Frédéric Tomé, Julie Gantois

    Couverture classique : Bruno Wagner

    Couverture First Print : Frédéric Tomé

    Cet ouvrage à visée didactique est un hommage rendu par Third Éditions à la grande série de jeux vidéo Mass Effect.

    L’auteur se propose de retracer un pan de l’histoire des jeux vidéo Mass Effect dans ce recueil unique, qui décrypte les inspirations, le contexte et le contenu de ces volets à travers des réflexions et des analyses originales.

    Mass Effect est une marque déposée d’Electronic Arts. Tous droits réservés.

    Le visuel de la couverture est inspiré des jeux Mass Effect.

    Édition française, copyright 2017, Third Éditions.

    Tous droits réservés.

    ISBN 979-10-94723-67-8

    Dépôt légal : mai 2017

    Imprimé dans l’Union européenne par Meilleures Impressions

    Illustration

    À ma fiancée, Angélique,

    qui s’est tenue à mes côtés

    sur le pont du Normandy durant

    toute la redaction de ce livre.

    Illustration

    PRÉFACE

    Illustration

    EN TANT que compositeur, raconter des histoires a toujours été l’un de mes désirs les plus chers. J’admire énormément tout divertissement parvenant à mettre en avant les aventures de ses personnages d’une façon intéressante et captivante. À mes yeux, Mass Effect est l’un des meilleurs et je serai toujours reconnaissant envers ses créateurs de m’avoir permis de prendre part à la narration de leur histoire.

    Je suis un grand fan de science-fiction. Il s’agit d’un mélange parfait de mystère, d’évasion et de récits qui sortent des sentiers battus. Lorsque le réalisateur, Casey Hudson, m’a engagé pour composer la musique, le mot d’ordre était de s’éloigner autant que possible des sonorités traditionnelles du space opera afin de donner à la série une véritable signature musicale, une patte bien plus synthétique et alien. Bien que des éléments orchestraux eussent pu être utilisés, ce sont les instruments électroniques qui devaient définir cet univers. Je crois que cette approche visionnaire de la narration acoustique, dont 100 % du mérite revient à Casey, a grandement contribué à ce sentiment unique d’immersion que l’on ressent en jouant à Mass Effect. Bien entendu, ce n’est pas un concept original pour les films de science-fiction mais, d’une certaine façon, au XXIe siècle, c’était innovant, et en particulier dans un jeu vidéo.

    Pour le premier épisode, Sam Hulick et moi étions ensemble pour écrire les thèmes et la bande-son. L’univers de Mass Effect se montre si vaste ; il était important d’avoir plus d’une voix dans la création de sa musique. Nous sommes finalement parvenus à concevoir un modèle à suivre pour écrire la bande-son du jeu et nous l’avons ensuite partagé avec Richard Jacques et Dave Kates, qui nous ont aidés à finir les cinématiques.

    Dans Mass Effect 2, le design du jeu demandait au joueur de voyager à travers la galaxie pour trouver les partenaires qui l’aideraient à sauver l’univers. J’ai donc également enrôlé mes propres partenaires. Sam Hulick et David Kates sont revenus, accompagnés du très talentueux Jimmy Hinson. De cette manière, le paysage musical a pu être aussi varié que l’histoire et, rétrospectivement, je pense que cette approche a très bien fonctionné. En définitive, le processus était collaboratif et jamais individuel. C’est ainsi que sont faits les jeux. C’est beaucoup de travail. Ils ne peuvent pas être parfaits, mais lorsqu’ils sont aussi bons, on peut fermer les yeux sur les inévitables défauts inhérents à tout divertissement qui offre une expérience toujours différente à chaque nouvelle partie. Selon moi, il est indispensable d’expérimenter chaque volet de Mass Effect plusieurs fois.

    Nicolas Domingue est clairement un passionné de Mass Effect, comme cet ouvrage en témoigne. Sa passion et son désir de raconter l’histoire et ce qu’elle recèle méritent qu’on s’y attarde. Il a consacré près d’une année entière à l’élaboration de ce livre, pour le plaisir des amoureux de Mass Effect qui revisiteront cet univers avec un regard unique et renouvelé.

    Que la Mission Suicide du Commandant Shepard nous inspire dans tous nos efforts pour braver le danger et protéger l’humanité, encore et encore.

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    Compositeur des bandes originales de Mass Effect 1 et 2

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    AVANT-PROPOS

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    DE LA Terre aux étoiles, il n’y a parfois qu’un battement de cœur. Mass Effect a, pour moi, été cette pulsation à la puissance évocatrice telle que j’en oubliais parfois ma chère planète d’origine. Personne ne veut me croire, et pourtant, j’ai été enlevé par des extraterrestres. Ils m’ont emmené sur leur vaisseau et j’y suis resté. Ils avaient besoin d’un leader, d’un allié, d’un commandant. Je ne suis d’ailleurs pas le seul à avoir vécu cette expérience, des millions de personnes à travers le monde ont partagé le même récit. Il y a cependant dans ces histoires un nombre plus ou moins important de différences. Comme si certains choix avaient eu des conséquences imprévisibles et propres à chaque personne. Impossible toutefois de tout recenser, les variables sont trop nombreuses. Pourtant, une constante apparaît bien : en découvrant Mass Effect, nous avons tous été transportés dans un voyage inoubliable à travers le temps et l’espace. Et l’espace d’un instant, nous avons tous été Shepard.

    Le Normandy était un point de ralliement, un symbole, un foyer mouvant parmi les étoiles, d’aventure en aventure. Et si Mass Effect a trouvé une telle résonance auprès des joueurs, c’est parce qu’il a su s’adresser à un public qui avait grandi non seulement avec nombre d’œuvres classiques de science-fiction, mais aussi avec un média encore jeune, qui ne demandait qu’à déployer ses possibilités pour proposer une expérience que le cinéma et la littérature ne pouvaient pas reproduire. L’immersion, l’interaction, l’identification et la liberté de choix, autant de facteurs qui, couplés à un univers d’une richesse et d’une densité folle, ont fait de la saga la référence incontestable du space opera vidéoludique. BioWare avait déjà frappé fort en utilisant la licence Star Wars pour son Knights of the Old Republic quelques années plus tôt, mais Mass Effect est né exclusivement pour le jeu vidéo et se sert de toutes ses spécificités pour happer le joueur dans son monde. Ce qui explique sans doute en partie pourquoi les projets d’adaptation cinématographique dont on entend parler depuis presque dix ans n’ont toujours pas abouti (et peut-être devrait-on s’en réjouir).

    Les jeux vidéo ont, depuis leur petite enfance avec Spacewar ! en 1962, stimulé l’imagination des férus de péripéties spatiales. Pourtant, Mass Effect s’avère être la première franchise, quarante-cinq ans plus tard, à avoir eu un impact assez fort pour devenir une œuvre culturelle populaire, touchant un public aussi large qu’hétéroclite. Il n’est, bien sûr, pas question de minimiser l’importance et la qualité des autres productions à tendance space opera (notamment les J-RPG tels que les Star Océan, Xenosaga, ou évidemment Phantasy Star), mais difficile de nier que les jeux de BioWare ont eu une portée inédite, à tel point que lorsqu’un nouveau Star Trek sort au cinéma, il n’est pas rare d’entendre que l’esthétique rappelle celle de Mass Effect ! Celle-ci étant à l’origine en partie inspirée des travaux de Syd Mead, qui a défini un style emblématique pour la science-fiction des années soixante à quatre-vingt... la boucle est pour ainsi dire bouclée.

    Malgré son succès incontestable, la série divise au sein même de sa communauté de fans. Qu’il soit question des phases d’exploration avec le sautillant Mako, de l’ouverture à un plus grand public avec des éléments de RPG simplifiés, ou bien de la fin du dernier volet de la trilogie, les avis se montrent variés, les opinions tranchées et les discussions souvent enflammées. La manière dont le gameplay a évolué au fil du temps et ses différentes facettes seront bien sûr abordées en détail dans ce livre. Ce sera aussi l’occasion d’étudier les corrélations entre ces évolutions et les changements survenus chez BioWare au cours de ces années. Ce qui demeure certain, c’est qu’au-delà des débats (légitimes) entourant les différents épisodes, la saga dans son ensemble englobe une telle profusion de thèmes et d’imageries propices à faire rêver les amoureux de science-fiction que cela transcende aisément les controverses. Cet ouvrage abordera évidemment tout ce qui gravite autour de l’astre Mass Effect, ses points les plus forts comme les polémiques les plus tendues, mais en profitera aussi, du fait qu’il s’agit d’un formidable vivier de références aux classiques de la SF, pour analyser ce qui fait de ce genre l’un des plus passionnants qui soient. La trilogie d’origine sera au cœur de l’étude et du décryptage ; le nouveau volet, Andromeda, est encore bien trop frais pour être abordé en profondeur, mais un futur livre pourra y être entièrement consacré.

    La saga ayant été façonnée par une multitude d’individus, il m’a paru aussi important de la replacer dans un contexte plus large. L’histoire de BioWare étant pour le moins particulière, incarnant une success-story unique dans le milieu des jeux vidéo, ce livre constitue l’occasion parfaite d’en dévoiler les secrets, des plus petites anecdotes aux événements les plus retentissants.

    Il sera ensuite temps, si vous le voulez bien, de remonter à bord du Normandy pour arpenter cet univers foisonnant, en laissant de nouveau la Terre derrière nous. Car comme le disait Constantin Tsiolkovski, l’un des pères de l’aéronautique : « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau. » Et avec Mass Effect, les étoiles sont à portée de main.

    NICOLAS DOMINGUE

    Passionné par toutes les cultures de l’imaginaire, il rêve de devenir journaliste dès sa plus tendre enfance. En 2002, il publie ses premiers textes sur Internet, dont un long dossier consacré à la saga Metroid qui attire l’attention de ses futurs employeurs et lui ouvre les portes de la presse papier. Il écrit alors pour plusieurs publications dédiées au manga et à l’animation japonaise, puis intègre la rédaction du magazine Gameplay RPG en 2004, à l’occasion d’un hors-série sur la saga Final Fantasy. Il travaille avec la même équipe pour la revue Background en 2006, avant de s’éloigner du milieu de la presse quelques années pour suivre des études d’anglais. En 2009, il rejoint le site Gameweb.fr et y publie plusieurs articles, notamment sur Mass Effect. Il crée son propre site en 2015 pour aborder des œuvres plus diverses, et rejoint Third Éditions l’année suivante.

    Illustration

    CHAPITRE 1 — CRÉATION

    « Dans le tissu de l’espace et dans la nature de la matière, comme dans toute œuvre d’art, figure, en tout petit, la signature de l’artiste. »

     — Carl Sagan — 

    Illustration

    S’IL Y A bien une chose à ne jamais négliger lorsque l’on tente de saisir la grandeur infinie de l’univers, c’est l’importance fondamentale de l’infiniment petit. La mise en perspective entre les éléments les plus minuscules et leur place dans l’espace sans fin qu’ils composent est la clef d’une compréhension plus juste du cosmos. À une autre échelle, nous pourrions dire que l’histoire de la galaxie Mass Effect ne peut être pleinement racontée qu’à travers celle de l’univers BioWare, son studio créateur. Avec elle se dessine le parcours surprenant d’individus que rien ne promettait à une carrière dans le jeu vidéo et qui ont pourtant donné naissance à l’un des plus grands studios de développement au monde.

    Ce chapitre a ainsi pour but de brosser un historique de BioWare, de ses membres fondateurs à ses auteurs, artistes et programmeurs les plus influents. Ceci en gardant bien Mass Effect en ligne de mire, afin de cerner tous les éléments qui font de la trilogie le point culminant de l’histoire du studio. Cette histoire est celle de la recherche permanente d’un équilibre entre plusieurs dichotomies. Il y est souvent question de choix, entre conciliation et pragmatisme. Deux types d’univers phares, l’heroic fantasy d’un côté, le space opera de l’autre. La préservation d’une identité et d’une culture après un rachat par l’un des plus gros éditeurs de l’industrie. Des mécanismes de RPG riches et complexes face à des systèmes d’action plus accessibles. Au cœur de ces éléments qui s’opposent réside toujours une volonté de convergence.

    L’idéal recherché par BioWare s’avère l’immersion totale du joueur à travers ses choix, dans un univers riche qui mêlerait de la manière la plus intelligente possible le jeu d’action ébouriffant et le RPG. Chaque jeu développé par le studio depuis 1995 a apporté quelque chose, a joué un rôle dans cette quête. Mass Effect incarne cette volonté mieux qu’aucun autre titre de leur catalogue, chaque épisode permet de se rendre compte clairement des différents degrés de cette recherche de l’hybride parfait. Le premier volet accordait une place importante à l’exploration, tandis que ses deux suites ont préféré proposer un rythme plus soutenu, en misant progressivement sur l’action. L’ambition du nouveau volet, Andromeda, consiste à proposer le meilleur des deux mondes. Nous aurons bien sûr l’occasion d’y revenir plus en détail dans cet ouvrage, mais pour l’heure, il nous faut quelque peu remonter le temps.

    Afin de pouvoir cerner Mass Effect – sa genèse, ses inspirations, son univers, son sens et son impact – , nous devons d’abord comprendre BioWare, ainsi que certaines des personnalités qui en ont fait l’un des studios les plus influents, en particulier dans le domaine du RPG occidental. Et contre toute attente, l’histoire commence avec deux médecins, aux personnalités radicalement opposées, mais unis par une passion commune.

    PARTIE I : LE VIRUS DU JEU

    Lorsque Gregory Zeschuk et Raymond Muzyka se rencontrent au début des années quatre-vingt-dix, rien ne semble les destiner à s’entendre. Tous deux étudiants en médecine à l’université de l’Alberta au Canada, ils partagent certains cours ensemble, mais sans sympathiser, et ils n’ont pas vraiment les mêmes cercles d’amis. Zeschuk se montre assez ouvert, avenant, blagueur et à l’aise avec les gens, tandis que Muzyka apparaît plutôt calme, très réfléchi, et presque rigide en comparaison. Avec le temps, ils finissent toutefois par s’apercevoir qu’ils partagent de nombreux centres d’intérêt, et particulièrement une passion presque dévorante pour le jeu de rôle, autant sur papier que sur ordinateur. Enfant, Zeschuk passait des étés entiers avec ses amis à dessiner d’immenses plans de donjons et de villes, à écrire des descriptions et à s’imaginer mille aventures, souvent inspirées par le jeu de rôle papier Donjons & Dragons. Plus tard, lui et ses camarades s’amusent à coder quelques programmes basiques sur Apple II entre deux parties de hockey. Il se rend compte par la même occasion que la création n’est pas hors de portée.

    Le parcours de Muzyka s’avère assez similaire. Lui aussi, comme tant d’autres, a appris les rudiments de la programmation sur Apple II. Il se passionne très jeune pour les jeux d’aventure textuels, notamment Pirate Cove de Scott Adams. Il est également fasciné par Donjons & Dragons, particulièrement par le Guide du Maître. Ray et Greg se comprennent donc parfaitement et ils discutent autant de jeux de rôle que de littérature et de cinéma, du Seigneur des Anneaux à Star Wars. Mais par-dessus tout, ils s’émerveillent devant les possibilités offertes par les C-RPG mythiques des années quatre-vingt et début quatre-vingt-dix, ce qui en fait des sujets de discussion infinis.

    Ils ne lésinent pas pour autant sur le travail, car la médecine les intéresse énormément, même si Greg ne peut s’empêcher, durant les périodes de révision, de passer une semaine entière à finir des titres comme Wasteland et Pool of Radiance, avant de bûcher non-stop pour ses examens les deux derniers jours.

    Ils obtiennent ensemble leur doctorat de médecine en 1992, et durant les deux années qui suivent (c’est-à-dire au cours de leur internat), ils développent des programmes éducatifs destinés à aider leur université et ses étudiants. Pour les épauler dans cette tâche, ils sont rejoints par Augustine Yip, lui aussi passionné de jeux vidéo et prêt à aider pour la partie visuelle. Le joyeux trio sort alors son premier « jeu », au nom qui fait rêver : Acid-base Physiology Simulator. Quelques autres programmes éducatifs du même genre suivront, aux noms évocateurs comme Gastroenterology Patient Simulator. Les concepts sont plutôt sommaires, mais efficaces. Il s’agit généralement de cliquer sur des images et de déterminer les symptômes, comme de simples jeux d’énigmes en point’n click.

    Mine de rien, ils obtiennent assez de reconnaissance pour être contactés par une entreprise pharmaceutique, et voient ensuite leurs logiciels utilisés par des étudiants dans d’autres universités du Canada. Ces quelques créations au potentiel ludique somme toute limité ont surtout permis aux trois jeunes hommes de réaliser quelque chose d’important : ils sont capables de créer des jeux. Après bien des discussions dans la salle de détente de leur université, au milieu des machines d’arcade et des baby-foot, ils décident de se lancer et de créer leur propre studio de jeux vidéo.

    BioWare, avant l’ascension

    Pour le groupe d’amis, il paraît nécessaire de trouver un nom qui leur corresponde. Au cours de leurs petites réunions, Yip dessine des concepts sur un tableau, ainsi que des logos, et écrit les différents noms qui leur passent par la tête. Ils se fixent sur une idée qui les rattache d’une certaine manière à leur statut de médecin (le préfixe bio, qui vient du grec et désigne également l’idée de vie organique), ainsi qu’à leur volonté de créer quelque chose par ordinateur qui serait au service des gens (le mot ware peut désigner un produit, un bien). Pour eux, le moyen d’expression permettant d’avoir l’impact le plus fort sur les gens à travers une machine s’avère le jeu vidéo. Dès le départ, le studio exprimait la volonté de créer un pont entre humains et machines ; un concept que l’on retrouvera dans certaines de leurs productions. Pendant un temps, Zeschuk souhaitait que la société s’appelle Ascended BioWare, mais ses amis l’ont convaincu qu’en plus d’être trop long, cela pouvait paraître prétentieux. Le nom de BioWare Corp. est donc adopté, le logo, lui, représente deux grandes mains créatrices surgissant du néant qui semblent être un mélange d’organique et de synthétique. La société est fondée en février 1995 avec trois autres personnes, Marcel Zeschuk (cousin de Greg) et les frères Trent et Brent Oster. Ces trois-là étaient en train de réaliser un jeu en shareware pour se prouver qu’ils pouvaient devenir développeurs professionnels. En voyant leur prototype, Greg les a convaincus de tenter l’aventure avec ses comparses médecins. Durant les premiers mois, le sous-sol de Greg accueille les premiers bureaux du studio. Il faut bien commencer quelque part !

    Difficile d’obtenir des financements pour de jeunes programmeurs dans une région qui n’a aucune idée de ce qu’est l’industrie vidéoludique. Avec le temps, le Canada a vu naître de plus en plus de studios de développement, devenant l’un des pays les plus attractifs du secteur. Mais dans la ville d’Edmonton, en 1995, il y a encore tout à faire. L’économie tourne principalement autour des activités minières. On y trouve facilement du pétrole et des diamants, mais pour les jeux, c’est une autre histoire. Il faut donc se montrer convaincant avec les banquiers. Et quoi de mieux pour convaincre que de jeunes médecins ambitieux ? Personne ne comprend quoi que ce soit à ce qu’ils essayent de créer, mais on leur fait confiance. « Ils sont médecins, ils doivent tout de même savoir ce qu’ils font. » Remercions la médecine et le statut qu’elle apporte à ses praticiens, car sans cela, le Normandy n’aurait peut-être jamais décollé.

    Chez les Zeschuk, on est persuadé qu’il ne s’agit que d’une lubie passagère de Greg comme il en a connu d’autres. Quelque temps plus tôt, il souhaitait encore devenir snowboardeur professionnel, et maintenant, les jeux vidéo ? Il reviendra vite à la raison, pense-t-on, et se consacrera de nouveau totalement à son « vrai métier ». Cependant, Greg, Ray et Augustine se montrent déterminés, et peu importe si personne dans leur entourage ne voit le potentiel de leur modeste entreprise. Ils comptent bien prouver qu’à Edmonton, on peut créer des richesses autrement que par les raffineries. Mais pour cela, ils vont avoir besoin d’aide.

    Frapper à toutes les portes

    Le groupe d’amis se met à embaucher du personnel : quelques artistes et programmeurs de la région. À vrai dire, n’importe qui sachant se servir d’un ordinateur et n’étant pas contre l’idée de travailler sur un jeu vidéo. Le projet sur lequel travaillaient les frères Oster sert de base de travail. À ce stade, il s’appelle encore Blasteroids 3D, et il s’agit d’un jeu d’action à la première personne. Les membres fondateurs de BioWare se montrent friands de RPG, mais ce n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est un bon système de jeu et une bonne histoire, quel que soit le genre. Pour être certains de se faire remarquer, ils ne veulent pas non plus lésiner sur l’aspect technique, et leur prototype propose des effets intéressants.

    La démo est envoyée à dix éditeurs réputés de l’époque. BioWare fait déjà forte impression, car sept d’entre eux sont intéressés (ironiquement, parmi les refus, nous trouvons EA, qui rachètera le studio douze ans plus tard). Leur dévolu se porte sur Interplay, société mythique fondée par Brian Fargo au début des années quatre-vingt, qui a développé et édité un nombre conséquent de jeux cultes, notamment des C-RPG comme Wasteland ou la série des Bard’s Tale. Ray et Greg sont aux anges, ils quittent pour la première fois le Canada afin d’aller rencontrer les patrons d’Interplay en Californie. L’hôtel leur est offert, avec une vue imprenable sur l’océan, et ils sont là pour parler de jeux vidéo avec l’une de leurs idoles. Décidément, ils paraissent de plus en plus convaincus d’avoir fait le bon choix. Hélas, Brian Fargo est en déplacement durant leur première visite, mais ce n’est que partie remise. Ils discutent de leur projet avec l’un de ses collaborateurs et font également connaissance avec Feargus Urquhart, qui apportera un soutien important aux médecins de BioWare.

    Premières extensions

    Travailler à une douzaine de personnes dans un sous-sol ne représente pas une expérience très agréable, et Muzyka, particulièrement grand, se cogne souvent la tête au plafond. D’autres locaux sont investis, un peu plus adaptés, bien que toujours relativement vétustes (Ray et Greg qualifieront plus tard l’endroit de trou à rats, l’installation électrique étant quelque peu douteuse).

    Le nom Shattered Steel est adopté pour le projet : une simulation de mecha similaire à Mech Warrior, la référence du genre. Au cours du développement, trois des cofondateurs vont quitter la société. À commencer par Marcel Zeschuk, qui avait tout simplement d’autres priorités (dans l’agriculture !), puis Brent et Trent Oster, qui fondent leur propre compagnie, Pyrotek Game Studios. Leur aventure personnelle est de courte durée, et Pyrotek dépose le bilan un an plus tard. Trent Oster retourne alors travailler pour BioWare afin de terminer Shattered Steel, mais cette fois en tant que simple employé. Les trois médecins deviennent donc désormais les seuls maîtres à bord, et leur premier jeu est sur le point de sortir.

    Déjà dans les étoiles

    Lorsque l’on parle des anciens titres de BioWare, Shattered Steel est souvent négligé au profit des RPG à succès qui lui succéderont. Pourtant, il pose des bases auxquelles le studio restera toujours attaché. Le scénario proposé se montre plutôt riche et le background doit permettre au joueur de s’immerger plus facilement dans son univers. L’histoire au service de l’action. En septembre 1996, lorsque le public découvre Shattered Steel, le premier contact avec une aventure BioWare s’opère dans l’espace.

    Le jeu s’ouvre sur une scène cinématique montrant la Terre depuis l’orbite. La caméra se déplace alors doucement et laisse apparaître une flotte de croiseurs interstellaires. L’humanité a laissé sa planète d’origine dans un triste état, ce qui a accéléré le développement de l’exploration spatiale et de la colonisation. De gigantesques corporations se livrent des guerres sans merci et se disputent l’exploitation des ressources sur les colonies. Pour protéger leurs intérêts, elles emploient des pilotes d’exception qui livrent bataille à bord de Planet Runners, des machines bipèdes lourdement armées.

    Il ne s’agit pas encore du Normandy, mais le menu principal permet tout de même de naviguer entre plusieurs sections d’un vaisseau (dans des écrans en 3D précalculée) et le joueur fait la connaissance d’une I.A. (plutôt louche) qui lui sert de guide dans la salle de briefing. Celle-ci envoie le joueur en mission afin de collecter des informations sur de mystérieux aliens qui attaquent les colonies. Seriez-vous vraiment surpris en apprenant que la caractéristique principale de ces aliens s’avère d’être à la fois composés de matières organiques et synthétiques ?

    Des intelligences artificielles, des extraterrestres hybrides, de l’action, des ambitions cinématographiques, tout cela préfigure ce que l’on trouvera dans Mass Effect, dix ans plus tard. Shattered Steel creuse le sillon des jeux d’action BioWare. Ce que l’équipe a appris durant le développement sera utilisé ensuite sur MDK 2, qui touche également à la science-fiction et aux aliens, et dont l’équipe se composera du noyau dur qui développera le premier Mass Effect. La collaboration avec Interplay s’est aussi révélée positive, et Feargus Urquhart lui-même s’est chargé des scripts pour les scènes cinématiques, ainsi que du design de certaines armes.

    La presse commence à parler de ces jeunes docteurs devenus créateurs de jeux, et pour promouvoir la sortie du jeu, Greg Zeschuk est invité dans l’émission Computer Chronicles, qui présente les titres PC les plus intéressants de l’année. Il y côtoie Gary Keith d’Eidos Interactive, venu présenter une nouvelle héroïne du nom de Lara Croft, ainsi que Max Schaefer de Blizzard North, sur le point de lancer le phénomène Diablo. À sa sortie, Shattered Steel est bien reçu, on note particulièrement les innovations techniques, comme les déformations du terrain, qui laissent par exemple de grands cratères là où les armes les plus puissantes sont utilisées. Les ventes ne se montrent pas décevantes, mais le planning a été mal pensé, Shattered Steel se retrouve face à une grosse extension de Mech Warrior 2, sous-titrée Mercenaries, qui sort au même moment. Malgré ses qualités, le titre de BioWare ne peut pas vraiment lutter. Une suite est toutefois envisagée, et même annoncée dans le jeu lui-même, lorsque le joueur quitte la partie. Celle-ci ne verra toutefois pas le jour, d’autres projets prenant la priorité.

    Le choix entre deux vies

    Quelque temps avant la sortie de Shattered Steel, le projet suivant était déjà entré en phase de préproduction : un C-RPG dans un univers d’heroic fantasy. Cependant, l’importance de BioWare commence à avoir un très sérieux impact sur la vie personnelle de ses fondateurs. Jongler entre deux métiers aussi intenses se révèle éprouvant, mais la pratique de la médecine reste indispensable, car cela constitue une source certaine de revenus. Les premières années, les docteurs ne touchent pas de salaire avec BioWare. Il est avant tout nécessaire de veiller à ce que tous les employés puissent être payés, et il faut également continuer d’obtenir des financements pour les jeux. Économiquement, ils s’en sortent à peine et doivent constamment compter sur le paiement de la prochaine milestone (des étapes de développement importantes fixées par l’éditeur) pour que la société puisse survivre.

    Leurs familles se montrent de plus en plus inquiètes, pour leur carrière et leur santé. Le jour, ils s’occupent de leurs patients, et le soir, de leur studio. Zeschuk travaille en médecine gériatrique dans des villes modestes, tandis que Muzyka est médecin urgentiste dans des zones faiblement peuplées. Il passe son temps à recoudre des patients et à voir de grands blessés, dont certains qu’il ne peut pas sauver. Il lui arrive de se réveiller en sueur, pensant avoir entendu sonner son pager (bouton d’appel sans fil) lui signalant une urgence à l’hôpital. Sa femme veut qu’il ralentisse la cadence et fasse un choix, une bonne fois pour toutes. Il décide de se consacrer à BioWare, mais continue toutefois d’exercer la médecine en réduisant petit à petit ses engagements. Au début des années deux mille, il n’aura définitivement plus le temps d’exercer. Zeschuk, quant à lui, arrête la médecine dès 1998. Ils le répéteront à plusieurs reprises : « Nous aimons vraiment la médecine... mais nous aimons BioWare encore plus. [...] Notre hobby est devenu notre métier, et notre premier métier un hobby. »

    Ce n’est pas le cas d’Augustine Yip, qui n’a pas autant envie de s’engager dans la société, et dont l’épouse n’aime pas beaucoup Edmonton. Il décide alors de quitter BioWare et de retourner à sa carrière de médecin dans une autre région. Il s’agit d’un moment difficile à gérer pour Ray et Greg, qui perdent un ami et un allié précieux dans la gestion du studio. Le fait d’être six au départ avait quelque chose de rassurant, et ils ne sont plus que deux. La perspective de gérer à eux seuls une société dont le nombre d’employés ne fait que grimper paraît assez intimidante, mais c’est finalement à ce moment-là que BioWare trouve définitivement ses marques et s’engage sur une trajectoire qui verra les succès s’enchaîner les uns après les autres.

    Après la séparation, l’évolution

    Les liens de Ray et Greg se renforcent, ils comptent l’un sur l’autre pour diriger le navire, et avouent volontiers qu’ils n’auraient probablement pas réussi seuls. Leur nouveau projet, lancé avant la sortie de Shattered Steel et mené par une seconde équipe interne, a pour nom provisoire Battleground Infinity. Lorsque le concept est établi, en 1996, Fallout et Diablo ne sont pas encore sortis, et les deux amis jugent que le PC manque cruellement de C-RPG depuis le début des années quatre-vingt-dix. Wizardry, Ultima Underworld, Wasteland et Dungeon Master représentent autant de titres mythiques qui les inspirent, des œuvres qui les ont fait définitivement tomber amoureux du jeu vidéo et de toutes les possibilités qu’il offre. Hélas, lorsque le prototype est présenté à Interplay, il est immédiatement refusé, car il y a déjà trop de jeux en production, et ils ne veulent pas en rajouter dans ce type d’univers.

    C’est encore une fois Feargus Urquhart qui va venir en aide à ses docteurs favoris. Il est désormais à la tête du studio Black Isle, filiale d’Interplay consacrée aux RPG. Le concept de Battleground Infinity l’intéresse particulièrement et il prend la responsabilité de convaincre lui-même ses supérieurs. Selon lui, il existe un marché non négligeable pour ce type de production, mais le prototype manque quelque peu de personnalité. Feargus trouve alors une idée : depuis peu, Interplay possède les droits de la licence Donjons & Dragons, et il propose alors à Ray et Greg de l’apposer à leur projet. En grands fans de D & D, ils sont évidemment fous de joie et acceptent immédiatement. Interplay valide et la production peut alors vraiment commencer.

    Le nombre d’employés continue d’augmenter et une soixantaine de personnes œuvrent désormais sur le projet, la majeure partie n’ayant jamais travaillé professionnellement sur un jeu vidéo auparavant (certains bidouillaient des programmes dans leur coin ou faisaient partie de la scène démo). Les entretiens d’embauche se révèlent plutôt simples, comme l’expliquera plus tard Zeschuk : « Durant les six premiers mois, vous étiez embauché si vous aviez l’air d’être quelqu’un de bien, ou si un ami déjà employé se portait garant. »

    Parmi les meilleures recrues, un certain James Ohlen, qui jusqu’ici travaillait dans un magasin de comic books. Il a participé au développement de Shattered Steel sur la fin, mais il possède surtout la réputation d’être un excellent maître de jeu, ce qui l’aide sans doute à obtenir la place de lead designer sur le grand RPG Donjons & Dragons qui se prépare. Seul bémol pour Ohlen : il doit vendre ses précieuses cartes Magic pour avoir de quoi se payer une voiture et venir travailler. Il se révèle être excellent à ce poste, qu’il occupera pour la plupart des grands jeux BioWare à venir. C’est donc dans une ambiance assez décontractée (voire un peu naïve) que se distinguent certains talents dans la société, à laquelle ils resteront fidèles durant la majeure partie de leur carrière. Entre autres exemples, l’un des artistes est embauché après avoir simplement dessiné sur une serviette de table, se retrouvant plus tard propulsé comme directeur artistique de BioWare Montréal.

    Le développement du jeu avance bien, mais avant de trouver son titre définitif, celui-ci passe par plusieurs phases et s’appelle même Iron Throne pendant un temps (oui, Le Trône de fer ! Une organisation commerciale plutôt malfaisante dans D & D). Du prototype, il reste le mot Infinity qui devient l’appellation du moteur de jeu, et qui servira à Black Isle Studios pour développer d’autres projets liés à la licence D & D (les deux excellents Icewind Dale, ainsi que le cultissime Planescape : Torment). C’est une période d’apprentissage stimulante, mais difficile pour l’équipe, qui doit s’y reprendre à trois fois avant d’établir le design définitif du jeu. L’échelle des éléments visuels, qui n’a pas été définie assez tôt, constitue l’une des difficultés. Des buissons aussi grands que les personnages, et ce sont des centaines d’assets (les éléments graphiques) à retravailler entièrement. L’équipe apprend donc au fur et à mesure, tire les leçons de ses erreurs, et peaufine ainsi le jeu au maximum. Il s’agit d’une méthode de développement assez inhabituelle, qui ne sera plus possible ensuite. Pour ce titre, il n’y a aucune attente particulière, et donc assez peu de pression, en dehors des délais et du budget à respecter. Après ces différentes phases et les hésitations autour du titre à donner au jeu, c’est finalement Feargus, toujours lui, qui propose le nom de Baldur’s Gate.

    Par la grande porte

    Prenant place dans l’univers des Royaumes oubliés (un cadre de campagne de Donjons & Dragons extrêmement populaire), Baldur’s Gate nous fait suivre l’histoire d’un jeune orphelin aux origines mystérieuses, qui se retrouve au cœur d’une conspiration à grande échelle.

    Le système de jeu de ce titre est pour le moins ambitieux, et propose une adaptation presque complète des règles de la seconde édition d’Advanced Dungeons and Dragons (à quelques variations près). Il s’agit donc d’un système riche, complexe et particulièrement flexible. Le joueur est invité à se créer un avatar parmi plusieurs races (les classiques de la fantasy), puis une classe, des sorts, etc. Première surprise toutefois : contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un titre se déroulant dans l’univers de D & D et utilisant ses règles, les combats ne se déroulent pas au tour par tour. Toutes les actions sont déterminées par un jet de dés virtuel, invisible au joueur, mais qui se passe en temps réel. Ce que propose Baldur’s Gate, c’est la possibilité de figer les batailles à tout moment, afin de gérer les actions des personnages du groupe, avant d’enlever la pause pour que le combat se poursuive. Il s’agit d’un système inédit jusqu’alors, qui montre déjà quelque chose d’intéressant : malgré la richesse du gameplay, BioWare souhaite dynamiser l’action. Ce sont pourtant deux choses qui semblaient jusqu’alors antinomiques, mais les développeurs souhaitent prouver que l’on peut proposer de la réflexion tout en permettant d’observer un déroulement rapide. Cette base de réflexion va se développer à travers la plupart des productions du studio, jusqu’à un certain space opera. D’ailleurs, la popularité du titre contribue à mettre BioWare sur le devant de la scène à Edmonton, et de nombreux talents, qui travailleront plus tard sur Mass Effect, répondent aux annonces d’embauche qui sont affichées dans la ville ou qui passent sur les chaînes de télévision locales.

    Difficile de savoir qui sont les plus surpris après la sortie de Baldur’s Gate entre BioWare, Interplay et les joueurs. Le jeu n’a pas bénéficié d’une campagne marketing sidérante, et pourtant les boutiques sont dévalisées, si bien qu’Interplay a du mal à pourvoir à la demande. Les critiques se montrent élogieuses, vantant la richesse du titre, de son univers à son système de jeu, sans oublier son histoire, assez simple mais engageante. On loue la qualité d’écriture, les dialogues à choix multiples, et les relations avec les compagnons, qui évoluent en fonction de leur alignement moral. C’est simple, Baldur’s Gate devient instantanément un classique, de ces jeux qui marquent leur époque. Il apporte le renouveau du genre C-RPG en vue isométrique, aux côtés de Fallout et Diablo. Le succès du jeu, aussi bien critique que commercial, propulse BioWare dans la cour des grands. Deux mois après la sortie, Brian Fargo, patron d’Interplay, appelle Ray et Greg pour les féliciter. Devant le succès aussi mérité

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