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Condamné à vivre: Roman
Condamné à vivre: Roman
Condamné à vivre: Roman
Livre électronique284 pages4 heures

Condamné à vivre: Roman

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À propos de ce livre électronique

L’homme n’était pas forcément menaçant par son apparence, c’était un homme assez fin, au crâne rasé, il ne portait pas de barbe non plus, à bien des égards, il ressemblait au personnage par défaut que vous voyez parfois dans certains jeux vidéo auxquels jouent les jeunes. Il devait mesurer dans les alentours d’un mètre soixante-dix-sept, il était habillé de la même tenue que les autres détenus, à savoir une chemise orange et un jeans bleu.
— Alors, c’est lui Léonardo Cobb ? avais-je lancé, déçu.
— J’ai entendu dire que plus de la moitié de son corps était calciné, y compris ses empreintes digitales qui ont disparu.
— Qui lui a fait ça ?
— C’est ça le pire… Il s’est fait ça lui-même. 


À PROPOS DE L'AUTEUR


Florian Morice charge son encre de ses larmes de sang et se livre tout en faisant ressortir la noirceur qu'il y a en chacun de nous.
LangueFrançais
Date de sortie29 avr. 2022
ISBN9791037752796
Condamné à vivre: Roman

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    Aperçu du livre

    Condamné à vivre - Florian Morice

    Chapitre 1

    Tout cela commença comme souvent par une journée d’été ordinaire, il faisait bon sans être lourd, le ciel était bleu, mais il acceptait que quelques nuages soient présents. C’était le parfait équilibre, les rues étaient colorées et les gens remplissaient les parcs, vous avez sûrement vécu une de ces journées qui lance l’arrivée de l’été, le vrai été, celui qui vous met de bonne humeur dès que vous posez un pied hors du lit et que vous apercevez les rayons d’une telle journée.

    Cependant les journaux qui peuplaient les trottoirs et les mains des passants étaient là pour nous rappeler que ce n’était pas une simple journée ensoleillée où il faisait bon vivre. C’était aussi le jour ou Leonardo Cobb allait enfin arriver dans l’endroit où il finirait ses jours après avoir passé des années dans un asile dans lequel il était relativement privilégié, certains bons croyants avaient sûrement vu dans cette magnifique journée coïncidant avec la fin d’un des pires tueurs de ce siècle une preuve de l’existence de Dieu mais pour moi qui étais assis dans mon bureau, enfermé dans la même prison que les pires criminels du pays, ces rayons ne faisaient que me rappeler que mon rayon de soleil, je l’avais perdu et que peu importe à quel point le soleil pouvait être chaleureux et lumineux, il ne pouvait pas remplacer le soleil qui était conçu spécialement pour éclairer ma vie, je n’étais plus qu’un homme courant derrière son passé sans arrêt et qui à chaque fois était ramené brutalement vers le présent. Ma femme m’avait quitté depuis dix ans déjà, morte de ce qu’on appelle une « raison naturelle », comme si ce terme était là pour nous rappeler que nous ne sommes sur terre que pour mourir à la fin. Même aujourd’hui, plus de trente ans après, je me souviens toujours de la souffrance à sa plus haute intensité, la sensation que l’être aimé est arraché du fond de notre être pour être tiré vers le ciel tandis que nous n’arrivons pas à lever les pieds du sol, alourdi par la peine et les regrets, et même si nous survivons généralement à cet arrachement, il nous laisse avec la chaire à découvert, cette chaire qui nous brûle au moindre souffle de vent, qui nous rappelle une musique partagée et au moindre toucher qui nous rappelle une attention inoubliable.

    La police avait fini par accepter d’enquêter à la suite de mes demandes incessantes. Ils avaient enquêté pendant plusieurs semaines d’après leur dirent, pour s’assurer que le meurtre de ma femme était bien l’œuvre de Dieu et non d’un simple mortel.

    Et vous savez quoi ? J’espérais apprendre que ma femme n’avait pas été tuée par Dieu, mais plutôt par un criminel dégénéré. Cela aurait été plus simple, j’aurais eu une raison de continuer à vivre, j’aurais eu un objectif à atteindre, je l’aurais trouvé, j’aurais découvert son rayon de soleil et je le lui aurais ôté pour ressentir ne serait-ce qu’un sentiment de soulagement.

    Mais l’enquête ne mena nulle part, ma femme était morte sans la moindre raison, c’était ça que je me disais. Je sais ce qu’on dit que Dieu fait comme nous et cueille les fleurs les plus belles en premier mais j’espérais justement qu’il n’était pas comme nous, le jour où ma femme fut prise de mes bras, j’avais juré d’abandonner Dieu, généralement les gens disent que vous êtes simplement devenus « athées » mais en ce qui me concernait moi, je me foutais complètement de savoir si Dieu existait ou non, je refusais de suivre un dieu qui nous offre la vie que pour pouvoir nous prendre tout ce que l’on apprend à aimer et qui nous demande ensuite de le vénérer pour avoir une chance de connaître le paradis. J’en étais même venu à vouloir faire souffrir Dieu, en prenant des vies à sa place, en choisissant qui allait mourir tel ou tel jour comme il semblait aimer le faire. Lui voler son plus grand plaisir était devenu un rêve… Mais ça n’allait pas rester qu’un rêve bien longtemps.

    J’ai vu tellement de choses dans cette prison, j’ai vu tellement d’horreur que plus le temps passait, moins je croyais en l’existence d’un dieu. Vous allez probablement penser que je suis quelqu’un d’étrange, mais cette idée m’horrifiait, je voulais que Dieu existe, je le voulais plus que tout mais pas pour moi, je le voulais pour elle, car autrement ça voulait dire que le seul endroit où se trouvait ma femme c’était dans ce cercueil, accueillit seulement par les vers. Pour moi il était déjà trop tard, en tout cas c’est ce que je pensais à l’époque, j’avais fait tant de choses que je n’avais même plus en tête l’idée d’un jour pouvoir aller dans le même endroit qu’elle.

    Voilà pourquoi à mes yeux Leonardo Cobb n’avait rien de spécial, il n’était qu’un animal de plus qu’on envoyait dans mon abattoir, car oui c’était le mien, comme je vous l’ai dit je n’étais pas un simple gardien, j’étais celui qu’on appelait « l’exécuteur » l’homme qui tuait sans toucher, l’homme qui salissait son âme mais pas ses mains. Je donnais tous les ordres ici, dans ce bureau au papier peint rappelant les années 70, fait de couleurs vives et des figures. C’était mon univers ce bureau et pourtant il n’était pas si vaste, son sol était recouvert d’un tapis gigantesque s’étalant sur toute la pièce et qui ressemblait à une rosace, le mobilier lui n’était pas excessif, j’avais ce canapé à droite de la porte d’entrée, il était en cuir noir et avait une petite table basse devant au cas j’avais besoin d’écrire et que j’étais trop flemmard pour me lever. Ensuite… Ah oui il y avait cette pendule, le genre à faire tic tac, un son agaçant que j’avais fini par ne même plus entendre, j’avais aussi un grand bureau, un vieux buffet, quelques étagères à bouquins composées de livres que je n’avais jamais rendus au bibliothécaire d’à côté et une petite télé que j’allumais uniquement pour tuer le silence. Voilà ce qui représentait toute l’étendue de mon univers ou plutôt de ma prison que j’avais presque volontairement coloriée pour créer une distinction entre la mienne et celle des autres. Je ne quittais cette pièce que très rarement, seulement pour aller à la bibliothèque avec laquelle j’avais une porte en commun, tout le reste, je l’avais à disposition dans ce bureau et ces deux autres portes qui menaient à mes toilettes personnelles et à ma chambre. Les boutons qui se trouvaient à côté de mon bureau me permettaient de communiquer avec n’importe qui dans la prison et les écrans au-dessus me donnaient des yeux sur toutes les pièces de cette prison à l’exception des cellules, ce qui n’était pas plus mal, croyez-moi personne ne voulait voir ce que faisaient les détenus dans leurs cellules. Je voyais donc tout et pourtant personne ne me voyait, j’étais comme les fantômes de ceux qu’on avait tués ici et qui n’avaient même pas eu la délivrance d’être acceptés en enfer.

    « Le Terminus », c’était ainsi que certains appelaient cet endroit même si officiellement, il était nommé B1, un nom qui pour le coup faisait très officiel. Autrement, lorsqu’un criminel allait être transféré dans notre prison, on se contentait de lui dire qu’il allait être transféré « là-bas » ce qui suffisait à lui faire réaliser le destin qui l’attendait. Tout le monde savait où se trouvait « là-bas » mais personne ne voulait y aller. Bon nombre de criminels endurcis avaient préféré trouver un semblant de délivrance dans le suicide avant que leurs transferts n’aient lieu. Pour beaucoup, l’enfer était un endroit plus supportable que cet endroit, après tout même le diable ne nous égale pas nous les hommes dans la souffrance que nous savons infligée à nos semblables. L’enfer que nous avions construit ici était éphémère, mais croyez-moi qu’il préparait ceux qui passaient ici à supporter leur vie prochaine en enfer.

    Avant de vous raconter ma rencontre avec Cobb et l’histoire que nous avons partagée tous les deux il est nécessaire que vous compreniez quel genre de prison était « Là-bas » et pour comprendre comment un tel endroit a pu voir le jour il est nécessaire de faire un retour en arrière et plus précisément en 2021. Cette année-là, une crise sans précédent a secoué le monde, certains en parlaient depuis longtemps mais je pense qu’au fond personne n’y croyait. Nous vivions une époque à la fois de débilité que les gens appelaient « le progrès » et de stabilité, il est vrai qu’il y avait quelques guerres, mais elles nous paraissaient tellement lointaines, même moi je dois reconnaître que cette époque n’était pas si terrible et à bien des égards, c’était une époque merveilleuse comparée à celle qu’expérimente le monde aujourd’hui. Bien que je n’étais déjà plus que l’ombre de moi-même aux prémices de cette catastrophe, j’essayais tant bien que mal de garder la tête hors de l’eau, j’avais ma sœur qui m’aidait à y arriver et puis l’enfer se déchaîna sur nous, comme pour nous punir pour toute cette débauche autour de laquelle nous avions basé nos sociétés, les immeubles gigantesques qui grattaient bien plus l’enfer que le ciel, le divertissement qui ne divertissait que le diable en personne, les guerres, la misère que nous infligions aux autres quelque part pour pouvoir vivre dans l’abondance ici, tout ça il semblait qu’il était temps que nous le payions. Bien sûr, ce n’était pas vraiment l’œuvre d’un dieu, ce n’était que le prix que les pauvres gens devaient payer à cause des erreurs des riches (s’il s’agissait réellement d’erreurs). Les années qui avaient précédé la crise, la terreur nous avait déjà montré quelques-unes de ses dents, le pétrole commençait à manquer, les politiciens avaient fait couler le sang partout au Moyen-Orient pendant des années dans le seul but de faire couler le pétrole en Occident mais l’or noir commençait maintenant à manquer et nous ici on s’était tellement habitués à voir son abondance couler qu’on ne pouvait pas accepter de sentir son océan s’assécher.

    Au même moment la misère accueillait chaque année de plus en plus de nouveaux locataires, les vieux n’avaient plus rien, les plus jeunes n’avaient rien et ceux qui se trouvaient entre les deux n’étaient plus rien c’est ainsi que la crise finit par éclater, pratiquement personne ne fut épargné, seule une poignée de pays ne sombrèrent pas dans l’anarchie criminelle, l’Australie par exemple en faisait partie. Autant je donnerais tout pour récupérer certains souvenirs, autant je donnerais encore plus pour en oublier certains, comme le souvenir de tous ces gens qui rampaient et traînaient sur les trottoirs, des enfants, des femmes et de vieilles personnes, avec plus rien, même leur dignité leur avait été ôtée. Évidemment partout où la misère apparaît le crime apparaît lui aussi, cambriolages, braquages, vols, viols, meurtres, toutes ces choses qui se faisaient autrefois dans l’ombre se faisaient dorénavant en pleine lumière, d’une certaine façon, l’humanité s’était écroulée avec nos sociétés, ma sœur fut tuée simplement car elle avait eu le malheur de tenir un sac qui ressemblait à un sac de nourriture mais qui en réalité n’était qu’un sac de médicaments.

    Mon beau-frère ne me pardonna jamais sa mort, il considérait que même si je n’étais pas directement responsable, je l’étais indirectement pour ne pas avoir réussi à faire mon deuil, car c’étaient mes médicaments qui se trouvaient dans ce sac. En réalité moi-même, je ne me le suis jamais pardonné, j’ai d’ailleurs essayé d’en finir ce jour-là, comme beaucoup, j’en suis sûr. J’en avais assez de ce monde dans lequel le seul but semblait être de survivre à l’enfer.

    Mais bon si je suis toujours là aujourd’hui, c’est que je n’y suis pas parvenu. La crise économique dura à peu près un an et demi, elle fut courte mais intense, en revanche la crise sociétale elle dura bien plus longtemps, même lorsque pratiquement tout le monde pouvait de nouveau profiter de la protection d’un toit et de la chaleur d’un repas en famille, le crime continua de se déchaîner, il avait fallu plusieurs siècles pour que l’homme devienne civilisé, de toute évidence il fallait bien plus que quelques mois pour qu’il le redevienne. C’est à ce moment-là que j’ai décidé d’écrire un livre, j’en ressentais le besoin, le besoin d’être écouté, mais aussi et surtout, le besoin de critiquer et de me défouler. Je n’avais aucune ambition à ce moment-là, comme je l’ai dit ce n’était qu’un défouloir sous la forme d’un roman. J’étais énervé de voir le budget colossal qui était accordé aux prisons dans lesquelles les détenus avaient pratiquement tout ce qu’ils voulaient sous prétexte qu’ils restaient humains, comme si les personnes crevant dans la rue elles ne l’étaient pas. J’ai donc imaginé une prison dans laquelle tout serait précisément choisi, les repas seraient réduits au strict nécessaire pour le corps humain, les cellules seraient juste assez grandes pour que leurs locataires puissent s’allonger et les contacts humains qu’auraient les détenus se limiteraient aux politesses qu’ils pourraient échanger avec les gardiens le temps qu’ils leur servent leurs repas. Une prison sans droit de l’homme, une prison dans laquelle on ne chercherait pas à tout prix à maintenir en vie ceux qui ont pris la vie d’autrui, une prison dans laquelle on laisserait Dieu choisir leurs destins.

    À ma grande surprise, ce livre fut un succès, le genre de succès qui vous propulse même devant les projecteurs que j’ai tant bien que mal essayé de fuir. Je pense que ça avait à voir avec le moment où il fut publié, le pays sortait à peine de la crise économique comme je l’ai déjà dit, mais le crime était devenu le centre de nos vies et de toutes les discussions.

    Si rien n’était fait, la France était condamnée à tomber dans l’anarchie ou plutôt retomber dedans. 5 mois après la publication de mon bouquin, le pays connaissait la troisième déferlante de crimes, la France était passée du pays de la civilisation au pays de la barbarie. Mais là où la situation était la plus alarmante c’était en ce qui concernait les prisons, il fallait toujours en construire des nouvelles pour enfermer les criminels qui arrivaient sans interruption dans des prisons surchargées depuis des mois. Après avoir songé à punir le crime de manière immédiate avec des balles, le gouvernement s’est ressaisi et a heureusement compris que cela n’aurait fait que mener à une révolution.

    J’imagine qu’à ce moment-là, un exemplaire de mon livre traînait sur le bureau d’un des ministres puisque les idées exagérées et romanesques de mon livre étaient dorénavant sur un papier officiel, tamponner par le président en personne, à vrai dire quelques jours après cette déclaration officielle, je reçus un appel, à l’autre bout du téléphone se trouvait une voix douce et sensuelle, le genre de voix que vous entendez à la radio ce qui m’a conforté dans mon impression de subir soit une arnaque soit un canular. Elle m’avait dit que le ministre de l’Intérieur souhaitait me rencontrer pour déjeuner et parler de mon bouquin, à ce moment-là je n’avais plus aucun doute qu’il s’agissait d’un canular et pourtant deux jours après je recevais un courrier officiel, une invitation à un repas avec Éric Layai, le ministre de l’Intérieur de l’époque. On avait déjeuné dans ce magnifique restaurant dont les murs étaient encore plus dorés que l’or, il me semble que c’était à proximité de la rue Montaigne. Pour faire simple, le gouvernement voulait changer complètement le système carcéral du pays et ils avaient raison de le vouloir ! Jusque-là je n’étais pas étonné, puis il me parla d’une voix plus basse pour me dire que le gouvernement souhaitait que je préside un projet de construction qui concernait un tout nouveau type de prison, basée sur mes écrits. L’objectif était de diminuer les coûts que représentaient les prisonniers actuels et décourager ceux qui pourraient se laisser tenter par la voie du crime.

    Et voilà comment est née « Là-bas » ! Une prison faite de couleurs froides, sans fenêtres, une prison dans laquelle toutes les pièces et tous les couloirs se ressemblaient, des cellules tellement petites qu’elles donnaient l’impression aux détenus que les murs se rapprochaient constamment pour les écraser. Pas de lumière du jour, pas de promenade et des rations alimentaires qui étaient à peine suffisantes pour maintenir en vie un Somalien ayant vécu une trentaine d’années avec quelques grains de riz pour repas.

    Inutile de vous dire que lorsqu’on décidait d’envoyer un homme chez nous, c’était qu’on ne voulait plus jamais entendre parler de ce dernier. Et alors, comme si ce n’était pas suffisant, le gouvernement décida d’accorder la peine de mort à cette prison, depuis ce jour elle accueille les pires monstres du pays, ceux dont on a cessé d’espérer la rédemption et dont on souhaite dorénavant juste la disparition. Mais attention, les détenus ne passaient pas des années ici avant d’être exécutés, oh que non, si un détenu avait réussi à survivre au traitement de cet endroit (et croyez-moi ce n’était pas souvent le cas) il passait très rapidement sur la chaise, à vrai dire à partir du moment où vous arriviez au terminus, il vous restait au mieux une année à passer sur terre.

    Enfin, tout ce que je vous dis là, les nouveaux arrivants ne le vivaient pas à leur arrivée, à vrai dire c’était même tout le contraire. Lors des deux premiers jours les détenus avaient l’impression d’être arrivés au paradis pour tolard, ils se disaient probablement que les rumeurs sur B1 étaient finalement infondées et que leurs avenirs allaient être radieux. Ils avaient des meubles, des livres, des jeux de cartes, une douche et un bon repas, bref tout pour les rendre dociles et surtout tout pour rassurer les inspecteurs qui passaient pour s’assurer que les droits de l’homme étaient un minimum respectés.

    Cependant, la semaine d’après, les détenus se réveillaient et se retrouvaient avec un sceau qui leur servait pour se doucher et pour faire leurs besoins, un lit et un de ces fameux vieux téléphones rouges qui pouvait seulement recevoir mes appels, tout le reste leur avait été retiré. C’était à partir de là qu’ils commençaient à perdre leurs belles assurances mais ils conserveraient les apparences le plus possible, ils se disaient probablement qu’ils finiraient par s’y habituer avec un peu de temps mais la deuxième semaine, les rations journalières diminuaient légèrement mais suffisamment pour briser les plus faibles, mais ça, vous vous en rendrez compte plus tard dans l’histoire.

    Il était prévu que cette prison ne soit que la première d’une longue série, mais finalement le crime commença à diminuer et la crise à s’estomper, le gouvernement ne voulant plus créer de nouvelles polémiques, le projet fut abandonné, cette prison est tout ce qu’il en reste.

    Bien sûr, aujourd’hui les choses se sont calmées, il faut dire que les gens sont comme des grenouilles qu’on met dans des marmites, si vous mettez la grenouille dans de l’eau brûlante elle sautera pour s’en extraire, mais si vous la mettez dans de l’eau tiède et que vous augmentez progressivement la température elle restera jusqu’au dîner.

    Ah oui, j’allais oublier de vous dire comment j’étais devenu « l’exécuteur », la raison est simple, dans le plan que nous avions conçu il était nécessaire qu’un homme se charge de donner les ordres et cet homme devait obligatoirement le faire sans la moindre émotion, alors évidemment le mieux était que lui aussi se retrouve enfermé dans une cellule personnalisée, il s’avère que j’étais le seul homme assez fou et désespéré pour voir cela comme le paradis.

    Grégory était l’un des seuls à avoir le droit d’entrer dans mon bureau, enfin, il s’appelait Grégory, mais il demandait à tout le monde de l’appeler Greg, car ça faisait plus classe il disait. Greg était mes jambes et mes bras, c’est lui qui faisait respecter mes ordres, c’était aussi mon seul ami ici, on travaillait depuis plus de six ans ensemble. C’était un grand gaillard qui mesurait 1 mètre 95, et qui autrefois était un homme de main d’un puissant mafieux corse. Comme beaucoup, à cause de la surpopulation carcérale, il avait eu le choix entre se retrouver dans une de nos cellules ou dans l’un de nos bureaux et il a choisi la deuxième option, B1 n’aurait jamais pu fonctionner aussi bien sans lui, par son vécu il savait comment pensaient les criminels, il savait comment gérer les drogués, les voyous et même les grands chefs. Il était aussi devenu le parfait chrétien, il était marié à une magnifique femme avec laquelle il avait eu deux enfants, il vivait dans une maison atypique, lorsque vous passiez dans sa rue vous tombiez uniquement sur des maisons bleues, jaunes, vertes, celle de Greg, ironiquement, était rose et son intérieur faisait penser aux maisons des années 60.

    Je me souviens que chaque été il prenait un mois de vacances, il allait faire du camping avec sa petite famille et

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