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Pascasius ou comment comprendre les addictions: suivi du Traité sur le jeu
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Livre électronique195 pages2 heures

Pascasius ou comment comprendre les addictions: suivi du Traité sur le jeu

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À propos de ce livre électronique

Homme de la Renaissance, Pascasius décrit, en médecin et en philosophe, la passion qui anime le joueur pathologique, la perte de liberté dont il souffre et les raisons pour lesquelles il s’enferre dans la dépendance, tout en accompagnant son analyse de remèdes libératoires. Sa conception de la trajectoire addictive est proche de notre sensibilité contemporaine, tant dans son raisonnement que dans ses applications cliniques. La découverte de son texte permet ainsi de confirmer que les jeux d’argent et de hasard sont une des sources les plus anciennes de ce que nous appelons aujourd’hui « dépendance ».Traduire et publier un texte médical datant de 1561 et rédigé en latin semblera peut-être étrange à certains, mais l’attrait de ce texte paraîtra toutefois évident à tous les lecteurs intéressés, à quelque chef que ce soit, par le phénomène des conduites de dépendance. On peut même aller jusqu’à affirmer que le traité Du jeu de Pascasius marque le nouvel acte de naissance desmaladies addictives.
LangueFrançais
Date de sortie20 janv. 2014
ISBN9782760633452
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    Aperçu du livre

    Pascasius ou comment comprendre les addictions - Louise Nadeau

    REMERCIEMENTS

    Au seuil de cet ouvrage, et avant de tourner la première page de ce Traité sur le jeu, il nous faut remercier chaleureusement tous ceux qui en ont rendu possible la publication et qui n’ont ménagé ni leur aide, ni leur soutien intellectuel, matériel ou amical.

    Tout d’abord, nous remercions les organisateurs du colloque «Jeux de princes, jeux de vilains», qui s’est tenu le 28 avril 2009 à la Bibliothèque nationale de France, et particulièrement Thierry Depaulis, qui, s’appuyant sur le travail de Toon Van Houdt, nous a mis sur la trace du texte de Pascasius. Dans le milieu des spécialistes des addictions ou du jeu excessif, bien peu d’auteurs semblaient jusqu’alors avoir eu connaissance de ce traité, même si Mikal Aasved (2003), par exemple, le cite dans son travail. Il nous faut également remercier Karine Bélanger, documentaliste du Centre québécois de la documentation en toxicomanie, et Aurélie Wellenstein, documentaliste à l’Hôpital Marmottan, qui ont su retrouver cet ouvrage oublié et monter l’équipe capable de lui redonner vie. Merci aussi pour leurs avis, leurs conseils et leurs encouragements aux professeurs Jacques Postel, Arthur Silver, Harold Kalant, à Madame Nicole Delattre, aux docteurs Jean Dugarin et François Bing, ainsi qu’au directeur des éditions Solivagus (Allemagne), le Docteur Stefan Eick, qui nous a permis d’avoir accès à l’édition commentée réalisée par Suzan Türkis Kronegger-Roth et qui doit bientôt paraître. Nos remerciements vont également à la fondation québécoise Mise sur toi et à son président Hubert Sacy, qui ont eu foi dans ce projet et qui l’ont soutenu depuis sa conception et jusqu’à son élaboration finale, malgré la lenteur d’un travail qui exige temps, réflexion et dialogue.

    Nos remerciements s’adressent aussi à nos collègues et amis, qui nous ont aidés dans le travail de compréhension, de mise en perspective et de traduction de ce texte à la langue souvent difficile et parfois même décourageante, et en tout premier lieu, pour la traduction et la révision de nombreux passages et pour son soutien sans faille, à Cathy Darmstädter (Maroc). Nous voudrions également remercier, pour leur aide et leur collaboration fidèles, Hélène Cazes (Victoria) et Adrienne Hamy (Paris), pour la relecture de l’ensemble du texte traduit, Paul-Augustin De Proost (Louvain-la-Neuve), pour l’histoire du jeu au XVIe siècle, Boris Solinsky (Paris) et Véronique Olivier (Montréal), sans oublier Antoine Pietrobelli (Reims), spécialiste du corpus médical grec, pour son aide dans la compréhension de certains passages plus techniques.

    Enfin, nous voudrions exprimer notre gratitude à Antoine Del Busso et à toute l’équipe des Presses de l’Université de Montréal pour leur enthousiasme et leur diligence dans la publication de ce texte humaniste qu’ils ont servi par les ressources les plus contemporaines des technologies d’édition, à la fois sous forme de livre (version abrégée) et en ligne, dans une édition hypertexte (version intégrale).

    PRÉFACE

    Une œuvre résolument contemporaine

    Lorsque Louise Nadeau m’a demandé si la fondation Mise sur toi accepterait de subventionner la traduction du latin au français de l’œuvre de Juste Pâquier Turcq, De Alea, la première question qui m’est venue à l’esprit a été : «Mais quelle peut bien être, aujourd’hui, l’utilité d’un livre publié en 1561 ?»

    C’est bien parce que le conseil d’administration de notre organisme a vu tout le potentiel de compréhension des phénomènes du jeu et de découvertes d’éléments de prévention que permettrait cette belle aventure qu’il n’a pas hésité à lui donner son accord.

    Nous nous sommes tous souvenus de la querelle des Anciens et des Modernes, les uns plaidant le fait que tout avait déjà été dit et les autres que tout était encore à découvrir. Et si, avons-nous pensé, déjà au XVIe siècle, on avait fait des observations pertinentes, utiles quatre cents ans plus tard à la compréhension de la réalité d’aujourd’hui ? Et si, en ce domaine comme en tant d’autres, in medio stat virtus, les nuances avaient leur place et nul ne pouvait s’attribuer la possession de la vérité, laquelle se situe le plus souvent entre les extrêmes ?

    La décision de financer la traduction de cet ouvrage n’avait pas pour objectif de garnir les rayons des bibliothèques universitaires. Elle a été prise pour que, de toutes les langues vivantes, cette œuvre soit accessible d’abord en français. Elle sera ainsi à la disposition de personnes et d’organismes qui, par la recherche ou sur le terrain, informent nos concitoyens sur le jeu et aident à les outiller afin qu’ils prennent, dans ce domaine, les décisions les plus éclairées qui soient, pour qu’au-delà du temps et de l’espace le jeu puisse rester un jeu.

    HUBERT SACY

    Président du conseil d’administration

    Mise sur toi

    Pour une histoire des addictions

    Marc Valleur et Louise Nadeau

    L’histoire de la science n’est-elle que le musée des erreurs de la raison humaine, si le vrai, fin de la recherche scientifique, est soustrait au devenir ? En ce cas, pour le savant, l’histoire des sciences ne vaudrait pas une heure de peine, car, de ce point de vue, l’histoire des sciences c’est de l’histoire mais non de la science. Sur cette voie on peut aller jusqu’à dire que l’histoire des sciences est davantage une curiosité philosophique qu’un excitant de l’esprit scientifique.

    Une telle attitude suppose une condition dogmatique de la science et, si l’on ose dire, une conception dogmatique de la critique scientifique, une conception des «progrès de l’esprit humain» qui est celle de l’Aufklärung, de Condorcet et de Comte. Ce qui plane sur cette conception, c’est le mirage d’un «état définitif» du savoir[1].

    Traduire et publier, de nos jours, un texte médical rédigé en latin médiéval, dont la première édition remonte à 1561 et dont la langue n’est pas destinée au grand public, peut paraître étrange. L’intérêt principal en est toutefois évident pour tous les spécialistes de l’alcoolisme, des toxicomanies et de l’ensemble des conduites addictives : ce texte constitue, en quelque sorte, un nouvel acte de naissance de la maladie addictive.

    L’histoire des addictions serait, à elle seule, susceptible de constituer une discipline à part entière, mais celle-ci devrait comporter des angles d’approche très différents. Ils seraient de trois ordres. Le premier présenterait l’histoire des produits ou des conduites donnant lieu à l’addiction, qui est une histoire aussi ancienne que celle de l’humanité et qui est abordée ici très brièvement. Le deuxième, sujet énorme à peine effleuré dans cette présentation, s’attacherait à l’histoire des régulations, prescriptions, interdits ou «légalisations» qui, d’une façon différente, concerne tous ces champs de l’addiction. Enfin, le troisième — objet central de cet ouvrage — s’attarderait à l’histoire de l’appropriation, par le champ médical, de toutes ces régulations.

    L’histoire des produits ou des conduites donnant lieu à l’addiction

    L’addiction pourrait se définir comme le fait de ne pas pouvoir se passer de quelque chose — une habitude, un produit, une relation avec un objet ou une personne — sous peine de vivre les souffrances liées à la privation. La dépendance pathologique est la constatation autorévélée par le sujet d’avoir perdu la liberté de s’abstenir d’une conduite addictive, conduite que le sujet lui-même réprouve souvent[2]. Depuis Jellinek[3] et, bien avant lui, dans les écrits sur l’ivrognerie de Rush[4], la notion de «perte de contrôle» est au centre des descriptions cliniques de toutes les conduites addictives. En Angleterre, Griffith Edwards évoquait la souffrance de ses patients alcooliques «qui se sentaient aux prises avec quelque chose d’étranger, de non voulu et qui, pour les patients très dépendants, était difficile à communiquer[5]». En France, au même moment, Pierre Fouquet affirmait que l’alcoolisme était la perte de liberté de pouvoir s’abstenir de consommer de l’alcool. C’est ce que les Alcooliques anonymes appellent avoir perdu la maîtrise de sa vie.

    Le plus souvent, ce rapport addictif s’accompagne de problèmes psychosociaux associés au fait de ne pouvoir se passer de la conduite addictive. Ces problèmes peuvent être le temps consacré à la conduite addictive au détriment des autres obligations et devoirs du sujet, des problèmes significatifs au travail, avec les proches et le réseau social élargi à cause de l’addiction, le maintien de l’activité en dépit de la prise de conscience du sujet que les problèmes qu’il rencontre sont liés à son addiction, telles les dettes chez les joueurs. Ces deux volets constituent la définition habituelle de la dépendance, que ce soit la consommation d’alcool ou de drogues, l’obsession mentale liée à la nourriture, aux achats compulsifs, au sexe ou aux jeux de hasard et d’argent.

    Parmi les grands champs d’addiction, la nourriture et la sexualité sont évidemment plus anciennes que l’humanité. Selon certains ethnobotanistes, il n’y a guère de cultures sans drogues : Peter Furst et Gordon Wasson[6] pensent par exemple que, du soma des Aryens aux champignons hallucinogènes des chamans, les drogues ont pu être le premier moyen d’une «extase», d’une sortie de soi, et seraient à la source des premiers sentiments religieux. Philippe de Félice, dès 1936[7], rappelle également que des hallucinogènes des chamans au vin des chrétiens (qui constituerait un rappel symbolique de ces «ivresses divines»), en passant par les bacchanales grecques et la bière des Celtes, les religions les plus anciennes ont eu recours à ces modes «d’extase», de sortie de soi-même.

    Le jeu, lui aussi, existe depuis la nuit des temps, et cela concerne aussi bien le jeu d’argent et de hasard, le gambling des Anglo-Saxons, que les autres formes de jeu. Les archéologues ont retrouvé des osselets, os du carpe de mouton, chez les Suméro-Babyloniens, donc parmi les toutes premières civilisations. Les origines du jeu ont donné lieu à nombre de légendes et de mythes, l’un des plus célèbres étant celui raconté par Platon dans le Phèdre : le dieu oiseau Thot propose au roi des dieux, le pharaon Amon, nombre de pharmaka (le pluriel de pharmakon) à l’usage des pauvres humains. Parmi ceux-ci, l’arithmétique, l’écriture, que Platon (et Amon) critique fortement, car elle risque d’entraîner une hypomnésis, une mauvaise mémoire, mais aussi le jeu, plus précisément le tric-trac et les dés[8]… Ces origines mythiques ne font que montrer l’omniprésence du jeu dans toutes les cultures[9].

    La perspective évolutionniste

    Le jeu, dans ce tableau, occupe une place un peu à part. Longtemps considéré comme une activité futile, de peu d’intérêt, voire comme un divertissement inutile (lire Pascal), il est devenu une activité digne d’intérêt, d’abord pour les philosophes[10]. Le jeu d’argent et de hasard, parmi l’ensemble des jeux, est cependant toujours à part : selon R. Caillois[11], par exemple, il lui manque les caractères de séparation totale avec la vie quotidienne (jouer de l’argent a des conséquences réelles sur le reste de l’existence), et le caractère «gratuit», libre… Il nous apparaît cependant évident qu’il occupe une fonction essentielle dans la civilisation, dans les différentes cultures, notamment en permettant aux hommes d’expérimenter une forme de prise de risque. En effet, outre le sens religieux, spirituel, qui est inséparable de la notion d’addiction et qui en a construit le sens dans nos cultures, la prise de risque possède une fonction déterminante dans l’évolution des espèces et on peut penser que cette fonction n’est pas sans liens avec les origines des jeux de hasard et d’argent.

    Dans la perspective évolutionniste, qui inscrit les jeux de hasard et d’argent dans le temps génétique, les conduites de risque ont assuré la survivance de plusieurs espèces. Un exemple en serait donné par les mammifères qui ont des structures hiérarchiques. Pour assurer la survivance de leurs petits chez les femelles, pour gagner et maintenir leur dominance chez les mâles, il faut lutter, se battre, jouer de ruse, et prendre des risques. Les jeux des petits chez ces espèces — chez les ours, les grands félins, les singes, les cervidés — sont souvent des chamailles qui simulent des combats, et ils sont une préparation aux vrais combats qu’ils vont livrer à l’âge adulte. Lorsque Jane Goodall[12] a publié sa description des hiérarchies chez les chimpanzés, elle a décrit en détail les comportements qui maintiennent les mâles alpha au sommet, leurs ruses, la démonstration répétée de leur force, les prises de risque nécessaires pour garder leur accès aux femelles. Elle a fait également état des prises de risque répétées des mâles beta et gamma qui lancent à répétition, au risque de leur vie, des défis au mâle alpha. Elle raconte enfin la chute du mâle dominant lorsque, finalement, un plus jeune mâle, celui-là même qui aura eu la conduite de risque gagnante, met le dominant en échec et prend sa place. C’est le lion devenu vieux des Fables de La Fontaine[13] ou la fin tragique du chat Duplessis, dans un roman de Michel Tremblay, qui perd son dernier combat et, déchu, se cache pour mourir[14]. Cependant, avant que la défaite ultime du mâle alpha ne survienne, il y aura eu des jeunes mâles blessés au combat, parfois même mortellement.

    Cette aptitude génétique à la prise de risque ne se distribue pas de manière égale dans les populations, ni chez les animaux ni chez l’homme. Mais le désir de s’engager dans une situation où les chances de gagner sont minces, de défier les Goliaths qui apparaissent invincibles, est bien présent chez les chats, les lions et les chimpanzés par exemple, mais aussi chez bon nombre d’humains : prises de risque au volant, relations sexuelles non protégées, sports extrêmes, actes héroïques des soldats connus et inconnus et risques dans nombre de comportements dans la vie de tous les jours témoignent du désir du risque chez l’être humain. Comme le rappelle Pascasius, Hippocrate et Galien ont tous deux proposé des solutions à ces différences qu’ils constataient dans la personnalité de leurs concitoyens, présentant pour résoudre l’énigme de ces conduites différentielles un modèle génétique des tempéraments, encore valide aujourd’hui : certains, les sanguins, étaient plus susceptibles de prendre des risques, les impulsifs dirions-nous aujourd’hui. Aristote même s’est prononcé à ce sujet. «C’est ainsi qu’Aristote garantit que cet optimisme se fixe en nous par une trop grande chaleur naturelle, qui, comme le vin, enflamme les hommes, les excite et transporte leurs esprits» (voir ici)[15].

    On peut faire l’hypothèse que ces prises de risque, presque instinctives, souvent létales, ont forcément été l’objet de contrôles afin d’assurer un certain ordre social. On a peut-être voulu protéger les plus vulnérables contre eux-mêmes, mais aussi protéger leurs victimes. Les idées de bien commun trouvent leur origine dans les plus vieux textes de philosophes, et Pascasius prend plusieurs pages pour nous convaincre de leur pertinence et de leur actualité.

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