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Cessez de cacher l'artiste en vous !
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Cessez de cacher l'artiste en vous !
Livre électronique290 pages3 heures

Cessez de cacher l'artiste en vous !

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À propos de ce livre électronique

«Par mon expérience, et à l’aide d’exemples d’autres artistes et créateurs complexés d’infériorité, je démontrerai comment l’individu qui se juge, se compare et s’isole – en se cachant derrière un personnage fictif et en ne se montrant pas tel qu’il est –, s’entretient petit à petit dans un manque d’estime de lui-même, qui le confinera dans son infériorité. »
Se penchant sur le sort de l’artiste freiné par un complexe d’infériorité, cet essai tend à démontrer, à travers l’analyse des causes et des conséquences de cet état, la capacité de l’artiste à s’en affranchir, par la prise en charge et la responsabilisation de son état, par la connaissance et l’acceptation de soi, à travers un processus d’introspection libérateur.
Ultimement, l’auteur amène l’artiste complexé d’infériorité à sortir en douceur et graduellement de sa solitude et de son refoulement, pour se créer lui-même en toute liberté, et délivrer la créativité qui l’habite.
Écrit dans un langage accessible, Cessez de cacher l’artiste en vous! est un ouvrage solidement construit, qui constitue un outil de base pour tout artiste qui se censure et s’empêche de laisser explo- ser son potentiel créateur, en raison d’un problème de confiance en soi.
LangueFrançais
Date de sortie20 juil. 2012
ISBN9782897210236
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    Aperçu du livre

    Cessez de cacher l'artiste en vous ! - Magda Vandendorpe

    Amomis.comTitre

    Version ePub réalisée par :

    Amomis.com

    Les Éditions du CRAM

    1030 Cherrier, bureau 205,

    Montréal, Qc. H2L 1H9

    514 598-8547

    www.editionscram.com

    Révision et correction linguistique

    Jocelyne Joyal

    Marc Harmignies

    Véronique Harmignies

    Germaine Romain

    Conception graphique

    Alain Cournoyer

    Source photographique (couverture)

    © malwa - Fotolia.com

    II est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans l'autorisation de la maison d'édition. La reproduction de cette publication, par quelque procédé que ce soit, sera considérée comme une violation du droit d'auteur.

    Dépôt légal — 2e trimestre 2012

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque nationale du Canada

    Copyright © Les Éditions du CRAM inc.

    Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada

    par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.

    Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt

    pour l'édition de livres – Gestion SODEC.

    Image 02

    Distribution au Canada : Diffusion Prologue

    Distribution en Europe : DG Diffusion (France) ;

    Caravelle S.A. (Belgique), Transat Diffusion (Suisse)

    Livres numériques : ANEL - De Marque http://vitrine.entrepotnumerique.com

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et

    Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Vandendorpe, Magda

    Cessez de cacher l’artiste en vous!

    Nouv. éd.

    (Collection Psychologie)

    Publ. antérieurement sous le titre: De l’artiste caché à l’artiste révélé. 2006.

    Comprend des réf. bibliogr.

    ISBN Imprimé 978-2-923705-36-1 Numérique 978-2-923705-50-7

    1. Artistes - Psychologie. 2. Complexe d’infériorité. I. Titre. II. Titre: De l’artiste caché à l’artiste révélé. III. Collection: Collection Psychologie (Éditions du CRAM).

    N71.V36 2012         700.1’9         C2012-940913-8

    AuteurTitre

    Table des matières

    Introduction

    Chapitre 1 : Une histoire de vie

    Relation à la famille

    Relation à l’autorité

    La relation d’épouse

    Chapitre 2 : Le complexe d’infériorité et l’artiste

    Définitions

    Origine et conséquences

    Comportements défensifs

    Conclusion

    Chapitre 3 : De la honte à la résistance

    La honte de soi

    La souffrance et les peurs

    La résistance aux émotions

    Conclusion

    Chapitre 4 : Exister et se créer

    Se connaître, se faire connaître, être reconnu

    Les moyens d’y arriver

    Conclusion

    Chapitre 5 : L’ANDC source de liberté créatrice

    Principe de base

    Libérer l’artiste

    Les mécanismes de protection

    La créativité intégrée

    Conclusion

    Remerciements

    Bibliographie

    Aux personnes les plus précieuses pour moi :

    Mon homme,

    Marc

    Mes cinq enfants,

    Frédéric

    Véronique

    Caroline

    Marianne

    Alexandrine

    À mes amis importants,

    Micheline Thabet

    Marthe Adam

    Pierre Tremblay

    Germaine Romain

    Si je dédie ce livre principalement à ma famille et à mes amis,

    je veux également le dédier aux créateurs,

    aux artistes enfouis, camouflés, tapis, dissimulés ou cachés

    qui s’entretiennent dans un complexe d’infériorité souffrant,

    et qui s’empêchent de se révéler, de s’affirmer, de s’extérioriser

    et de se produire avec leur talent créateur et artistique.

    Introduction

    Durant des années, j’ai construit des marionnettes et monté des spectacles. Parce que je vivais quelque chose d’inconscient et de souffrant – qui me poussait toujours à me cacher, à me dissimuler –, je n’étais bien que lorsque j’étais seule, au milieu de mon art. Chaque marionnette représentait un côté de moi : joyeux, spontané, loufoque, triste, colérique, effrayant. Inconsciemment, je projetais toutes ces qualités, positives comme négatives, sur mes marionnettes. Pourtant, j’avais toutes les apparences d’une personne équilibrée ! Mon statut d’enfant sage, je le portais toujours une fois devenue adulte, mais je me vidais, peu à peu, de l’essence même de ce que j’étais. L’indifférence et le vide intérieur m’habitaient, et pour les cacher aux yeux de tous (et surtout à moi-même !), tout en m’oubliant, je passais beaucoup de temps à aider les autres. Désireuse d’aller plus loin dans cette voie, j’ai entrepris une formation au Centre de relation d’aide de Montréal.

    Par mon expérience, et à l’aide d’exemples d’autres artistes et créateurs complexés d’infériorité, je démontrerai comment l’individu qui se juge, se compare et s’isole – en se cachant derrière un personnage fictif et en ne se montrant pas tel qu’il est –, s’entretient petit à petit dans un manque d’estime de lui-même, qui le confinera dans son infériorité. Dès lors, il brimera ses talents, sa créativité et se vivra comme une personne éteinte, car son besoin d’être vu, reconnu et aimé dans sa différence d’artiste, ne sera pas atteint.

    Également, je démontrerai comment l’Approche non directive créatrice (ANDCMD), créée par Colette Portelance, aide tout créateur complexé à réintégrer sa liberté artistique. Pour ce faire, il aura à travailler avec son complexe d’infériorité, à le dénoncer plutôt que de le cacher ou le refouler en lui. Ainsi, petit à petit, l’individu se responsabilisera face à son passé souffrant relié à son complexe d’infériorité. Ce processus de responsabilisation à l’égard de son vécu ne se met pas en place par magie : c’est un très long cheminement de connaissance et d’acceptation de soi, qui aidera l’individu à se libérer dans sa créativité et qui l’incitera à s’affirmer et à exister avec sa différence. Ce périlleux travail sur soi est une épreuve solitaire et émotive, qui ressemble à un tour du monde en bateau. Le sujet y rencontrera des vents violents, du calme, des tempêtes, de la brise, des raz-de-marée, des bourrasques, des ouragans, des rafales et des typhons. Toutes ces intempéries seront un miroir de ses émotions intérieures : il découvrira des agitations, des colères, des déchaînements, des discussions, des mécontentements, des querelles, des troubles, des éclaircies, des peurs, de la sérénité, de la souffrance et enfin, il touchera à la paix. Cependant, si la traversée en bateau se vit en solitaire, le processus thérapeutique avec soi-même et les autres de l’Approche non directive créatrice devient le gouvernail qui, par la relation affective, amène le sujet à sortir en douceur et graduellement de sa solitude et de son refoulement, pour se créer en toute fierté et en toute liberté .

    Pour chaque personne cachée vivant un complexe d’infériorité, un talent et un potentiel créateur seront à explorer, d’abord pour elle-même, et à déployer au monde extérieur. Quel beau défi pour sortir de sa cachette et révéler l’artiste en soi !

    Pour débuter cet ouvrage, j’invite le lecteur à m’accompagner dans une partie de mon histoire de vie, celle où je situe l’origine de mon infériorité en tant que personne et comme artiste. Puis, je lui propose d’explorer certains des fonctionnements défensifs que l’on retrouve chez plusieurs artistes complexés d’infériorité : le jugement, l’isolement, la comparaison, etc. Nous verrons ensuite comment ces fonctionnements insatisfaisants conduisent l’individu complexé d’infériorité à dissimuler ses peurs, sa souffrance et sa honte, le maintenant prisonnier de son besoin d’être aimé et reconnu dans sa créativité. Les trois premiers chapitres démontrent plus spécifiquement l’hypothèse suivante :

    L’individu complexé d’infériorité ne s’acceptant pas comme tel, il entretient son manque d’estime de soi et brime son énergie créatrice et artistique.

    Les deux derniers chapitres proposeront des moyens pour se créer avec sa différence artistique, en amenant la personne cachée à se révéler par sa créativité. J’insisterai surtout sur l’importance, pour un complexé d’infériorité, de se connaître, de se faire connaître et d’être reconnu afin d’exister en relation. Et pour conclure, je démontrerai comment il peut retrouver progressivement sa créativité, à travers une démarche fondamentale, la responsabilisation.

    La responsabilisation du vécu relié au complexe d’infériorité rend au créateur et à l’artiste la liberté de déployer ses talents et lui permet de s’affirmer dans ses différences.

    Chapitre 1

    Une histoire de vie

    La surprotection familiale est à l’origine de mon complexe d’infériorité et de mon manque d’autonomie créatrice. Elle a été une excuse douillette qui a servi à me cacher et à devenir irresponsable en tant que personne. Elle a permis à l’infériorité de s’incruster progressivement dans ma vie, lentement mais en profondeur.

    Le cocon de mon enfance m’a longtemps maintenue dans la dépendance affective. J’ai nié mes émotions négatives, mes souffrances et ma créativité, afin ne pas perdre l’amour, et je me suis installée dans la prison du complexe d’infériorité. Puis, pour ne pas trop en souffrir, je me suis mise à travailler et à aimer démesurément. Je me suis totalement oubliée au service des autres car, coupable de certaines mauvaises actions, j’estimais ne pas mériter cet amour. Plus tard, la surprotection a aussi été au cœur de ma vie de couple et de mon rôle de mère.

    Dans ce premier chapitre, par mon histoire de vie, je démontrerai comment la surprotection engendre un fort complexe d’infériorité chez l’artiste et l’amène à perdre l’estime de soi, à se brimer et, ultimement, à taire sa créativité.

    Relation à la famille

    Quand je plonge dans mes souvenirs et que je prends le temps de m’imprégner de la relation à mes parents, le premier mot qui me vient à l’esprit, c’est l’amour. Jamais je n’ai vu ni entendu mes parents se disputer. Parfois, lorsque j’entendais une discussion un tout petit peu plus forte, elle s’éteignait aussitôt que mes parents prenaient conscience de la présence de l’un des enfants. La complicité et la considération qu’ils avaient l’un envers l’autre étaient considérées comme un signe d’amour. Souvent, j’ai entendu mon père nous dire d’être bien sages en son absence. Puis, il ajoutait que si nous ne l’étions pas, ma mère le lui dirait et qu’alors il nous punirait. Des milliers de fois, ma mère m’a affirmé que j’avais un mon père extraordinaire – sévère mais juste –, et que si je n’étais pas sage, c’est à lui que j’allais faire de la peine. Petit à petit, par ce genre de réflexions, s’intègre en moi la croyance que la surprotection est de l’amour ; c’est pourquoi j’en m’en suis imprégnée jusqu’au plus profond de mon être. À force d’éviter les conflits s’est implantée en moi l’image de la petite fille sage, celle qui sera aimée et fera partie du club d’élite « des enfants sages et parfaits ». Pour moi, le conflit signifiait la possibilité de ne pas être aimée. Paradoxalement, en dépit de mes grands efforts pour être totalement « amour », une haine certaine m’habitait. Ainsi, je commençai subtilement à me juger et à vivre cette culpabilité inconsciente que Freud définit dans ses livres en parlant du surmoi. «  Le surmoi, tel que Freud l’a décrit dans le cadre de sa seconde théorie de l’appareil psychique (1923), exerce une fonction d’autorité et de censure morale, obligeant l’individu à renoncer à certaines satisfactions instinctuelles sous peine de perdre l’amour et l’approbation de son entourage. »¹

    C’est dans le silence de ce surmoi que je me suis bâti, petit à petit, un complexe d’infériorité qui m’a empêchée de satisfaire mes besoins de m’affirmer comme personne humaine imparfaite. Ce sentiment de ne pas être à la hauteur m’a aussi empêchée d’oser m’affirmer et mettre de l’avant mes rêves les plus secrets ; déjà très jeune, je voulais devenir conteuse, danseuse ou trapéziste de cirque.

    Mon père est cet être unique que j’ai d’abord tellement adulé, puis finalement trompé, par peur d’être punie et rejetée. Avec lui, je rentre dans mon premier noyau d’infériorité, face à un amour que je croyais inconditionnel. J’ai découvert que je pouvais aussi le haïr. Je m’en suis culpabilisée, et pour ne pas sentir mon ambivalence, j’ai occulté cette haine indésirable, et j’ai commencé à me mentir. Inconsciemment, je me suis punie en faisant taire mes élans artistiques, d’abord parce que je ne m’en croyais pas digne, mais aussi parce que j’entendais mes parents et mon entourage dénigrer les métiers artistiques, les jugeant peu rentables, et surtout non raisonnables.

    Père

    L’idéalisation

    J’ai beaucoup idéalisé mon père. Le Petit Larousse définit l’idéalisation comme étant le « processus par lequel l’objet du désir est investi de qualités imaginaires ». Ainsi, mon imaginaire transforma la réalité en rendant mon père inaccessible, car je le mettais sur un piédestal. J’avais alors du mal à me trouver une place pour simplement exister avec lui.

    Mon père était un grand aventurier. Sa vie professionnelle en prévention médicale auprès des Africains en témoigne. De plus, c’était un pédagogue épris de justice. Ses élèves l’aimaient pour son respect et son objectivité. Amoureux fidèle de sa femme, protecteur responsable de ses enfants, farceur et coquin dont les éclats de rire traversaient les murs les plus épais, il était un joueur de bridge hors-pair. C’était un homme généreux, social et charmant qui avait de beaux yeux, d’un bleu vivifiant et éclatant. Toutes ces belles qualités allaient me nourrir énormément. Cependant, cette idéalisation de mon « super papa » m’a amenée à me comparer. Je me trouvais fort petite, car à cette époque, j’étais maladroite aux cartes, très peu sociable, impressionnée et éblouie par ce père qui savait tout. En même temps, je n’osais avouer qu’il me faisait aussi très peur. J’avais peur de ses colères étouffées, de son intransigeance et de sa sévérité. Dans ces moments-là, je me faisais toute petite, pour passer inaperçue. Lorsque inconsciemment, j’ai voulu prendre le contrôle de ma peur, je me suis inventé un baromètre : ses yeux ! Je les scrutais, je les interprétais. Ils m’emprisonnaient et me faisaient perdre insidieusement l’autonomie de mes propres émotions, car je m’adaptais en fonction de ses regards, en devenant une enfant très sage. Ainsi, je cachais ma créativité, je m’évadais systématiquement dans mon imaginaire pour ne pas déranger. À cette époque, je jouais beaucoup dans les arbres, fuyant ainsi l’autorité de l’adulte. La nature me donnait des ailes pour imaginer des histoires secrètes et rocambolesques. Je me retranchais dans ma solitude, et lorsque mes parents me voyaient juchée dans mon arbre, j’avais franchement l’air d’une petite fille très sage. Cependant, sous l’emprise de l’idéalisation, et par peur des conflits avec mon père, je m’ancrais petit à petit, et plus profondément chaque jour, dans mon complexe inconscient d’infériorité.

    L’enfant sage

    Très vite, j’ai adopté l’attitude de l’enfant sage. Par peur du conflit, par peur de perdre l’amour et pour avoir toute l’attention de mon père, je me suis modelée en fonction de ses émotions. Lorsqu’il rentrait du travail, je l’observais de loin. Si je voyais ses yeux rieurs et son visage souriant, heureuse je sautais dans ses bras ; mais s’il arrivait avec une colère sourde que ma mère essayait de lui extraire par de nombreuses palabres, j’allais me cacher, m’isoler ou me tapir sagement dans un coin. Parfois, j’essayais à mon tour de détendre l’atmosphère.

    Je me souviens d’un conflit avec mon frère. Celui-ci, je ne sais pour quelle raison, avait reçu une fessée qui avait résonné comme un gros bruit, et je l’avais entendu hurler de toutes ses forces. J’avais terriblement peur et je tremblais. Je détestais ces punitions qu’inconsciemment je jugeais déjà. Comme c’était l’heure d’aller souper, sagement je suis allée m’asseoir. Petite, j’avais beaucoup de difficulté à manger. Néanmoins, je me suis mise à manger pour essayer de faire sourire mon père et lui faire oublier le conflit. Je réussis effectivement à détendre l’atmosphère. Mais à quel prix, puisque durant la nuit, je fus très malade !

    Par la suite, que de fois m’est-il arrivé la nuit d’être malade, et de continuer à me montrer sage lorsque le moindre conflit se présentait ! Chaque fois, je m’écrasais en taisant mes peurs. Mon baromètre était le sourire de mon père, parce que j’étais terrorisée par sa colère ou sa mauvaise humeur, et par la peur du conflit. Alors, dans ma sagesse d’enfant, pour maintenir l’amour de mon père, subtilement et par mimétisme inconscient, j’obtenais sa surprotection en faisant des efforts grandioses pour manger, parce qu’alors je me sentais reconnue par lui. Ainsi, par une fausse sagesse, je m’installais dans le mensonge face à mon père. Et inconsciemment, je m’infériorisais devant ce père reconnu pour son intégrité et sa justice.

    Le mensonge

    Au début de l’adolescence, le mensonge devint une arme à double tranchant : je me sentais tantôt forte, tantôt honteuse. J’étais davantage révoltée, des colères se réveillaient en moi, des conflits intérieurs m’habitaient. Tout ce que j’avais occulté durant l’enfance bouillonnait en moi. À l’âge de onze ans, par exemple, j’ai jeté dans la forêt un travail de couture non achevé, que je ne voulais pas le terminer ; j’ai fait croire à mon père que je l’avais remis à mon professeur. Pour ne pas essuyer de remontrances ni recevoir de punition, il m’est aussi arrivé de signer moi-même mon journal de classe. J’étais plutôt fière de mon mauvais coup, comme si je narguais le conflit, par bravoure. Cependant, le jour où j’ai vu mon père se pointer au bureau de la directrice avec mon journal de classe à la main, ma honte et ma peur étaient tellement grandes que, prise de panique, j’ai essayé de le convaincre qu’il l’avait lui-même signé. Ainsi, je le défiais, soutenant mon mensonge conscient et provocateur. Résultat : j’ai été malade durant plusieurs jours et surtout, j’ai cessé de me faire confiance. Ma désobéissance et mon mensonge m’ont amenée à m’inférioriser devant cet homme reconnu pour son honnêteté et sa justice.

    Pour extraire cette honte de moi, d’une part je continuai à être cette petite fille sage – afin de reconquérir le doux regard de mon père –, et d’autre part, je m’enfonçai dans le mensonge pour le tromper, allant même jusqu’à le voler. Cette honte, je l’étouffai de plus en plus en choisissant d’aimer mon père au point de répondre à son besoin de me tenir correctement en société, de dire un bonjour poli aux invités, alors que tout cela m’ennuyait à mourir. En fait, j’obéissais pour me pardonner de mes tricheries.

    Ainsi, durant toute mon adolescence, j’ai été partagée entre m’écraser devant lui pour montrer quelqu’un de sage et parfait, et me venger par des mauvais coups pour le punir. Comme j’étais mal dans cette ambivalence – où j’oscillais entre l’amour et la haine –, j’ai fini par me persuader que c’était la faute de mon père, que c’était lui qui m’obligeait à être sage.

    L’argent était aussi un sujet délicat : en demander signifiait l’imminence d’un conflit. Aussi, lorsque mon père disait publiquement qu’il croyait qu’il y avait quelqu’un parmi nous qui lui prenait de l’argent, avec audace, je fanfaronnais que ce n’était pas moi. Et pour ne pas sentir la culpabilité de mes mensonges, ma fanfaronnade se changeait en un complexe de supériorité. Extérieurement, elle renforçait mes réactions défensives, mais intérieurement, je m’éloignais de l’estime de moi, alors que s’installait inconsciemment et avec plus de vigueur, mon complexe d’infériorité. « Le complexe de supériorité est un moyen défensif pour ne pas sentir ni vivre son complexe d’infériorité »², écrit Colette Portelance dans Relation d’aide et amour de soi.

    C’est ainsi qu’une angoisse perpétuelle s’est installée en moi et qu’une honte viscérale me tenaille encore par rapport à l’argent.

    Jeune adulte, cette hantise de l’argent a continué, et j’ai souffert de devoir remettre à mon père tout l’argent de mon travail. Il en prenait une partie pour me constituer une dot de mariage, et le reste il le prenait pour lui. Je l’ai beaucoup jugé pour cela. C’était en soi une idée défendable, mais moi je n’osais pas lui faire part de mon besoin d’indépendance et d’autonomie.

    Cette expérience, qui m’apportait honte et malaise, m’a permis de développer un talent créateur, car en mentant avec audace et témérité j’ai développé un imaginaire débordant, où je créais des scénarios, des histoires farfelues, desquels je sortais victorieuse de mes mensonges. Ainsi, j’inventais que j’avais tout pouvoir sur les entrées d’argent, et je rêvais de m’acheter n’importe quoi. Le plus important de mon

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