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Paquebot droit devant !
Paquebot droit devant !
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Livre électronique431 pages5 heures

Paquebot droit devant !

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À propos de ce livre électronique

Personne ne l’ignore, la plus grande compagnie de croisière maritime de la planète est dirigée par la famille Carpenter.
Aussi, lorsque les trois frères à la tête de l’entreprise découvrent que leurs principaux concurrents se sont ligués contre eux dans le but de les conduire à la ruine, la surprise est de taille.
Tom, le plus jeune des trois frères propose une solution pour le moins originale et détonante afin d’éviter la banqueroute et se débarrasser de toute forme de concurrence.
Ce projet pourra-t’il aboutir selon le plan prévu ? Les Carpenter découvriront-ils qui se cache derrière cette conspiration et finiront-ils par s’en sortir ? Rien n’est moins sûr !
Prenez votre billet et embarquez ! « Paquebot droit devant ! » vous transportera dans une course haletante aux quatre coins du globe.
LangueFrançais
Date de sortie26 mars 2013
ISBN9782312008899
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    Aperçu du livre

    Paquebot droit devant ! - Christian Hugel

    cover.jpg

    Paquebot droit devant !

    Christian Hugel

    Paquebot droit devant !

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Edouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00889-9

    Première partie

    Chapitre N°1

    Les palmiers défilaient à grande vitesse en dessous de l’hélicoptère. Confortablement installé à l’arrière, Tom Carpenter se délectait du spectacle. Il adorait avoir le monde à ses pieds et tant pis si le pilote lui répétait inlassablement qu’il était dangereux de voler aussi bas.

    Soudain, après une ultime colline, la zone portuaire réservée aux paquebots de croisière apparue droit devant. Tom Carpenter ne pouvait s’empêcher d’éprouver de la fierté devant une telle vision. Il est vrai que la compagnie Carpenter avait très largement contribué à l’extension vers le sud du port de Miami.

    L’hélicoptère amorça un large virage pour venir s’aligner face à la première des quatre aires d’atterrissage aménagée à l’avant du siège de la compagnie Carpenter. Cet ensemble architectural était à l’image de la famille Carpenter : démesuré. La famille avait souhaité que l’on sache que les Carpenter possédaient la plus grande société de croisière touristique du monde et face à un tel édifice, il était difficile de penser le contraire. L’élément principal du bâtiment était composé du premier paquebot de croisière acquis par la famille, un authentique liner de 1930, flanqué de deux hautes cheminées et long de 160 mètres, Le bateau était posé à plus de 40 mètres du sol sur une énorme base pyramidale toute en marbre et parée de gigantesques plaques de cuivre étincelantes.

    Installé à l’entrée du chenal d’accès du port, le quartier général comme tout le monde ici l’appelait ne pouvait passer inaperçu. Les mauvaises langues le trouvaient particulièrement laid et les très mauvaises langues ne se lassaient pas de répéter que le paquebot avait loupé l’entrée du port et embouti la pyramide !

    L’atterrissage de l’hélicoptère ne posa aucun problème, l’aire d’atterrissage était suffisamment vaste et les conditions météo étaient comme pratiquement tous les jours de l’année au grand beau temps.

    Tom Carpenter fut surpris de voir David Allister, le secrétaire particulier de ses frères, au pied de l’hélicoptère. D’habitude, il n’avait droit à aucun comité d’accueil. Cette présence inhabituelle conforta Tom dans le sentiment qu’il avait éprouvé lorsqu’ Ulysse, l’aîné, lui avait dit de venir le plus vite possible : il se passait quelque chose d’anormal.

    David Allister marchait rapidement devant Tom. Grand et élégant, le secrétaire des Carpenter ne pouvait pas renier ses origines british. Tom ne l’aimait pas, pour plusieurs raisons. D’une part David Allister était dans les petits papiers de ses frères en raison de sa très grande compétence professionnelle, mais surtout, il était tout le contraire de Tom qui n’était pas très grand et ne s’estimait pas très beau non plus.

    La traversée de l’immense hall d’accueil fut pour Tom un véritable supplice. Avec ses courtes jambes, il courrait presque pour rester dans le sillage de David Allister. L’arrivée devant la rangée d’ascenseurs lui permit de reprendre un peu son souffle.

    – Que se passe t’il ? demanda Tom au secrétaire.

    – Je crois que la compagnie a quelques soucis répondit lapidairement David Allister, en même temps que s’ouvraient les portes de l’ascenseur.

    Ils n’échangèrent plus un mot jusqu’à l’imposante porte d’accès au bureau de ses frères. S’il en avait eu le pouvoir, Tom aurait bien aimé faire virer ce sale anglais, mais au fond de lui, il savait que ce serait lui qui serait mis dehors si ses frères étaient amenés à faire un choix.

    La porte s’ouvrit. David Allister s’effaça pour laisser le passage à Tom. À l’autre bout de l’imposante pièce, Ulysse Carpenter était assis devant un bureau autour duquel une équipe complète de football se serait tenue à l’aise. Face à lui et tournant à peine la tête pour regarder le petit frère, Phileas Carpenter était installé dans l’un des confortables fauteuils.

    Tom s’approcha de ses frères. La vue offerte par l’ensemble des baies vitrées sur les trois côtés de la pièce était saisissante. Un gigantesque paquebot était en train de sortir du port escorté d’un puissant remorqueur et deux autres bateaux de croisière attendaient à l’extérieur du chenal pour rejoindre leurs quais.

    – 24 heures !, il t’aura fallu 24 heures pour rappliquer de New York ! s’exclama Ulysse Carpenter.

    La voix de l’aîné des trois frères était puissante et impressionnante. Face à un tel personnage, Tom n’était pas grand-chose. C’est dans ce genre de circonstance désagréable qu’il prenait conscience, en pleine figure, que la compagnie Carpenter ne tournait que grâce au travail des deux aînés, Ulysse et Phileas.

    – Souhaitez-vous que je me retire ? demanda le secrétaire à Ulysse.

    – Oui, merci David, c’est une discussion de famille, dit Ulysse d’un ton plus doux qui agaça encore davantage Tom à l’égard de ce sale anglais.

    David Allister sorti du bureau dans le silence. La discussion ne s’anima qu’une fois la porte refermée.

    Phileas se leva de son fauteuil et s’approcha de la fenêtre qui donnait sur le large.

    – Tom, tu ne le sais peut-être pas, mais on est dans la merde !

    Tom regarda tour à tour ses deux frères : les épaules de Phileas semblaient avachies et Ulysse lui paraissait plus petit. Où étaient-ils ces solides texans capables dans le temps de retourner une vache ou de soulever une épaisse plaque de tôle quand les travaux n’allaient pas assez vite à leur goût au chantier naval ?

    Les trois frères avaient le même visage buriné et des yeux très clairs. Ulysse et Phileas, âgés respectivement de cinquante-deux et quarante–sept ans, étaient grands et massifs. À leurs cotés, Tom paraissait chétif. Un peu plus jeune, Tom, du haut de ses quarante ans n’avait jamais réussi à imposer ses idées pour faire tourner la boutique. Il suivait d’assez loin la vie de l’entreprise, se contentant de dépenser royalement l’argent qui lui tombait du ciel en se livrant à son sport favori : la chasse aux jeunes femmes bien roulées. D’entendre ses frères exprimer une difficulté de la société fut pour lui une réelle surprise.

    – Ouais Tom, on est mal ! reprit Ulysse. Viens, on va t’expliquer.

    Les trois frères s’installèrent autour d’une petite table de réunion. Ulysse souleva un pupitre et appuya sur un bouton. En moins de dix secondes, un écran de trois mètres de large leur fit face contre la paroi. Ulysse appuya sur un autre bouton et entreprit une présentation scolaire à l’attention exclusive de Tom.

    – Le groupe Carpenter, c’est ça ! dit-il, en surveillant du coin de l’œil son jeune frère pour s’assurer de sa totale attention.

    L’image d’une série de bateaux de croisière apparue sur l’écran. Ulysse reprit.

    – Nous disposons de 24 bateaux de croisière, dont dix basés ici en Floride. Le reste navigue dans le Pacifique, principalement autour du Japon. Nous avons aussi quatre bateaux en Méditerranée et deux spécialisés en croisières polaires qui tournent en fonction des saisons, depuis l’Alaska ou la Patagonie. Ulysse jeta un regard vers Phileas, tout occupé à contempler ses mains. L’aîné poursuivit.

    – Pendant des années, nous avons toujours eu le plus grand bateau de croisière du monde. À une époque, on en construisait un nouveau presque tous les ans et quand les concurrents se gargarisaient de lancer le plus grand bateau, dans les dix-huit mois qui suivaient, on en balançait un nouveau à la mer, encore plus long !

    Tom écoutait attentivement. Cette partie de l’histoire, il la connaissait bien : évidemment qu’il savait que les rois de la mer, c’était les Carpenter !

    – Eh puis, continua Ulysse, on a fait une connerie. Le genre de connerie énorme qu’il ne faudrait pas faire, nous avons acheté une île !

    Ça aussi Tom le savait. Il n’avait pas besoin de regarder l’écran pour reconnaître Dream Island, la plus grande île privée des Caraïbes. Ulysse eut une grimace en voyant l’image. Désormais, cette île lui donnait des boutons. Il reprit.

    – Il y a huit ans, quand nous avons acheté cette île, nous pensions avoir eu l’idée géniale : construire des hôtels partout, plus grands les uns que les autres, aménager un port capable d’accueillir dix paquebots en même temps, creuser un lagon artificiel, doubler la surface de l’île en apportant des centaines de milliers de tonnes de roches, etc. On était certain d’avoir inventé le jack pot suprême : avec nos bateaux, on faisait venir plein de touristes qui allaient claquer tout leur pognon sur notre île : L’île du rêve, le rêve du pognon, tu parles !

    C’était la première fois que Tom voyait son grand frère dans un tel état. Il crut qu’il allait se sentir mal. Ulysse fit un signe à son autre frère pour qu’il continu. Phileas leva son regard de ses mains, tourna la tête vers Tom et poursuivit les explications.

    – En fait, pour faire court, nous avons vu trop grand. Nous avons trop investi et surtout, nous avons surestimé le nombre de visiteurs. Dream Island est un bide et tout le bénéfice de la compagnie est englouti dans le maintien en activité de l’île. Du coup, notre flotte vieillit, ça fait dix ans qu’on ne construit plus de bateau et avec la concurrence de plus en plus forte, nos navires ne font plus le plein. À ce rythme, on tiendra encore 8 mois, peut être dix, mais pas plus. Après, on est foutu.

    Tom resta sans voix, était-il possible que l’empire Carpenter s’effondre ? Il y avait forcément un moyen pour redevenir le numéro un de la croisière mondiale. Il hasarda une solution.

    – Mais enfin, ce n’est pas possible, notre groupe est puissant. Il n’y a qu’à vendre cette île ou une partie des hôtels !

    – Décidément, reprit Ulysse, qui avait de nouveau son regard d’aigle, tu ne comprendras jamais rien à rien ! Qui pourrait acheter cette île ou l’un des hôtels sachant que c’est un gouffre qui ne sera jamais rentable ?

    – Et les banques ?, essaya Tom, pourquoi ne pas emprunter, histoire d’étaler la dette ?

    – Les banques ?, dit Phileas, cela fait un moment qu’elles ne nous suivent plus…

    Il y eut un long moment de silence, finalement rompu par Ulysse.

    – Tu vois petit frère, il fallait bien que l’on te mette au courant de la situation. Bientôt pour toi, la vie de château, ce sera fini ! un jour ou l’autre, il va falloir que tu te mettes à bosser !

    – Cela fait quatre ans que l’on essaye de sortir de l’impasse, continua Phileas, nous nous sommes rapprochés discrètement de gros investisseurs pour céder une partie des hôtels. Malheureusement, on ne peut pas cacher qu’ils ne sont pas rentables. Personne n’en veut, même pas les saoudiens !

    Il y eut de nouveau un temps mort dans le dialogue, chacun avait le regard perdu dans le film de présentation de l’île. Les vues superbes d’hélico enchaînées avec des images sous-marines avaient du mal à faire croire que cette île était un problème qui allait probablement causer la perte de la famille Carpenter. Tom se tourna vers Phileas.

    – Tu parlais de la concurrence des autres compagnies : comment nous situons nous où exactement par rapport aux autres ?

    – Eh bien, lui répondit Phileas, il y a quinze ans, nous détenions quasiment l’intégralité du marché de la croisière pour les Caraïbes et le reste du monde. Depuis, le nombre de passagers a progressé, mais nous n’en transportons plus que le quart. Le prix du billet a fortement baissé et par conséquent la rentabilité du business. Nous sommes désormais dans l’incapacité de construire un nouveau bateau qui redeviendrait le plus grand paquebot du monde. Nos concurrents peuvent jouer sur le côté moderne et high-tech de leurs navires : le plus récent des nôtres a dix ans et dans ce domaine, c’est le troisième âge !

    – Pourquoi ne pas céder une petite partie de Dream Island à l’un ou l’autre de nos concurrents ? lança Tom. Cela leur ferait un autre point de chute dans les Caraïbes avec des taxes portuaires probablement plus intéressantes que Miami ?

    Pour la première fois depuis fort longtemps, Ulysse se dit que son petit frère n’était finalement pas si bête, il lui répondit.

    – Ce serait une solution, malheureusement, nos concurrents savent qu’en faisant cela, ils nous aideraient et ils préfèrent qu’on se casse la gueule !

    – Sans compter, enchaîna Phileas, qu’ ils spéculent probablement déjà sur la reprise de Dream Island, à bon compte, après notre faillite!

    – Nous avons essayé de discuter partage de l’île avec nos quatre principaux concurrents, ajouta Ulysse, cela a d’ailleurs été un moment très pénible pour moi. Ils ont tous fait mine d’être intéressé, avant de finalement décliner l’offre.

    – Que peut-on faire ? demanda Tom.

    – J’en sais rien dit Phileas. Pour l’instant, nous avons une seule proposition de rachat de l’île. Des investisseurs chinois sont intéressés, ils sont prêts à mettre 50 millions de dollars sur la table.

    – 50 millions de dollars !, s’emporta Ulysse, une bouchée de pain. Si on accepte ça, on passera vraiment pour des cons : cette île vaut cent fois plus ! La réputation des Carpenter serait définitivement grillée partout !

    – Oui, mais au moins, il resterait quelque chose dit Phileas. Maintenant; il faut décider ce qui est le mieux, ou plutôt le moins pire pour nous.

    Ulysse se tourna vers son plus jeune frère.

    – Je voulais que tu sois là Tom pour que l’on t’explique la situation. Même si tu ne t’es jamais trop intéressé à la bonne marche de la compagnie, la décision que nous devons prendre maintenant est fondamentale et tu as aussi ton mot à dire. Avec Phileas, nous avons imaginé te laisser une ultime semaine de réflexion pendant laquelle tu pourras te faire tout expliquer par Allister.

    – Ouais !, dit Phileas et dans une semaine, on choisit : la faillite ou les chinois !

    – À moins …, Commença doucement Ulysse avec un air redevenu malicieux, à moins Tom que tu n’aie une autre idée ?

    Chapitre N°2

    En quittant New York, Tom avait imaginé passer du bon temps à Miami. Une bonne occasion de revoir Maria, une bombe latino qu’il ne manquait sous aucun prétexte de retrouver lorsqu’il était ici. Il n’aurait jamais pensé que son séjour en Floride allait être l’un des moments les plus sombres de sa vie, tellement facile jusqu’à présent.

    Accoudé au bar d’un bistro du port, il sirotait un rhum citron en essayant de trouver une solution. Finalement, la situation actuelle était complètement de la faute de ses frères qui l’avaient toujours mis à l’écart de toute décision. C’est eux qui ont décidé d’acheter cette île, pas moi se dit-il. Il repoussa d’un geste une cubaine au sourire gras, payée pour lui tenir compagnie. Il en était maintenant à son quatrième rhum citron. La cubaine lui semblait toujours aussi moche, mais il avait le sentiment que son cerveau travaillait plus vite. Ce qui serait génial pensa-il, ce serait de prouver aux frangins que je suis plus malin qu’eux et que j’arrive à résoudre le problème. Au sixième rhum citron, la cubaine était un peu floue, mais la solution lui paraissait accessible.

    Finalement, c’est très simple, le trafic passagers a explosé en quinze ans et pourtant nous n’avons pas plus de monde sur nos bateaux, c’est la faute des concurrents !

    Le benjamin des Carpenter leva son verre à l’attention du barman et songea : s’il n’y avait plus de concurrents, nos bateaux ne seraient pas assez grands pour trimballer tous ces touristes !

    Tom eut largement besoin du soutien du chauffeur de taxi pour rejoindre le Beach Hôtel. D’un seul niveau, le Beach Hôtel, de nuit comme de jour, avait l’air de ce qu’il était : un hôtel minable pour touristes fauchés. C’est pourtant là que Tom avait choisi de séjourner pendant sa semaine de réflexion, aux antipodes des palaces qu’il fréquentait lorsqu’il était de passage à Miami.

    Il passa pratiquement l’intégralité du deuxième jour assis face à la plage. Devant lui, une masse de touristes, badigeonnée de crème et malgré tout, couverte de coups de soleil.

    Le problème tournait en boucle dans sa tête. La puissance de l’empire Carpenter n’était plus qu’une façade. Les autres compagnies maritimes savaient la gravité de la situation et se réjouissaient sans nul doute de voir les texans disparaîtrent du paysage.

    Il était désormais évident dans l’esprit de Tom que Dream Island pouvait devenir rentable, à condition de remplir les hôtels. Mais comment faire ? les concurrents n’avaient nullement l’intention de contribuer à augmenter le nombre de visiteurs sur l’île, du moins, pas avec les Carpenter. Quelle solution ? donner l’île aux chinois ? autant tirer une balle dans la tête d’Ulysse qui ne survivrait pas à une telle humiliation.

    C’est au matin du troisième jour qu’il fût persuadé d’avoir trouvé la solution. Bonne idée d’avoir loué ce voilier, se félicita t’il. Seul à la barre du petit dériveur qui filait bon train au large des plages, son visage pour qui aurait pu le voir à ce moment, pris soudain un air des plus mauvais.

    S’adressant à lui-même, il cria presque.

    – ça peut marcher ! …

    Il reprit aussi vite que ses compétences maritimes et le vent le lui permirent le chemin de la marina où il avait loué le voilier.

    Une fois le dériveur amarré, il se rua dans une cabine téléphonique pour contacter ses frères. Aucun des deux n’étant disponible, il s’adressa à David Allister.

    – J’ai besoin d’une synthèse complète de la situation : le détail des hôtels de Dream Island, le prix de construction, le coût de fonctionnement, le nombre de chambres, le taux de remplissage à l’année et la rentabilité. Je veux avoir le même détail de tous les lieux d’animations de l’île, les deux casinos, le parc d’attractions, etc. Faites-moi également un point complet sur nos bateaux : état général et bilan détaillé. Vous avez jusqu’à 20 heures pour me préparer tout ça et me le faire porter à l’aéroport ! je prends l’avion de ce soir pour Paris. Dites à mes frères que j’ai peut-être trouvé la solution de notre problème et que je serai là comme convenu mercredi prochain pour notre réunion.

    Avec une grimace, car il allait devoir interrompre son travail en cours pour préparer la masse de documents demandée, David Allister répondit.

    – Bien Monsieur Carpenter, je prépare un dossier complet et je transmettrai à messieurs vos frères votre message.

    En raccrochant, David Allister se demanda comment cet idiot de Tom pouvait prétendre résoudre un problème insoluble.

    Le voyage de Tom fut des plus mystérieux. Il prit un avion pour Paris, resta une demi-journée en France puis embarqua dans un second avion pour Moscou. Après quelques heures sur place, il entreprit le parcours inverse. Pendant cet aller-retour, il ne dormit pratiquement pas, mettant à profit les temps de vols et d’attentes à étudier l’épais dossier préparé par Allister. Il se fit le reproche de ne pas s’être intéressé à la compagnie par le passé. Qui sait, s’il avait davantage plongé son nez dans les affaires de la société auparavant, peut être n’en seraient-ils pas là aujourd’hui ?

    Chapitre N°3

    Mercredi, 9 heures du matin. Précis comme il ne l’avait jamais été auparavant, Tom Carpenter arriva au siège de la compagnie. Bien qu’affichant un air fatigué, il ressemblait pour la première fois à un homme d’affaire dynamique, capable d’affronter des situations très délicates. Il en était convaincu, grâce à lui, la compagnie Carpenter allait pouvoir se redresser et reprendre son rang de numéro un qu’elle n’aurait jamais dû abandonner à d’autres. Devant la porte du bureau d’Ulysse, Tom marqua un temps d’arrêt pour attendre David Allister. Pour une fois, c’était ce dernier qui était en retard. L’anglais remarqua tout de suite le changement dans l’attitude de Tom.

    Le secrétaire des Carpenter ouvrit la porte au plus jeune des trois frères qui entra, beaucoup plus assuré qu’il ne l’avait été huit jours plus tôt dans le grand bureau. David Allister eut un petit moment d’hésitation : devait-il assister à cette réunion, vraisemblablement annonciatrice de la déchéance des Carpenter ?

    Tom perçut le trouble du secrétaire et lui lança d’un ton sirupeux.

    – Mon petit David, vous restez avec nous, ce qui va être dit vous concerne également. Après tout, vous faites presque parti de la famille !

    Ulysse fut quelque peu surpris par son petit frère : pour la première fois depuis plus de dix ans, il avait osé traiter Allister de haut. Décidément, à tous points de vue, une page se tournait !

    L’aîné des Carpenter fit signe à Phileas, Tom et David Allister de prendre place autour de la petite table de réunion sur laquelle Margaret, la fidèle assistante, était en train de disposer des tasses de café.

    – Laissez tout ça sur le plateau, Margie, on se débrouillera dit Ulysse qui souhaitait commencer rapidement la séance. Margaret, qui avait compris le message, sortit sans délai du bureau. La porte fermée, la réunion qui allait décider du sort des Carpenter pu commencer. Ulysse ne fit pas de préliminaires.

    – Bon, allons-y, qui est-ce qui commence ?, Phileas ?

    Phileas prit la parole. Lui aussi s’exprima en peu de mots.

    – On n’a pas le choix, c’est les chinois !

    Ulysse émit un grognement et coupa brutalement son frère.

    – Merde !, il n’en est pas question, plutôt crever !

    Toujours bouillonnant et se rappelant que le petit frère était là, il lui demanda sans conviction.

    – Alors Tom, as-tu trouvé en une semaine ce qu’avec vingt-cinq personnes du service financier nous n’avons pas été foutu de résoudre en quatre ans ?!

    La question était posée de manière cinglante, mais après tout, il était vrai que le plus jeune des frères n’avait jamais pris part à aucune décision auparavant. Dans l’esprit de Tom, il était normal qu’Ulysse et Phileas le considèrent comme un simple parasite, totalement incapable de répondre à cette question.

    Tous les regards étaient tournés vers Tom. Celui-ci déglutit difficilement et après un silence de quelques secondes, se lança dans ce qui devait être le grand oral de sa vie.

    – Eh bien oui, je crois avoir trouvé un moyen de s’en sortir.

    Son ton était très hésitant et agaça immédiatement Ulysse.

    – Vraiment ?, c’est super, on t’écoute !, vas-y, crache la ton idée géniale !

    À nouveau piqué au vif, Tom répondit, cette fois beaucoup plus sûr de lui.

    – Ulysse, tu as beau être mon grand frère, mais tu m’emmerde ! et d’une certaine manière, si on est dans cette situation, c’est uniquement à cause de toi et de Phileas, puisque vous ne m’avez jamais laissé dire quoi que ce soit avant ! Alors maintenant, vous fermez vos gueules et vous m’écoutez !

    Ulysse fit une étrange grimace et s’adressa de manière plus douce à son jeune frère.

    – D’accord, excuse-moi, mais la situation a de quoi me mettre en pétard…, vas-y Tom, on t’écoute.

    – Voilà, la situation est d’une simplicité biblique, Dream Island, c’est une bonne idée, mais vous avez voulu tout bouffer, trop vite. Il aurait fallu trente ans pour créer ce que vous avez fait en huit. Il aurait fallu établir des alliances avec des partenaires, avant d’acheter et de construire.

    Phileas le coupa.

    – Nous savons tout cela !, quelle est ta solution ?

    Imperturbable, Tom reprit.

    – Pour équilibrer les comptes, nous devons remplir à moitié les hôtels de Dream. Pour l’instant, on en est loin avec un remplissage de 15 à 20 %. Bien sûr, si on dépassait les 50 %, on deviendrait bénéficiaires, ce qui serait encore mieux.

    Cette fois, c’est David Allister qui interrompit Tom.

    – Monsieur Carpenter, je m’excuse de vous couper, mais nous connaissons ces chiffres et depuis plusieurs années, nous faisons notre possible pour remplir davantage les hôtels de Dream Island. Sans grand succès, nous gagnons péniblement un point de remplissage par an.

    – Voyez vous, mon petit Allister, votre problème est le même que celui de mes frères, vous êtes incapables de voir ce qui se passe au-delà des murs de ce bâtiment ! Il se tourna vers Ulysse.

    – Tu ne pourras pas dire le contraire, cela fait un moment que j’essaye de vous en parler, mais vous n’avez jamais daigné m’écouter ! Pourtant il y a presque trois ans que j’ai constaté un truc bizarre qui nous vise directement. Je viens de rentrer de Paris où j’ai eu la confirmation que ce truc bizarre est en fait une énorme magouille imaginée par nos concurrents pour nous prendre des parts de marché dans les Caraïbes !

    L’aîné des Carpenter eut un air stupéfait et attendit silencieusement la suite des explications de son jeune frère.

    – C’est vrai, je suis le papillon de la famille et pendant que vous bossiez 16 heures par jour pour faire tourner la boutique, moi, je voyageais aux quatre coins du globe. Mes petits voyages comme vous le disiez si souvent. Eh bien, il se trouve que par le plus grand des hasards, j’ai vu des choses dont je n’ai pas tout de suite mesuré l’importance.

    Tom prit son temps pour regarder tour à tour ses trois interlocuteurs et continua en s’adressant plus particulièrement à Phileas.

    – La première fois, c’était au Canada, dans une petite ville nommée Oakville, à l’ouest de Winipeg. Dans la vitrine d’une toute petite agence de voyages, il y avait une affiche qui disait à peu près ceci : avec la compagnie Torresen, gagnez votre croisière dans les Caraïbes. Connaissant la pingrerie d’Olaf Torresen, j’étais entré dans la boutique pour voir ce qu’il y avait à gagner. La fille de l’agence m’avait alors expliqué que ce jeu ne s’adressait qu’aux habitants d’Oakville et des petites villes alentours. À l’époque, je n’avais pas insisté, j’étais en bonne compagnie et j’avais d’autres idées en tête. La deuxième fois, c’était en Italie, plus précisément à Sarno, un patelin du côté de Naples. J’avais loué une voiture, je m’étais perdu et la voiture était tombée en panne. Je suis resté un après-midi dans cette petite ville où personne ne va, sauf les gens qui ont une bonne raison. Ça s’est passé un peu de la même manière, une agence de voyages avec une offre en vitrine que l’on ne voit pas tout de suite : gagnez votre croisière dans les Caraïbes.

    Allez savoir pourquoi, j’ai eu une étrange impression, comme si il y avait un rapport avec ce que j’avais vu au Canada. J’ai donc décidé d’en savoir un peu plus. Vous allez sans doute penser comme d’habitude, je n’étais pas seul en Italie, une jolie jeune femme rencontrée à Rome m’accompagnait. Je lui ai demandé d’entrer dans l’agence afin de jouer le rôle d’une habitante de la région qui prépare ses vacances, si possible en croisière. Elle a été intriguée, mais elle l’a fait. Pendant ce temps, j’attendais à la terrasse du bistro sur la place. Elle est restée une bonne heure dans l’agence. Quand elle est ressortie, elle avait un sourire radieux et pour cause, elle venait de gagner quinze jours de croisière dans les Caraïbes, offerts par American Ocean, notre concurrent américain.

    Elle m’a tout expliqué : l’obligation pour participer d’habiter dans le coin et la série très simple de questions par Internet. En prime, elle a aussi eu les confidences du patron de l’agence qui lui a dit que l’on gagne pratiquement à tous les coups.

    – Tu te rappelles Phileas ?, il y a deux ans lorsque nous étions réunis à Dallas pour l’anniversaire de la naissance du grand père ?, j’avais essayé de t’en parler. Mais toi, voyant quelqu’un d’important, m’avais juste répondu : oui, il faudra que l’on en reparle et bien sûr, nous n’en avons plus jamais reparlé.

    Pourtant, pendant un autre voyage, en Espagne cette fois-ci, l’expérience s’est reproduite exactement de la même manière : de passage dans une petite ville, j’avais à nouveau vu dans la vitrine d’une agence, une discrète affiche évoquant un jeu pour gagner une croisière dans les Caraïbes. La seule différence, c’est que dans ce cas-là, c’est notre concurrent espagnol qui organisait le concours.

    De retour à New York, j’ai voulu retrouver la trace de cette loterie. J’ai rendu visite à une dizaine d’agences de voyages puis directement auprès des bureaux de vente de nos concurrents. À chaque fois, on m’a donné la même réponse : il n’y a actuellement aucun jeu-concours pour gagner des croisières dans les Caraïbes, ni aux states, ni nulle part sur la planète ! , bizarre non ?

    Suite à notre discussion de cette semaine, je me suis évidemment rappelé cette histoire de loterie sur internet et j’ai voulu poursuivre mon enquête, en France cette fois-ci.

    Vous ne la connaissez pas, mais en France, j’ai une très bonne amie qui s’appelle Florence. Elle travaille dans une agence de voyages en Province, ce qui dans le cas présent, tombe très bien. Je l’ai d’abord contactée par téléphone et je l’ai vue avant-hier à Evry, au sud de Paris. En me faisant promettre de ne pas mentionner son nom, elle m’a confirmée qu’il existe bien un jeu-concours.

    Le fonctionnement et le règlement de ce jeu sont pour le moins étranges : à tour de rôle, nos quatre concurrents proposent des lots, exclusivement dans les Caraïbes. Le jeu se fait au travers de sites internet très discrets et seuls les habitants de province peuvent jouer. Il faut répondre à 3 ou 4 questions et l’on gagne pour ainsi dire à chaque fois. Les lots valent le coup : excursions gratuites, surclassement de la cabine, gratuité du séjour, voire au maximum, croisière et transport avion offerts !

    – Qu’est-ce que c’est que cette connerie ?, s’interposa Ulysse qui ne voyait pas l’intérêt pour les concurrents d’agir de la sorte.

    – C’est pourtant simple à comprendre, lui répondit Tom. Pour éponger Dream Island, nous devons battre des records de remplissage de passagers dans les Caraïbes, au risque de nous casser la gueule. Nous sommes actuellement très vulnérables et nos concurrents le savent bien. Ils ont alors imaginé une idée très simple pour attirer les passagers sur leurs bateaux, plutôt que sur les nôtres : distribuer gratuitement des tonnes de billets en faisant croire aux gogos qu’ils ont gagné le concours du siècle !

    Tom se tourna vers David Allister.

    – L’information figure dans la documentation que vous m’avez remise à l’aéroport : sur un bateau de croisière, le public de province représente environ les trois quarts du

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