Ils voulaient explorer l’épave du « Titanic » à bord de leur sous-marin de poche. Et ont payé leur obsession de leur vie.
NOTRE ENQUÊTE
À bord, des touristes fortunés et un expert mondial
Ils avaient en commun la passion de l’aventure et des territoires inexplorés. Ex-officier de la marine devenu chasseur d’épaves, Paul-Henri Nargeolet connaissait le « Titanic » sous toutes les soudures. À son actif, 35 opérations de plongée autour du légendaire fantôme d’acier, dont 5 missions avec « Titan », le submersible de Stockton Rush. Pour le milliardaire Hamish Harding, c’était une première. Mais pas question de résister à l’appel des profondeurs : il avait déjà plongé dans la fosse des Mariannes, à 11 000 mètres sous la surface. Suleman Dawood, 19 ans, n’était pas aussi téméraire. Mais il n’avait pas voulu laisser son père descendre seul.
Par Danièle Georget
Vendredi 16 juin, Terre-Neuve
Ils ont longtemps attendu la fenêtre météo. En ce mois de juin, à Terre-Neuve, il arrive qu’il neige. Mais le plus fréquent, outre le vent qui rase la lande, c’est la brume qui efface les fjords, les marais, les tourbières. Cette année, le temps a été si épouvantable qu’il a fallu annuler plusieurs expéditions autour du « Titanic », la victime la plus célèbre de ces icebergs que les touristes regardent passer comme autrefois les Indiens regardaient passer les baleines.
Stockton Rush, patron et fondateur d’OceanGate Expeditions, demande pourtant seulement huit heures. Huit petites heures pour emmener son sous-marin et ses quatre passagers à moins 4 000 mètres, presque la hauteur du mont Blanc. Il a fondé sa société en 2009, douze ans après la sortie aux États-Unis du film de James Cameron, l’un des plus grands succès de l’histoire du cinéma. En 2017, il commence à promouvoir ses « excursions touristiques dans les profondeurs », explique fièrement que la conception du « Titan », comme celle du « Titanic », est révolutionnaire. En 2021, le communiqué de presse insiste cependant sur les « systèmes de sécurité multiples et redondants ». Il s’agit de répondre aux critiques qui pleuvent contre une approche jugée trop « expérimentale ». Il les prend « comme une insulte… Je suis très qualifié pour comprendre les risques et les problèmes liés à un nouveau véhicule. Notre approche est axée sur l’ingénierie et l’innovation. Forcément, cela va à l’encontre de l’orthodoxie. Mais c’est la nature même de l’innovation ». Fin de la discussion.
Enfant, Stockton Rush rêvait de marcher sur la Lune. Acuité visuelle insuffisante pour l’armée, il sera néanmoins ingénieur et pilote, ajoutant à ses compétences techniques un diplôme d’administration des affaires. Tout le savoir-faire pour associer la science et l’argent. Nicolas Vincent, directeur des opérations chez Deep Ocean Search, société spécialisée dans les opérations sous-marines qui va férocement s’impliquer dans l’opération de sauvetage, même s’il insiste pour dire qu’elle n’y avait aucun rôle officiel, seulement celui de conseil et de facilitateur,