Au creux des mots

Par Ange Kasongo Adihe

Une nuit avec L’Ange du futur, Elombé de Grand-mère, Un long voyage Louise, Lettres de Kinshasa et Félix pleura…
Un jeune homme reçoit la visite nocturne d’un Ange qui dit venir du futur. La conversation est intime. De fil en aiguille, quelque chose d’assez mystérieux se passe cette nuit-là.
À son reveil, la vie ne sera plus jamais la même. Il y a aussi la perte d’un être cher quand on est sous les projecteurs. Ce jour-là, Félix pleura. Mais aussi un voyage dans la plus grande ville francophone : Kinshasa, à travers des lettres écrites par une Kinoise pure jus.
Onirique, mystérieux et quelquefois réaliste, ce recueil de nouvelles est une vraie balade littéraire, une invitation au creux des mots qui flirte avec le journalisme.

• Langue: Français
• Éditeur: Les Éditions du Net
• Date de sortie: 7 nov. 2019
• ISBN: 9782312070247

Aperçu du livre

lettres.

Ma déclaration d’amour aux mots

Écrire, c’est se taire et parler en même temps.

C’est écouter le silence de la nuit et traduire son message.

C’est faire l’amour avec les mots, sans cesse.

Écrire, c’est la plus belle manière d’exprimer son amour aux mots de la vie.

Qu’ils soient roses, gris ou noirs.

Écrire, c’est tenter d’amener l’irréel dans le réel sans opposer la foi et le réalisme. Sans frustrer la connaissance acquise par la lecture mais, en la caressant tendrement, faire ressortir le meilleurque l’on a retenu.

Quand j’écris… Je meurs chaque seconde, je sursaute chaque minute. Je vis, je fonds, je plane, je nage dans l’océan des mots et je me sens moi. Avec cette grande liberté d’embrasser les mots autant que je veux.

Écrire, c’est faire l’amour aux mots.

Ange Kasongo Adihe

Une nuit avec l’Ange du futur

Cette nouvelle a été écrite en janvier 2019. La République démocratique du Congo, mon pays, vibrait au rythme des résultats de la présidentielle. Tout, autour de moi parlait, respirait, soufflait la politique. J’eus alors envie de m’évader, de planer dans un monde fictif.

Puis-je prétendre voler plus haut que la chaleur que renvoie cette flamme politique au Congo ? « Une nuit avec l’Ange du futur » est un récit onirique qui aborde le mystère du pouvoir qui se transmet dans le silence de la nuit, entre ciel et terre.

Ce n’était encore qu’une nuit ordinaire comme toutes les autres. Mais lorsque j’appris d’une façon tout à fait formelle que ma candidature pour aller au ciel n’était pas validée par la Commission Électorale Céleste, ma nuit n’était plus la même. Quelque chose d’inattendu s’était passé. Le souhait que je caressais également pour rencontrer Ye Moko n’était plus qu’une bien triste illusion. Il fallait désormais que je remplisse expressément une condition. Ye Moko, c’était le maître suprême. Le seul qui pouvait valider mon visa pour le ciel. Cet arbitrage aurait été pris sous le haut patronage de Ye Moko, l’Invisible, le Tout Puissant. Après toutes les injustices subies sur cette terre, une ultime imposture me privait donc de ce paradis, dont beaucoup doutaient de l’existence mais dont on rêvait un peu tous.

Allongé sur mon lit, je soupesais les différentes propositions faites par les jeunes défavorisés de ma communauté dans la journée. Elles visaient toutes à ce que nous ayons les mêmes chances que les enfants des familles aisées du village. Je ne voulais pas être présenté comme le chef de file de cette initiative. Je ne voulais pas déranger la quiétude de ma tante maternelle dans son environnement de bourgeois. C’est elle qui m’avait élevé. Sa proximité avec la cour du roi aurait subi un coup si j’étais mis en en avant ; car administrativement, vingt ans plus tôt lorsque ma mère mourut, j’avais été généreusement adopté par elle. J’étais pourtant conscient qu’en m’associant avec les jeunes des quartiers défavorisés du village, j’étais à deux doigts de voir l’un de mes rêves se réaliser : rencontrer, Ye moko, le roi.

Soudain, un vent venu de nulle part secoua brutalement les fenêtres de ma chambre au milieu de cette silencieuse nuit d’automne qui berçait mes insomnies familières. Un être fît irruption dans la pièce. Je pensais à Peter Pan, mais à la vérité, il était très différent. Taille imposante, longs cheveux blonds jusqu’aux hanches qui galopaient comme des poulains derrière son dos, difficile de déterminer s’il s’agissait d’un homme ou d’une femme, car au-delà de la finesse de ses traits, sa voix était franchement masculine. Et son entrée brutale ne me rassurait guère.

Une couronne brillait sur sa tête et faisait penser aux parures mordorées des sapins de Noël embellis avec beaucoup d’amour par les familles qui célèbrent retrouvailles et réconciliation.

Une robe toute blanche sertie d’or, d’un genre tout à fait inédit, cachait ses pieds qui flottaient comme suspendus entre ciel et terre.

Ses yeux ardents illuminaient ma chambre qui était jusqu’ici peu éclairée, peinte en rouge foncé et décorée des statuettes illicites que j’avais dérobées dans une petite maison de souvenirs lors d’un règlement de comptes, auquel je n’avais pas participé par ailleurs, d’un commerçant imbu de sa personne qui regardait tout le quartier de haut. L’incursion de cet inconnu dans ma chambre me glaça !

Mon esprit était happé par cet être et mon corps parcouru de spasmes tel un électrocuté. Mon lit était trempé par la sueur qui s’écoulait de tous les pores de ma peau. Impossible de fixer ses yeux, les miens