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De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés
De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés
De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés
Livre électronique497 pages8 heures

De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés

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À propos de ce livre électronique

Un témoignage authentique qui fera tomber tous les a priori. Drogue, bonne mères de familles et maltraitance, Islam, violence conjugale, quartiers, gens « biens » et voyous. Un ton parfois choquant mais des situations exactes, actuelles et grâce auxquelles on voit les choses différemment.
Ce livre est aussi une histoire d’amour. Être une mère « cachée dans une droguée » m’a offert un point de vue exceptionnel. Les gens se comportent différemment devant une droguée ou devant M. le Maire.
LangueFrançais
Date de sortie3 juil. 2018
ISBN9782312059426
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    Aperçu du livre

    De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés - Cécile

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    De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés

    Cécile

    De la drogue au Coran, ou les dégâts des préjugés

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-05942-6

    Avant-propos

    J’ai lu au cours de ces dix dernières années, environ quatre cent témoignages sans jamais m’y retrouver entièrement. D’où l’envie d’écrire un livre porté sur plusieurs sujets omniprésents dans la société, mais tellement méconnus : la drogue, l’Islam et leurs préjugés, le milieu de l’enfance maltraitée, qui m’a bouleversée par sa banalité et l’indifférence des témoins, dans une société censée être évoluée et civilisée.

    Je retrouve des parties de mon vécu dans certaines histoires de flics (Bénédicte Desforges en a écrite deux magnifiques, très honnêtes !). La maltraitance physique, l’inceste est souvent décrite, la manipulation, la violence psychologique et ses dégâts le sont moins. Parce que plus sournois, plus difficiles à décrire, ils ont l’air moins graves. Ils détruisent néanmoins bien des vies, c’est aussi ce que je vais essayer d’expliquer.

    Je m’appelle Céc’. C’est le surnom que mes potes me donnaient parce que j’ai toujours l’air défoncée à la céc’ (cocaïne) : je suis survoltée, H24 je ne tiens pas en place, je réagis au quart de tour.

    Même dans les films, dans les médias on n’ose pas dire ce que je vais raconter. Ce qu’il se passe dans les vrais bas-fonds de la société, mais pas seulement : le plus grand nombre de squelettes ne sont pas cachés dans un placard de HLM, il n’y aurait pas la place. En revanche, dans un beau grand meuble sculpté main, au milieu d’une salle à manger chic et soignée, chaises louis je sais quoi accordées à la table…

    Je veux casser tous ces préjugés : tous les drogués ne sont pas voleurs, feignants, lâches et égoïstes. Tous les barbus ne sont pas des terroristes. Tous les « voyous » ne sont pas des ordures. « Les récidivistes », ce sont eux qui ont pris soin de moi, eux qui m’ont donné les clés pour que je ne m’enfonce pas plus encore. Tous les jeunes blondinets travailleurs à l’air innocent ne le se sont pas. Certains collectionnent les fichiers pédophiles sans jamais être inquiétés. Normal, ils ne vendent pas de drogue eux. Ils paient des impôts.

    Et puis aussi les préjugés (positifs) envers les « bons citoyens » : ceux qui n’ont pas de casier judiciaires. Qui ne se droguent pas. Des français bien blancs, dont la pelouse est tondue parfaitement, ceux qui ont un métier honorable.

    J’ai découvert la défonce avec les médicaments que me donnait mon médecin de famille, pour essayer de venir à bout de mes insomnies. Avant mes onze ans, je ne me contentais plus d’attendre qu’il prescrive, j’en demandais, de plus en plus fort, de plus en plus souvent. Je faisais de terribles cauchemars, une dépression.

    Puis, je suis passée à plus fort vers mes quatorze ans. J’ai connu la dépendance psychologique avant mes quinze ans. Le vrai manque physique d’héroïne à dix-huit ans. Je suis tombée enceinte à dix-neuf ans sans réussir tout de suite à stopper la spirale destructrice dans laquelle je m’étais plongée. Mon bébé m’a donné la force de ne pas crever dans un hall. Il m’a soutenue, motivée et j’ai réussi.

    J’ai pourtant grandi dans un village de campagne. Le week end j’allais m’enterrer dans les HLM les plus pourris du département. Ma famille n’est pas pauvre, on recevait plein de cadeaux à Noël, des vêtements neufs, des vacances chaque années.

    J’ai abandonné le peu d’amies que j’avais, pour côtoyer des dealers, des tarés, des drogués, des psychopathes. J’étais aussi folle qu’eux, du moins c’est ce que je croyais.

    Dieu merci je me suis posée pour mes enfants, j’ai tout fait. J’ai toujours ressenti comme une anesthésie affective. J’avais l’impression de m’amuser et de tout contrôler. Cet humour noir coûte très cher.

    J’ai toujours eu un grand besoin d’apprendre, de côtoyer plein de gens différents. J’ai appris, de la meilleure manière qu’il soit, par l’expérience et les erreurs.

    Je suis surdouée mais je ne le savais pas à cette époque, je croyais être folle. J’étais tellement différente des autres ! Et pour moi surdoué signifiait génie, or je n’en suis pas un. Ça ne m’est donc jamais venu à l’idée avant d’avoir vingt-trois ans. Je faisais des recherches concernant le comportement de mon fils. En lisant les livres de Monique de Kermadec (L’adulte surdoué et Le Petit Surdoué de 6 mois à 6 ans) j’ai d’un coup tout compris. Mon fils, lui, a été détecté par sa pédopsychiatre.

    Avant ça je me croyais folle. Bizarre. Anormale. Dangereuse. Malade.

    Je suis quelqu’un de lucide, trop, vraiment trop, et ça m’a coûté cher. Sans aucun filtre, tout me saute aux yeux, même ces choses très douloureuses que l’esprit habituellement, adoucit pour se préserver. Sans enfant, ma vie n’avait aucun prix, il a fallu que je donne la vie pour enfin vivre moi aussi.

    De cette expérience, il me reste une profonde déception de l’être humain, mes enfants et cette belle religion qu’est l’islam.

    J’ai choisi volontairement d’axer mon récit sur certains sujets, d’en éviter d’autres. Un de mes objectifs étant de montrer la différence entre apparence et réalité, ainsi que les dégâts profonds des préjugés sur une vie. Dans un souci de sincérité, même si ça peut être choquant, je transcris mon regard, mes émotions de l’époque, et complète avec mon regard d’adulte, en italique.

    J’ai également modifié des noms par respect pour la vie privée.

    Les détails que je donne permettent de comprendre la subtilité d’une situation, les subtilités qui rendent la violence morale si difficile à détecter. Un regard extérieur perçoit ça comme un détail, mais la répétition et le but évident de nuire en fait une violence très destructrice. J’ai rencontré énormément de personnes qui paraissent folles ou simplement nulles, mauvaises, mais n’étaient en réalité que des victimes. Seul indice : à côté de ces personnes, un proche qui se plaint, en souffre, mais qui au fond rayonne. L’intention de nuire et la répétition.

    Surdoué, Haut potentiel ou la douance : mode de fonctionnement du cerveau, dont est dotée 1 ou 2 % de la population, selon les statistiques. Ce qui signifie que tout le monde en connaît au moins un. Un QI élevé ne suffit pas à qualifier quelqu’un de « surdoué », d’autres critères sont à prendre en compte.

    Monique de Kermadec explique dans ses livres qu’il est aussi difficile pour une personne dotée d’un QI de 70 de s’intégrer dans la société, qu’à une personne qui est évaluée à 130.

    Je suis très sensible, j’ai une excellente mémoire affective, et de manière générale. Je suis entière et mon caractère rend ma vie sociale quasiment nulle. C’est un choix, je préfère ça à être hypocrite. Les convenances sociales et la diplomatie sont indispensables, mais je n’y arrive pas. Je ne suis pas naturelle et à un moment, je bug.

    Chez un adulte éclairé, c’est facile de comprendre, d’analyser, de remettre en question. Un enfant, ça ressent ces émotions sans les comprendre. Combien de mes « copains du fond de la classe » étaient des surdoués non détectés. On s’est tous retrouvés quelques années plus tard chez le dealer.

    J’ai de gros problème en société dite « civilisée ». Je ne supporte pas l’autorité, surtout si elle n’est pas crédible. Je suis très empathique, je sais parfaitement ce que ressent l’autre et je m’en sers en bien ou en mal selon le contexte. Je suis intraitable, intenable, inadaptable et en vieillissant, de plus en plus asociale. J’ai trouvé un métier idéal, sans patron ni collègues, sans aucun contact : l’écriture, la rédaction Web… Même les clients j’ai du mal parfois.

    À 22 ans j’ai arrêté définitivement l’héroïne. Ça faisait un an que j’étais clean, mais j’avais rechuté deux fois un gramme. Je provoque involontairement la polémique partout où je passe. Les gens ont toujours beaucoup de choses à dire sur moi. J’ai remarqué que les gens bien adorent parler des arabes, des musulmans, des drogués, du terrorisme. Ils adorent ça. Je les ai écoutés distraitement pendant des années. Mes clients, mes voisins, certaines personnes de ma famille, mes collègues, mes chefs.

    La vérité : ces « autres » servent à cristalliser toutes leurs peurs. Le drogué vole et maltraite son enfant, le musulman bat sa femme et fait péter des bombes. Pas de ça chez nous.

    Zut. Ces dernières années, on apprend aux infos que ceux qui font péter les bombes sont des français purs jus, nés dans une famille normale, ils sont tout blancs !

    Ce type de personnes, lorsqu’ils me rencontrent, dressent un portrait de moi… effrayant. Puis à force de me côtoyer, de me voir au quotidien, ils se rendent compte que la droguée comprend les enfants mieux qu’ils ne les comprendront jamais. Qu’elle parle quatre langues, alors qu’eux même impriment tout juste trois mots d’anglais.

    Tout leur univers est bouleversé. Deux ou trois réflexions. Voilà c’est fait. Ils me détestent, ils me haïssent : les voilà qui cherchent soigneusement, la moindre faille, le moindre détail qui pourrait leur prouver qu’ils avaient raison : détailler mes enfants, vêtements, bleus, jusqu’aux fesses du bébé à la recherche de la rougeur qui prouvera ma négligence, comité de justiciers qui mettent en commun toutes leurs informations… Réduire le temps de travail des français à 35 h hebdomadaires n’est pas une bonne idée, les français s’ennuient. Puisse se livre les divertir un peu, si on peut joindre l’utile à l’agréable.

    Seulement voilà, aujourd’hui j’ai la colère. La colère de voir tous ces yeux braqués sur moi, qui se détournent innocemment quand une gamine est clairement maltraitée, juste sous leurs yeux. Cette gamine a la mauvais goût d’avoir une famille violente et nombreuse. Alors les bons citoyens veulent s’amuser léger pas cher, pas retrouver leur belle maison brûlée. Et puis « ça ne nous regarde pas… »

    Dans le chemin que j’ai parcouru, tout ce que je croyais n’était pas. J’espère que ce livre permettra de regarder au delà des apparences.

    Introduction

    Février 2018

    Sortie du commissariat. J’ai 5 heures pour préparer mes sacs, tout ce qu’il faut pour ma chienne, ma fille de deux ans qui est à la crèche, et moi. Nourrir les poissons de ma fille en espérant qu’ils ne vont pas tous crever. On en sait pas quand on rentrera. Je préviens mes clients que je ne pourrai pas venir travailler demain. Ni la semaine prochaine. Il y a eu un bug, le père de mes enfants est libéré sans aucune surveillance demain. Il va me tuer. Il a déjà essayé, il m’a toujours ratée. J’aurai peut être moins de chance la prochaine fois.

    Mon fils est en sécurité dans un bon foyer c’est déjà ça. Il va être terrorisé quand je vais rater notre RDV. Il va croire que son père a enfin réussi à m’attraper. Je sais qu’il vit avec cette peur, alors je suis toujours à l’heure. Pas cette fois. Je ne voulais pas partir, mais le tribunal a su se montrer convaincant : ordonnance de placement provisoire sur ma fille, « à votre domicile ». Ce qui signifie que tant que je me tiens tranquille, je ne suis pas séparée de ma fille. Dans le cas contraire, elle est maintenant sous l’autorité de l’Aide Sociale à l’Enfance.

    Hôtel Formule 1. La où tout a commencé. Chaque fois on s’y retrouve, juste les enfants grandissent à chaque fois. Les Formule 1 ne conviennent pas aux enfants de deux ans. Et depuis 2018, les serviettes de bain sont payantes.

    Une semaine plus tard, tribunal des enfants, bureau de la juge

    « Vous avez complétement craqué, vous reprennez de la coke c’est ça HEIN ? »

    Enfin après 10 ans, ils comprennent ce qu’il se passe. La juge se ressaisit, réfléchit et reconnaît son erreur. C’est très rare dans cette profession. Même si je suis dégoûtée, et qu’à ce moment je pleure, des mesures vont être prises. Elle ordonne la mainlevée du placement de ma fille.

    Bureau du procureur.

    Ma fille connaît le chemin du bureau par cœur. Quand on arrive au tribunal, elle danse devant le détecteur de métaux. Elle fait passer son nounours kitty à la raquette, les flics la connaissent, ils la font rire. Le commissariat crasseux de Metz, c’est la madeleine de Proust de ma fille, comme pour d’autres c’est la confiture. Quelle tristesse. Quand on ne va pas voir le procureur, elle est toute perdue.

    Je récupére les dix précieux poissons rouges de ma fille encadrée par dix flics. Quinze jours qu’on erre d’hôtels en hôtels. Plus de travail, plus de crèche. Plus de poissons. Plus d’amis. Mais on est tous les quatre vivants. C’est déjà bien.

    Novembre 2014

    Nous sommes restés séparés cinq ans : 9 mois de séparation effective, et le reste en années de prison. Je l’y ai envoyé moi même un an pour « violences conjugales ». Plus les autres raisons qu’à trouvées le juge : vols, menaces de mort sur éducateur et autres, coups et blessures sur éducateur et autres, dégradation de biens privés…

    Il n’a pas vu son fils depuis ses neuf mois. Il en crève. Du moins c’est ce qu’il disait. Il a bientôt trente ans, il a enfin compris, en vieillissant peut être a t-il réalisé l’importance de la famille. C’était sa 6e incarcération.

    Les années de prison l’ont mis dans un état physique et psychologique terrible. On va essayer de reconstruire tout ça. J’ai tout fait pour. Je l’aime encore et je voudrais qu’on s’en sorte tous ensemble, c’est aussi à ça que sert une famille. Mon fils réclame son père depuis des années, parce que je refuse de l’emmener à la prison. À mon goût trop glauque pour un enfant.

    Il faut qu’il accepte ma conversion à l’islam. C’est la seule chose qui me fait garder l’équilibre et qui me structure alors c’est non négociable. Être clean aussi, qu’il travaille.

    Je pose les cartes sur la table, et conclue « c’est ta dernière chance, si on se sépare à nouveau, ça sera définitif. Combien de tes potes taulards ont leurs meuf qui attendent, sagement pendant presque cinq ans, et leurs proposent ça ? ».

    9 mois plus tard, Septembre 2015

    14 h. Tribunal. Comparutions immédiates. Je suis enceinte de 7 mois. On s’est battus parce qu’il ne voulait pas travailler, il sortait toujours une excuse. Je lui ai dit de se casser. Qu’il était bien content que j’ai moi même travaillé pendant des années pour nourrir son fils et économiser pour sa sortie de détention. Qu’il n’était pas un homme. Plutôt que me massacrer complètement, il a fini par partir, taper quelqu’un d’autre et être incarcéré.

    Je sais que quinze années viennent de se terminer. Une page entière de ma vie. Quand je lui ai parlé séparation, il commencé par répondre « tu veux refaire ta vie, tu vas la refaire toute seule ». Puis il a précisé son idée « j’ai rencontré quelqu’un au centre de détention, un ancien ingénieur aéro nautique. Il a mis une balle à chacun de ses gamins, un gars de Toul. Sa femme voulait divorcer et emmener les enfants. Personne ne les aura comme ça ! Elle n’avait qu’à pas vouloir divorcer ».

    Sa dernière cartouche est grillée.

    Pour le féliciter d’avoir tenu 11 mois sans garde à vue et lui permettre de voir notre fille naître, le tribunal lui accorde un aménagement de peine : le voilà incarcéré pour 6 mois à domicile avec un bracelet électronique. Du jour au lendemain, mon appartement se transforme en cellule****.

    C’est la raison pour laquelle je me suis pointée au tribunal : pour voir si sa peine est assez longue pour que j’aie le temps d’accoucher et disparaître sans traumatiser les enfants. Six mois c’était trop court.

    13 décembre 2015

    J’ai attendu que passe l’anniversaire de mon fils, pour ne pas tout gâcher. La veille, je me suis pris une « branlée » devant mes enfants. Devant mon bébé de trois semaines. J’emmène mon fils à l’école et rentre. Il est en train de tout fracasser par terre. Le clic clac. Les chaises. Puis il range, répare comme il peut et commence à faire le ménage. Pour me montrer comme j’ai de la chance. Contrairement à « mes connards de potes arabes, moi je t’aide à la maison ». Ce à quoi je réponds généralement qu’eux au moins, ne passent pas leur vie en taule et nourrissent leur famille.

    Pas aujourd’hui. La tension est trop haute. Il attend la moindre étincelle pour exploser. Facile, devant une femme de 50 kilos, avec un nouveau né dans les bras. Devant un homme, il est tellement moins courageux.

    J’ai préparé un sac pour le bébé qui a l’air normal mais qui ne l’est pas, puisque caché au fond il y a 200 euros en liquide, et nos papiers. Je fais comme si j’allais en ville acheter le cadeau d’anniversaire du petit. Je le vois commencer à chauffer. Je pousse le vice en ouvrant le sac « tiens fouille aller ! ».

    Le temps qu’il réagisse, je suis déjà en route vers le centre ville. Je révoque mon autorisation du port du bracelet électronique à mon domicile, ce qui de fait le renvoie en taule. Je continue au commissariat ou je re-dépose plainte. « Violence conjugale en récidive » cette fois. On avance, notre relation évolue. Je fais récupérer mon fils à son école avant l’heure normale. J’achète ce qu’il faut pour tenir enfermés quelque part avec mon fils de 7 ans, mon bébé de 3 semaines, et ma chienne de 8 ans, qui fatigue de tout ça.

    20 décembre 2015

    Conversion officielle à l’Islam. J’ai commencé à prier il y a plus de deux ans, mais j’attendais de mûrir cette décision, c’est chose faite.

    Diagnostique, surdoués

    Dans L’adulte surdoué, de Monique de Kermadec, est écrit : « on note chez l’adulte surdoué une intensité exacerbée des émotions (…) une grande maladresse en société (…) une hyper-perception de leurs cinq sens (…) immense sens de l’humour et de l’observation (…) goût vorace pour la lecture (…). »

    Je vis un cauchemar depuis mes deux ans. Un cauchemar dans ma tête. Je suis très très lucide. C’est de la torture. Mon cerveau ne s’arrête jamais.

    Par la suite, je m’attachais à des gens et je voyais leurs défauts de manière tellement évidente que j’étais déçue. Actuellement je n’ai plus que deux amies. J’ai usé les autres même les plus patients, avec mes lubies, mes désirs et mon caractère de merde.

    À mes six ans, je regardais sidérée ma grand mère maternelle partir se suicider parce que j’ai refusé de prêter ma poupée à mon grand père. Je me suis demandée ce jour là si tous les adultes étaient ridicules à ce point. Elle n’est pas morte, elle est rentrée chez elle, a fait un peu son cinéma, a pris une pilule. Elle vieillit bien, toujours aussi folle.

    Encore maintenant, ça lui reprend, elle veut se jeter dans le fleuve avec sa voiture. Elle ne passe jamais à l’acte, elle est toujours vivante.

    J’ai une mémoire étonnante, je me rappelle précisément de choses passés à mes deux ans. C’est de là que vient mon lien avec les enfants : je me souviens de quel enfant j’étais, ce qui me blessait, ce que j’aurai voulu. Je l’applique avec les enfants, chaque jour.

    Les seules règles auxquelles j’ai toujours obéi instinctivement, sont celles, je le saurai plus tard, sorties tout droit du Coran. À l’époque, je croyais que c’était les règles « de mes potes ». Et la première, c’est le respect pour la famille. Non négociable.

    Ma famille est compliquée. Je suis néanmoins d’accord avec cette règle. Je prends tellement sur moi pour ne pas leur manquer de respect que je ne laisse plus rien passer aux autres. Au fil des années, j’ai viré quasiment tout mon entourage. Les autres sont en prison, morts, ou trop infréquentables pour que j’y emmène mes enfants. Il n’en reste que quatre.

    Quand j’ai été adolescente, la rue m’a apporté l’authenticité dont j’avais besoin. Je n’ai jamais apprécié la société dite « civilisée ». Je trouve que quand on s’encombre de convenances, on ne voit plus le vrai des gens. Les apparences prennent le pas sur tout. Les pourritures qui présentent bien n’ont jamais de problèmes.

    Dans la rue, il n’y a pas de tout ça. Pas de différences, la solidarité qui n’existe plus tant que ça dans nos pays riches et malsains. J’ai adoré rencontré des gens des quatre coins de la planète, Guyane, Réunion, Madagascar, Cambodge, Cuba, Côte d’Ivoire, Algérie, Maroc, Tunisie, Yémen, Turquie, Corée, Syrie et tous les autres. On parlait pendant des heures.

    Mes potes malgaches : Au pays, ils vivent avec 30 euros mensuels, et s’occupent de leurs parents, ils sont plus heureux que nous. Pas de consumérisme, pas de profit parce que pas d’argent. Des jeunes qui savent ce qu’est, travailler, respecter ses aînés, et gagner l’argent à la sueur de son front.

    Des valeurs que nos enfants apprennent de moins en moins dans notre société horriblement laxiste. Je n’ai jamais rencontré un enfant africain ou maghrébin insulter ses parents, juste par caprice comme les enfants occidentaux. Tout n’a pas été rose, mais ça a été très enrichissant.

    Cette soif d’apprendre « du vrai » n’a pas été comblée dans ma scolarité. Je m’ennuyais comme un rat mort en cours. La théorie c’est bien joli, mais tant que je ne mets pas en pratique, je n’imprime rien, ou alors ça ne m’intéresse pas. Au début, jusqu’au CE2, on me donnait des cours et des devoirs de plus.

    Après j’ai décroché. Les profs n’avaient plus le temps de me faire un programme sur mesure. Quasiment personne ne sait, surtout à l’époque, ce qu’est un vrai surdoué. Même à l’heure actuelle je ne dis jamais « je suis surdouée ». Ça me pose bien trop de problèmes. J’ai peut-être dit à cinq personnes, les deux plus proches m’ont cru, l’autre m’a dit « ah ouais mais moi aussi je suis surdouée » alors que franchement c’était loin d’être une lumière cette meuf. Quel intérêt d’en parler ? Pour mon fils, qui a été détecté à 5 ans, je n’en parle pas non plus. Je le sais, je fais en conséquences. J’en parle en cas de stricte nécessité.

    J’ai traîné avec un copain surdoué aussi, je lui écrivais ses cours, pendant qu’on discutait parce qu’il détestait écrire.

    Puis j’ai commencé à traîner avec les drogués, les petits rebelles, vers mes douze ans. Quelle naïve, j’étais contente de moi et en plus enfin j’apprenais des trucs intéressants. Défoncée, les cours passaient tellement plus vite !

    Ma mère m’a menacée d’aller vivre chez mes grands parents si je n’avais pas mon bac alors je l’ai eu, j’ai fait le strict, du strict minimum. Ma note ? 10,02 ; j’avais 17ans et quatre mois, et j’étais déjà « polytoxicomane » avérée. J’ai arrêté l’école et cherché un travail. J’étais avec Grég depuis près de deux ans, on voulait commencer à avancer.

    Indéniablement, j’étais différente voire bizarre.

    Plus je vieillissais, plus mes notes baissaient. C’était compliqué de se douter que j’avais besoin d’un test de QI. Pire encore, avec l’air abruti que me donnaient les poignées de médicaments que j’avalais depuis mes 11 ans.

    Le seul test de QI (bidon) que j’ai accepté de faire, a donné 118 après vingt joints d’herbe excellente fumés les dernière quarante heures. Et pas mal de médicaments. Je me suis fait une raison, j’ai grillé une bonne partie de mon cerveau. Ça ne me déprime pas plus que ça, c’était fait exprès.

    C’est certainement parce que je pensais être folle que je fréquentais des marginaux. En société, ma différence m’a toujours posé de gros problèmes. J’essayais de m’intégrer, pour être comme tout le monde, faire des efforts pour leur ressembler, mais il y avait une frontière infranchissable. Dans la rue c’est différent.

    Mes similitudes avec mon fils nous posent des problèmes encore actuellement. C’est un enfant d’une grande intelligence. À deux ans, il n’hésitait pas à manipuler famille, inconnus, travailleurs sociaux et amis, dans le seul but de faire ce qu’il voulait. La crise d’opposition normale des deux ans a failli virer à la catastrophe. Ça n’était pas seulement le fait de son intelligence. Les préjugés des personnes censées nous aider, les idées reçues…

    L’éducateur sait, puisque je suis suivie par un juge pour enfants depuis mon adolescence, que je suis une droguée en sevrage. Le moindre problème de mon fils est mis sur le compte de « sa mère était en manque ; sa mère se drogue ; les potes de sa mère… ». « Que s’est il passé Madame, pour que ce petit soit comme ça ! » et d’autres. Mon fils en a joué pendant des années. Comme tous les enfants il a trouvé la faille. Une faille que ma famille s’est amusée à élargir, jusqu’à ce que ça devienne un cratère.

    Ma vie est plus tirée par les cheveux que certaines fictions, c’est pour ça que j’ai choisi d’écrire. Parce que je veux casser tous les préjugés sur l’Islam, sur la drogue, sur les gens biens. Expliquer peut faire voir les choses différemment.

    Ce témoignage est exact, je n’invente pas un mot. J’ai vécu dans un monde borderline, et pour me « mettre au vert », j’ai déménagé dans un quartier de « bobos », de gens snobs. Tout n’est jamais tout blanc ou tout noir. J’ai rencontré des voyous merveilleux, et des pétasses ceintures guess et maquillage chanel laisser leur bébé se faire maltraiter pour ne pas perdre leurs avantages.

    Je préfère encore la fille qui s’assume sur le trottoir. Parce qu’au fond, c’est la même chose.

    Et puis enfin des amis m’ont montré que tous les apprentissages n’étaient pas inutiles. Après mon sevrage d’héroïne et de médicaments, je continuais de fumer des joints pour me réguler (réussir à dormir, être suffisamment détendue pour ressentir de la faim et oublier mes cauchemars nocturnes ou éveillés). Je fumais parfois 20 joints par jour, et je gérais toujours nickel mon travail mes papiers, mon travail domestique.

    Apprendre l’arabe et les sourates de Coran nécessitait que je diminue le cannabis. L’arabe étant une langue passionnante mais bien plus compliquée qu’elle n’y paraît. Je suis passée de 20 à 13. De 13 à 6. Petit à petit. Je fume un peu plus dans les moments difficiles et me régule comme ça.

    Mon sevrage complet s’est étalé sur plus de 10 années. Doucement mais sûrement. Le plus important étant mon bien être. Sevrage forcé = maman irritable. Avec des enfants aux besoins particuliers, c’est impossible.

    De la même manière, casser les stéréotypes du surdoué qui a 165 de QI. Je ne sais quasiment pas compter, je mets une demi journée à monter un hôpital Playmobile pour 4 ans 6 ans. Combien d’enfants sont tellement intelligents. Ils ont un comportement très étrange. Ils passent pour des tarés. Sauf qu’ils sont ultra sensibles et qu’ils ont un entourage qui n’en tient pas compte (quand il n’est pas franchement nuisible).

    J’ai cherché pendant des années qu’est ce que je pouvais avoir comme maladie psychiatrique. Un jour ma cousine m’a appelée toute fière de sa trouvaille pour me dire qu’elle avait trouvé : « tu es borderline ». Elle était ravie de m’énumérer les symptômes. Je me suis retenue de lui dire « qu’une maladie ça se soigne et ça évolue, pour toi c’est perdu, tu n’évolueras jamais ».

    Je vis mal ces conflits permanents avec ma famille et les gens dehors qui se permettent (ils sont nombreux) des choses qu’encore aujourd’hui je n’explique pas : je refuse de céder à un caprice de mon fils qui exige un bonbon, un homme me dit « Madame quand même pour cinq centimes », le jour où il hurle pour pouvoir courir dans le bus en marche « laissez le vivre ». Encore pire avec ma famille qui essaie de m’interdire d’acheter quelque chose à mon fils. Elle a l’air gentil. Elle n’osera pas… Comme je ne cède jamais, je m’épuise.

    Si je suis obligée de céder, c’est pour faire payer plus cher encore, ou parce que je suis épuisée. Et malheur à celui qui profite de ma fatigue pour m’enfoncer plus encore, une fois mon énergie revenue, je suis impitoyable. Trop de personnes qui n’arrivent pas à me faire plier quand je suis en bonne santé ont essayé cette méthode.

    Tout est trop chez moi. Trop impulsive, trop amoureuse, trop cocotte minute, trop passionnée, trop folle, trop nerveuse, trop mince ou trop grosse, trop propre, trop violente quand j’explose, trop rapide, trop franche, trop instable, trop fatiguée, trop dynamique, trop défoncée, trop triste, trop excitée, trop méchante, trop gentille, trop insensible, trop sensible, trop délurée, trop sage, trop renfermée, trop exubérante. Je suis trop.

    Cet exil des personnes différentes m’a conduite là où tout le monde est différent : dans la rue. Mon entourage ne me comprenait plus depuis longtemps, le serpent qui se mord la queue.

    M’interdire de sortir à 17 ans, alors que je me préparais et partais à l’école seule avant d’avoir cinq ans, c’est compliqué. Et c’était surtout trop tard.

    Le seul but que j’ai eu dans ma vie, le bonheur de mon fils, puis de ma fille. Ma seule alliée, ma chienne exceptionnelle. Depuis mes 18 ans on est inséparables. Je n’aimais même pas les chiens. Mon dernier chat était tellement con que je ne voulais plus d’animaux. Puis j’ai rencontré Heyss.

    À l’heure actuelle, mon fils est comme moi, dans sa structure mentale et dans son fonctionnement. Malgré toutes mes conneries, je fais mon maximum pour ne pas reproduire diverses erreurs qui ont été faites sur moi. Je fais tout pour favoriser son estime de soi : je l’ai tellement bien fait qu’à cinq ans, plus rien ne l’arrête.

    Je rend quasiment prioritaire sa nourriture intellectuelle et son développement physique : quad, moto, rollers, vélo, parcs de jeux, jardin des plantes, jardinage, arts plastiques, cuisine, observation des animaux (élevage de fourmi, cours sur l’éducation des chiens, surveillance d’une toile d’araignée épargnée pour l’occasion, capture d’insectes, livres), jeux de société (bébé-échecs, dames, mille bornes, Monopoly, Scrabble bébé, Triomino et plein d’autres), pour ses cinq ans, il a reçu une atelier de cuisine crado (dessert au pipi caca, gâteau en forme de rat, cervelle sucrée, yeux globuleux sucrés), un fossile à déterrer comme un vrai archéologue, expériences de chimie pour petits enfants, plante du futur à faire grandir, aquarium pour plantes sauvage (on voit les racines grandir et les fourmis faire leurs galeries), puis d’autres jouets amusants cette fois. Il adore toutes ces choses. Le seul problème dans tout ça est qu’il exige de moi une attention constante.

    C’est un enfant d’une vive intelligence et que j’adore éduquer. Il le sait. Il en joue chaque jour que Dieu fait. C’est difficile d’être parent. D’être parent d’un petit comme Illyès, c’est éreintant, mais tellement gratifiant.

    Comment on devient une enfant toxico

    De ma naissance je ne sais rien parce que ma mère biologique m’a abandonnée tout de suite. Elle devait venir me voir trois jours après, n’est jamais venue. Trop difficile. Elle avait dix neuf ans, et ne voulait pas galérer avec un bébé. Elle a accouché sous X, sans que personne de son entourage ne se doute de quelque chose et a refait sa vie.

    J’ai pu constater que malgré tout l’amour d’une famille et malgré le peu de temps passé à la DASS, les séquelles d’une séparation si précoce d’avec la mère, ont une influence toute la vie sur le relationnel. Je ne fais confiance à personne, je n’ai aucun lien durable ou si peu (à part ma famille). Et plein d’autres choses inconscientes je suppose. J’ai malgré tout reçu plus d’amour de certaines personnes dans ma famille, que n’en recevront certains enfants de leur famille biologiques.

    Je suis restée 2 mois à la DASS. J’ai rencontré un bébé notamment, qui a presque passé ses trois premières années dans un foyer de ce genre. Le regard de ce magnifique bébé, je ne l’oublierai jamais. Un regard si triste sur la bouille d’un petit de deux ans. C’est terrible. Le monde extérieur le terrifie. 2 ans, c’est l’âge où on saute partout, où on court sous une voiture pour attraper un papillon. Certains placements sont salutaires, lorsque l’enfant est en danger. Cette séparation en revanche, était abusive. Un des nombreux abus que j’ai constatés à l’Aide Sociale à l’Enfance de certains départements.

    Mes parents ne m’ont jamais caché mes origines. Je suis entrée en maternelle à deux ans et demi. Ça me plaisait j’apprenais des choses bien. J’étais contente d’y aller à cette époque.

    C’est l’année de la petite section que j’ai commencé à vivre au gré de mes questions, de mes interrogations. Les normales, genre « qu’est ce qui arrive si je tape un enfant ».

    D’autres moins normales. Je venais en bus tous les matins. Pendant longtemps, je me suis demandé « où dormait le bus ». Un jour, je me suis cachée tout à l’arrière du bus, sous les sièges. Il m’a emmené au dépôt. J’ai quand même finit par dire au chauffeur que j’étais là, parce que je le voyais s’en aller. Malgré mes trois ans, j’avais une excuse toute prête : Je m’étais endormie. Je ne sais plus comment je suis rentrée. Qui m’a ramené ? Ce n’était pas important : j’avais ma réponse.

    Ma tante, mon oncle ma grand-mère et mon grand-père, j’y ai toujours été très attachée. Ce sont des gens supers, ils sont à part, parce qu’ils n’ont aucun des défauts que je déteste tant. Ils sont droits et ils ont le cœur sur la main. Ma grand-mère Mamou elle s’occupe de nous, au début elle travaille encore, elle m’emmène en vélo à la maternelle et va travailler ; elle est courageuse et digne, elle est formidable. Elle sait tout faire super bien, même une salade de tomate bidon, quand c’est elle qui fait c’est trop bon. C’est pour ça que ma fille portera son prénom.

    Ma grand-mère paternelle est quelqu’un, une des rares personnes encore à cette heure, à qui je ne trouve pas de défauts. Elle s’est consacrée à sa famille toute sa vie. Son plaisir, c’est faire plaisir, recevoir sa famille, s’occuper des petits, travailler, leur faire des vêtements, nettoyer la maison. Elle ne fume pas ne boit pas. Elle ne médit pas, elle est humble. Elle a éduqué ses enfants comme elle.

    Ma tante s’occupait de moi aussi, tout en étudiant ses cours pour être infirmière. Elle a toujours été très appréciée de tous les enfants. Je leurs doit beaucoup. Elle m’ont beaucoup appris. Sans elles, j’aurais carrément été inépousable, incasable.

    C’est chez eux que j’étais gardée quand mes parents travaillaient.

    Année 1994, l’arrivée de mon frère, a été difficile pour ma famille. Mon grand père paternel et mon oncle maternel sont décédés. J’avais trois ans, et comme mon oncle était pompier, on m’a dit qu’il était mort dans un accident avec son véhicule. En fait il s’est suicidé, et a laissé ses trois enfants, mes cousins.

    C’était sa troisième tentative de suicide. Les deux premières étaient sérieuses, puisqu’il avait attaché sa femme pour qu’elle ne l’empêche pas à nouveau de se tuer. Juste avant il appelé ses parents, mes grands parents maternels, il leur a demandé de l’aide. Ils devaient aller acheter du foie gras et ne voulaient pas décaler leur voyage. À leur retour mon oncle était mort. Il est venu passé une semaine chez mes parents, mais ça n’a pas suffit.

    Ce mensonge, visait à nous épargner la vérité, mais a eu une conséquence horrible pour moi : j’ai découvert qu’on avait le droit de mentir pour protéger ceux qu’on aime. J’étais choquée quand j’ai su la vérité. Je ne comprenais pas. On m’a toujours dit qu’on ne doit pas mentir. Ce jour là je croyais que ma mère était parfaite, qu’elle ne faisait jamais ce genre de choses. Ça m’a perturbée pendant plusieurs mois. Après ça a été l’histoire du Père Noël. Ça m’a toujours paru suspect. Je n’avais jamais imaginé que ma mère pouvait mentir. L’idée ne m’avait même jamais effleurée. J’ai commencé à tout remettre en question avant mes cinq ans.

    J’aurais fait pareil pour protéger mon fils dans une situation similaire. Mais à l’époque, j’avais 4 ans, ça m’a remuée.

    Mes grands parents maternels, je les voyais pendant les vacances scolaires principalement. Mon grand-père est un ancien colonel de l’armée de l’air, mais à la maison ma grand mère tyrannisait tout le monde. Elle est gentille avec les petits enfants parce qu’ils sont naïfs, et avec les adultes le temps qu’il faut pour arriver à ses fins.

    Elle va à la messe tous les dimanches, elle donne aux nécessiteux, 5euros à la quête, mais entre les quatre murs de sa maison, elle dit à sa fille « qu’elle peut crever la bouche ouverte ».

    De cette année là, je me souviens juste que j’étais très mal de voir mon entourage être triste. Je ne conçois pas que je ne verrai plus jamais mon grand père. Même d’avant mes trois ans, je me rappelle des choses, surtout que je l’aimais beaucoup. Lorsque je comprends vers six ans ce qu’est la mort, je vais être bouleversée et commencer à avoir peur pour tous ceux que j’aime. Je m’en voulais de ne pas avoir éprouvé de peine plus tôt et de ne pas avoir compris ce que c’est être mort.

    Je suis entrée en grande section à quatre ans et demi, sans passer par la moyenne parce que je savais déjà lire. Je m’ennuyais encore, mais les instits ont trouvé deux ans d’avance auraient été mauvais pour moi. Mon niveau n’étais pas du tout égal en maths et en français, la maturité des enfants est trop différente d’une année à l’autre. Je connaissais déjà des problèmes d’intégrations. Je me revois dans la cour de la maternelle, j’étais déjà décalée.

    Mon frère se révèle être un enfant difficile. En 1994, on ne connaissait même pas les conséquences psychologiques qu’engendre un abandon, quand bien même tout soit nickel dans la famille adoptante.

    [actuellement soupçonné d’avoir agressé sexuellement mon fils]

    Je ne me suis jamais opposée à mes parents pendant quatorze ans. Ils ont été abasourdis lorsque j’ai explosé. Je souffrais de graves insomnies et angoisse, dépression, de l’asthme dû au stress, crises d’angoisse. La totale. Je cachais tous mes problèmes, car mon frère leur en causait bien assez. Je passais des heures dans ma chambre à lire ou écouter de la musique, parce qu’il créait (et crée toujours) une ambiance atroce. Il piquait des crises en hurlant qu’il ne voulait pas de sœur.

    Un jour il a voulu me mettre un coup de couteau parce que j’avais mangé de la galette. Et une autre fois il m’a explosé la lèvre alors que je lisais.

    J’ai compté les jours, les années pendant plus de dix ans, avec désespoir, qui me séparaient de ma majorité. Il a gâché chaque effort de mes parents, tous leurs amis se sont éloignés. Mon père, qui a toujours tout fait pour nous, « je vais te casser le dos ; je vais te tuer quand tu dors ». Il lui rappelle qu’il « n’est pas son vrai père », alors que mon père en fait pour nous mille fois plus que bien des pères biologiques.

    Il a toujours été un connard. La complaisance de ma mère en a fait un danger pour tous les individus vulnérables du département. Elle lui a appris au fils des années, qu’il est quelqu’un d’exceptionnel, qui a tous les droits (notamment sur moi et mes enfants), que rien n’est jamais de sa faute. Les médecins l’ont même reconnu handicapé pour « troubles du comportement », il touche de l’argent pour ça. Troubles du comportement, c’est à dire : tout casser chez mes parents pour avoir de l’argent, frapper mon fils de cinq ans, moi, voler, insulter… Il n’est pas malade : quand il a face à lui quelqu’un de plus fort, il pleure. J’ai attendu ses 25 ans pour que l’excuse de la jeunesse ne tienne plus. Comme pour tous les gens malsains de notre entourage, je l’ai viré de nos vies. Ce qui fait un très gros problème de moins.

    Un jour mon éducateur m’a dit que certains membres de ma famille agissait d’une manière appelée « double contrainte ». Il me dit que les deux seules issues à ce comportement, c’est la folie ou la toxicomanie. Au choix.

    Exemple assez clair : Cette histoire de poupée, que j’ai reçue pour mon anniversaire et que je ne veux pas prêter à mon grand père. Ma grand mère pique une colère et part se suicider, elle aussi. J’ai six ans. Finalement, une fois rentrée chez elle, elle décide de ne plus se suicider. Lorsque j’en ai 25, ils me disent clairement que je suis la cause de tous les problèmes de la famille. Lorsque je veux « éloigner le problème », c’est à dire me casser, changer de région, déménager, c’est chantage affectif, on ne verra plus Illyès, et puis untel est malade, et après tout ce qu’on a fait pour vous…

    Voilà comment rendre un enfant taré.

    J’ai commencé à m’enfermer dans les livres sombres vers mes sept ans, à m’interroger sur la mort, les camps de concentrations, pour lesquels j’éprouvais beaucoup d’intérêt. À 8ans j’étais blasée de Stephen King. J’adorais mon chat aussi, sur lequel je versais mon trop plein d’affection. Et à la fin de mon année de CE2, le chat est mort. J’ai commencé par haïr le vétérinaire. Je voulais être vétérinaire à cette époque, ça a été fini. Direct.

    Ont commencé d’horribles insomnies. Et la tournée des psychiatres, j’avais toujours été bizarre, mais là, j’étais carrément en dépression. Découverte des médicaments.

    Actuellement, les benzodiazépines sont censés être interdits aux mineurs. Certains médicaments qu’on me donnaient à l’époque ne sont même plus prescrits en psychiatrie, tellement les effets sont dévastateurs. Sauf que certains médecins ignorants les prescrivent encore à tour de bras.

    Aux deux ans de mon fils, un généraliste lui a prescrit du Théralène, calmant mélangé à de l’alcool. Le premier qu’on m’a donné, quand j’avais 8 ans. J’ai refusé de lui donner. Les travailleurs sociaux m’ont pourrie. « Pour qui vous prenez vous, vous passez outre un médecin ! ». Pour un peu, j’aurais été accusée de négligences. J’ai menti. Je les ai pris moi même. Je ne le regrette pas. Ça aurait été confortable de les lui donner. J’aurais été tranquille, il aurait été défoncé.

    En deux trois ans, je me suis mise à grossir. Je ne me suis jamais intégrée à l’école. Je lisais des livres que certains de mes camarades ne liront jamais de leur vie. Au CP, je restais avec les filles de CM2 pendant la récréation, mais quand elles sont entrées au collège, je me suis retrouvée seule. Généralement je suis avec des gens beaucoup plus vieux que moi, j’ai besoin d’apprendre toujours des choses. À vingt ans, j’avais des potes de plus de quarante ans parfois.

    Je n’ai jamais compris les codes des autres.

    Je voulais de l’aide pour faire un régime. Ma mère a dit que c’était inutile, que je ne maigrirai pas. Je mûrissais tout doucement une plongée dans l’anorexie. Mes insomnies et mes cauchemars se sont aggravés, pour ne plus jamais s’arrêter. J’ai huit ans et demi.

    L’année de CM1 a été agréable pour moi, grâce à un pote, Mattew, « collègue de fond de classe », un gars super intelligent, qui s’ennuyait autant que moi, et à une maîtresse qui rendait les cours intéressants (enfin !). Elle parlait comme nous, nous faisait rire, elle était très douce. On se tenait tranquille. C’est une des seule à s’être interrogée à notre sujet.

    J’avais un nouveau pote avec qui je m’entendais bien, il me faisait hurler de rire, Titi, il racontait des trucs de fou. Il avait un comportement excentrique, il hurlait, faisait des conneries énormes (comme faire croire à sa mère qu’il s’était planté un couteau dans le ventre, avec le colorant et tout, se lever et hurler « bonne fête maman »). Le genre de gosse qu’on qualifie d’intenable. Mais quand il était calme, posé (avec un joint dans la bouche par exemple), ça n’avait plus rien à voir, il était super intelligent. Avec Titi et Mattew, on s’est retrouvés tous les trois sur le marché de la drogue cinq ans plus tard.

    Je commençais à avoir de grosses difficultés en maths, sciences et logique en général. Mais 19,5/20 en français. Je donnais encore le change, mais plus pour très longtemps. Les maths étaient pour moi, un mystère inintéressant au possible.

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